Aristote Traduction de Pascale Nau Livre 1 Chapitre 1 [980a] Tous les hommes ont un dĂ©sir naturel de savoir, comme le tĂ©moigne lĂąâŹâąardeur avec laquelle on recherche les connaissances qui sĂąâŹâąacquiĂšrent par les sens. On les recherche, en effet, pour elles-mĂÂȘmes et indĂ©pendamment de leur utilitĂ©, surtout celles que nous devons Ă la vue ; car ce nĂąâŹâąest pas seulement dans un but pratique, cĂąâŹâąest sans vouloir en faire aucun usage, que nous prĂ©fĂ©rons en quelque maniĂšre cette sensation Ă toutes les autres ; cela vient de ce quĂąâŹâąelle nous fait connaĂtre plus dĂąâŹâąobjets, et nous dĂ©couvre plus de diffĂ©rences. La nature a donnĂ© aux animaux la facultĂ© de sentir mais chez les uns, la sensation ne produit pas la mĂ©moire, chez les autres, elle la produit ; [980b] et cĂąâŹâąest pour cela que ces derniers sont plus intelligents et plus capables dĂąâŹâąapprendre que ceux qui nĂąâŹâąont pas la facultĂ© de se ressouvenir. LĂąâŹâąintelligence toute seule, sans la facultĂ© dĂąâŹâąapprendre, est le partage de ceux qui ne peuvent entendre les sons, comme les abeilles et les autres animaux de cette espĂšce ; la capacitĂ© dĂąâŹâąapprendre est propre Ă tous ceux qui rĂ©unissent Ă la mĂ©moire le sens de lĂąâŹâąouĂÂŻe. Il y a des espĂšces qui sont rĂ©duites Ă lĂąâŹâąimagination et Ă la mĂ©moire, et qui sont peu capables dĂąâŹâąexpĂ©rience mais la race humaine sĂąâŹâąĂ©lĂšve jusquĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąart et jusquĂąâŹâąau raisonnement. CĂąâŹâąest la mĂ©moire qui dans lĂąâŹâąhomme produit lĂąâŹâąexpĂ©rience ; car plusieurs ressouvenirs dĂąâŹâąune mĂÂȘme chose constituent une expĂ©rience ; aussi lĂąâŹâąexpĂ©rience paraĂt-elle presque semblable Ă la science et Ă lĂąâŹâąart ; [981a] et cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąexpĂ©rience que lĂąâŹâąart et la science viennent aux hommes ; car, comme le dit Polus, et avec raison, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąexpĂ©rience qui fait lĂąâŹâąart, et lĂąâŹâąinexpĂ©rience le hasard. LĂąâŹâąart commence, lorsque, de plusieurs donnĂ©es empruntĂ©es Ă lĂąâŹâąexpĂ©rience, se forme une seule notion gĂ©nĂ©rale, qui sĂąâŹâąapplique Ă tous les cas analogues. Savoir que Callias Ă©tant attaquĂ© de telle maladie, tel remĂšde lui a rĂ©ussi, ainsi quĂąâŹâąĂ Socrate ; et de mĂÂȘme Ă plusieurs autres pris individuellement, cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąexpĂ©rience ; mais savoir dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale que tous les individus compris dans une mĂÂȘme classe et atteints de telle maladie, de la pituite, par exemple, ou de la bile ou de la fiĂšvre, ont Ă©tĂ© guĂ©ris par le mĂÂȘme remĂšde, cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąart. Pour la pratique, lĂąâŹâąexpĂ©rience ne diffĂšre pas de lĂąâŹâąart, et mĂÂȘme les hommes dĂąâŹâąexpĂ©rience atteignent mieux leur but que ceux qui nĂąâŹâąont que la thĂ©orie sans lĂąâŹâąexpĂ©rience ; la raison en est que lĂąâŹâąexpĂ©rience est la connaissance du particulier, lĂąâŹâąart celle du gĂ©nĂ©ral, et que tout acte, tout fait tombe sur le particulier ; car ce nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąhomme en gĂ©nĂ©ral que guĂ©rit le mĂ©decin, mais lĂąâŹâąhomme particulier, mais Callias ou Socrate, ou tout autre individu semblable, qui se trouve ĂÂȘtre un homme ; si donc quelquĂąâŹâąun possĂšde la thĂ©orie sans lĂąâŹâąexpĂ©rience, et connaĂt le gĂ©nĂ©ral sans connaĂtre le particulier dont il se compose, celui-lĂ se trompera souvent sur le remĂšde Ă employer ; car ce quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit de guĂ©rir, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąindividu. Cependant on croit que le savoir appartient plus Ă lĂąâŹâąart quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąexpĂ©rience, et on tient pour plus sages les hommes dĂąâŹâąart que les hommes dĂąâŹâąexpĂ©rience ; car la sagesse est toujours en raison du savoir. Et il en est ainsi parce que les premiers connaissent la cause, tandis que les seconds ne la connaissent pas ; les hommes dĂąâŹâąexpĂ©rience en effet, savent bien quĂąâŹâąune chose est, mais le pourquoi, ils lĂąâŹâąignorent ; les autres, au contraire, savent le pourquoi et la cause. Aussi on regarde en toute circonstance les architectes comme supĂ©rieurs en considĂ©ration, en savoir et en sagesse aux simples manĂ
âuvres, parce quĂąâŹâąils savent la raison de ce qui se fait, tandis quĂąâŹâąil en est de ces derniers comme de ces espĂšces inanimĂ©es qui agissent sans savoir ce quelles font, par exemple, le feu qui brĂ»le sans savoir quĂąâŹâąil brĂ»le. [981b] Les ĂÂȘtres insensibles suivent lĂąâŹâąimpulsion de leur nature ; les manĂ
âuvres suivent lĂąâŹâąhabitude ; aussi nĂąâŹâąest-ce pas par rapport Ă la pratique quĂąâŹâąon prĂ©fĂšre les architectes aux manĂ
âuvres, mais par rapport Ă la thĂ©orie, et parce quĂąâŹâąils ont la connaissance des causes. Enfin, ce qui distingue le savant, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil peut enseigner ; et cĂąâŹâąest pourquoi on pense quĂąâŹâąil y a plus de savoir dans lĂąâŹâąart que dans lĂąâŹâąexpĂ©rience ; car lĂąâŹâąhomme dĂąâŹâąart peut enseigner, lĂąâŹâąhomme dĂąâŹâąexpĂ©rience ne le peut pas. En outre, on nĂąâŹâąattribue la sagesse Ă aucune des connaissances qui viennent par les sens, quoiquĂąâŹâąils soient le vrai moyen de connaĂtre les choses particuliĂšres ; mais ils ne nous disent le pourquoi de rien ; par exemple, ils ne nous apprennent pas pourquoi le feu est chaud, mais seulement quĂąâŹâąil est chaud. DĂąâŹâąaprĂšs cela, il Ă©tait naturel que le premier qui trouva, au-dessus des connaissances sensibles, communes Ă tous, un art quelconque, celui-lĂ fut admirĂ© des hommes, non seulement Ă cause de lĂąâŹâąutilitĂ© de ses dĂ©couvertes, mais aussi comme un sage supĂ©rieur au reste des hommes. Les arts sĂąâŹâąĂ©tant multipliĂ©s, et les uns se rapportant aux nĂ©cessitĂ©s, les autres aux agrĂ©ments de la vie, les inventeurs de ceux-ci ont toujours Ă©tĂ© estimĂ©s plus sages que les inventeurs de ceux-lĂ , parce que leurs dĂ©couvertes ne se rapportaient pas Ă des besoins. Ces deux sortes dĂąâŹâąarts une fois trouvĂ©s, on en dĂ©couvrit dĂąâŹâąautres qui nĂąâŹâąavaient plus pour objet ni le plaisir ni la nĂ©cessitĂ©, et ce fut dĂąâŹâąabord dans les pays oĂÂč les hommes avaient du loisir. Ainsi, cĂąâŹâąest en Ăâ°gypte que les mathĂ©matiques se sont formĂ©es ; lĂ , en effet, beaucoup de loisir Ă©tait laissĂ© Ă la caste des prĂÂȘtres. Du reste, nous avons dit dans la Morale en quoi diffĂšrent lĂąâŹâąart et la science et les autres degrĂ©s de connaissance ; ce que nous voulons Ă©tablir ici, cĂąâŹâąest que tout le monde entend par la sagesse Ă proprement parler la connaissance des premiĂšres causes et des principes ; de telle sorte que, comme nous lĂąâŹâąavons dĂ©jĂ dit, sous le rapport de la sagesse, lĂąâŹâąexpĂ©rience est supĂ©rieure Ă la sensation, lĂąâŹâąart Ă lĂąâŹâąexpĂ©rience, lĂąâŹâąarchitecte au manĂ
âuvre et la thĂ©orie Ă la pratique. [982a] Il est clair dĂąâŹâąaprĂšs cela que la sagesse par excellence, la philosophie est la science de certains principes et de certaines causes. Chapitre 2 Puisque telle est la science que nous cherchons, il nous faut examiner de quelles causes et de quels principes sĂąâŹâąoccupe cette science qui est la philosophie. CĂąâŹâąest ce que nous pourrons Ă©claircir par les diverses maniĂšres dont on conçoit gĂ©nĂ©ralement le philosophe. On entend dĂąâŹâąabord par ce mot lĂąâŹâąhomme qui sait tout, autant que cela est possible, sans savoir les dĂ©tails. En second lieu, on appelle philosophe celui qui peut connaĂtre les choses difficiles et peu accessibles Ă la connaissance humaine ; or les connaissances sensibles Ă©tant communes Ă tous et par consĂ©quent faciles, nĂąâŹâąont rien de philosophique. Ensuite on croit que plus un homme est exact et capable dĂąâŹâąenseigner les causes, plus il est philosophe en toute science. En outre, la science quĂąâŹâąon Ă©tudie pour elle-mĂÂȘme et dans le seul but de savoir, paraĂt plutĂÂŽt la philosophie que celle quĂąâŹâąon apprend en vue de ses rĂ©sultats. Enfin, de deux sciences, celle qui domine lĂąâŹâąautre, est plutĂÂŽt la philosophie que celle qui lui est subordonnĂ©e ; car le philosophe ne doit pas recevoir des lois, mais en donner ; et il ne doit pas obĂ©ir Ă un autre, mais cĂąâŹâąest au moins sage Ă lui obĂ©ir. Telle est la nature et le nombre des idĂ©es que nous nous formons de la philosophie et du philosophe. De tous ces caractĂšres de la philosophie, celui qui consiste Ă savoir toutes choses, appartient surtout Ă lĂąâŹâąhomme qui possĂšde le mieux la connaissance du gĂ©nĂ©ral ; car celui-lĂ sait ce qui en est de tous les sujets particuliers. Et puis les connaissances les plus gĂ©nĂ©rales sont peut-ĂÂȘtre les plus difficiles Ă acquĂ©rir ; car elles sont les plus Ă©loignĂ©es des sensations. Ensuite, les sciences les plus exactes sont celles qui sĂąâŹâąoccupent le plus des principes. En effet, celles dont lĂąâŹâąobjet est plus simple sont plus exactes que celles dont lĂąâŹâąobjet est plus composĂ©. LĂąâŹâąarithmĂ©tique, par exemple, est plus exacte que la gĂ©omĂ©trie. DĂąâŹâąailleurs, la science la plus apte Ă enseigner est celle qui Ă©tudie les causes, car enseigner, cĂąâŹâąest dire les causes de chaque chose. De plus, savoir uniquement pour savoir, appartient surtout Ă la science de ce quĂąâŹâąil y a de plus scientifique. En effet, celui qui veut apprendre dans le seul but dĂąâŹâąapprendre, choisira sur toute autre la science par excellence, cĂąâŹâąest-Ă -dire la science de ce quĂąâŹâąil y a de plus scientifique ; et ce quĂąâŹâąil y a de plus scientifique, [982b] ce sont les principes et les causes ; car cĂąâŹâąest Ă lĂąâŹâąaide des principes et par eux que nous connaissons les autres choses, et non pas les principes par les sujets particuliers. Enfin, la science souveraine, faite pour dominer toutes les autres, est celle qui connaĂt pourquoi il faut faire chaque chose ; or, ce pourquoi est le bien dans chaque chose, et, en gĂ©nĂ©ral, cĂąâŹâąest le bien absolu dans toute la nature. De tout ce que nous venons de dire, il rĂ©sulte que le mot Philosophie dont nous avons recherchĂ© les diverses significations, se rapporte Ă une seule et mĂÂȘme science. Une telle science sĂąâŹâąĂ©lĂšve aux principes et aux causes ; or, le bien, la raison des choses, est au nombre des causes. Et quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąa pas un but pratique, cĂąâŹâąest ce qui est Ă©vident par lĂąâŹâąexemple des premiers qui se sont occupĂ©s de philosophie. Ce fut, en effet, lĂąâŹâąĂ©tonnement dĂąâŹâąabord comme aujourdĂąâŹâąhui, qui fit naĂtre parmi les hommes les recherches philosophiques. Entre les phĂ©nomĂšnes qui les frappaient, leur curiositĂ© se porta dĂąâŹâąabord sur ce qui Ă©tait le plus Ă leur portĂ©e ; puis, sĂąâŹâąavançant ainsi peu Ă peu, ils en vinrent Ă se demander compte de plus grands phĂ©nomĂšnes, comme des divers Ă©tats de la lune, du soleil, des astres, et enfin de lĂąâŹâąorigine de lĂąâŹâąunivers. Or, douter et sĂąâŹâąĂ©tonner, cĂąâŹâąest reconnaĂtre son ignorance. VoilĂ pourquoi on peut dire en quelque maniĂšre que lĂąâŹâąami de la philosophie est aussi celui des mythes ; car la matiĂšre du mythe, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ©tonnant, le merveilleux. Si donc on a philosophĂ© pour Ă©chapper Ă lĂąâŹâąignorance, il est clair quĂąâŹâąon a poursuivi la science pour savoir et sans aucun but dĂąâŹâąutilitĂ©. Le fait en fait foi car tout ce qui regarde les besoins, le bien-ĂÂȘtre et la commoditĂ© de la vie Ă©tait dĂ©jĂ trouvĂ©, lorsquĂąâŹâąon entreprit un tel ordre de recherches. Il est donc Ă©vident que nous ne cherchons la philosophie dans aucun intĂ©rĂÂȘt Ă©tranger ; et comme nous appelons homme libre celui qui sĂąâŹâąappartient Ă lui-mĂÂȘme et qui nĂąâŹâąappartient pas Ă un autre, de mĂÂȘme la philosophie est de toutes les sciences la seule libre ; car seule elle est Ă elle-mĂÂȘme son propre but. Aussi, ne serait-ce pas sans quelque raison quĂąâŹâąon regarderait comme plus quĂąâŹâąhumaine la possession de cette science ; car la nature de lĂąâŹâąhomme est esclave Ă beaucoup dĂąâŹâąĂ©gards ; la divinitĂ© seule, pour parler comme Simonide, aurait ce privilĂšge, et il ne convient pas Ă lĂąâŹâąhomme de ne pas se borner Ă la science qui est Ă son usage. Si donc les poĂštes disent vrai, et si la nature divine doit ĂÂȘtre envieuse, [983a] cĂąâŹâąest surtout au sujet de cette prĂ©tention, et tous les tĂ©mĂ©raires qui la partagent, en portent la peine. Mais la divinitĂ© ne peut connaĂtre lĂąâŹâąenvie ; les poĂštes, comme dit le proverbe, sont souvent menteurs, et il nĂąâŹâąy a pas de science Ă laquelle il faille attacher plus de prix. Car la plus divine est celle quĂąâŹâąon doit priser le plus ; or, celle-ci porte seule ce caractĂšre Ă un double titre. En effet, une science qui appartiendrait Ă Dieu, et qui sĂąâŹâąoccuperait de choses divines, serait sans contredit une science divine et seule, celle dont nous parlons satisfait Ă ces deux conditions. DĂąâŹâąune part, Dieu est reconnu de tout le monde comme le principe mĂÂȘme des causes ; et de lĂąâŹâąautre, la science des causes lui appartient exclusivement ou dans un degrĂ© supĂ©rieur. Ainsi toutes les sciences sont plus nĂ©cessaires que la philosophie, mais nulle nĂąâŹâąest plus excellente. Et rien ne diffĂšre plus que la possession de cette science et son dĂ©but. On commence, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dit, par sĂąâŹâąĂ©tonner que les choses soient de telle façon ; et comme on sĂąâŹâąĂ©merveille en prĂ©sence des automates, quand on nĂąâŹâąen connaĂt pas les ressorts, de mĂÂȘme nous nous Ă©tonnons des rĂ©volutions du soleil et de lĂąâŹâąincommensurabilitĂ© du diamĂštre ; car il semble Ă©tonnant Ă tout le monde quĂąâŹâąune quantitĂ© ne puisse ĂÂȘtre mesurĂ©e par une quantitĂ© si petite quĂąâŹâąelle soit. CĂąâŹâąest, comme dit le proverbe, par le contraire et par le meilleur quĂąâŹâąil faut finir, comme il arrive dans le cas que nous venons de citer, lorsquĂąâŹâąenfin on est parvenu Ă sĂąâŹâąen rendre compte car rien nĂąâŹâąĂ©tonnerait plus un gĂ©omĂštre que si le diamĂštre devenait commensurable. Nous venons de dĂ©terminer la nature de la science que nous cherchons, le but de cette science et de tout notre travail. Chapitre 3 Il est Ă©vident quĂąâŹâąil faut acquĂ©rir la science des causes premiĂšres, puisque nous ne pensons savoir une chose que quand nous croyons en connaĂtre la premiĂšre cause. Or, on distingue quatre sortes de causes, la premiĂšre est lĂąâŹâąessence et la forme propre de chaque chose ; car il faut pousser la recherche des causes aussi loin quĂąâŹâąil est possible, et cĂąâŹâąest la raison derniĂšre dĂąâŹâąune chose qui en est le principe et la cause. La seconde cause est la matiĂšre et le sujet ; la troisiĂšme le principe du mouvement ; la quatriĂšme, enfin, celle qui rĂ©pond Ă la prĂ©cĂ©dente, la raison et le bien des choses ; car la fin de tout phĂ©nomĂšne et de tout mouvement, cĂąâŹâąest le bien. Ces points de vue ont Ă©tĂ© suffisamment expliquĂ©s dans les livres de physique ; [983b] reprenons cependant les opinions des philosophes qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s dans lĂąâŹâąĂ©tude des ĂÂȘtres et de la vĂ©ritĂ©. Il est Ă©vident quĂąâŹâąeux aussi reconnaissent certaines causes et certains principes cette revue peut donc nous ĂÂȘtre utile pour la recherche qui nous occupe. Car il arrivera ou que nous rencontrerons un ordre de causes que nous avions omis, ou que nous prendrons plus de confiance dans la classification que nous venons dĂąâŹâąexposer. La plupart des premiers philosophes ont cherchĂ© dans la matiĂšre les principes de toutes choses. Car ce dont toute chose est, dĂąâŹâąoĂÂč provient toute gĂ©nĂ©ration et oĂÂč aboutit toute destruction, lĂąâŹâąessence restant la mĂÂȘme et ne faisant que changer dĂąâŹâąaccidents, voilĂ ce quĂąâŹâąils appellent lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment et le principe des ĂÂȘtres ; et pour cette raison, ils pensent que rien ne naĂt et que rien ne pĂ©rit, puisque cette nature premiĂšre subsiste toujours. Nous ne disons pas dĂąâŹâąune maniĂšre absolue que Socrate naĂt, lorsquĂąâŹâąil devient beau ou musicien, ni quĂąâŹâąil pĂ©rit lorsquĂąâŹâąil perd ces maniĂšres dĂąâŹâąĂÂȘtre, attendu que le mĂÂȘme Socrate, sujet de ces changements, nĂąâŹâąen demeure pas moins ; il en est de mĂÂȘme pour toutes les autres choses ; car il doit y avoir une certaine nature, unique ou multiple, dĂąâŹâąoĂÂč viennent toutes choses, celle-lĂ subsistant la mĂÂȘme. Quant au nombre et Ă lĂąâŹâąespĂšce de ces dĂ©ments, on ne sĂąâŹâąaccorde pas. ThalĂšs, le fondateur de cette maniĂšre de philosopher, prend lĂąâŹâąeau pour principe, et voilĂ pourquoi il a prĂ©tendu que la terre reposait sur lĂąâŹâąeau, amenĂ© probablement Ă cette opinion parce quĂąâŹâąil avait observĂ© que lĂąâŹâąhumide est lĂąâŹâąaliment de tous les ĂÂȘtres, et que la chaleur elle-mĂÂȘme vient de lĂąâŹâąhumide et en vit ; or, ce dont viennent les choses est leur principe. CĂąâŹâąest de lĂ quĂąâŹâąil tira sa doctrine, et aussi de ce que les germes de toutes choses sont de leur nature humides, et que lĂąâŹâąeau est le principe des choses humides. Plusieurs pensent que dĂšs la plus haute antiquitĂ©, bien avant notre Ă©poque, les premiers thĂ©ologiens ont eu la mĂÂȘme opinion sur la nature car ils avaient fait lĂąâŹâąOcĂ©an et TĂ©thys auteurs de tous les phĂ©nomĂšnes de ce monde, et ils montrent les Dieux jurant par lĂąâŹâąeau que les poĂštes appellent le Styx. [984a] En effet, ce quĂąâŹâąil y a de plus ancien est ce quĂąâŹâąil y a de plus saint ; et ce quĂąâŹâąil y a de plus saint, cĂąâŹâąest le serment. Y a-t-il rĂ©ellement un systĂšme physique dans cette vieille et antique opinion ? CĂąâŹâąest ce dont on pourrait douter. Mais pour ThalĂšs on dit que telle fut sa doctrine. Quant Ă Hippon, sa pensĂ©e nĂąâŹâąest pas assez profonde pour quĂąâŹâąon puisse le placer parmi ces philosophes. AnaximĂšne et DiogĂšne prĂ©tendaient que lĂąâŹâąair est antĂ©rieur Ă lĂąâŹâąeau, et quĂąâŹâąil est le principe des corps simples ; ce principe est le feu, selon Hippase de MĂ©taponte et HĂ©raclite dĂąâŹâąĂâ°phĂšse. EmpĂ©docle reconnut quatre Ă©lĂ©ments, ajoutant la terre Ă ceux que nous avons nommĂ©s ; selon lui, ces Ă©lĂ©ments subsistent toujours et ne deviennent pas, mais le seul changement quĂąâŹâąils subissent est celui de lĂąâŹâąaugmentation ou de la diminution, lorsquĂąâŹâąils sĂąâŹâąagrĂšgent ou se sĂ©parent. Anaxagore de ClazomĂšnes, qui naquit avant ce dernier, mais qui Ă©crivit aprĂšs lui, suppose quĂąâŹâąil y a une infinitĂ© de principes il prĂ©tend que toutes les choses formĂ©es de parties semblables comme le feu et lĂąâŹâąeau, ne naissent et ne pĂ©rissent quĂąâŹâąen ce sens que leurs parties se rĂ©unissent ou se sĂ©parent, mais que du reste rien ne naĂt ni ne pĂ©rit, et que tout subsiste Ă©ternellement. De tout cela on pourrait conclure que jusquĂąâŹâąalors on nĂąâŹâąavait considĂ©rĂ© les choses que sous le point de vue de la matiĂšre. Quand on en fut lĂ , la chose elle-mĂÂȘme força dĂąâŹâąavancer encore, et imposa de nouvelles recherches. Si tout ce qui naĂt doit pĂ©rir et vient dĂąâŹâąun principe unique ou multiple, pourquoi en est-il ainsi et quelle en est la cause ? Car ce nĂąâŹâąest pas le sujet qui peut se changer lui-mĂÂȘme ; lĂąâŹâąairain, par exemple, et le bois ne se changent pas eux-mĂÂȘmes, et ne se font pas lĂąâŹâąun statue, lĂąâŹâąautre lit, mais il y a quelque autre cause Ă ce changement. Or, chercher cette cause, cĂąâŹâąest chercher un autre principe, le principe du mouvement, comme nous disions. Ceux des anciens qui dans lĂąâŹâąorigine touchĂšrent ce sujet, et qui avaient pour systĂšme lĂąâŹâąunitĂ© de substance, ne se tourmentĂšrent pas de cette difficultĂ© ; mais quelques-uns de ces partisans de lĂąâŹâąunitĂ©, infĂ©rieurs en quelque sorte Ă cette question, disent que lĂąâŹâąunitĂ© et tout ce qui est, rĂ©el nĂąâŹâąadmet pas de mouvement, ni pour la gĂ©nĂ©ration et la corruption, ni mĂÂȘme pour tout autre changement. [984b] Aussi, de tous ceux qui partent de lĂąâŹâąunitĂ© du tout, pas un ne sĂąâŹâąest occupĂ© de ce point de vue, si ce nĂąâŹâąest peut-ĂÂȘtre ParmĂ©nide, et encore ne le fait-il quĂąâŹâąautant quĂąâŹâąĂ cĂÂŽtĂ© de son systĂšme de lĂąâŹâąunitĂ©, il admet en quelque sorte deux principes. Mais ceux qui admettent la pluralitĂ© des principes, le chaud et le froid, par exemple, ou le feu et la terre, Ă©taient plus Ă mĂÂȘme dĂąâŹâąarriver Ă cet ordre des recherches ; car ils attribuaient au feu la puissance motrice, Ă lĂąâŹâąeau, Ă la terre et aux autres Ă©lĂ©ments de cette sorte, la qualitĂ© contraire. AprĂšs ces philosophes et de pareils principes, comme ces principes Ă©taient insuffisants pour produire les choses, la vĂ©ritĂ© elle-mĂÂȘme, comme nous lĂąâŹâąavons dĂ©jĂ dit, força de recourir Ă un autre principe. En effet, il nĂąâŹâąest guĂšre vraisemblable que ni le feu, ni la terre, ni aucun autre Ă©lĂ©ment de ce genre, soit la cause de lĂąâŹâąordre et de la beautĂ© qui rĂšgnent dans le monde, Ă©ternellement chez certains ĂÂȘtres, passagĂšrement chez dĂąâŹâąautres ; ni que ces philosophes aient eu une pareille pensĂ©e dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, rapporter un tel rĂ©sultat au hasard ou Ă la fortune nĂąâŹâąeĂ»t pas Ă©tĂ© raisonnable. Aussi quand un homme vint dire quĂąâŹâąil y avait dans la nature, comme dans les animaux, une intelligence qui est la cause de lĂąâŹâąarrangement et de lĂąâŹâąordre de lĂąâŹâąunivers, cet homme parut seul avoir conservĂ© sa raison au milieu des folies de ses devanciers. Or, nous savons avec certitude quĂąâŹâąAnaxagore entra le premier dans ce point de vue ; avant lui Hermotime de ClazomĂšnes paraĂt lĂąâŹâąavoir soupçonnĂ©. Ces nouveaux philosophes Ă©rigĂšrent en mĂÂȘme temps cette cause de lĂąâŹâąordre en principe des ĂÂȘtres, principe douĂ© de la vertu dĂąâŹâąimprimer le mouvement. On pourrait dire quĂąâŹâąavant eux, HĂ©siode avait entrevu cette vĂ©ritĂ©, HĂ©siode ou quiconque a mis dans les ĂÂȘtres comme principe lĂąâŹâąamour ou le dĂ©sir, par exemple ParmĂ©nide. Celui-ci dit, en effet, dans sa thĂ©orie de la formation de lĂąâŹâąunivers Il fit lĂąâŹâąamour le premier de tous les dieux. HĂ©siode dit de son cĂÂŽtĂ© Avant toutes choses Ă©tait le chaos ; ensuite, La terre au vaste seinĂąâŹÂŠ Puis lĂąâŹâąamour, le plus beau de tous les immortels. Comme sĂąâŹâąils avaient reconnu la nĂ©cessitĂ© dĂąâŹâąune cause dans les ĂÂȘtres capable de donner le mouvement et le lien aux choses. Quant Ă la question de savoir Ă qui appartient la prioritĂ©, quĂąâŹâąil nous soit permis de la dĂ©cider plus tard. Ensuite, comme Ă cĂÂŽtĂ© du bien dans la nature, on voyait aussi son contraire, non seulement de lĂąâŹâąordre et de la beautĂ©, mais aussi du dĂ©sordre et de la laideur, comme le mal paraissait mĂÂȘme lĂąâŹâąemporter sur le bien et le laid sur le beau, un autre philosophe introduisit lĂąâŹâąamitiĂ© et la discorde, causes opposĂ©es de ces effets opposĂ©s. Car si lĂąâŹâąon veut suivre de prĂšs EmpĂ©docle, et sĂąâŹâąattacher au fond de sa pensĂ©e plutĂÂŽt quĂąâŹâąĂ la maniĂšre presquĂąâŹâąenfantine dont il lĂąâŹâąexprime, on trouvera que lĂąâŹâąamitiĂ© est la cause du bien, et la discorde celle du mal ; de sorte que peut-ĂÂȘtre nĂąâŹâąaurait-t-on pas tort de dire quĂąâŹâąEmpĂ©docle a parlĂ© en quelque maniĂšre et a parlĂ© le premier du bien et du mal comme principes, puisque le principe de tous les biens est le bien lui-mĂÂȘme, et le mal le principe de tout ce qui est mauvais. JusquĂąâŹâąici nous avons vu ces philosophes reconnaĂtre deux des genres de causes dĂ©terminĂ©s par nous dans la Physique la matiĂšre et le principe du mouvement. Mais ils lĂąâŹâąont fait confusĂ©ment et indistinctement, comme agissent dans les combats les soldats mal exercĂ©s. Ceux-ci frappent souvent de bons coups dans la mĂÂȘlĂ©e, mais ils le font sans science. De mĂÂȘme nos philosophes paraissent avoir parlĂ© sans bien savoir ce quĂąâŹâąils disaient, car lĂąâŹâąusage quĂąâŹâąon les voit faire de leurs principes est nul ou peu sĂąâŹâąen faut. Anaxagore se sert de lĂąâŹâąintelligence comme dĂąâŹâąune machine pour faire le monde, et quand il dĂ©sespĂšre de trouver la cause rĂ©elle dĂąâŹâąun phĂ©nomĂšne, il met en scĂšne lĂąâŹâąintelligence. Mais dans tout autre cas, il aime mieux donner aux faits une autre cause. [985a] EmpĂ©docle se sert davantage, mais dĂąâŹâąune maniĂšre insuffisante encore, de ses principes, et dans leur emploi il ne sĂąâŹâąaccorde pas avec lui-mĂÂȘme. Souvent chez lui, lĂąâŹâąamitiĂ© sĂ©pare, la discorde rĂ©unit en effet, lorsque dans lĂąâŹâąunivers les Ă©lĂ©ments sont sĂ©parĂ©s par la discorde, toutes les particules de feu nĂąâŹâąen sont pas moins unies en un tout, ainsi que celles de chacun des autres Ă©lĂ©ments ; et lorsque, au contraire, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąamitiĂ© qui unit tous les Ă©lĂ©ments, il faut bien pour cela que les particules de chaque Ă©lĂ©ment se divisent. EmpĂ©docle fut donc le premier des anciens qui employa en le divisant le principe du mouvement, et ne supposa plus une cause unique, mais deux causes diffĂ©rentes et opposĂ©es. Quant Ă la matiĂšre, il est le premier qui ait parlĂ© des quatre Ă©lĂ©ments ; toutefois, il ne sĂąâŹâąen sert pas comme sĂąâŹâąils Ă©taient quatre, mais comme sĂąâŹâąils nĂąâŹâąĂ©taient que deux, Ă savoir, le feu tout seul, et en opposition au [985b] feu, la terre, lĂąâŹâąair et lĂąâŹâąeau, ne faisant quĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme nature. CĂąâŹâąest lĂ du moins ce que ses vers donnent Ă entendre. VoilĂ , selon nous, la nature et le nombre des principes dĂąâŹâąEmpĂ©docle. Leucippe et son ami DĂ©mocrite disent que les Ă©lĂ©ments primitifs sont le plein et le vide, quĂąâŹâąils appellent lĂąâŹâąĂÂȘtre et le non-ĂÂȘtre ; le plein ou le solide, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂÂȘtre ; le vide ou le rare, cĂąâŹâąest le non-ĂÂȘtre ; cĂąâŹâąest pourquoi ils disent que lĂąâŹâąĂÂȘtre nĂąâŹâąexiste pas plus que le non-ĂÂȘtre, parce que le corps nĂąâŹâąexiste pas plus que le vide telles sont, sous le point de vue de la matiĂšre, les causes des ĂÂȘtres. De mĂÂȘme que ceux qui posent comme principe une substance unique, expliquent tout le reste par les modifications de cette substance ĂąâŹâ en donnant pour principe Ă ces modifications le rare et le dense ĂąâŹâ ainsi ces philosophes placent dans les diffĂ©rences les causes de toutes choses. Ces diffĂ©rences sont au nombre de trois la forme, lĂąâŹâąordre et la position. Ils disent, en effet, que les diffĂ©rences de lĂąâŹâąĂÂȘtre viennent de la configuration, de lĂąâŹâąarrangement et de la tournure, Or, la configuration cĂąâŹâąest la forme, lĂąâŹâąarrangement lĂąâŹâąordre, et la tournure la position. Ainsi, A diffĂšre de N par la forme, AN de NA par lĂąâŹâąordre, et Z de N par la position. Quant au mouvement, Ă ses lois et Ă sa cause, ils ont traitĂ© cette question avec beaucoup de nĂ©gligence, comme les autres philosophes. Par consĂ©quent, nos devanciers nĂąâŹâąont pas Ă©tĂ© plus loin sur ces deux genres de causes. Chapitre 4 Parmi eux et avant eux, ceux quĂąâŹâąon nomme Pythagoriciens, sĂąâŹâąĂ©tant occupĂ©s des mathĂ©matiques, furent les premiers Ă les mettre en avant ; et nourris dans cette Ă©tude, ils pensĂšrent que les principes de cette science Ă©taient les principes de tous les ĂÂȘtres. Comme, par nature, les nombres sont les premiers des ĂÂȘtres, et ils leur paraissaient avoir plus dĂąâŹâąanalogie avec les choses et les phĂ©nomĂšnes ĂąâŹâ comme le feu, lĂąâŹâąair ou lĂąâŹâąeau, ĂąâŹâ que la modification des nombres semblait ĂÂȘtre la justice, une autre rame et intelligence, un autre propos, et Ă peu prĂšs ainsi de toutes les autres choses ĂąâŹâ ; comme ils voyaient de plus dans les nombres les modifications et les rapports de lĂąâŹâąharmonie ; [986a] par ces motifs joints Ă ces deux premiers que la nature entiĂšre a Ă©tĂ© formĂ©e Ă la ressemblance des nombres, et que les nombres sont les premiers de tous les ĂÂȘtres, ils posĂšrent les Ă©lĂ©ments des nombres comme les Ă©lĂ©ments de tous les ĂÂȘtres, et le ciel tout entier comme une harmonie et un nombre. Tout ce quĂąâŹâąils pouvaient montrer dans les nombres et dans la musique qui sĂąâŹâąaccordĂÂąt avec les phĂ©nomĂšnes du ciel, ses parties et toute son ordonnance, ils le recueillirent, et ils en composĂšrent un systĂšme ; et si quelque chose manquait, ils y supplĂ©aient pour que le systĂšme fĂ»t bien dĂąâŹâąaccord et complet. Par exemple, comme la dĂ©cade paraĂt ĂÂȘtre quelque chose de parfait et qui embrasse tous les nombres possibles, ils prĂ©tendent quĂąâŹâąil y a dix corps en mouvement dans le ciel, et comme il nĂąâŹâąy en a que neuf de visibles, ils en supposent un dixiĂšme quĂąâŹâąils appellent antichtone. Mais tout ceci a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© ailleurs avec plus de soin. Si nous y revenons, cĂąâŹâąest pour constater Ă leur Ă©gard comme pour les autres Ă©coles, quels principes ils posent, et comment ces principes tombent sous notre classification. Or, ils paraissent penser que le nombre est principe des ĂÂȘtres sous le point de vue de la matiĂšre, en y comprenant les attributs et les maniĂšres dĂąâŹâąĂÂȘtre ; que les Ă©lĂ©ments du nombre sont le pair et lĂąâŹâąimpair ; que lĂąâŹâąimpair est fini, le pair infini ; que lĂąâŹâąunitĂ© tient de ces deux Ă©lĂ©ments, car elle est Ă la fois pair et impair, et que le nombre vient de lĂąâŹâąunitĂ© ; enfin que les nombres sont tout le ciel. DĂąâŹâąautres pythagoriciens disent quĂąâŹâąil y a dix principes, dont voici la liste Fini et infini, Impair et pair, UnitĂ© et pluralitĂ©, Droit et gauche, MĂÂąle et femelle, Repos et mouvement, Droit et courbe, LumiĂšre et tĂ©nĂšbres, Bien et mal, CarrĂ© et toute figure Ă cĂÂŽtĂ©s inĂ©gaux. AlcmĂ©on de Crotone paraĂt avoir professĂ© une doctrine semblable il la reçut des Pythagoriciens ou ceux-ci la reçurent de lui ; car lĂąâŹâąĂ©poque oĂÂč il florissait correspond Ă la vieillesse de Pythagore ; et son systĂšme se rapproche de celui de ces philosophes. Il dit que la plupart des choses humaines sont doubles, dĂ©signant par lĂ leurs oppositions, mais, Ă la diffĂ©rence de ceux-ci, sans les dĂ©terminer, et prenant au hasard le blanc et le noir, le doux et lĂąâŹâąamer, le bon et le mauvais, le petit et le grand. Il sĂąâŹâąexprima ainsi dĂąâŹâąune maniĂšre indĂ©terminĂ©e sur tout le reste, [986b] tandis que les Pythagoriciens montrĂšrent quelles sont ces oppositions et combien il y en a. On peut donc tirer de ces deux systĂšmes que les contraires sont les principes des choses et de lĂąâŹâąun deux quel est le nombre et la nature de ces principes. Maintenant comment est-il possible de les ramener Ă ceux que nous avons posĂ©s, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąeux-mĂÂȘmes nĂąâŹâąarticulent pas clairement ; mais ils semblent les considĂ©rer sous le point de vue de la matiĂšre ; car ils disent que ces principes constituent le fonds dont se composent et sont formĂ©s les ĂÂȘtres. Nous en avons dit assez pour faire comprendre la pensĂ©e de ceux des anciens qui admettent la pluralitĂ© dans les Ă©lĂ©ments de la nature. Il en est dĂąâŹâąautres qui ont considĂ©rĂ© le tout comme Ă©tant un ĂÂȘtre unique, mais ils diffĂšrent et par le mĂ©rite de lĂąâŹâąexplication et par la maniĂšre de concevoir la nature de cette unitĂ©. Il nĂąâŹâąest nullement de notre sujet, dans cette recherche des principes, de nous occuper dĂąâŹâąeux ; car ils ne font pas comme quelques-uns des physiciens qui, ayant posĂ© une substance unique, engendrent lĂąâŹâąĂÂȘtre de cette unitĂ© considĂ©rĂ©e sous le point de vue de la matiĂšre ; ils procĂšdent autrement les physiciens, en effet, ajoutent le mouvement pour engendrer lĂąâŹâąunivers ; ceux-ci prĂ©tendent que lĂąâŹâąunivers est immobile ; mais nous nĂąâŹâąen dirons que ce qui se rapporte Ă notre sujet. LĂąâŹâąunitĂ© de ParmĂ©nide paraĂt avoir Ă©tĂ© une unitĂ© rationnelle, celle de MĂ©lisse une unitĂ© matĂ©rielle, et cĂąâŹâąest pourquoi lĂąâŹâąun la donne comme finie, lĂąâŹâąautre comme infinie. XĂ©nophane qui le premier parla dĂąâŹâąunitĂ© car ParmĂ©nide passe pour son disciple, ne sĂąâŹâąest pas expliquĂ© dĂąâŹâąune maniĂšre prĂ©cise et paraĂt Ă©tranger au point de vue de lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre de ses deux successeurs ; mais ayant considĂ©rĂ© lĂąâŹâąensemble du inonde, il dit que lĂąâŹâąunitĂ© est Dieu. Encore une fois, il faut nĂ©gliger ces philosophes dans la recherche qui nous occupe ĂąâŹâ et deux, surtout, dont les idĂ©es sont un peu trop grossiĂšres, XĂ©nophane et MĂ©lisse. ParmĂ©nide paraĂt avoir eu des vues plus profondes. PersuadĂ© que, hors de lĂąâŹâąĂÂȘtre, le non-ĂÂȘtre nĂąâŹâąest rien, il pense que lĂąâŹâąĂÂȘtre est nĂ©cessairement un, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien autre chose que lui. CĂąâŹâąest un point sur lequel nous nous sommes expliquĂ©s plus clairement dans la Physique. Mais forcĂ© de se mettre dĂąâŹâąaccord avec les faits, et, en admettant lĂąâŹâąunitĂ© par la raison, dĂąâŹâąadmettre aussi la pluralitĂ© par les sens, ParmĂ©nide en revint Ă poser deux principes et deux causes, le chaud et le froid, par exemple le feu et la terre il rapporte [987a] lĂąâŹâąun de ces deux principes, le chaud Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre, et lĂąâŹâąautre au non-ĂÂȘtre. Voici le rĂ©sultat de ce que nous avons dit, et de tous les systĂšmes que nous avons parcourus jusquĂąâŹâąici chez les premiers de ces philosophes, un principe corporel ; car lĂąâŹâąeau, le feu et les autres choses de cette nature sont des corps, principe unique selon les uns, multiple selon les autres, mais toujours considĂ©rĂ© sous le point de vue de la matiĂšre ; chez quelques-uns, dĂąâŹâąabord ce principe, et Ă cĂÂŽtĂ© de ce principe, celui du mouvement, unique dans certains systĂšmes, double dans dĂąâŹâąautres. Ainsi, jusquĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąĂ©cole italique exclusivement, les anciens philosophes ont parlĂ© de toutes ces choses dĂąâŹâąune maniĂšre vague, et nĂąâŹâąont mis en usage, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dit, que deux sortes de principes, dont lĂąâŹâąun, celui du mouvement, est regardĂ© tantĂÂŽt comme unique et tantĂÂŽt comme double. Quant aux Pythagoriciens, comme les prĂ©cĂ©dents, ils ont posĂ© deux principes ; mais ils ont en outre introduit cette doctrine qui leur est propre, savoir que le fini, lĂąâŹâąinfini et lĂąâŹâąunitĂ©, ne sont pas des qualitĂ©s distinctes des sujets oĂÂč ils se trouvent, comme le feu, la terre et tout autre principe semblable sont distincts de leurs qualitĂ©s, mais quĂąâŹâąils constituent lĂąâŹâąessence mĂÂȘme des choses auxquelles on les attribue ; de sorte que le nombre est lĂąâŹâąessence de toutes choses. Ils se sont expliquĂ©s sur ces points de la maniĂšre que nous venons de dire ; de plus, ils ont commencĂ© Ă sĂąâŹâąoccuper de lĂąâŹâąessence des choses et ont proposĂ© une dĂ©finition. Cependant, leur essai fut un peu trop grossier. Ils la dĂ©finissaient superficiellement. Pour eux, le premier objet auquel semblait convenir la dĂ©finition donnĂ©e, ils le considĂ©raient comme lĂąâŹâąessence de la chose dĂ©finie ĂąâŹâ comme si lĂąâŹâąon pensait, par exemple, que le double est la mĂÂȘme chose que le nombre deux, parce que cĂąâŹâąest dans le nombre deux que se rencontre en premier lieu le caractĂšre du double ; mais deux ou double ne sont pas la mĂÂȘme chose, autrement lĂąâŹâąunitĂ© sera multiple, comme il arrive dans le systĂšme Pythagoricien. VoilĂ ce quĂąâŹâąon peut tirer des premiers philosophes et de leurs successeurs. Chapitre 5 AprĂšs ces diffĂ©rentes philosophies, parut la philosophie de Platon, qui suivit en beaucoup de points ses devanciers, mais qui eut aussi ses points de doctrine particuliers, et alla plus loin que lĂąâŹâąĂ©cole italique. DĂšs sa jeunesse, Platon se familiarisa dans le commerce de Cratyle avec les opinions dĂąâŹâąHĂ©raclite, que toutes les choses sensibles sont dans un perpĂ©tuel Ă©coulement, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas de science de ces choses ; et dans la suite, il garda ces opinions. [987b] DĂąâŹâąune autre part, Socrate sĂąâŹâąĂ©tant occupĂ© de morale, et non plus dĂąâŹâąun systĂšme de physique, et ayant dĂąâŹâąailleurs cherchĂ© dans la morale ce quĂąâŹâąil y a dĂąâŹâąuniversel, et portĂ© le premier son attention sur les dĂ©finitions, Platon qui le suivit et le continua fut amenĂ© Ă penser que les dĂ©finitions devaient porter sur un ordre dĂąâŹâąĂÂȘtres Ă part et nullement sur les objets sensibles ; car comment une dĂ©finition commune sĂąâŹâąappliquerait-elle aux choses sensibles, livrĂ©es Ă un perpĂ©tuel changement ? Or, ces autres ĂÂȘtres, il les appela IdĂ©es, et dit que les choses sensibles existent en dehors des idĂ©es et sont nommĂ©es dĂąâŹâąaprĂšs elles ; car il pensait que toutes les choses dĂąâŹâąune mĂÂȘme classe tiennent leur nom commun des idĂ©es, en vertu de leur participation avec elles. Du reste, le mot Participation est le seul changement quĂąâŹâąil apporta ; les Pythagoriciens, en effet, disent que les ĂÂȘtres sont Ă lĂąâŹâąimitation des nombres, Platon en participation avec les idĂ©es. Comment se fait maintenant cette participation ou cette imitation des idĂ©es ? CĂąâŹâąest ce que celui-ci et ceux-lĂ ont Ă©galement nĂ©gligĂ© de rechercher. De plus, outre les choses sensibles et les idĂ©es, il reconnaĂt des ĂÂȘtres intermĂ©diaires qui sont les choses mathĂ©matiques, diffĂ©rentes des choses sensibles en ce quĂąâŹâąelles sont Ă©ternelles et immuables, et des idĂ©es en ce quĂąâŹâąelles admettent un grand nombre de semblables, tandis que toute idĂ©e en elle-mĂÂȘme a son existence Ă part. Voyant dans les idĂ©es les raisons des choses, il pensa que leurs Ă©lĂ©ments Ă©taient les Ă©lĂ©ments de tous les ĂÂȘtres. Les principes dans ce systĂšme sont donc, sous le point de vue de la matiĂšre, le grand et le petit, et sous celui de lĂąâŹâąessence, lĂąâŹâąunitĂ© ; et en tant que formĂ©es de ces principes et participant de lĂąâŹâąunitĂ©, les idĂ©es sont les nombres. [988a] Ainsi, en avançant que lĂąâŹâąunitĂ© est lĂąâŹâąessence des ĂÂȘtres et que rien autre chose que cette essence nĂąâŹâąa le titre dĂąâŹâąunitĂ©, Platon se rapprocha des pythagoriciens. Comme eux, il dit que les nombres sont les causes des choses et de leur essence ; mais faire une dualitĂ© de cet infini quĂąâŹâąils regardaient comme un, et composer lĂąâŹâąinfini du grand et da petit, voilĂ ce qui lui est propre ĂąâŹâ avec cette supposition que les nombres existent en dehors des choses sensibles, tandis que les pythagoriciens disent que les nombres sont les choses mĂÂȘmes, et ne donnent pas aux choses mathĂ©matiques un rang intermĂ©diaire. Cette existence que Platon attribue Ă lĂąâŹâąunitĂ© et au nombre en dehors des choses, Ă la diffĂ©rence des pythagoriciens, ainsi que lĂąâŹâąintroduction des idĂ©es, est due Ă ses recherches logiques car les premiers philosophes Ă©taient Ă©trangers Ă la dialectique ; et il fut conduit Ă faire une dyade de cette autre nature diffĂ©rente de lĂąâŹâąunitĂ©, parce que lĂ©s nombres, Ă lĂąâŹâąexception des nombres primordiaux, sĂąâŹâąengendrent aisĂ©ment de cette dyade, comme dĂąâŹâąune sorte de matiĂšre. Cependant, les choses se passent autrement, et cela est contraire Ă la raison. Dans ce systĂšme, on fait avec la matiĂšre un grand nombre dĂąâŹâąĂÂȘtres, et lĂąâŹâąidĂ©e nĂąâŹâąengendre quĂąâŹâąune seule fois ; mais au vrai, dĂąâŹâąune seule matiĂšre on ne fait quĂąâŹâąune seule table, tandis que celui qui apporte lĂąâŹâąidĂ©e, tout en Ă©tant un lui-mĂÂȘme, en fait un grand nombre. Il en est de mĂÂȘme du mĂÂąle Ă lĂąâŹâąĂ©gard de la femelle ; la femelle est fĂ©condĂ©e par un seul accouplement, tandis que le mĂÂąle en fĂ©conde plusieurs or, cela est lĂąâŹâąimage de ce qui a lieu pour les principes dont nous parlons. CĂąâŹâąest ainsi que Platon sĂąâŹâąest prononcĂ© sur ce qui fait lĂąâŹâąobjet de nos recherches il est clair, dĂąâŹâąaprĂšs ce que nous avons dit, quĂąâŹâąil ne met en usage que deux principes, celui de lĂąâŹâąessence et celui de la matiĂšre ; car les idĂ©es sont pour les choses les causes de leur essence, comme lĂąâŹâąunitĂ© lĂąâŹâąest pour les idĂ©es Et quelle est la matiĂšre ou le sujet auquel sĂąâŹâąappliquent les idĂ©es dans les choses sensibles et lĂąâŹâąunitĂ© dans les idĂ©es ? CĂąâŹâąest cette dyade, composĂ©e du grand et du petit de plus il attribua Ă lĂąâŹâąun de ces deux Ă©lĂ©ments la cause du bien, Ă lĂąâŹâąautre la cause du mal, de la mĂÂȘme maniĂšre que lĂąâŹâąont fait dans leurs recherches quelques-uns des philosophes prĂ©cĂ©dents, comme EmpĂ©docle et Anaxagore. Chapitre 6 Nous, venons de voir, briĂšvement et sommairement, il est vrai, quels sont ceux qui se sont occupĂ©s des principes et de la vĂ©ritĂ©, et comment ils lĂąâŹâąont fait cette revue rapide nĂąâŹâąa pas laissĂ© de nous faire reconnaĂtre, que de tous les philosophes qui ont traitĂ© de principe et de cause, pas un nĂąâŹâąest sorti de la classification que nous avons Ă©tablie dans la Physique, et que tous plus ou moins nettement lĂąâŹâąont entrevue. Les uns considĂšrent le principe sous le point de vue de la matiĂšre, soit quĂąâŹâąils lui attribuent lĂąâŹâąunitĂ© ou la pluralitĂ©, soit quĂąâŹâąils le supposent corporel ou incorporel ; tels sont le grand et le petit de Platon, lĂąâŹâąinfini de lĂąâŹâąĂ©cole italique ; le feu, la terre, lĂąâŹâąeau et lĂąâŹâąair dĂąâŹâąEmpĂ©docle ; lĂąâŹâąinfinitĂ© des homĂ©omĂ©ries dĂąâŹâąAnaxagore. Tous ont Ă©videmment touchĂ© cet ordre de causes, et de mĂÂȘme ceux qui ont choisi lĂąâŹâąair, le feu ou lĂąâŹâąeau, ou un Ă©lĂ©ment plus dense que le feu et plus dĂ©liĂ© que lĂąâŹâąair ; car telle est la nature que quelques-uns ont donnĂ©e Ă lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment premier. Ceux-lĂ donc nĂąâŹâąont atteint que le principe de la matiĂšre, quelques autres le principe du mouvement, comme ceux par exemple qui font un principe de lĂąâŹâąamitiĂ© ou de la discorde, de lĂąâŹâąintelligence ou de lĂąâŹâąamour. Quant Ă la forme et Ă lĂąâŹâąessence, nul nĂąâŹâąen a traitĂ© clairement, mais ceux qui lĂąâŹâąont fait le mieux sont les partisans des idĂ©es. [988b] En effet, ils ne regardent pas les idĂ©es et les principes des idĂ©es, comme la matiĂšre des choses sensibles, ni comme le principe dĂąâŹâąoĂÂč leur vient le mouvement car ce seraient plutĂÂŽt, selon eux, des causes dĂąâŹâąimmobilitĂ© et de repos ; mais cĂąâŹâąest lĂąâŹâąessence que les idĂ©es fournissent Ă chaque chose, comme lĂąâŹâąunitĂ© la fournit aux idĂ©es. Quant Ă la fin en vue de laquelle se font les actes, les changements et les mouvements, ils mentionnent bien en quelque maniĂšre ce principe, mais ils ne le font pas dans cet esprit, ni dans le vrai sens de la chose ; car ceux qui mettent en avant lĂąâŹâąintelligence et lĂąâŹâąamitiĂ©, posent bien ces principes, comme quelque chose de bon, mais non comme un but en vue duquel tout ĂÂȘtre est ou devient ; ce sont plutĂÂŽt des causes dĂąâŹâąoĂÂč leur vient le mouvement. Il eu est de mĂÂȘme de ceux qui prĂ©tendent que lĂąâŹâąunitĂ© ou lĂąâŹâąĂÂȘtre est cette mĂÂȘme nature ; ils disent quĂąâŹâąelle est la cause de lĂąâŹâąessence, mais ils ne disent pas quĂąâŹâąelle est la fin pour laquelle les choses sont et deviennent. De sorte quĂąâŹâąil leur arrive en quelque façon de parler Ă la fois et de ne pas parler du principe du bien ; car ils nĂąâŹâąen parlent pas dĂąâŹâąune maniĂšre spĂ©ciale, mais seulement par accident. Ainsi, que le nombre et la nature des causes ait Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© par nous avec exactitude, cĂąâŹâąest ce que semblent tĂ©moigner tous ces philosophes dans lĂąâŹâąimpossibilitĂ© oĂÂč ils sont dĂąâŹâąindiquer aucun autre principe. Outre cela, il est clair quĂąâŹâąil faut, dans la recherche des principes, ou les considĂ©rer tous comme nous lĂąâŹâąavons fait, ou adopter les vues de quelques-uns de ces philosophes. Exposons dĂąâŹâąabord les difficultĂ©s que soulĂšvent les doctrines de nos devanciers et la question de la nature mĂÂȘme des principes. Chapitre 7 Tous ceux qui ont prĂ©tendu que lĂąâŹâąunivers est un, et qui, dominĂ©s par le point de vue de la matiĂšre, ont voulu quĂąâŹâąil y ait une seule et mĂÂȘme nature, et une nature corporelle et Ă©tendue, ceux-lĂ sans contredit se trompent de plusieurs maniĂšres ; car ainsi, ils posent seulement les Ă©lĂ©ments des corps et non ceux des choses incorporelles, quoiquĂąâŹâąil existe de telles choses. Puis, quoiquĂąâŹâąils entreprennent de dire les causes de la gĂ©nĂ©ration et de la corruption, et dĂąâŹâąexpliquer la formation des choses, ils suppriment le principe du mouvement. Ajoutez quĂąâŹâąils ne font pas un principe de lĂąâŹâąessence et de la forme ; et aussi, quĂąâŹâąils donnent sans difficultĂ© aux corps simples, Ă lĂąâŹâąexception de la terre, un principe quelconque, sans avoir examinĂ© comment ces corps peuvent naĂtre les uns des autres ; je parle du feu, de la terre, de lĂąâŹâąeau et de lĂąâŹâąair, lesquels naissent, en effet, les uns des autres, soit par rĂ©union, soit par sĂ©paration. Or, cette distinction importe beaucoup pour la question de lĂąâŹâąantĂ©rioritĂ© et de la postĂ©rioritĂ© des Ă©lĂ©ments. DĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ©, le plus Ă©lĂ©mentaire de tous semblerait ĂÂȘtre celui dĂąâŹâąoĂÂč naissent primitivement tous les autres par voie de rĂ©union ; et ce caractĂšre appartiendrait Ă celui des corps dont les parties seraient les plus petites et les plus dĂ©liĂ©es. CĂąâŹâąest pourquoi tous ceux qui posent comme principe le feu, se prononceraient de la maniĂšre la plus conforme Ă cette vue. Tel est aussi le caractĂšre que tous les autres sĂąâŹâąaccordent Ă assigner Ă lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment des corps. Aussi, aucun philosophe, dĂąâŹâąune Ă©poque plus rĂ©cente, qui admet un seul Ă©lĂ©ment, nĂąâŹâąa jugĂ© convenable de choisir la terre, sans doute Ă cause de la grandeur de ses parties, tandis que chacun des trois autres Ă©lĂ©ments a eu son partisan les uns se dĂ©clarent pour le feu, les autres pour lĂąâŹâąeau, les autres pour lĂąâŹâąair ; et pourtant pourquoi nĂąâŹâąadmettent-ils pas aussi bien la terre, comme font la plupart des hommes qui disent que tout est terre ? HĂ©siode lui-mĂÂȘme dit que la terre est le premier des corps ; tellement ancienne et populaire se trouve ĂÂȘtre cette opinion. Dans ce point de vue, ni ceux qui adoptent Ă lĂąâŹâąexclusion du feu un des Ă©lĂ©ments dĂ©jĂ nommĂ©s, ni ceux qui prennent un Ă©lĂ©ment plus dense que lĂąâŹâąair et plus dĂ©liĂ© que lĂąâŹâąeau, nĂąâŹâąauraient raison ; mais si ce qui est postĂ©rieur dans lĂąâŹâąordre de formation est antĂ©rieur dans lĂąâŹâąordre de la nature, et que, dans lĂąâŹâąordre de formation, le composĂ© soit postĂ©rieur, lĂąâŹâąeau sera tout au contraire antĂ©rieure Ă lĂąâŹâąair et la terre Ă lĂąâŹâąeau. Nous nous bornerons Ă cette observation sur ceux qui admettent un principe unique tel que nous lĂąâŹâąavons Ă©noncĂ©. Il y en aurait autant Ă dire de ceux qui admettent plusieurs principes pareils, comme EmpĂ©docle qui dit quĂąâŹâąil y a quatre corps, matiĂšre des choses ; car sa doctrine donne lieu dĂąâŹâąabord aux mĂÂȘmes critiques, puis Ă quelques observations particuliĂšres. Nous voyons, en effet, ces Ă©lĂ©ments naĂtre les uns des autres, de sorte que le feu et la terre ne demeurent jamais le mĂÂȘme corps nous avons traitĂ© de ce sujet dans la Physique. [989b] Quant Ă la cause qui fait mouvoir les choses, et Ă la question de savoir si elle est une ou double, on doit penser quĂąâŹâąEmpĂ©docle ne sĂąâŹâąest prononcĂ© ni tout-Ă -fait convenablement, ni dĂąâŹâąune maniĂšre tout-Ă -fait dĂ©raisonnable. En somme, quand on admet sou systĂšme, on est forcĂ© de rejeter tout changement, car le froid ne viendra pas du chaud ni le chaud du froid ; car quel serait le sujet qui Ă©prouverait ces modifications contraires, et quelle serait la nature unique qui deviendrait feu et eau ? CĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąil ne dit pas. Pour Anaxagore, si on pense quĂąâŹâąil reconnaĂt deux Ă©lĂ©ments, on le pense dĂąâŹâąaprĂšs des raisons quĂąâŹâąil nĂąâŹâąa pas lui-mĂÂȘme clairement articulĂ©es, mais auxquelles il aurait Ă©tĂ© obligĂ© de se rendre, si on les lui eĂ»t prĂ©sentĂ©es. En effet, sĂąâŹâąil est absurde de dire quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąorigine tout Ă©tait mĂÂȘlĂ©, pour plusieurs motifs ĂąâŹâ entre autres parce quĂąâŹâąil faut que les Ă©lĂ©ments du mĂ©lange aient existĂ© dĂąâŹâąabord sĂ©parĂ©s et il nĂąâŹâąest pas dans la nature des choses quĂąâŹâąun Ă©lĂ©ment, quel quĂąâŹâąil soit, se mĂÂȘle avec tout autre, quel quĂąâŹâąil soit. De plus, les qualitĂ©s et les attributs seraient sĂ©parĂ©s de leur substance ; car ce qui peut ĂÂȘtre mĂÂȘlĂ© peut ĂÂȘtre sĂ©parĂ©. Cependant, quand on vient Ă approfondir et Ă dĂ©velopper ce quĂąâŹâąil veut dire, on lui trouvera peut-ĂÂȘtre un sens peu commun. Car lorsque rien nĂąâŹâąĂ©tait sĂ©parĂ©, il est clair quĂąâŹâąon ne pouvait rien affirmer de vrai de cette substance mixte. Par exemple, comme elle nĂąâŹâąĂ©tait ni blanche ni noire, ni dĂąâŹâąaucune autre couleur, elle Ă©tait de nĂ©cessitĂ© sans couleur ; autrement, elle aurait eu quelquĂąâŹâąune des couleurs que nous pouvons citer. Elle Ă©tait de mĂÂȘme sans saveur, et pour la mĂÂȘme raison elle ne possĂ©dait aucun attribut de ce genre ; car elle ne pouvait avoir ni qualitĂ© ni quantitĂ© ni dĂ©termination quelconque. Autrement quelquĂąâŹâąune des formes spĂ©ciales sĂąâŹâąy serait rencontrĂ©e, et cela est impossible lorsque tout est mĂÂȘlĂ©. En effet, pour cela, il y aurait dĂ©jĂ sĂ©paration, et Anaxagore dit que tout est mĂÂȘlĂ©, exceptĂ© lĂąâŹâąintelligence, qui seule est pure et sans mĂ©lange. Il faut donc quĂąâŹâąil reconnaisse pour principes lĂąâŹâąunitĂ© dĂąâŹâąabord ; car cĂąâŹâąest bien lĂ ce qui est simple et sans mĂ©lange, et dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ© quelque chose, ainsi que nous dĂ©signons lĂąâŹâąindĂ©fini avant quĂąâŹâąil soit dĂ©fini et participe dĂąâŹâąaucune forme. Ce nĂąâŹâąest sĂąâŹâąexprimer ni justement, ni clairement ; mais au fond il a voulu dire quelque chose qui se rapproche davantage des doctrines qui ont suivi et de la rĂ©alitĂ©. Tous ces philosophes ne sont familiers quĂąâŹâąavec ce qui regarde la gĂ©nĂ©ration, la corruption et le mouvement, car ils sĂąâŹâąoccupent Ă peu prĂšs et exclusivement de cet ordre de choses, des principes et des causes qui sĂąâŹâąy rapportent. Mais ceux qui Ă©tendent leurs recherches Ă tous les ĂÂȘtres, et qui admettent dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ© des ĂÂȘtres sensibles, de lĂąâŹâąautre des ĂÂȘtres qui ne tombent pas sous les sens, ceux-lĂ ont dĂ» naturellement faire lĂąâŹâąĂ©tude de lĂąâŹâąune et de lĂąâŹâąautre de ces deux classes dĂąâŹâąĂÂȘtres ; et cĂąâŹâąest pourquoi il faut sĂąâŹâąarrĂÂȘter davantage sur ces philosophes pour savoir ce quĂąâŹâąils disent de bon ou de mauvais qui puisse Ă©clairer nos recherches. Ceux quĂąâŹâąon appelle pythagoriciens font jouer aux principes et aux Ă©lĂ©ments un rĂÂŽle bien plus Ă©trange que les physiciens ; la raison en est quĂąâŹâąils ne les ont pas empruntĂ©s aux choses sensibles. Les ĂÂȘtres mathĂ©matiques sont sans mouvement, Ă lĂąâŹâąexception de ceux dont sĂąâŹâąoccupe lĂąâŹâąastronomie ; et cependant les pythagoriciens ne dissertent et ne font de systĂšme que sur la physique. Ils engendrent le ciel, [990a] ils observent ce qui arrive dans toutes ses parties, dans leurs rapports, dans leurs mouvements, et ils Ă©puisent Ă cela leurs causes et leurs principes, comme sĂąâŹâąils convenaient avec les physiciens que lĂąâŹâąĂÂȘtre est tout ce qui est sensible, et tout ce quĂąâŹâąembrasse ce quĂąâŹâąor appelle le ciel. Or, les causes et les principes quĂąâŹâąils reconnaissent sont bons pour sĂąâŹâąĂ©lever, comme nous lĂąâŹâąavons dit, Ă ce quĂąâŹâąil y a de supĂ©rieur dans les ĂÂȘtres, et conviennent plus Ă cet objet quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąexplication des choses naturelles. Puis, comment pourra-t-il y avoir du mouvement, si on ne suppose dĂąâŹâąautres sujets que le fini et lĂąâŹâąinfini, le pair et lĂąâŹâąimpair ? Ils ne le disent nullement ; ou comment est-il possible que sans mouvement ni changement, il y ait gĂ©nĂ©ration et corruption, et toutes les rĂ©volutions des corps cĂ©lestes ? Ensuite, en supposant quĂąâŹâąon leur accorde ou quĂąâŹâąil soit dĂ©montrĂ© que de leurs principes on tire lĂąâŹâąĂ©tendue, comment alors mĂÂȘme rendront-ils compte de la lĂ©gĂšretĂ© et de la pesanteur ? Car dĂąâŹâąaprĂšs leurs principes et leur prĂ©tention mĂÂȘme, ils ne traitent pas moins des corps sensibles que des corps mathĂ©matiques. Aussi nĂąâŹâąont-ils rien dit de bon sur le feu, la terre et les autres choses semblables, et cela, parce quĂąâŹâąils nĂąâŹâąont rien dit, je pense, qui convienne proprement aux choses sensibles. De plus, comment faut-il entendre que le nombre et les modifications du nombre sont la cause des ĂÂȘtres qui existent et qui naissent dans le monde, depuis lĂąâŹâąorigine jusquĂąâŹâąĂ prĂ©sent, tandis que dĂąâŹâąautre part il nĂąâŹâąy a aucun autre nombre hors celui dont le monde est formĂ© ? En effet, lorsque pour eux, lĂąâŹâąopinion et le sens sont dans une certaine partie du ciel, et un peu plus haut ou un peu plus bas lĂąâŹâąinjustice et la sĂ©paration ou le mĂ©lange, attendu, selon eux, que chacune de ces choses est un nombre, et lorsque dĂ©jĂ dans ce mĂÂȘme espace se trouvent rassemblĂ©es une multitude de grandeurs, parce que ces grandeurs sont attachĂ©es chacune Ă un lieu, alors le nombre quĂąâŹâąil faut regarder comme Ă©tant chacune de ces choses, est-il le mĂÂȘme que celui qui est dans le ciel, ou un autre outre celui-lĂ ? Platon dit que cĂąâŹâąest un autre nombre ; et pourtant lui aussi pense que les choses sensibles et les causes de ces choses sont des nombres ; mais pour lui les nombres qui sont causes, sont intelligibles, et les autres sont des nombres sensibles. Chapitre 8 Laissons maintenant les Pythagoriciens ; [990b] ce que nous en avons dit, suffira. Quant Ă ceux qui posent pour principes les idĂ©es, dĂąâŹâąabord, en cherchant Ă saisir les principes des ĂÂȘtres que nous voyons, ils en ont introduit dĂąâŹâąautres en nombre Ă©gal Ă celui des premiers, comme si quelquĂąâŹâąun voulant compter des objets, et ne pouvant le faire, alors mĂÂȘme quĂąâŹâąils sont en assez petit nombre, sĂąâŹâąavisait de les multiplier pour les compter. Les idĂ©es sont presque en aussi grand nombre que les choses pour lĂąâŹâąexplication desquelles on a eu recours aux idĂ©es. Chaque chose individuelle se trouve avoir un homonyme, non seulement les existences individuelles, mais toutes celles oĂÂč lĂąâŹâąunitĂ© est dans la pluralitĂ©, et cela pour les choses de ce monde et pour les choses Ă©ternelles. En second lieu, de tous les arguments dont on se sert pour Ă©tablir lĂąâŹâąexistence des idĂ©es, aucun ne la dĂ©montre la conclusion quĂąâŹâąon tire des uns nĂąâŹâąest pas rigoureuse, et dĂąâŹâąaprĂšs les autres, il y aurait des idĂ©es lĂ mĂÂȘme oĂÂč les Platoniciens nĂąâŹâąen admettent pas. Ainsi dĂąâŹâąaprĂšs les considĂ©rations puisĂ©es dans la nature de la science, il y aura des idĂ©es de toutes les choses dont il y a science ; et dĂąâŹâąaprĂšs lĂąâŹâąargument qui se tire de lĂąâŹâąunitĂ© impliquĂ©e dans toute pluralitĂ©, il y aura des idĂ©es des nĂ©gations mĂÂȘmes ; et par ce motif quĂąâŹâąon pense aux choses qui ont pĂ©ri, il y en aura des choses qui ne sont plus car nous nous en formons quelque image. En outre, on est conduit, en raisonnant rigoureusement, Ă supposer des idĂ©es pour le relatif dont on ne prĂ©tend pourtant pas quĂąâŹâąil forme par lui-mĂÂȘme un genre Ă part, ou bien Ă lĂąâŹâąhypothĂšse du troisiĂšme homme. Enfin, les raisonnements quĂąâŹâąon fait sur les idĂ©es renversent ce que les partisans des idĂ©es ont plus Ă cĂ
âur que lĂąâŹâąexistence mĂÂȘme des idĂ©es car il arrive que ce nĂąâŹâąest plus la dyade qui est avant le nombre, mais le nombre qui est avant la dyade, que le relatif est antĂ©rieur Ă lĂąâŹâąabsolu, et toutes les consĂ©quences en contradiction avec leurs propres principes, auxquelles ont Ă©tĂ© poussĂ©s certains partisans de la doctrine des idĂ©es. De plus, dans lĂąâŹâąhypothĂšse sur laquelle on Ă©tablit lĂąâŹâąexistence des idĂ©es, il y aura des idĂ©es non seulement pour les substances, mais aussi pour beaucoup dĂąâŹâąautres choses car ce ne sont pas les substances seules, mais les autres choses aussi que nous concevons sous la raison de lĂąâŹâąunitĂ©, et toutes les sciences nĂ© portent pas seulement sur lĂąâŹâąessence, mais sur dĂąâŹâąautres choses encore ; et il y a mille autres difficultĂ©s de ce genre. Mais de toute nĂ©cessitĂ©, ainsi que dĂąâŹâąaprĂšs les opinions Ă©tablies sur les idĂ©es, si les idĂ©es sont quelque chose dont participent les ĂÂȘtres, il ne peut y avoir dĂąâŹâąidĂ©es que des essences car ce nĂąâŹâąest pas par lĂąâŹâąaccident quĂąâŹâąil peut y avoir participation des idĂ©es ; cĂąâŹâąest par son cĂÂŽtĂ© substantiel que chaque chose doit participer dĂąâŹâąelles. Par exemple si une chose participe du double en soi, elle participe de lĂąâŹâąĂ©ternitĂ©, mais selon lĂąâŹâąaccident car ce nĂąâŹâąest que par accident que le double est Ă©ternel ; en sorte que les idĂ©es seront lĂąâŹâąessence, et que dans le monde sensible et au-dessus elles dĂ©signeront lĂąâŹâąessence ; ou sinon, que signifiera-t-il de dire quĂąâŹâąil doit y avoir quelque chose de plus que les choses particuliĂšres, Ă savoir, lĂąâŹâąunitĂ© dans la pluralitĂ© ? Si les idĂ©es et les choses qui en participent, sont du mĂÂȘme genre, il y aura entre elles quelque chose de commun car pourquoi y aurait-il dans les dualitĂ©s pĂ©rissables et les dualitĂ©s multiples, mais Ă©ternelles, une dualitĂ© une et identique, plutĂÂŽt que dans la dualitĂ© idĂ©ale et dans telle ou telle dualitĂ© dĂ©terminĂ©e ? Si, au contraire, elles ne sont pas du mĂÂȘme genre, il nĂąâŹâąy aura entre elles que le nom de commun, et ce sera comme si on donnait le nom dĂąâŹâąhomme Ă Callias et Ă un morceau de bois, sans avoir vu entre eux aucun rapport. La plus grande difficultĂ©, cĂąâŹâąest de savoir ce que font les idĂ©es aux choses sensibles, soit Ă celles qui sont Ă©ternelles, soit Ă celles qui naissent et qui pĂ©rissent car elles ne sont causes pour elles ni dĂąâŹâąaucun mouvement, ni dĂąâŹâąaucun changement. DĂąâŹâąautre part, elles ne servent en rien Ă la connaissance des choses, puisquĂąâŹâąelles nĂąâŹâąen sont point lĂąâŹâąessence car alors elles seraient en elles ; elles ne les font pas ĂÂȘtre non plus, puisquĂąâŹâąelles ne rĂ©sident pas dans les choses qui participent dĂąâŹâąelles. A moins quĂąâŹâąon ne dise peut-ĂÂȘtre quĂąâŹâąelles sont causes, comme serait, par exemple, la blancheur cause de lĂąâŹâąobjet blanc, en se mĂÂȘlant Ă lui ; mais il nĂąâŹâąy a rien de solide dans cette opinion quĂąâŹâąAnaxagore le premier, et aprĂšs lui Eudoxe et quelques autres, ont mise en avant ; et il est facile de rassembler contre une pareille hypothĂšse une foule de difficultĂ©s insolubles. Ainsi les choses ne sauraient venir des idĂ©es, dans aucun des cas dans lesquels, on a coutume de lĂąâŹâąentendre. Dire que ce sont des exemplaires et que les autres choses en participent, cĂąâŹâąest prononcer de vains mots et faire des mĂ©taphores poĂ©tiques ; car, quĂąâŹâąest-ce qui produit jamais quelque chose en vue des idĂ©es ? De plus, il se peut quĂąâŹâąil existe ou quĂąâŹâąil naisse une chose semblable Ă une autre, sans avoir Ă©tĂ© modelĂ©e sur elle ; et, par exemple, que Socrate existe ou nĂąâŹâąexiste pas, il pourrait naĂtre un personnage tel que Socrate. DĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, il est Ă©galement vrai que, en admettant un Socrate Ă©ternel, il faudra quĂąâŹâąil y ait plusieurs exemplaires et par consĂ©quent plusieurs idĂ©es de la mĂÂȘme chose ; de lĂąâŹâąhomme, par exemple, il y aurait lĂąâŹâąanimal, le bipĂšde, tout aussi bien que lĂąâŹâąhomme en soi. Il faut en outre quĂąâŹâąil y ait des idĂ©es exemplaires non seulement pour des choses sensibles, mais encore pour les idĂ©es elles-mĂÂȘmes, comme le genre en tant que comprenant des espĂšces ; de sorte que la mĂÂȘme chose sera Ă la fois exemplaire et copie. De plus, il semble impossible que lĂąâŹâąessence soit sĂ©parĂ©e de la chose dont elle est lĂąâŹâąessence si cela est, comment les idĂ©es qui sont les essences des choses, en seraient-elles sĂ©parĂ©es ? Dans le PhĂ©don, il est dit que les causes de lĂąâŹâąĂÂȘtre et du devenir sont les IdĂ©es. Pourtant, mĂÂȘme en admettant lĂąâŹâąexistence des IdĂ©es, les ĂÂȘtres participants ne sont pas engendrĂ©s sans lĂąâŹâąintervention de la cause motrice. Et comme beaucoup dĂąâŹâąautres objets sont produits, par exemple une maison et un anneau, dont nous disons quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąIdĂ©es, il en rĂ©sulte quĂąâŹâąil est Ă©videmment possible, pour les autres choses aussi, dĂąâŹâąexister et de devenir par des causes analogues Ă celles des objets dont nous parlons. Maintenant, si les idĂ©es sont des nombres, comment ces nombres seront-ils causes ? Sera-ce parce que les ĂÂȘtres sont dĂąâŹâąautres nombres, et que tel nombre par exemple est lĂąâŹâąhomme, tel autre Socrate, tel autre Callias ? Mais en quoi ceux-lĂ sont-ils causes de ceux-ci ? Car, que les uns soient Ă©ternels, les autres non, cela nĂąâŹâąy fera rien. Si cĂąâŹâąest parce que les choses sensibles sont des rapports de nombres, comme est par exemple une harmonie, il est Ă©vident quĂąâŹâąil y a quelque chose qui est le sujet de ces rapports ; et si ce quelque chose existe, savoir la matiĂšre, il est clair quĂąâŹâąĂ leur tour les nombres eux-mĂÂȘmes seront des rapports de choses diffĂ©rentes. Par exemple, si Callias est une proportion en nombres de feu, de terre, dĂąâŹâąeau et dĂąâŹâąair, cela supposera des sujets particuliers, distincts de la proportion elle-mĂÂȘme ; et lĂąâŹâąidĂ©e nombre, lĂąâŹâąhomme en soi, que ce soit un nombre ou non, nĂąâŹâąen sera pas moins une proportion de nombres qui suppose des sujets particuliers et non pas un pur nombre, et on nĂąâŹâąen peut tirer non plus aucun nombre particulier. Ensuite, de la rĂ©union de plusieurs nombres, rĂ©sulte un nombre unique ; comment de plusieurs idĂ©es fera-t-on une seule idĂ©e ? Si on prĂ©tend que la somme nĂąâŹâąest pas formĂ©e de la rĂ©union des idĂ©es elles-mĂÂȘmes, mais des Ă©lĂ©ments individuels compris sous les idĂ©es, comme est par exemple une myriade, comment sont les unitĂ©s qui composent cette somme ? Si elles sont de mĂÂȘme espĂšce, il sĂąâŹâąensuivra beaucoup de choses absurdes ; si dĂąâŹâąespĂšce diverse, elles ne seront ni les mĂÂȘmes, ni diffĂ©rentes ; car en quoi diffĂ©reraient-elles, puisquĂąâŹâąelles nĂąâŹâąont pas de qualitĂ©s ? Toutes ces choses ne sont ni raisonnables ni conformes au bon sens. Et puis, il est nĂ©cessaire dĂąâŹâąintroduire un autre genre de nombre qui soit lĂąâŹâąobjet de lĂąâŹâąarithmĂ©tique, et de ce que plusieurs appellent les choses intermĂ©diaires ; autrement de quels principes viendront ces choses ? Pourquoi doit-il y avoir des intermĂ©diaires entre le monde sensible et les IdĂ©es ? De plus, les unitĂ©s, dans la Dyade indĂ©finie, viendront chacune dĂąâŹâąune dyade antĂ©rieure, ce qui est pourtant impossible. En outre, comment [992a] expliquer que le Nombre idĂ©al, composĂ© dĂąâŹâąunitĂ©s, soit une unitĂ©s ? Ce nĂąâŹâąest pas tout. Si les unitĂ©s sont diffĂ©rentes entre elles, on devrait parler comme ceux qui admettent deux ou quatre Ă©lĂ©ments, tous entendant par lĂ , non un Ă©lĂ©ment commun, le Corps en gĂ©nĂ©ral, par exemple, mais le Feu ou la Terre, que le Corps soit, ou non, quelque chose de commun. Mais, en rĂ©alitĂ©, les platoniciens sĂąâŹâąexpriment comme si lĂąâŹâąUn en soi Ă©tait, Ă la façon du Feu ou de lĂąâŹâąEau, une sorte dĂąâŹâąĂ©lĂ©ment homĂ©omĂšre. SĂąâŹâąil en est ainsi, les Nombres ne seront pas des substances, mais il est clair que, si lĂąâŹâąUn en soi existe, et quĂąâŹâąil soit principe, lĂąâŹâąUn ne recevra quĂąâŹâąune diversitĂ© de dĂ©nomination, autrement il y aurait lĂ une impossibilitĂ©. Dans le but de ramener les choses aux principes de cette thĂ©orie, on compose les longueurs du long et du court, cĂąâŹâąest-Ă -dire dĂąâŹâąune certaine espĂšce de grand et de petit, la surface du large et de lĂąâŹâąĂ©troit, le corps du profond et de son contraire. Or, comment le plan pourra-t-il contenir la ligne, ou le solide la ligne et le plan ? Car le large et lĂąâŹâąĂ©troit sont une espĂšce diffĂ©rente du profond et de son contraire. De mĂÂȘme donc que le nombre ne se trouve pas dans ces choses, parce que ses principes, le plus ou le moins, sont distincts de ceux que nous venons de nommer, il est clair que de ces diverses espĂšces, celles qui sont supĂ©rieures, ne pourront se trouver dans les infĂ©rieures. Et il ne faut pas dire que le profond soit une espĂšce du large ; car alors, le corps serait une sorte de plan. Et les points, dĂąâŹâąoĂÂč viendront-ils ? Platon combattait lĂąâŹâąexistence du point, comme Ă©tant une pure conception gĂ©omĂ©trique ; dĂąâŹâąautre part, il lĂąâŹâąappelait le principe de la ligne, il en a fait souvent des lignes indivisibles. Pourtant, il faut que ces lignes aient une limite ; de sorte que par la mĂÂȘme raison que la ligne existe, le point existe aussi. Enfin, quand il appartient Ă la philosophie de rechercher la cause des phĂ©nomĂšnes, cĂąâŹâąest cela mĂÂȘme que lĂąâŹâąon nĂ©glige car on ne dit rien de la cause qui est le principe du changement ; et on sĂąâŹâąimagine expliquer lĂąâŹâąessence des choses sensibles, en posant dĂąâŹâąautres essences ; mais comment celles-ci sont-elles les essences de celles-lĂ ? CĂąâŹâąest sur quoi on ne se paie que de mots, car participer, comme nous lĂąâŹâąavons dĂ©jĂ dit, ne signifie rien. Et ce principe que nous regardons comme la fin des sciences, en vue duquel agit toute intelligence et tout ĂÂȘtre ; ce principe que nous avons rangĂ© parmi les principes premiers, les idĂ©es ne lĂąâŹâąatteignent nullement. Mais, les MathĂ©matiques sont devenues, pour les modernes, toute la Philosophie, quoiquĂąâŹâąils disent quĂąâŹâąon ne devrait les cultiver [992b] quĂąâŹâąen vue du reste. De plus, cette dyade, dont ils font la matiĂšre des choses, on pourrait bien la regarder comme une matiĂšre purement mathĂ©matique, comme un attribut et une diffĂ©rence de ce qui est et de la matiĂšre, plutĂÂŽt que comme la matiĂšre mĂÂȘme cĂąâŹâąest comme ce que les physiciens appellent le rare et le dense, ne dĂ©signant par lĂ que les diffĂ©rences premiĂšres du sujet ; car tout cela nĂąâŹâąest autre chose quĂąâŹâąune sorte de plus et de moins. Quant Ă ce qui est du mouvement, si le grand et le petit renferment le mouvement, il est clair que les idĂ©es seront en mouvement sinon, dĂąâŹâąoĂÂč est-il venu ? CĂąâŹâąen est assez pour supprimer dĂąâŹâąun seul coup toute Ă©tude de la nature. Il eĂ»t paru facile Ă cette doctrine de dĂ©montrer que tout est un ; mais elle nĂąâŹâąy parvient pas, car, des raisons quĂąâŹâąon expose, il ne rĂ©sulte pas que toutes choses soient lĂąâŹâąunitĂ©, mais seulement quĂąâŹâąil y a une certaine unitĂ© existante, et il reste Ă accorder quĂąâŹâąelle soit tout or cela, on ne le peut, quĂąâŹâąen accordant lĂąâŹâąexistence du genre universel, ce qui est impossible pour certaines choses. Pour les choses qui viennent aprĂšs les nombres, Ă savoir, les longueurs, les surfaces et les solides, on nĂąâŹâąen rend pas raison, on nĂąâŹâąexplique ni comment elles sont et deviennent, ni si elles ont quelque vertu. Il est impossible que ce soient des idĂ©es ; car ce ne sont pas des nombres, ni des choses intermĂ©diaires, car ces derniĂšres sont les choses mathĂ©matiques, ni enfin des choses pĂ©rissables ; mais il est Ă©vident quĂąâŹâąelles constituent une quatriĂšme classe dĂąâŹâąĂÂȘtres. Enfin, rechercher les Ă©lĂ©ments des ĂÂȘtres sans les distinguer, lorsque leurs dĂ©nominations les distinguent de tant de maniĂšres, cĂąâŹâąest se mettre dans lĂąâŹâąimpossibilitĂ© de les trouver, surtout si on pose la question de cette maniĂšre Quels sont les Ă©lĂ©ments des ĂÂȘtres ? Car de quels Ă©lĂ©ments viennent lĂąâŹâąaction ou la passion ou la direction rectiligne, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąon ne peut certainement pas saisir ; on ne le peut que pour les substances ; de sorte que rechercher les Ă©lĂ©ments de tous les ĂÂȘtres ou sĂąâŹâąimaginer quĂąâŹâąon les connaĂt, est une chimĂšre. Et puis, comment pourra-t-on apprendre quels sont les Ă©lĂ©ments de toutes choses ? Ăâ°videmment, il est impossible alors quĂąâŹâąon ne possĂšde aucune connaissance prĂ©alable ; car quand on apprend la gĂ©omĂ©trie, on a des connaissances prĂ©alables, sans quĂąâŹâąon sache dĂąâŹâąavance rien de ce que renferme la gĂ©omĂ©trie et de ce quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąapprendre ; et il en est ainsi de tout le reste ; si donc il y a une science de toutes choses, comme quelques-uns le prĂ©tendent, il nĂąâŹâąy a plus de connaissance prĂ©alable. Cependant, toute science, aussi bien celle qui procĂšde par dĂ©monstration que celle q ni procĂšde par dĂ©finitions, ne sĂąâŹâąacquiert quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąaide de connaissances prĂ©alables, totales ou particuliĂšres ; car toute dĂ©finition suppose des donnĂ©es connues dĂąâŹâąavance ; et il en est de mĂÂȘme de la science par induction. Mais, dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, si la science se trouvait actuellement innĂ©e, il serait Ă©tonnant [993a] quĂąâŹâąĂ notre insu nous possĂ©dions en nous la plus haute des sciences. Et puis, comment connaĂtra-t-on les Ă©lĂ©ments de toutes choses et comment arrivera-t-on Ă une certitude dĂ©monstrative ? Car cela est sujet Ă difficultĂ© ; et on pourrait douter sur ce point comme on doute au sujet de certaines syllabes les uns disent, en effet, que la syllabe ZA est composĂ©e des trois lettres S, D et A ; les autres prĂ©tendent que cĂąâŹâąest un autre son, diffĂ©rent de tous ceux que nous connaissons. Enfin, les choses qui tombent sous la sensation, comment celui qui est dĂ©pourvu de la facultĂ© de sentir, pourra-t-il les connaĂtre ? Pourtant, il le faudrait si les idĂ©es sont les Ă©lĂ©ments dont se composent toutes choses, comme des sons composĂ©s viennent tous des sons Ă©lĂ©mentaires. Chapitre 9 Ainsi donc, il rĂ©sulte clairement de tout ce que nous avons dit jusquĂąâŹâąici les recherches de tous les philosophes se rapportent aux quatre principes dĂ©terminĂ©s par nous dans la Physique, et quĂąâŹâąen dehors de ceux-lĂ il nĂąâŹâąy en a pas dĂąâŹâąautre. Mais ces recherches ont Ă©tĂ© faites sans prĂ©cision ; et si, en un sens, on a parlĂ© avant nous de tous les principes, on peut dire en un autre quĂąâŹâąil nĂąâŹâąen a pas Ă©tĂ© parlĂ© car la philosophie primitive, jeune et faible encore, semble bĂ©gayer sur toutes choses. Par exemple, lorsque EmpĂ©docle dit que ce qui fait lĂąâŹâąos cĂąâŹâąest la proportion, il dĂ©signe par lĂ la forme et lĂąâŹâąessence de la chose ; mais il faut aussi que ce principe rende raison de la chair et de toutes les autres choses, ou de rien ; cĂąâŹâąest donc par la proportion que la chair et lĂąâŹâąos et toutes les autres choses existeront, et non pas par la matiĂšre, laquelle est selon lui feu, terre et eau. QuĂąâŹâąun autre eĂ»t dit cela, EmpĂ©docle en serait nĂ©cessairement convenu ; mais il ne sĂąâŹâąest pas expliquĂ© clairement. LĂąâŹâąinsuffisance des recherches de nos devanciers a Ă©tĂ© assez montrĂ©e. Maintenant, reprenons les difficultĂ©s qui peuvent sĂąâŹâąĂ©lever sur le sujet, lui-mĂÂȘme ; leur solution nous conduira peut-ĂÂȘtre Ă celle des difficultĂ©s qui se prĂ©senteront ensuite. Livre 2 Chapitre 1 La science qui a pour objet la vĂ©ritĂ©, est difficile sous un point de vue et facile sous un autre. Ce qui le prouve, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil est impossible dĂąâŹâąatteindre complĂštement la vĂ©ritĂ©, et que tous la manquent complĂštement. [993b] Pourtant, chaque philosophe explique quelque secret de la nature. Ce que chacun en particulier ajoute Ă la connaissance de la vĂ©ritĂ© nĂąâŹâąest rien sans doute ou nĂąâŹâąest que peu de chose ; mais la rĂ©union de toutes les idĂ©es prĂ©sente dĂąâŹâąimportants rĂ©sultats. De sorte quĂąâŹâąil en est ici, ce nous semble, comme de ce que nous disons dans le proverbe Qui ne mettrait pas la flĂšche dans une porte ? ConsidĂ©rĂ©e ainsi, cette science est chose facile. Mais lĂąâŹâąimpossibilitĂ© dĂąâŹâąune possession complĂšte de la vĂ©ritĂ© dans son ensemble et dans ses parties, montre tout ce quĂąâŹâąil y a de difficile dans la recherche dont il sĂąâŹâąagit. Cette difficultĂ© est double. Toutefois, elle a peut-ĂÂȘtre sa cause non pas dans les choses, mais dans nous-mĂÂȘmes. En effet, de mĂÂȘme que les yeux des chauves-souris sont offusquĂ©s par la lumiĂšre du jour, de mĂÂȘme lĂąâŹâąintelligence de notre ĂÂąme est offusquĂ©e par les choses qui portent en elles la plus Ă©clatante Ă©vidence. Il est donc juste dĂąâŹâąavoir de la reconnaissance non-seulement pour ceux dont on partage les opinions, mais pour ceux-lĂ mĂÂȘmes qui ont traitĂ© les questions dĂąâŹâąune maniĂšre un peu superficielle ; car eux aussi ont contribuĂ© pour leur part. Ce sont eux qui ont prĂ©parĂ© par leurs travaux lĂąâŹâąĂ©tat actuel de la science. Si TimothĂ©e nĂąâŹâąavait point existĂ©, nous nĂąâŹâąaurions pas toutes ces belles mĂ©lodies ; mais sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy avait point eu de Phrynes, il nĂąâŹâąeĂ»t point existĂ© de TimothĂ©e. Il en est de mĂÂȘme de ceux qui ont exposĂ© leurs idĂ©es sur la vĂ©ritĂ©. Nous avons adoptĂ© quelques-unes des opinions de plusieurs philosophes ; les autres philosophes ont Ă©tĂ© causes de lĂąâŹâąexistence de ceux-lĂ . Enfin cĂąâŹâąest Ă juste titre quĂąâŹâąon nomme la philosophie, la science thĂ©orĂ©tique de la vĂ©ritĂ©. En effet, la fin de la spĂ©culation, cĂąâŹâąest la vĂ©ritĂ© ; celle de la pratique, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ
âuvre ; et les praticiens, quand ils considĂšrent le comment des choses, nĂąâŹâąexaminent pas la cause pour elle-mĂÂȘme, mais en vue dĂąâŹâąun but particulier, dĂąâŹâąun intĂ©rĂÂȘt prĂ©sent. Or, nous ne savons pas le vrai si nous ne savons la cause. De plus, une chose est vraie par excellence, quand cĂąâŹâąest Ă elle que les autres choses empruntent ce quĂąâŹâąelles ont en elles de vĂ©ritĂ© ; et, de mĂÂȘme que le feu est le chaud par excellence, parce quĂąâŹâąil est la cause de la chaleur des autres ĂÂȘtres ; de mĂÂȘme la chose qui est la cause de la vĂ©ritĂ© dans les ĂÂȘtres qui dĂ©rivent de cette chose est aussi la vĂ©ritĂ© par excellence. CĂąâŹâąest pourquoi les principes des ĂÂȘtres Ă©ternels sont nĂ©cessairement lĂąâŹâąĂ©ternelle vĂ©ritĂ©. Car, ce nĂąâŹâąest pas dans telle circonstance seulement quĂąâŹâąils sont vrais ; et il nĂąâŹâąy a rien qui soit la cause de leur vĂ©ritĂ© ; ce sont eux au contraire qui sont causes de la vĂ©ritĂ© des autres choses. En sorte que tel est le rang de chaque chose dans lĂąâŹâąordre de lĂąâŹâąĂÂȘtre, tel est son rang dans lĂąâŹâąordre de la vĂ©ritĂ©. Chapitre 2 [994a] Il est Ă©vident quĂąâŹâąil y a un premier principe, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąexiste ni une sĂ©rie infinie de causes, ni une infinitĂ© dĂąâŹâąespĂšces de causes. Ainsi, sous le point de vue de la matiĂšre, il est impossible quĂąâŹâąil y ait production Ă lĂąâŹâąinfini ; que la chair, par exemple, vienne de la terre, la terre de lĂąâŹâąair, lĂąâŹâąair du feu, sans que cela sĂąâŹâąarrĂÂȘte. De mĂÂȘme pour le principe du mouvement on ne dira pas que lĂąâŹâąhomme a Ă©tĂ© mis en mouvement par lĂąâŹâąair, lĂąâŹâąair par le soleil, le soleil par la discorde, et ainsi Ă lĂąâŹâąinfini. De mĂÂȘme encore, on ne peut, pour la cause finale, aller Ă lĂąâŹâąinfini et dire que la marche est en vue de la santĂ©, la santĂ© en vue du bonheur, le bonheur en vue dĂąâŹâąautre chose, et que toute chose est toujours ainsi en vue dĂąâŹâąune autre. De mĂÂȘme enfin pour la cause essentielle. Toute chose intermĂ©diaire est prĂ©cĂ©dĂ©e et suivie dĂąâŹâąautre chose, et ce qui prĂ©cĂšde est nĂ©cessairement cause de ce qui suit. Si lĂąâŹâąon nous demandait laquelle dĂąâŹâąune sĂ©rie de trois choses est la cause, nous dirions que cĂąâŹâąest la premiĂšre. Car ce nĂąâŹâąest point la derniĂšre ce qui est Ă la fin nĂąâŹâąest cause de rien. Ce nĂąâŹâąest point non plus lĂąâŹâąintermĂ©diaire elle nĂąâŹâąest cause que dĂąâŹâąune seule chose. Peu importe ensuite que ce qui est intermĂ©diaire soit un ou plusieurs, infini ou fini. Car toutes les parties de cette infinitĂ© de causes, et, en gĂ©nĂ©ral, toutes les parties de lĂąâŹâąinfini, si vous partez du fait actuel pour remonter de cause en cause, ne sont Ă©galement que des intermĂ©diaires. De sorte que si rien nĂąâŹâąest premier, il nĂąâŹâąy a absolument pas de cause. Mais sĂąâŹâąil faut, en remontant, arriver Ă un principe, on ne peut pas non plus, en descendant, aller Ă lĂąâŹâąinfini, et dire, par exemple, que le feu produit lĂąâŹâąeau, lĂąâŹâąeau la terre, et que la chaĂne de la production des ĂÂȘtres se continue ainsi sans cesse et sans fin. En effet, ceci succĂšde Ă cela, signifie deux choses ; ou bien une succession simple AprĂšs les jeux Isthmiques, les jeux Olympiens ; ou bien un rapport dĂąâŹâąun autre genre LĂąâŹâąhomme, par lĂąâŹâąeffet dĂąâŹâąun changement, vient de lĂąâŹâąenfant, lĂąâŹâąair de lĂąâŹâąeau. Et voici dans quel sens nous entendons que lĂąâŹâąhomme vient de lĂąâŹâąenfant ; cĂąâŹâąest dans le sens oĂÂč nous disons que ce qui est devenu a Ă©tĂ© produit par ce qui devenait, ou bien que ce qui est parfait a Ă©tĂ© produit par lĂąâŹâąĂÂȘtre qui se perfectionnait ; car, de mĂÂȘme que entre lĂąâŹâąĂÂȘtre et le non-ĂÂȘtre il y a toujours le devenir, de mĂÂȘme aussi entre ce qui nĂąâŹâąĂ©tait pas et ce qui est, il y a ce qui devient. Ainsi, celui qui Ă©tudie devient savant, et cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąon entend en disant que dĂąâŹâąapprenant quĂąâŹâąon Ă©tait on devient instruit. Quant Ă cet autre exemple LĂąâŹâąair vient de lĂąâŹâąeau ; lĂ , il y a lĂąâŹâąun des deux Ă©lĂ©ments qui pĂ©rit dans la production de lĂąâŹâąautre. Aussi, dans le premier cas nĂąâŹâąy a-t-il point de retour de ce qui est produit Ă ce qui a produit [994b] dĂąâŹâąhomme on ne devient pas enfant ; car ce qui est produit ne lĂąâŹâąest pas par la production mĂÂȘme, mais vient aprĂšs la production. De mĂÂȘme pour la succession simple le jour vient de lĂąâŹâąaurore, uniquement parce quĂąâŹâąil lui succĂšde ; mais par cela mĂÂȘme lĂąâŹâąaurore ne vient pas du jour. Dans lĂąâŹâąautre espĂšce de production, au contraire, il y a retour de lĂąâŹâąun des Ă©lĂ©ments Ă lĂąâŹâąautre. Mais dans les deux cas il est impossible dĂąâŹâąaller Ă lĂąâŹâąinfini. Dans le premier, il faut que les intermĂ©diaires aient une fin ; dans le dernier il y a retour perpĂ©tuel dĂąâŹâąun Ă©lĂ©ment Ă lĂąâŹâąautre, car la destruction de lĂąâŹâąun est la production de lĂąâŹâąautre. Et puis, il est impossible que lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment premier, sĂąâŹâąil est Ă©ternel, pĂ©risse comme il le faudrait alors. Car, puisque, en remontant de cause en cause, la chaĂne de la production nĂąâŹâąest pas infinie, il faut nĂ©cessairement que lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment premier qui, en pĂ©rissant, a produit quelque chose, ne soit pas Ă©ternel. Or, cela est impossible. Ce nĂąâŹâąest pas tout la cause finale est une fin. Par cause finale on entend ce qui ne se fait pas en vue dĂąâŹâąautre chose, mais au contraire ce en vue de quoi autre chose se fait. De sorte que sĂąâŹâąil y a ainsi quelque chose qui soit le dernier terme, il nĂąâŹâąy aura pas de production infinie sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien de tel, il nĂąâŹâąy a point de cause finale. Ceux qui admettent ainsi la production Ă lĂąâŹâąinfini, ne voient pas quĂąâŹâąils suppriment par lĂ mĂÂȘme le bien. Or, y a-t-il quelquĂąâŹâąun qui voudrait entreprendre une chose, sĂąâŹâąil ne devait pas arriver Ă lĂąâŹâąachever ? Ce serait lĂąâŹâąacte dĂąâŹâąun insensĂ©. LĂąâŹâąhomme raisonnable agit toujours en vue de quelque chose ; et cĂąâŹâąest-lĂ une fin, car le but quĂąâŹâąon se propose est une fin. On ne peut pas non plus ramener indĂ©finiment lĂąâŹâąessence Ă une autre essence. Il faut sĂąâŹâąarrĂÂȘter. Toujours lĂąâŹâąessence qui prĂ©cĂšde est plus essence que celle qui suit ; mais si ce qui prĂ©cĂšde ne lĂąâŹâąest pas encore, Ă plus forte raison ce qui suit. Bien plus, ce genre de systĂšme rend toute connaissance impossible. On ne peut savoir, il est impossible de rien connaĂtre, avant dĂąâŹâąarriver Ă ce qui est simple et indivisible. Or, comment penser Ă cette infinitĂ© dĂąâŹâąĂÂȘtres dont on nous parle ? Il nĂąâŹâąen est pas ici comme de la ligne, qui ne sĂąâŹâąarrĂÂȘte pas dans ses divisions la pensĂ©e a besoin de points dĂąâŹâąarrĂÂȘt. Aussi, si vous parcourez cette ligne qui se divise Ă lĂąâŹâąinfini, vous nĂąâŹâąen pouvez compter toutes les divisions. Ajoutons que nous ne concevons la matiĂšre que dans un objet en mouvement. Or, aucun de ces objets nĂąâŹâąest marquĂ© du caractĂšre de lĂąâŹâąinfini. Si ces objets sont rĂ©ellement infinis, le caractĂšre propre de lĂąâŹâąinfini nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąinfini. Et quand bien mĂÂȘme on dirait seulement quĂąâŹâąil y a un nombre infini dĂąâŹâąespĂšces de causes, la connaissance serait encore impossible. Car nous croyons savoir quand nous connaissons les causes ; et il nĂąâŹâąest point possible que dans un temps fini, nous puissions parcourir une sĂ©rie infinie. Chapitre 3 Les auditeurs sont soumis Ă lĂąâŹâąinfluence de lĂąâŹâąhabitude. Nous aimons quĂąâŹâąon se serve dĂąâŹâąun langage conforme Ă celui qui nous est familier. Sans cela, les choses ne paraissent plus ce quĂąâŹâąelles nous paraissaient ; il nous semble, par ce quĂąâŹâąelles ont dĂąâŹâąinaccoutumĂ©, que nous les connaissons moins, et quĂąâŹâąelles nous sont plus Ă©trangĂšres. Ce qui nous est habituel nous est, en effet, mieux connu. Une chose qui montre bien quelle est la force de lĂąâŹâąhabitude, ce sont les lois, oĂÂč des fables et [995a] des puĂ©rilitĂ©s ont plus de puissance, par lĂąâŹâąeffet de lĂąâŹâąhabitude, que nĂąâŹâąen aurait la vĂ©ritĂ© mĂÂȘme. Il est des hommes qui nĂąâŹâąadmettent dĂąâŹâąautres dĂ©monstrations que celles des mathĂ©matiques ; dĂąâŹâąautres ne veulent que des exemples ; dĂąâŹâąautres ne trouvent pas mauvais quĂąâŹâąon invoque le tĂ©moignage dĂąâŹâąun poĂšte. Il en est enfin qui demandent que tout soit rigoureusement dĂ©montrĂ© ; tandis que dĂąâŹâąautres trouvent cette rigueur insupportable, ou bien parce quĂąâŹâąils ne peuvent suivre la chaĂne des dĂ©monstrations, ou bien parce quĂąâŹâąils pensent que cĂąâŹâąest se perdre dans des futilitĂ©s. Il y a, en effet, quelque chose de cela dans lĂąâŹâąaffectation de la rigueur. Aussi quelques-uns la regardent-ils comme indigne dĂąâŹâąun homme libre, non-seulement dans la conversation, mais mĂÂȘme dans la discussion philosophique. Il faut donc que nous apprenions avant tout quelle sorte de dĂ©monstration convient Ă chaque objet particulier ; car il serait absurde de mĂÂȘler ensemble et la recherche de la science, et celle de sa mĂ©thode deux choses dont lĂąâŹâąacquisition prĂ©sente de grandes difficultĂ©s. On ne doit pas exiger en tout la rigueur mathĂ©matique, mais seulement quand il sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąobjets immatĂ©riels. Aussi la mĂ©thode mathĂ©matique nĂąâŹâąest-elle pas celle des physiciens ; car la matiĂšre est probablement le fond de toute la nature. Ils ont Ă examiner dĂąâŹâąabord ce que cĂąâŹâąest que la nature. De cette maniĂšre, en effet, ils verront clairement quel est lĂąâŹâąobjet de la physique, et si lĂąâŹâąĂ©tude des causes et des principes de la nature est le partage dĂąâŹâąune science unique ou de plusieurs sciences. Livre 3 Chapitre 1 Il est nĂ©cessaire, dans lĂąâŹâąintĂ©rĂÂȘt de la science que nous cherchons, de commencer par exposer les difficultĂ©s que nous avons Ă rĂ©soudre dĂšs lĂąâŹâąabord. Ces difficultĂ©s, ce sont, outre les opinions contradictoires des divers philosophes sur les mĂÂȘmes sujets, tous les points obscurs quĂąâŹâąils peuvent avoir nĂ©gligĂ© dĂąâŹâąĂ©claircir si lĂąâŹâąon veut arriver Ă une solution vraie, il est utile de se bien poser dĂąâŹâąabord ces difficultĂ©s. Car la solution vraie Ă laquelle on parvient ensuite, nĂąâŹâąest autre chose que lĂąâŹâąĂ©claircissement de ces difficultĂ©s or, il est impossible de dĂ©lier un nĂ
âud si lĂąâŹâąon ne sait pas la maniĂšre de sĂąâŹâąy prendre. Ceci est Ă©vident surtout pour les difficultĂ©s, les doutes de la pensĂ©e. Douter, pour elle, cĂąâŹâąest ĂÂȘtre dans lĂąâŹâąĂ©tat de lĂąâŹâąhomme enchaĂnĂ© pas plus que lui elle ne peut aller en avant. Il nous faut donc commencer par examiner toutes les difficultĂ©s, et pour ces motifs, et aussi parce que chercher sans se les ĂÂȘtre posĂ©es dĂąâŹâąabord, cĂąâŹâąest ressembler Ă ceux qui marchent sans savoir vers quel but il faut marcher, cĂąâŹâąest sĂąâŹâąexposer mĂÂȘme Ă ne point reconnaĂtre si lĂąâŹâąon a dĂ©couvert ou non ce que lĂąâŹâąon cherchait. En effet, on nĂąâŹâąa point alors de but marquĂ© le but est marquĂ© au contraire pour celui qui a commencĂ© par se les bien poser. Enfin, on doit nĂ©cessairement ĂÂȘtre mieux Ă mĂÂȘme de juger, quand on a entendu, comme parties adverses en quelque sorte, toutes les raisons opposĂ©es. La premiĂšre difficultĂ© est celle que nous nous sommes dĂ©jĂ proposĂ©e dans lĂąâŹâąintroduction. LĂąâŹâąĂ©tude des causes appartient-elle Ă une seule science, ou Ă plusieurs, et la science doit-elle sĂąâŹâąoccuper seulement des premiers principes des ĂÂȘtres, ou bien doit-elle embrasser aussi les principes gĂ©nĂ©raux de la dĂ©monstration, tels que celui-ci Est-il possible, ou non, dĂąâŹâąaffirmer et de nier en mĂÂȘme temps une seule et mĂÂȘme chose ? Et tous les autres principes de ce genre ? Et si elle ne sĂąâŹâąoccupe que des principes des ĂÂȘtres, y a-t-il une seule science ou plusieurs pour tous ces principes ? Et sĂąâŹâąil y en a plusieurs, y a-t-il entre toutes quelque affinitĂ©, on bien les unes doivent-elles ĂÂȘtre considĂ©rĂ©es comme des philosophies, les autres non ? Il est nĂ©cessaire encore de rechercher si lĂąâŹâąon ne doit reconnaĂtre que des substances sensibles, ou sĂąâŹâąil y en a dĂąâŹâąautres en dehors de celles-lĂ . Y a-t-il une seule espĂšce de substance, ou bien y en a-t-il plusieurs ? De ce dernier avis sont, par exemple, ceux qui admettent les idĂ©es, et les substances mathĂ©matiques intermĂ©diaires entre les idĂ©es et les objets sensibles. Ce sont lĂ , disons-nous, des difficultĂ©s quĂąâŹâąil faut examiner, et encore celle-ci Notre Ă©tude nĂąâŹâąembrasse-t-elle que les essences, ou bien sĂąâŹâąĂ©tend-elle aussi aux accidents essentiels des substances ? Ensuite, Ă quelle science appartient-il de sĂąâŹâąoccuper de lĂąâŹâąidentitĂ© et de lĂąâŹâąhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, de la similitude et de la dissimilitude, de lĂąâŹâąidentitĂ© et de la contrariĂ©tĂ©, de lĂąâŹâąantĂ©rioritĂ© et de la postĂ©rioritĂ©, et des autres principes de ce genre Ă lĂąâŹâąusage des Dialecticiens, lesquels ne raisonnent que sur le vraisemblable ? Ensuite, quels sont les accidents propres de chacune de ces choses ? Il ne faut pas seulement rechercher ce quĂąâŹâąest chacune dĂąâŹâąelles, mais encore si elles sont opposĂ©es les unes aux autres. Sont-ce les genres qui sont les principes et les Ă©lĂ©ments ; sont-ce les parties intrinsĂšques de chaque ĂÂȘtre ? Et si ce sont les genres, sont-ce les plus rapprochĂ©s des individus, ou bien les genres les plus Ă©levĂ©s ? Est-ce lĂąâŹâąanimal, par exemple, ou bien lĂąâŹâąhomme, qui est principe ; et le genre lĂąâŹâąest-il plutĂÂŽt que lĂąâŹâąindividu ? Une autre question non moins digne dĂąâŹâąĂÂȘtre Ă©tudiĂ©e et approfondie est celle-ci y a-t-il ou non, en dehors de la substance, quelque chose qui soit cause en soi ? Ce quelque chose en est-il ou non indĂ©pendant ; est-il un ou multiple ? Est-il ou non en dehors de lĂąâŹâąensemble et par lĂąâŹâąensemble jĂąâŹâąentends ici la substance avec sel attributs ? En dehors de quelques individus et non des autres ; et quels sont alors les ĂÂȘtres en dehors desquels il existe ? Ensuite, les principes soit formels soit substantiels, sont-ils numĂ©riquement distincts ou rĂ©ductibles Ă des genres ? [996a] Les principes des ĂÂȘtres pĂ©rissables et ceux des ĂÂȘtres impĂ©rissables sont-ils les mĂÂȘmes ou diffĂ©rents ; sont-ils tous impĂ©rissables, ou bien les principes des ĂÂȘtres pĂ©rissables sont-ils pĂ©rissables ? De plus, et cĂąâŹâąest lĂ la difficultĂ© la plus grande, la plus embarrassante, lĂąâŹâąunitĂ© et lĂąâŹâąĂÂȘtre constituent-ils ou non la substance des ĂÂȘtres, comme le prĂ©tendaient les Pythagoriciens et Platon ; ou bien y a-t-il quelque chose qui leur serve de sujet, de substance, comme lĂąâŹâąAmitiĂ© dĂąâŹâąEmpĂ©docle, le feu, lĂąâŹâąeau, lĂąâŹâąair de tel ou tel autre philosophe ? Les principes sont-ils relatifs au gĂ©nĂ©ral, ou bien aux choses particuliĂšres ? Sont-ils en puissance ou en acte ? Sont-ils en mouvement ou autrement ? Ce sont lĂ de graves difficultĂ©s. Ensuite, les nombres, les longueurs, les figures, les points, sont-ils ou non des substances ; et, sĂąâŹâąils sont des substances, sont-ils indĂ©pendants des objets sensibles, ou existent-ils dans ces objets ? Sur tous ces points, non seulement il est difficile dĂąâŹâąarriver Ă la vĂ©ritĂ© par une bonne solution, mais il nĂąâŹâąest pas mĂÂȘme bien facile de se poser nettement les difficultĂ©s. Chapitre 2 DĂąâŹâąabord, comme nous nous le sommes demandĂ© en commençant, appartient-il Ă une seule science ou Ă plusieurs, dĂąâŹâąexaminer toutes les espĂšces de causes ? Mais comment appartiendrait-il Ă une seule science de connaĂtre des principes qui ne sont pas contraires les uns aux autres ? Et de plus, il y a un grand nombre dĂąâŹâąobjets oĂÂč ces principes ne se trouvent pas tous rĂ©unis. Comment, par exemple, serait-il possible de rechercher la cause du mouvement ou le principe du bien dans ce qui est immobile ? En effet, tout ce qui est bien en soi et par sa nature est un but, et par cela mĂÂȘme une cause, puisque cĂąâŹâąest en vue de ce bien que se produisent, quĂąâŹâąexistent les autres choses. Un but, ce en vue de quoi, est nĂ©cessairement but de quelque action or, il nĂąâŹâąy a point dĂąâŹâąaction sans mouvement ; de sorte que dans les choses immobiles on ne peut admettre ni lĂąâŹâąexistence de ce principe du mouvement, ni celle du bien en soi. Aussi ne dĂ©montre-t-on rien dans les sciences mathĂ©matiques au moyen de la cause du mouvement. On ne sĂąâŹâąy occupe pas davantage du mieux et du pire ; et mĂÂȘme aucun mathĂ©maticien ne tient compte de ces principes. CĂąâŹâąest pour ce motif que quelques sophistes, Aristippe par exemple, repoussaient ignominieusement les sciences mathĂ©matiques. Dans tous les arts, disaient-ils, mĂÂȘme dans les arts manuels, dans celui du maçon, du cordonnier, on sĂąâŹâąoccupe sans cesse du mieux et du pire ; [996b] tandis que les mathĂ©matiques ne font jamais mention du bien ni du mal. Mais sĂąâŹâąil y a plusieurs sciences des causes, si chacune dĂąâŹâąelles sĂąâŹâąoccupe de principes diffĂ©rents, laquelle de toutes ces sciences sera celle que nous cherchons ; ou, parmi les hommes qui les possĂ©deront, lequel connaĂtra le mieux lĂąâŹâąobjet de nos recherches ? Il est possible quĂąâŹâąun seul objet rĂ©unisse toutes ces espĂšces de causes. Ainsi, dans une maison, le principe du mouvement, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąart et lĂąâŹâąouvrier ; la cause finale, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ
âuvre ; la matiĂšre, la terre et les pierres ; le plan est la forme. Il convient donc, dĂąâŹâąaprĂšs la dĂ©finition que nous avons assignĂ©e prĂ©cĂ©demment Ă la philosophie, de donner ce nom Ă chacune des sciences qui sĂąâŹâąoccupent de ces causes. La science par excellence, celle qui dominera toutes les autres, Ă laquelle les autres sciences devront cĂ©der en esclaves, cĂąâŹâąest assurĂ©ment celle qui sĂąâŹâąoccupe du but et du bien ; car tout le reste nĂąâŹâąexiste quĂąâŹâąen vue du bien. Mais la science des causes premiĂšres, celle que nous avons dĂ©finie la science de ce quĂąâŹâąil y a de plus scientifique, ce sera la science de lĂąâŹâąessence. On peut, en effet, connaĂtre la mĂÂȘme chose de bien des maniĂšres ; mais ceux qui connaissent un objet par ce quĂąâŹâąil est, connaissent mieux que ceux qui le connaissent par ce quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas. Parmi les premiers mĂÂȘme nous distinguons des degrĂ©s de connaissance ceux-lĂ en ont la science la plus parfaite, qui connaissent, non point sa quantitĂ©, ses qualitĂ©s, ses modifications, ses actes, mais son essence. Il en est de mĂÂȘme aussi de toutes les choses dont il y a dĂ©monstration. Nous croyons en avoir la connaissance lorsque nous savons ce en quoi elles consistent QuĂąâŹâąest-ce, par exemple, que construire un carrĂ© Ă©quivalent Ă un rectangle donnĂ© ? CĂąâŹâąest trouver la moyenne proportionnelle entre les deux cĂÂŽtĂ©s du rectangle. Et de mĂÂȘme pour tous les autres cas. Pour la production, au contraire, pour lĂąâŹâąaction, pour toute espĂšce de changement, nous croyons avoir la science, lorsque nous connaissons le principe du mouvement, lequel est diffĂ©rent de la cause finale, et en est prĂ©cisĂ©ment lĂąâŹâąopposĂ©. Il paraĂtrait donc dĂąâŹâąaprĂšs cela que ce sont des sciences diffĂ©rentes qui doivent examiner chacune de ces causes. Ce nĂąâŹâąest pas tout. Les principes de la dĂ©monstration appartiennent-ils Ă une seule science ou Ă plusieurs ? CĂąâŹâąest encore lĂ une question. JĂąâŹâąappelle principe de la dĂ©monstration, ces axiomes gĂ©nĂ©raux sur lesquels tout le monde sĂąâŹâąappuie pour dĂ©montrer ; ceux-ci, par exemple Il faut nĂ©cessairement affirmer ou nier une chose ; Une chose ne peut pas ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas en mĂÂȘme temps ; et toutes les autres propositions de ce genre. HĂ© bien, la science de ces principes est-elle la mĂÂȘme que celle de lĂąâŹâąessence, ou en diffĂšre-t-elle ? Si elle en diffĂšre, laquelle des deux reconnaĂtrons-nous pour celle que nous cherchons ? Les principes de la dĂ©monstration nĂąâŹâąappartiennent pas Ă une seule science, cela est Ă©vident pourquoi la gĂ©omĂ©trie sĂąâŹâąarrogerait-elle, plutĂÂŽt que toute autre science, le droit de traiter de ces principes ? Si donc toute science quelconque a Ă©galement ce privilĂšge, et si pourtant elles ne peuvent pas toutes en jouir, lĂąâŹâąĂ©tude des principes ne dĂ©pendra pas plus de la science qui connaĂt les essences, que de toute autre. Et puis, comment y aurait-il une science des principes ? Nous connaissons de prime abord ce quĂąâŹâąest chacun dĂąâŹâąeux ; aussi tous les arts les emploient-ils comme choses bien connues. Tandis que sĂąâŹâąil y avait une science dĂ©monstrative des principes, il faudrait admettre lĂąâŹâąexistence dĂąâŹâąun genre commun, objet de cette science ; il faudrait dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ© les accidents du genre, de lĂąâŹâąautre des axiomes, car il est impossible de tout dĂ©montrer. Toute dĂ©monstration doit partir dĂąâŹâąun principe, porter sur un objet, dĂ©montrer quelque chose de cet objet. Il sĂąâŹâąensuit que tout ce qui se dĂ©montre pourrait se ramener Ă un genre unique. Et en effet, toutes les sciences dĂ©monstratives se servent des axiomes. Or, si la science des axiomes est une autre science que la science de lĂąâŹâąessence, laquelle des deux sera la science souveraine, la science premiĂšre ? Les axiomes sont ce quĂąâŹâąil y a de plus gĂ©nĂ©ral ; ils sont les principes de toutes choses si donc ils ne font pas partie de la science du philosophe, quel autre sera chargĂ© de vĂ©rifier leur vĂ©ritĂ© ou leur faussetĂ© ? Enfin, y a-t-il une seule science pour toutes les essences, y en a-t-il plusieurs ? SĂąâŹâąil y en a plusieurs, de quelle essence traite la science qui nous occupe ? QuĂąâŹâąil nĂąâŹâąy ait quĂąâŹâąune science de toutes les essences, cĂąâŹâąest ce qui nĂąâŹâąest pas probable. Dans ce cas il y aurait une seule science dĂ©monstrative de tous les accidents essentiels des ĂÂȘtres, puisque toute science dĂ©monstrative soumet au contrĂÂŽle de principes communs tous les accidents essentiels dĂąâŹâąun sujet donnĂ©. Il appartient donc Ă la mĂÂȘme science dĂąâŹâąexaminer dĂąâŹâąaprĂšs des principes communs seulement les accidents essentiels dĂąâŹâąun mĂÂȘme genre. En effet, une science sĂąâŹâąoccupe de ce qui est ; une autre science, soit quĂąâŹâąelle se confonde avec la prĂ©cĂ©dente ou sĂąâŹâąen distingue, traite des causes de ce qui est. De sorte que ces deux sciences, ou cette science unique, dans le cas oĂÂč elles nĂąâŹâąen font quĂąâŹâąune, sĂąâŹâąoccuperont elles-mĂÂȘmes des accidents du genre qui est leur objet. Mais, dĂąâŹâąailleurs, la science nĂąâŹâąembrasse-t-elle que les essences, ou bien porte-t-elle aussi sur leurs accidents ? Par exemple, si nous considĂ©rons comme des essences, les solides, les lignes, les plans, la science de ces essences sĂąâŹâąoccupera-t-elle en mĂÂȘme temps des accidents de chaque genre, accidents sur lesquels portent les dĂ©monstrations mathĂ©matiques, ou bien sera-ce lĂąâŹâąobjet dĂąâŹâąune autre science ? SĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune science unique, la science de lĂąâŹâąessence sera alors une science dĂ©monstrative or, lĂąâŹâąessence, Ă ce quĂąâŹâąil semble, ne se dĂ©montre pas ; et sĂąâŹâąil y a deux sciences diffĂ©rentes, quelle est donc celle qui traitera des accidents de la substance ? CĂąâŹâąest une question dont la solution est des plus difficiles. De plus, ne faut-il admettre que des substances sensibles, ou bien y en a-t-il dĂąâŹâąautres encore ? NĂąâŹâąy a-t-il quĂąâŹâąune espĂšce de substance, y en a-t-il plusieurs ? De ce dernier avis sont, par exemple, ceux qui admettent les idĂ©es, ainsi que les ĂÂȘtres intermĂ©diaires objets des sciences mathĂ©matiques. Ils disent que les idĂ©es sont par elles-mĂÂȘmes causes et substances, comme nous lĂąâŹâąavons vu, en traitant cette question dans le premier livre. Cette doctrine est sujette Ă mille objections. Mais ce quĂąâŹâąil y a de plus absurde, cĂąâŹâąest de dire quĂąâŹâąil existe des ĂÂȘtres particuliers en dehors de ceux que nous voyons dans lĂąâŹâąunivers, mais que ces ĂÂȘtres sont les mĂÂȘmes que les ĂÂȘtres sensibles, Ă cette seule diffĂ©rence prĂšs que les uns sont Ă©ternels, les autres pĂ©rissables en effet, tout ce quĂąâŹâąils disent, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil y a lĂąâŹâąhomme en soi, le cheval, la santĂ© en soi ; imitant en cela ceux qui disent quĂąâŹâąil y a des dieux, mais que ces dieux ressemblent aux hommes. Les uns ne font pas autre chose que des hommes Ă©ternels ; les idĂ©es des autres ne sont de mĂÂȘme que des ĂÂȘtres sensibles Ă©ternels. Si, outre les idĂ©es et les objets sensibles, lĂąâŹâąon veut admettre les ĂÂȘtres intermĂ©diaires, il sĂąâŹâąen suit une multitude de difficultĂ©s. Car, Ă©videmment, il y aura aussi des lignes intermĂ©diaires entre lĂąâŹâąidĂ©e de la ligne et la ligne sensible ; et de mĂÂȘme pour toute espĂšce de choses. Prenons pour exemple lĂąâŹâąAstronomie. Il y aura un autre ciel, en dehors de celui qui tombe sous nos sens, un autre soleil, une autre lune ; et de mĂÂȘme pour tout ce qui est dans le ciel. Or, comment croire Ă leur existence ? Ce nouveau ciel, on ne peut raisonnablement le faire immobile ; et, dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ© il est tout-Ă -fait impossible quĂąâŹâąil soit en mouvement. Il en est de mĂÂȘme pour les objets dont traite lĂąâŹâąOptique, et pour les rapports mathĂ©matiques des sons musicaux. LĂ encore on ne peut admettre, et pour les mĂÂȘmes raisons, des ĂÂȘtres en dehors de ceux que nous voyons ; car, si vous admettez des ĂÂȘtres sensibles intermĂ©diaires, il vous faudra nĂ©cessairement admettre des sensations intermĂ©diaires pour les percevoir, ainsi que des animaux intermĂ©diaires entre les idĂ©es des animaux et les animaux pĂ©rissables. On peut se demander sur quels ĂÂȘtres porteraient les sciences intermĂ©diaires. Car si vous reconnaissez que la GĂ©odĂ©sie ne diffĂšre de la GĂ©omĂ©trie, quĂąâŹâąen ce que lĂąâŹâąune porte sur des objets sensibles, lĂąâŹâąautre sur des objets que nous ne percevons point par les sens, il vous faut Ă©videmment faire la mĂÂȘme chose pour la MĂ©decine et pour toutes les autres sciences, et dire quĂąâŹâąil y a une science intermĂ©diaire entre la MĂ©decine idĂ©ale et la MĂ©decine sensible. Et comment admettre une pareille supposition ? Il faudrait alors dire aussi quĂąâŹâąil y a une santĂ© intermĂ©diaire entre la santĂ© des ĂÂȘtres sensibles et la santĂ© en soi. Mais il nĂąâŹâąest pas mĂÂȘme vrai de dire que la GĂ©odĂ©sie est une science de grandeurs sensibles et pĂ©rissables, car, dans ce cas, elle pĂ©rirait, quand pĂ©riraient ces grandeurs. LĂąâŹâąAstronomie elle-mĂÂȘme, la science du ciel qui tombe sous nos sens, nĂąâŹâąest pas une science de grandeurs sensibles. Les lignes sensibles ne sont pas les lignes du gĂ©omĂštre, car les sens ne
Lierre(Hedera) : Culture, Taille & Entretien. Guides & Conseils / Par Guillaume / 16 juillet 2020. TolĂ©rant Ă lâombre, facile Ă cultiver et Ă feuilles persistantes, le lierre a beaucoup Ă offrir aux jardiniers. Leur croissance dense et leurs fleurs riches en nectar sont Ă©galement utiles pour la faune. Il vit sur des piliers.
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Cest une plante cultivĂ©e dans le but de rĂ©colter un lĂ©gume : le concombre. Mais elle peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ©e en condiment*, dans ce cas, elle est rĂ©coltĂ©e prĂ©cocement, le fruit est alors appelĂ© « cornichon ». Plante potagĂšre annuelle, son port est grimapant ou rampant. Ses tiges sont poilues, presque piquantes, volubiles et Aristote Traduction de Pascale Nau Livre 1 Chapitre 1 [980a] Tous les hommes ont un dĂ©sir naturel de savoir, comme le tĂ©moigne lĂąâŹâąardeur avec laquelle on recherche les connaissances qui sĂąâŹâąacquiĂšrent par les sens. On les recherche, en effet, pour elles-mĂÂȘmes et indĂ©pendamment de leur utilitĂ©, surtout celles que nous devons Ă la vue ; car ce nĂąâŹâąest pas seulement dans un but pratique, cĂąâŹâąest sans vouloir en faire aucun usage, que nous prĂ©fĂ©rons en quelque maniĂšre cette sensation Ă toutes les autres ; cela vient de ce quĂąâŹâąelle nous fait connaĂtre plus dĂąâŹâąobjets, et nous dĂ©couvre plus de diffĂ©rences. La nature a donnĂ© aux animaux la facultĂ© de sentir mais chez les uns, la sensation ne produit pas la mĂ©moire, chez les autres, elle la produit ; [980b] et cĂąâŹâąest pour cela que ces derniers sont plus intelligents et plus capables dĂąâŹâąapprendre que ceux qui nĂąâŹâąont pas la facultĂ© de se ressouvenir. LĂąâŹâąintelligence toute seule, sans la facultĂ© dĂąâŹâąapprendre, est le partage de ceux qui ne peuvent entendre les sons, comme les abeilles et les autres animaux de cette espĂšce ; la capacitĂ© dĂąâŹâąapprendre est propre Ă tous ceux qui rĂ©unissent Ă la mĂ©moire le sens de lĂąâŹâąouĂÂŻe. Il y a des espĂšces qui sont rĂ©duites Ă lĂąâŹâąimagination et Ă la mĂ©moire, et qui sont peu capables dĂąâŹâąexpĂ©rience mais la race humaine sĂąâŹâąĂ©lĂšve jusquĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąart et jusquĂąâŹâąau raisonnement. CĂąâŹâąest la mĂ©moire qui dans lĂąâŹâąhomme produit lĂąâŹâąexpĂ©rience ; car plusieurs ressouvenirs dĂąâŹâąune mĂÂȘme chose constituent une expĂ©rience ; aussi lĂąâŹâąexpĂ©rience paraĂt-elle presque semblable Ă la science et Ă lĂąâŹâąart ; [981a] et cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąexpĂ©rience que lĂąâŹâąart et la science viennent aux hommes ; car, comme le dit Polus, et avec raison, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąexpĂ©rience qui fait lĂąâŹâąart, et lĂąâŹâąinexpĂ©rience le hasard. LĂąâŹâąart commence, lorsque, de plusieurs donnĂ©es empruntĂ©es Ă lĂąâŹâąexpĂ©rience, se forme une seule notion gĂ©nĂ©rale, qui sĂąâŹâąapplique Ă tous les cas analogues. Savoir que Callias Ă©tant attaquĂ© de telle maladie, tel remĂšde lui a rĂ©ussi, ainsi quĂąâŹâąĂ Socrate ; et de mĂÂȘme Ă plusieurs autres pris individuellement, cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąexpĂ©rience ; mais savoir dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale que tous les individus compris dans une mĂÂȘme classe et atteints de telle maladie, de la pituite, par exemple, ou de la bile ou de la fiĂšvre, ont Ă©tĂ© guĂ©ris par le mĂÂȘme remĂšde, cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąart. Pour la pratique, lĂąâŹâąexpĂ©rience ne diffĂšre pas de lĂąâŹâąart, et mĂÂȘme les hommes dĂąâŹâąexpĂ©rience atteignent mieux leur but que ceux qui nĂąâŹâąont que la thĂ©orie sans lĂąâŹâąexpĂ©rience ; la raison en est que lĂąâŹâąexpĂ©rience est la connaissance du particulier, lĂąâŹâąart celle du gĂ©nĂ©ral, et que tout acte, tout fait tombe sur le particulier ; car ce nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąhomme en gĂ©nĂ©ral que guĂ©rit le mĂ©decin, mais lĂąâŹâąhomme particulier, mais Callias ou Socrate, ou tout autre individu semblable, qui se trouve ĂÂȘtre un homme ; si donc quelquĂąâŹâąun possĂšde la thĂ©orie sans lĂąâŹâąexpĂ©rience, et connaĂt le gĂ©nĂ©ral sans connaĂtre le particulier dont il se compose, celui-lĂ se trompera souvent sur le remĂšde Ă employer ; car ce quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit de guĂ©rir, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąindividu. Cependant on croit que le savoir appartient plus Ă lĂąâŹâąart quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąexpĂ©rience, et on tient pour plus sages les hommes dĂąâŹâąart que les hommes dĂąâŹâąexpĂ©rience ; car la sagesse est toujours en raison du savoir. Et il en est ainsi parce que les premiers connaissent la cause, tandis que les seconds ne la connaissent pas ; les hommes dĂąâŹâąexpĂ©rience en effet, savent bien quĂąâŹâąune chose est, mais le pourquoi, ils lĂąâŹâąignorent ; les autres, au contraire, savent le pourquoi et la cause. Aussi on regarde en toute circonstance les architectes comme supĂ©rieurs en considĂ©ration, en savoir et en sagesse aux simples manĂ âuvres, parce quĂąâŹâąils savent la raison de ce qui se fait, tandis quĂąâŹâąil en est de ces derniers comme de ces espĂšces inanimĂ©es qui agissent sans savoir ce quelles font, par exemple, le feu qui brĂ»le sans savoir quĂąâŹâąil brĂ»le. [981b] Les ĂÂȘtres insensibles suivent lĂąâŹâąimpulsion de leur nature ; les manĂ âuvres suivent lĂąâŹâąhabitude ; aussi nĂąâŹâąest-ce pas par rapport Ă la pratique quĂąâŹâąon prĂ©fĂšre les architectes aux manĂ âuvres, mais par rapport Ă la thĂ©orie, et parce quĂąâŹâąils ont la connaissance des causes. Enfin, ce qui distingue le savant, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil peut enseigner ; et cĂąâŹâąest pourquoi on pense quĂąâŹâąil y a plus de savoir dans lĂąâŹâąart que dans lĂąâŹâąexpĂ©rience ; car lĂąâŹâąhomme dĂąâŹâąart peut enseigner, lĂąâŹâąhomme dĂąâŹâąexpĂ©rience ne le peut pas. En outre, on nĂąâŹâąattribue la sagesse Ă aucune des connaissances qui viennent par les sens, quoiquĂąâŹâąils soient le vrai moyen de connaĂtre les choses particuliĂšres ; mais ils ne nous disent le pourquoi de rien ; par exemple, ils ne nous apprennent pas pourquoi le feu est chaud, mais seulement quĂąâŹâąil est chaud. DĂąâŹâąaprĂšs cela, il Ă©tait naturel que le premier qui trouva, au-dessus des connaissances sensibles, communes Ă tous, un art quelconque, celui-lĂ fut admirĂ© des hommes, non seulement Ă cause de lĂąâŹâąutilitĂ© de ses dĂ©couvertes, mais aussi comme un sage supĂ©rieur au reste des hommes. Les arts sĂąâŹâąĂ©tant multipliĂ©s, et les uns se rapportant aux nĂ©cessitĂ©s, les autres aux agrĂ©ments de la vie, les inventeurs de ceux-ci ont toujours Ă©tĂ© estimĂ©s plus sages que les inventeurs de ceux-lĂ , parce que leurs dĂ©couvertes ne se rapportaient pas Ă des besoins. Ces deux sortes dĂąâŹâąarts une fois trouvĂ©s, on en dĂ©couvrit dĂąâŹâąautres qui nĂąâŹâąavaient plus pour objet ni le plaisir ni la nĂ©cessitĂ©, et ce fut dĂąâŹâąabord dans les pays oĂÂč les hommes avaient du loisir. Ainsi, cĂąâŹâąest en Ăâ°gypte que les mathĂ©matiques se sont formĂ©es ; lĂ , en effet, beaucoup de loisir Ă©tait laissĂ© Ă la caste des prĂÂȘtres. Du reste, nous avons dit dans la Morale en quoi diffĂšrent lĂąâŹâąart et la science et les autres degrĂ©s de connaissance ; ce que nous voulons Ă©tablir ici, cĂąâŹâąest que tout le monde entend par la sagesse Ă proprement parler la connaissance des premiĂšres causes et des principes ; de telle sorte que, comme nous lĂąâŹâąavons dĂ©jĂ dit, sous le rapport de la sagesse, lĂąâŹâąexpĂ©rience est supĂ©rieure Ă la sensation, lĂąâŹâąart Ă lĂąâŹâąexpĂ©rience, lĂąâŹâąarchitecte au manĂ âuvre et la thĂ©orie Ă la pratique. [982a] Il est clair dĂąâŹâąaprĂšs cela que la sagesse par excellence, la philosophie est la science de certains principes et de certaines causes. Chapitre 2 Puisque telle est la science que nous cherchons, il nous faut examiner de quelles causes et de quels principes sĂąâŹâąoccupe cette science qui est la philosophie. CĂąâŹâąest ce que nous pourrons Ă©claircir par les diverses maniĂšres dont on conçoit gĂ©nĂ©ralement le philosophe. On entend dĂąâŹâąabord par ce mot lĂąâŹâąhomme qui sait tout, autant que cela est possible, sans savoir les dĂ©tails. En second lieu, on appelle philosophe celui qui peut connaĂtre les choses difficiles et peu accessibles Ă la connaissance humaine ; or les connaissances sensibles Ă©tant communes Ă tous et par consĂ©quent faciles, nĂąâŹâąont rien de philosophique. Ensuite on croit que plus un homme est exact et capable dĂąâŹâąenseigner les causes, plus il est philosophe en toute science. En outre, la science quĂąâŹâąon Ă©tudie pour elle-mĂÂȘme et dans le seul but de savoir, paraĂt plutĂÂŽt la philosophie que celle quĂąâŹâąon apprend en vue de ses rĂ©sultats. Enfin, de deux sciences, celle qui domine lĂąâŹâąautre, est plutĂÂŽt la philosophie que celle qui lui est subordonnĂ©e ; car le philosophe ne doit pas recevoir des lois, mais en donner ; et il ne doit pas obĂ©ir Ă un autre, mais cĂąâŹâąest au moins sage Ă lui obĂ©ir. Telle est la nature et le nombre des idĂ©es que nous nous formons de la philosophie et du philosophe. De tous ces caractĂšres de la philosophie, celui qui consiste Ă savoir toutes choses, appartient surtout Ă lĂąâŹâąhomme qui possĂšde le mieux la connaissance du gĂ©nĂ©ral ; car celui-lĂ sait ce qui en est de tous les sujets particuliers. Et puis les connaissances les plus gĂ©nĂ©rales sont peut-ĂÂȘtre les plus difficiles Ă acquĂ©rir ; car elles sont les plus Ă©loignĂ©es des sensations. Ensuite, les sciences les plus exactes sont celles qui sĂąâŹâąoccupent le plus des principes. En effet, celles dont lĂąâŹâąobjet est plus simple sont plus exactes que celles dont lĂąâŹâąobjet est plus composĂ©. LĂąâŹâąarithmĂ©tique, par exemple, est plus exacte que la gĂ©omĂ©trie. DĂąâŹâąailleurs, la science la plus apte Ă enseigner est celle qui Ă©tudie les causes, car enseigner, cĂąâŹâąest dire les causes de chaque chose. De plus, savoir uniquement pour savoir, appartient surtout Ă la science de ce quĂąâŹâąil y a de plus scientifique. En effet, celui qui veut apprendre dans le seul but dĂąâŹâąapprendre, choisira sur toute autre la science par excellence, cĂąâŹâąest-Ă -dire la science de ce quĂąâŹâąil y a de plus scientifique ; et ce quĂąâŹâąil y a de plus scientifique, [982b] ce sont les principes et les causes ; car cĂąâŹâąest Ă lĂąâŹâąaide des principes et par eux que nous connaissons les autres choses, et non pas les principes par les sujets particuliers. Enfin, la science souveraine, faite pour dominer toutes les autres, est celle qui connaĂt pourquoi il faut faire chaque chose ; or, ce pourquoi est le bien dans chaque chose, et, en gĂ©nĂ©ral, cĂąâŹâąest le bien absolu dans toute la nature. De tout ce que nous venons de dire, il rĂ©sulte que le mot Philosophie dont nous avons recherchĂ© les diverses significations, se rapporte Ă une seule et mĂÂȘme science. Une telle science sĂąâŹâąĂ©lĂšve aux principes et aux causes ; or, le bien, la raison des choses, est au nombre des causes. Et quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąa pas un but pratique, cĂąâŹâąest ce qui est Ă©vident par lĂąâŹâąexemple des premiers qui se sont occupĂ©s de philosophie. Ce fut, en effet, lĂąâŹâąĂ©tonnement dĂąâŹâąabord comme aujourdĂąâŹâąhui, qui fit naĂtre parmi les hommes les recherches philosophiques. Entre les phĂ©nomĂšnes qui les frappaient, leur curiositĂ© se porta dĂąâŹâąabord sur ce qui Ă©tait le plus Ă leur portĂ©e ; puis, sĂąâŹâąavançant ainsi peu Ă peu, ils en vinrent Ă se demander compte de plus grands phĂ©nomĂšnes, comme des divers Ă©tats de la lune, du soleil, des astres, et enfin de lĂąâŹâąorigine de lĂąâŹâąunivers. Or, douter et sĂąâŹâąĂ©tonner, cĂąâŹâąest reconnaĂtre son ignorance. VoilĂ pourquoi on peut dire en quelque maniĂšre que lĂąâŹâąami de la philosophie est aussi celui des mythes ; car la matiĂšre du mythe, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ©tonnant, le merveilleux. Si donc on a philosophĂ© pour Ă©chapper Ă lĂąâŹâąignorance, il est clair quĂąâŹâąon a poursuivi la science pour savoir et sans aucun but dĂąâŹâąutilitĂ©. Le fait en fait foi car tout ce qui regarde les besoins, le bien-ĂÂȘtre et la commoditĂ© de la vie Ă©tait dĂ©jĂ trouvĂ©, lorsquĂąâŹâąon entreprit un tel ordre de recherches. Il est donc Ă©vident que nous ne cherchons la philosophie dans aucun intĂ©rĂÂȘt Ă©tranger ; et comme nous appelons homme libre celui qui sĂąâŹâąappartient Ă lui-mĂÂȘme et qui nĂąâŹâąappartient pas Ă un autre, de mĂÂȘme la philosophie est de toutes les sciences la seule libre ; car seule elle est Ă elle-mĂÂȘme son propre but. Aussi, ne serait-ce pas sans quelque raison quĂąâŹâąon regarderait comme plus quĂąâŹâąhumaine la possession de cette science ; car la nature de lĂąâŹâąhomme est esclave Ă beaucoup dĂąâŹâąĂ©gards ; la divinitĂ© seule, pour parler comme Simonide, aurait ce privilĂšge, et il ne convient pas Ă lĂąâŹâąhomme de ne pas se borner Ă la science qui est Ă son usage. Si donc les poĂštes disent vrai, et si la nature divine doit ĂÂȘtre envieuse, [983a] cĂąâŹâąest surtout au sujet de cette prĂ©tention, et tous les tĂ©mĂ©raires qui la partagent, en portent la peine. Mais la divinitĂ© ne peut connaĂtre lĂąâŹâąenvie ; les poĂštes, comme dit le proverbe, sont souvent menteurs, et il nĂąâŹâąy a pas de science Ă laquelle il faille attacher plus de prix. Car la plus divine est celle quĂąâŹâąon doit priser le plus ; or, celle-ci porte seule ce caractĂšre Ă un double titre. En effet, une science qui appartiendrait Ă Dieu, et qui sĂąâŹâąoccuperait de choses divines, serait sans contredit une science divine et seule, celle dont nous parlons satisfait Ă ces deux conditions. DĂąâŹâąune part, Dieu est reconnu de tout le monde comme le principe mĂÂȘme des causes ; et de lĂąâŹâąautre, la science des causes lui appartient exclusivement ou dans un degrĂ© supĂ©rieur. Ainsi toutes les sciences sont plus nĂ©cessaires que la philosophie, mais nulle nĂąâŹâąest plus excellente. Et rien ne diffĂšre plus que la possession de cette science et son dĂ©but. On commence, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dit, par sĂąâŹâąĂ©tonner que les choses soient de telle façon ; et comme on sĂąâŹâąĂ©merveille en prĂ©sence des automates, quand on nĂąâŹâąen connaĂt pas les ressorts, de mĂÂȘme nous nous Ă©tonnons des rĂ©volutions du soleil et de lĂąâŹâąincommensurabilitĂ© du diamĂštre ; car il semble Ă©tonnant Ă tout le monde quĂąâŹâąune quantitĂ© ne puisse ĂÂȘtre mesurĂ©e par une quantitĂ© si petite quĂąâŹâąelle soit. CĂąâŹâąest, comme dit le proverbe, par le contraire et par le meilleur quĂąâŹâąil faut finir, comme il arrive dans le cas que nous venons de citer, lorsquĂąâŹâąenfin on est parvenu Ă sĂąâŹâąen rendre compte car rien nĂąâŹâąĂ©tonnerait plus un gĂ©omĂštre que si le diamĂštre devenait commensurable. Nous venons de dĂ©terminer la nature de la science que nous cherchons, le but de cette science et de tout notre travail. Chapitre 3 Il est Ă©vident quĂąâŹâąil faut acquĂ©rir la science des causes premiĂšres, puisque nous ne pensons savoir une chose que quand nous croyons en connaĂtre la premiĂšre cause. Or, on distingue quatre sortes de causes, la premiĂšre est lĂąâŹâąessence et la forme propre de chaque chose ; car il faut pousser la recherche des causes aussi loin quĂąâŹâąil est possible, et cĂąâŹâąest la raison derniĂšre dĂąâŹâąune chose qui en est le principe et la cause. La seconde cause est la matiĂšre et le sujet ; la troisiĂšme le principe du mouvement ; la quatriĂšme, enfin, celle qui rĂ©pond Ă la prĂ©cĂ©dente, la raison et le bien des choses ; car la fin de tout phĂ©nomĂšne et de tout mouvement, cĂąâŹâąest le bien. Ces points de vue ont Ă©tĂ© suffisamment expliquĂ©s dans les livres de physique ; [983b] reprenons cependant les opinions des philosophes qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s dans lĂąâŹâąĂ©tude des ĂÂȘtres et de la vĂ©ritĂ©. Il est Ă©vident quĂąâŹâąeux aussi reconnaissent certaines causes et certains principes cette revue peut donc nous ĂÂȘtre utile pour la recherche qui nous occupe. Car il arrivera ou que nous rencontrerons un ordre de causes que nous avions omis, ou que nous prendrons plus de confiance dans la classification que nous venons dĂąâŹâąexposer. La plupart des premiers philosophes ont cherchĂ© dans la matiĂšre les principes de toutes choses. Car ce dont toute chose est, dĂąâŹâąoĂÂč provient toute gĂ©nĂ©ration et oĂÂč aboutit toute destruction, lĂąâŹâąessence restant la mĂÂȘme et ne faisant que changer dĂąâŹâąaccidents, voilĂ ce quĂąâŹâąils appellent lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment et le principe des ĂÂȘtres ; et pour cette raison, ils pensent que rien ne naĂt et que rien ne pĂ©rit, puisque cette nature premiĂšre subsiste toujours. Nous ne disons pas dĂąâŹâąune maniĂšre absolue que Socrate naĂt, lorsquĂąâŹâąil devient beau ou musicien, ni quĂąâŹâąil pĂ©rit lorsquĂąâŹâąil perd ces maniĂšres dĂąâŹâąĂÂȘtre, attendu que le mĂÂȘme Socrate, sujet de ces changements, nĂąâŹâąen demeure pas moins ; il en est de mĂÂȘme pour toutes les autres choses ; car il doit y avoir une certaine nature, unique ou multiple, dĂąâŹâąoĂÂč viennent toutes choses, celle-lĂ subsistant la mĂÂȘme. Quant au nombre et Ă lĂąâŹâąespĂšce de ces dĂ©ments, on ne sĂąâŹâąaccorde pas. ThalĂšs, le fondateur de cette maniĂšre de philosopher, prend lĂąâŹâąeau pour principe, et voilĂ pourquoi il a prĂ©tendu que la terre reposait sur lĂąâŹâąeau, amenĂ© probablement Ă cette opinion parce quĂąâŹâąil avait observĂ© que lĂąâŹâąhumide est lĂąâŹâąaliment de tous les ĂÂȘtres, et que la chaleur elle-mĂÂȘme vient de lĂąâŹâąhumide et en vit ; or, ce dont viennent les choses est leur principe. CĂąâŹâąest de lĂ quĂąâŹâąil tira sa doctrine, et aussi de ce que les germes de toutes choses sont de leur nature humides, et que lĂąâŹâąeau est le principe des choses humides. Plusieurs pensent que dĂšs la plus haute antiquitĂ©, bien avant notre Ă©poque, les premiers thĂ©ologiens ont eu la mĂÂȘme opinion sur la nature car ils avaient fait lĂąâŹâąOcĂ©an et TĂ©thys auteurs de tous les phĂ©nomĂšnes de ce monde, et ils montrent les Dieux jurant par lĂąâŹâąeau que les poĂštes appellent le Styx. [984a] En effet, ce quĂąâŹâąil y a de plus ancien est ce quĂąâŹâąil y a de plus saint ; et ce quĂąâŹâąil y a de plus saint, cĂąâŹâąest le serment. Y a-t-il rĂ©ellement un systĂšme physique dans cette vieille et antique opinion ? CĂąâŹâąest ce dont on pourrait douter. Mais pour ThalĂšs on dit que telle fut sa doctrine. Quant Ă Hippon, sa pensĂ©e nĂąâŹâąest pas assez profonde pour quĂąâŹâąon puisse le placer parmi ces philosophes. AnaximĂšne et DiogĂšne prĂ©tendaient que lĂąâŹâąair est antĂ©rieur Ă lĂąâŹâąeau, et quĂąâŹâąil est le principe des corps simples ; ce principe est le feu, selon Hippase de MĂ©taponte et HĂ©raclite dĂąâŹâąĂâ°phĂšse. EmpĂ©docle reconnut quatre Ă©lĂ©ments, ajoutant la terre Ă ceux que nous avons nommĂ©s ; selon lui, ces Ă©lĂ©ments subsistent toujours et ne deviennent pas, mais le seul changement quĂąâŹâąils subissent est celui de lĂąâŹâąaugmentation ou de la diminution, lorsquĂąâŹâąils sĂąâŹâąagrĂšgent ou se sĂ©parent. Anaxagore de ClazomĂšnes, qui naquit avant ce dernier, mais qui Ă©crivit aprĂšs lui, suppose quĂąâŹâąil y a une infinitĂ© de principes il prĂ©tend que toutes les choses formĂ©es de parties semblables comme le feu et lĂąâŹâąeau, ne naissent et ne pĂ©rissent quĂąâŹâąen ce sens que leurs parties se rĂ©unissent ou se sĂ©parent, mais que du reste rien ne naĂt ni ne pĂ©rit, et que tout subsiste Ă©ternellement. De tout cela on pourrait conclure que jusquĂąâŹâąalors on nĂąâŹâąavait considĂ©rĂ© les choses que sous le point de vue de la matiĂšre. Quand on en fut lĂ , la chose elle-mĂÂȘme força dĂąâŹâąavancer encore, et imposa de nouvelles recherches. Si tout ce qui naĂt doit pĂ©rir et vient dĂąâŹâąun principe unique ou multiple, pourquoi en est-il ainsi et quelle en est la cause ? Car ce nĂąâŹâąest pas le sujet qui peut se changer lui-mĂÂȘme ; lĂąâŹâąairain, par exemple, et le bois ne se changent pas eux-mĂÂȘmes, et ne se font pas lĂąâŹâąun statue, lĂąâŹâąautre lit, mais il y a quelque autre cause Ă ce changement. Or, chercher cette cause, cĂąâŹâąest chercher un autre principe, le principe du mouvement, comme nous disions. Ceux des anciens qui dans lĂąâŹâąorigine touchĂšrent ce sujet, et qui avaient pour systĂšme lĂąâŹâąunitĂ© de substance, ne se tourmentĂšrent pas de cette difficultĂ© ; mais quelques-uns de ces partisans de lĂąâŹâąunitĂ©, infĂ©rieurs en quelque sorte Ă cette question, disent que lĂąâŹâąunitĂ© et tout ce qui est, rĂ©el nĂąâŹâąadmet pas de mouvement, ni pour la gĂ©nĂ©ration et la corruption, ni mĂÂȘme pour tout autre changement. [984b] Aussi, de tous ceux qui partent de lĂąâŹâąunitĂ© du tout, pas un ne sĂąâŹâąest occupĂ© de ce point de vue, si ce nĂąâŹâąest peut-ĂÂȘtre ParmĂ©nide, et encore ne le fait-il quĂąâŹâąautant quĂąâŹâąĂ cĂÂŽtĂ© de son systĂšme de lĂąâŹâąunitĂ©, il admet en quelque sorte deux principes. Mais ceux qui admettent la pluralitĂ© des principes, le chaud et le froid, par exemple, ou le feu et la terre, Ă©taient plus Ă mĂÂȘme dĂąâŹâąarriver Ă cet ordre des recherches ; car ils attribuaient au feu la puissance motrice, Ă lĂąâŹâąeau, Ă la terre et aux autres Ă©lĂ©ments de cette sorte, la qualitĂ© contraire. AprĂšs ces philosophes et de pareils principes, comme ces principes Ă©taient insuffisants pour produire les choses, la vĂ©ritĂ© elle-mĂÂȘme, comme nous lĂąâŹâąavons dĂ©jĂ dit, força de recourir Ă un autre principe. En effet, il nĂąâŹâąest guĂšre vraisemblable que ni le feu, ni la terre, ni aucun autre Ă©lĂ©ment de ce genre, soit la cause de lĂąâŹâąordre et de la beautĂ© qui rĂšgnent dans le monde, Ă©ternellement chez certains ĂÂȘtres, passagĂšrement chez dĂąâŹâąautres ; ni que ces philosophes aient eu une pareille pensĂ©e dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, rapporter un tel rĂ©sultat au hasard ou Ă la fortune nĂąâŹâąeĂ»t pas Ă©tĂ© raisonnable. Aussi quand un homme vint dire quĂąâŹâąil y avait dans la nature, comme dans les animaux, une intelligence qui est la cause de lĂąâŹâąarrangement et de lĂąâŹâąordre de lĂąâŹâąunivers, cet homme parut seul avoir conservĂ© sa raison au milieu des folies de ses devanciers. Or, nous savons avec certitude quĂąâŹâąAnaxagore entra le premier dans ce point de vue ; avant lui Hermotime de ClazomĂšnes paraĂt lĂąâŹâąavoir soupçonnĂ©. Ces nouveaux philosophes Ă©rigĂšrent en mĂÂȘme temps cette cause de lĂąâŹâąordre en principe des ĂÂȘtres, principe douĂ© de la vertu dĂąâŹâąimprimer le mouvement. On pourrait dire quĂąâŹâąavant eux, HĂ©siode avait entrevu cette vĂ©ritĂ©, HĂ©siode ou quiconque a mis dans les ĂÂȘtres comme principe lĂąâŹâąamour ou le dĂ©sir, par exemple ParmĂ©nide. Celui-ci dit, en effet, dans sa thĂ©orie de la formation de lĂąâŹâąunivers Il fit lĂąâŹâąamour le premier de tous les dieux. HĂ©siode dit de son cĂÂŽtĂ© Avant toutes choses Ă©tait le chaos ; ensuite, La terre au vaste seinĂąâŹÂŠ Puis lĂąâŹâąamour, le plus beau de tous les immortels. Comme sĂąâŹâąils avaient reconnu la nĂ©cessitĂ© dĂąâŹâąune cause dans les ĂÂȘtres capable de donner le mouvement et le lien aux choses. Quant Ă la question de savoir Ă qui appartient la prioritĂ©, quĂąâŹâąil nous soit permis de la dĂ©cider plus tard. Ensuite, comme Ă cĂÂŽtĂ© du bien dans la nature, on voyait aussi son contraire, non seulement de lĂąâŹâąordre et de la beautĂ©, mais aussi du dĂ©sordre et de la laideur, comme le mal paraissait mĂÂȘme lĂąâŹâąemporter sur le bien et le laid sur le beau, un autre philosophe introduisit lĂąâŹâąamitiĂ© et la discorde, causes opposĂ©es de ces effets opposĂ©s. Car si lĂąâŹâąon veut suivre de prĂšs EmpĂ©docle, et sĂąâŹâąattacher au fond de sa pensĂ©e plutĂÂŽt quĂąâŹâąĂ la maniĂšre presquĂąâŹâąenfantine dont il lĂąâŹâąexprime, on trouvera que lĂąâŹâąamitiĂ© est la cause du bien, et la discorde celle du mal ; de sorte que peut-ĂÂȘtre nĂąâŹâąaurait-t-on pas tort de dire quĂąâŹâąEmpĂ©docle a parlĂ© en quelque maniĂšre et a parlĂ© le premier du bien et du mal comme principes, puisque le principe de tous les biens est le bien lui-mĂÂȘme, et le mal le principe de tout ce qui est mauvais. JusquĂąâŹâąici nous avons vu ces philosophes reconnaĂtre deux des genres de causes dĂ©terminĂ©s par nous dans la Physique la matiĂšre et le principe du mouvement. Mais ils lĂąâŹâąont fait confusĂ©ment et indistinctement, comme agissent dans les combats les soldats mal exercĂ©s. Ceux-ci frappent souvent de bons coups dans la mĂÂȘlĂ©e, mais ils le font sans science. De mĂÂȘme nos philosophes paraissent avoir parlĂ© sans bien savoir ce quĂąâŹâąils disaient, car lĂąâŹâąusage quĂąâŹâąon les voit faire de leurs principes est nul ou peu sĂąâŹâąen faut. Anaxagore se sert de lĂąâŹâąintelligence comme dĂąâŹâąune machine pour faire le monde, et quand il dĂ©sespĂšre de trouver la cause rĂ©elle dĂąâŹâąun phĂ©nomĂšne, il met en scĂšne lĂąâŹâąintelligence. Mais dans tout autre cas, il aime mieux donner aux faits une autre cause. [985a] EmpĂ©docle se sert davantage, mais dĂąâŹâąune maniĂšre insuffisante encore, de ses principes, et dans leur emploi il ne sĂąâŹâąaccorde pas avec lui-mĂÂȘme. Souvent chez lui, lĂąâŹâąamitiĂ© sĂ©pare, la discorde rĂ©unit en effet, lorsque dans lĂąâŹâąunivers les Ă©lĂ©ments sont sĂ©parĂ©s par la discorde, toutes les particules de feu nĂąâŹâąen sont pas moins unies en un tout, ainsi que celles de chacun des autres Ă©lĂ©ments ; et lorsque, au contraire, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąamitiĂ© qui unit tous les Ă©lĂ©ments, il faut bien pour cela que les particules de chaque Ă©lĂ©ment se divisent. EmpĂ©docle fut donc le premier des anciens qui employa en le divisant le principe du mouvement, et ne supposa plus une cause unique, mais deux causes diffĂ©rentes et opposĂ©es. Quant Ă la matiĂšre, il est le premier qui ait parlĂ© des quatre Ă©lĂ©ments ; toutefois, il ne sĂąâŹâąen sert pas comme sĂąâŹâąils Ă©taient quatre, mais comme sĂąâŹâąils nĂąâŹâąĂ©taient que deux, Ă savoir, le feu tout seul, et en opposition au [985b] feu, la terre, lĂąâŹâąair et lĂąâŹâąeau, ne faisant quĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme nature. CĂąâŹâąest lĂ du moins ce que ses vers donnent Ă entendre. VoilĂ , selon nous, la nature et le nombre des principes dĂąâŹâąEmpĂ©docle. Leucippe et son ami DĂ©mocrite disent que les Ă©lĂ©ments primitifs sont le plein et le vide, quĂąâŹâąils appellent lĂąâŹâąĂÂȘtre et le non-ĂÂȘtre ; le plein ou le solide, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂÂȘtre ; le vide ou le rare, cĂąâŹâąest le non-ĂÂȘtre ; cĂąâŹâąest pourquoi ils disent que lĂąâŹâąĂÂȘtre nĂąâŹâąexiste pas plus que le non-ĂÂȘtre, parce que le corps nĂąâŹâąexiste pas plus que le vide telles sont, sous le point de vue de la matiĂšre, les causes des ĂÂȘtres. De mĂÂȘme que ceux qui posent comme principe une substance unique, expliquent tout le reste par les modifications de cette substance ĂąâŹâ en donnant pour principe Ă ces modifications le rare et le dense ĂąâŹâ ainsi ces philosophes placent dans les diffĂ©rences les causes de toutes choses. Ces diffĂ©rences sont au nombre de trois la forme, lĂąâŹâąordre et la position. Ils disent, en effet, que les diffĂ©rences de lĂąâŹâąĂÂȘtre viennent de la configuration, de lĂąâŹâąarrangement et de la tournure, Or, la configuration cĂąâŹâąest la forme, lĂąâŹâąarrangement lĂąâŹâąordre, et la tournure la position. Ainsi, A diffĂšre de N par la forme, AN de NA par lĂąâŹâąordre, et Z de N par la position. Quant au mouvement, Ă ses lois et Ă sa cause, ils ont traitĂ© cette question avec beaucoup de nĂ©gligence, comme les autres philosophes. Par consĂ©quent, nos devanciers nĂąâŹâąont pas Ă©tĂ© plus loin sur ces deux genres de causes. Chapitre 4 Parmi eux et avant eux, ceux quĂąâŹâąon nomme Pythagoriciens, sĂąâŹâąĂ©tant occupĂ©s des mathĂ©matiques, furent les premiers Ă les mettre en avant ; et nourris dans cette Ă©tude, ils pensĂšrent que les principes de cette science Ă©taient les principes de tous les ĂÂȘtres. Comme, par nature, les nombres sont les premiers des ĂÂȘtres, et ils leur paraissaient avoir plus dĂąâŹâąanalogie avec les choses et les phĂ©nomĂšnes ĂąâŹâ comme le feu, lĂąâŹâąair ou lĂąâŹâąeau, ĂąâŹâ que la modification des nombres semblait ĂÂȘtre la justice, une autre rame et intelligence, un autre propos, et Ă peu prĂšs ainsi de toutes les autres choses ĂąâŹâ ; comme ils voyaient de plus dans les nombres les modifications et les rapports de lĂąâŹâąharmonie ; [986a] par ces motifs joints Ă ces deux premiers que la nature entiĂšre a Ă©tĂ© formĂ©e Ă la ressemblance des nombres, et que les nombres sont les premiers de tous les ĂÂȘtres, ils posĂšrent les Ă©lĂ©ments des nombres comme les Ă©lĂ©ments de tous les ĂÂȘtres, et le ciel tout entier comme une harmonie et un nombre. Tout ce quĂąâŹâąils pouvaient montrer dans les nombres et dans la musique qui sĂąâŹâąaccordĂÂąt avec les phĂ©nomĂšnes du ciel, ses parties et toute son ordonnance, ils le recueillirent, et ils en composĂšrent un systĂšme ; et si quelque chose manquait, ils y supplĂ©aient pour que le systĂšme fĂ»t bien dĂąâŹâąaccord et complet. Par exemple, comme la dĂ©cade paraĂt ĂÂȘtre quelque chose de parfait et qui embrasse tous les nombres possibles, ils prĂ©tendent quĂąâŹâąil y a dix corps en mouvement dans le ciel, et comme il nĂąâŹâąy en a que neuf de visibles, ils en supposent un dixiĂšme quĂąâŹâąils appellent antichtone. Mais tout ceci a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© ailleurs avec plus de soin. Si nous y revenons, cĂąâŹâąest pour constater Ă leur Ă©gard comme pour les autres Ă©coles, quels principes ils posent, et comment ces principes tombent sous notre classification. Or, ils paraissent penser que le nombre est principe des ĂÂȘtres sous le point de vue de la matiĂšre, en y comprenant les attributs et les maniĂšres dĂąâŹâąĂÂȘtre ; que les Ă©lĂ©ments du nombre sont le pair et lĂąâŹâąimpair ; que lĂąâŹâąimpair est fini, le pair infini ; que lĂąâŹâąunitĂ© tient de ces deux Ă©lĂ©ments, car elle est Ă la fois pair et impair, et que le nombre vient de lĂąâŹâąunitĂ© ; enfin que les nombres sont tout le ciel. DĂąâŹâąautres pythagoriciens disent quĂąâŹâąil y a dix principes, dont voici la liste Fini et infini, Impair et pair, UnitĂ© et pluralitĂ©, Droit et gauche, MĂÂąle et femelle, Repos et mouvement, Droit et courbe, LumiĂšre et tĂ©nĂšbres, Bien et mal, CarrĂ© et toute figure Ă cĂÂŽtĂ©s inĂ©gaux. AlcmĂ©on de Crotone paraĂt avoir professĂ© une doctrine semblable il la reçut des Pythagoriciens ou ceux-ci la reçurent de lui ; car lĂąâŹâąĂ©poque oĂÂč il florissait correspond Ă la vieillesse de Pythagore ; et son systĂšme se rapproche de celui de ces philosophes. Il dit que la plupart des choses humaines sont doubles, dĂ©signant par lĂ leurs oppositions, mais, Ă la diffĂ©rence de ceux-ci, sans les dĂ©terminer, et prenant au hasard le blanc et le noir, le doux et lĂąâŹâąamer, le bon et le mauvais, le petit et le grand. Il sĂąâŹâąexprima ainsi dĂąâŹâąune maniĂšre indĂ©terminĂ©e sur tout le reste, [986b] tandis que les Pythagoriciens montrĂšrent quelles sont ces oppositions et combien il y en a. On peut donc tirer de ces deux systĂšmes que les contraires sont les principes des choses et de lĂąâŹâąun deux quel est le nombre et la nature de ces principes. Maintenant comment est-il possible de les ramener Ă ceux que nous avons posĂ©s, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąeux-mĂÂȘmes nĂąâŹâąarticulent pas clairement ; mais ils semblent les considĂ©rer sous le point de vue de la matiĂšre ; car ils disent que ces principes constituent le fonds dont se composent et sont formĂ©s les ĂÂȘtres. Nous en avons dit assez pour faire comprendre la pensĂ©e de ceux des anciens qui admettent la pluralitĂ© dans les Ă©lĂ©ments de la nature. Il en est dĂąâŹâąautres qui ont considĂ©rĂ© le tout comme Ă©tant un ĂÂȘtre unique, mais ils diffĂšrent et par le mĂ©rite de lĂąâŹâąexplication et par la maniĂšre de concevoir la nature de cette unitĂ©. Il nĂąâŹâąest nullement de notre sujet, dans cette recherche des principes, de nous occuper dĂąâŹâąeux ; car ils ne font pas comme quelques-uns des physiciens qui, ayant posĂ© une substance unique, engendrent lĂąâŹâąĂÂȘtre de cette unitĂ© considĂ©rĂ©e sous le point de vue de la matiĂšre ; ils procĂšdent autrement les physiciens, en effet, ajoutent le mouvement pour engendrer lĂąâŹâąunivers ; ceux-ci prĂ©tendent que lĂąâŹâąunivers est immobile ; mais nous nĂąâŹâąen dirons que ce qui se rapporte Ă notre sujet. LĂąâŹâąunitĂ© de ParmĂ©nide paraĂt avoir Ă©tĂ© une unitĂ© rationnelle, celle de MĂ©lisse une unitĂ© matĂ©rielle, et cĂąâŹâąest pourquoi lĂąâŹâąun la donne comme finie, lĂąâŹâąautre comme infinie. XĂ©nophane qui le premier parla dĂąâŹâąunitĂ© car ParmĂ©nide passe pour son disciple, ne sĂąâŹâąest pas expliquĂ© dĂąâŹâąune maniĂšre prĂ©cise et paraĂt Ă©tranger au point de vue de lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre de ses deux successeurs ; mais ayant considĂ©rĂ© lĂąâŹâąensemble du inonde, il dit que lĂąâŹâąunitĂ© est Dieu. Encore une fois, il faut nĂ©gliger ces philosophes dans la recherche qui nous occupe ĂąâŹâ et deux, surtout, dont les idĂ©es sont un peu trop grossiĂšres, XĂ©nophane et MĂ©lisse. ParmĂ©nide paraĂt avoir eu des vues plus profondes. PersuadĂ© que, hors de lĂąâŹâąĂÂȘtre, le non-ĂÂȘtre nĂąâŹâąest rien, il pense que lĂąâŹâąĂÂȘtre est nĂ©cessairement un, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien autre chose que lui. CĂąâŹâąest un point sur lequel nous nous sommes expliquĂ©s plus clairement dans la Physique. Mais forcĂ© de se mettre dĂąâŹâąaccord avec les faits, et, en admettant lĂąâŹâąunitĂ© par la raison, dĂąâŹâąadmettre aussi la pluralitĂ© par les sens, ParmĂ©nide en revint Ă poser deux principes et deux causes, le chaud et le froid, par exemple le feu et la terre il rapporte [987a] lĂąâŹâąun de ces deux principes, le chaud Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre, et lĂąâŹâąautre au non-ĂÂȘtre. Voici le rĂ©sultat de ce que nous avons dit, et de tous les systĂšmes que nous avons parcourus jusquĂąâŹâąici chez les premiers de ces philosophes, un principe corporel ; car lĂąâŹâąeau, le feu et les autres choses de cette nature sont des corps, principe unique selon les uns, multiple selon les autres, mais toujours considĂ©rĂ© sous le point de vue de la matiĂšre ; chez quelques-uns, dĂąâŹâąabord ce principe, et Ă cĂÂŽtĂ© de ce principe, celui du mouvement, unique dans certains systĂšmes, double dans dĂąâŹâąautres. Ainsi, jusquĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąĂ©cole italique exclusivement, les anciens philosophes ont parlĂ© de toutes ces choses dĂąâŹâąune maniĂšre vague, et nĂąâŹâąont mis en usage, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dit, que deux sortes de principes, dont lĂąâŹâąun, celui du mouvement, est regardĂ© tantĂÂŽt comme unique et tantĂÂŽt comme double. Quant aux Pythagoriciens, comme les prĂ©cĂ©dents, ils ont posĂ© deux principes ; mais ils ont en outre introduit cette doctrine qui leur est propre, savoir que le fini, lĂąâŹâąinfini et lĂąâŹâąunitĂ©, ne sont pas des qualitĂ©s distinctes des sujets oĂÂč ils se trouvent, comme le feu, la terre et tout autre principe semblable sont distincts de leurs qualitĂ©s, mais quĂąâŹâąils constituent lĂąâŹâąessence mĂÂȘme des choses auxquelles on les attribue ; de sorte que le nombre est lĂąâŹâąessence de toutes choses. Ils se sont expliquĂ©s sur ces points de la maniĂšre que nous venons de dire ; de plus, ils ont commencĂ© Ă sĂąâŹâąoccuper de lĂąâŹâąessence des choses et ont proposĂ© une dĂ©finition. Cependant, leur essai fut un peu trop grossier. Ils la dĂ©finissaient superficiellement. Pour eux, le premier objet auquel semblait convenir la dĂ©finition donnĂ©e, ils le considĂ©raient comme lĂąâŹâąessence de la chose dĂ©finie ĂąâŹâ comme si lĂąâŹâąon pensait, par exemple, que le double est la mĂÂȘme chose que le nombre deux, parce que cĂąâŹâąest dans le nombre deux que se rencontre en premier lieu le caractĂšre du double ; mais deux ou double ne sont pas la mĂÂȘme chose, autrement lĂąâŹâąunitĂ© sera multiple, comme il arrive dans le systĂšme Pythagoricien. VoilĂ ce quĂąâŹâąon peut tirer des premiers philosophes et de leurs successeurs. Chapitre 5 AprĂšs ces diffĂ©rentes philosophies, parut la philosophie de Platon, qui suivit en beaucoup de points ses devanciers, mais qui eut aussi ses points de doctrine particuliers, et alla plus loin que lĂąâŹâąĂ©cole italique. DĂšs sa jeunesse, Platon se familiarisa dans le commerce de Cratyle avec les opinions dĂąâŹâąHĂ©raclite, que toutes les choses sensibles sont dans un perpĂ©tuel Ă©coulement, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas de science de ces choses ; et dans la suite, il garda ces opinions. [987b] DĂąâŹâąune autre part, Socrate sĂąâŹâąĂ©tant occupĂ© de morale, et non plus dĂąâŹâąun systĂšme de physique, et ayant dĂąâŹâąailleurs cherchĂ© dans la morale ce quĂąâŹâąil y a dĂąâŹâąuniversel, et portĂ© le premier son attention sur les dĂ©finitions, Platon qui le suivit et le continua fut amenĂ© Ă penser que les dĂ©finitions devaient porter sur un ordre dĂąâŹâąĂÂȘtres Ă part et nullement sur les objets sensibles ; car comment une dĂ©finition commune sĂąâŹâąappliquerait-elle aux choses sensibles, livrĂ©es Ă un perpĂ©tuel changement ? Or, ces autres ĂÂȘtres, il les appela IdĂ©es, et dit que les choses sensibles existent en dehors des idĂ©es et sont nommĂ©es dĂąâŹâąaprĂšs elles ; car il pensait que toutes les choses dĂąâŹâąune mĂÂȘme classe tiennent leur nom commun des idĂ©es, en vertu de leur participation avec elles. Du reste, le mot Participation est le seul changement quĂąâŹâąil apporta ; les Pythagoriciens, en effet, disent que les ĂÂȘtres sont Ă lĂąâŹâąimitation des nombres, Platon en participation avec les idĂ©es. Comment se fait maintenant cette participation ou cette imitation des idĂ©es ? CĂąâŹâąest ce que celui-ci et ceux-lĂ ont Ă©galement nĂ©gligĂ© de rechercher. De plus, outre les choses sensibles et les idĂ©es, il reconnaĂt des ĂÂȘtres intermĂ©diaires qui sont les choses mathĂ©matiques, diffĂ©rentes des choses sensibles en ce quĂąâŹâąelles sont Ă©ternelles et immuables, et des idĂ©es en ce quĂąâŹâąelles admettent un grand nombre de semblables, tandis que toute idĂ©e en elle-mĂÂȘme a son existence Ă part. Voyant dans les idĂ©es les raisons des choses, il pensa que leurs Ă©lĂ©ments Ă©taient les Ă©lĂ©ments de tous les ĂÂȘtres. Les principes dans ce systĂšme sont donc, sous le point de vue de la matiĂšre, le grand et le petit, et sous celui de lĂąâŹâąessence, lĂąâŹâąunitĂ© ; et en tant que formĂ©es de ces principes et participant de lĂąâŹâąunitĂ©, les idĂ©es sont les nombres. [988a] Ainsi, en avançant que lĂąâŹâąunitĂ© est lĂąâŹâąessence des ĂÂȘtres et que rien autre chose que cette essence nĂąâŹâąa le titre dĂąâŹâąunitĂ©, Platon se rapprocha des pythagoriciens. Comme eux, il dit que les nombres sont les causes des choses et de leur essence ; mais faire une dualitĂ© de cet infini quĂąâŹâąils regardaient comme un, et composer lĂąâŹâąinfini du grand et da petit, voilĂ ce qui lui est propre ĂąâŹâ avec cette supposition que les nombres existent en dehors des choses sensibles, tandis que les pythagoriciens disent que les nombres sont les choses mĂÂȘmes, et ne donnent pas aux choses mathĂ©matiques un rang intermĂ©diaire. Cette existence que Platon attribue Ă lĂąâŹâąunitĂ© et au nombre en dehors des choses, Ă la diffĂ©rence des pythagoriciens, ainsi que lĂąâŹâąintroduction des idĂ©es, est due Ă ses recherches logiques car les premiers philosophes Ă©taient Ă©trangers Ă la dialectique ; et il fut conduit Ă faire une dyade de cette autre nature diffĂ©rente de lĂąâŹâąunitĂ©, parce que lĂ©s nombres, Ă lĂąâŹâąexception des nombres primordiaux, sĂąâŹâąengendrent aisĂ©ment de cette dyade, comme dĂąâŹâąune sorte de matiĂšre. Cependant, les choses se passent autrement, et cela est contraire Ă la raison. Dans ce systĂšme, on fait avec la matiĂšre un grand nombre dĂąâŹâąĂÂȘtres, et lĂąâŹâąidĂ©e nĂąâŹâąengendre quĂąâŹâąune seule fois ; mais au vrai, dĂąâŹâąune seule matiĂšre on ne fait quĂąâŹâąune seule table, tandis que celui qui apporte lĂąâŹâąidĂ©e, tout en Ă©tant un lui-mĂÂȘme, en fait un grand nombre. Il en est de mĂÂȘme du mĂÂąle Ă lĂąâŹâąĂ©gard de la femelle ; la femelle est fĂ©condĂ©e par un seul accouplement, tandis que le mĂÂąle en fĂ©conde plusieurs or, cela est lĂąâŹâąimage de ce qui a lieu pour les principes dont nous parlons. CĂąâŹâąest ainsi que Platon sĂąâŹâąest prononcĂ© sur ce qui fait lĂąâŹâąobjet de nos recherches il est clair, dĂąâŹâąaprĂšs ce que nous avons dit, quĂąâŹâąil ne met en usage que deux principes, celui de lĂąâŹâąessence et celui de la matiĂšre ; car les idĂ©es sont pour les choses les causes de leur essence, comme lĂąâŹâąunitĂ© lĂąâŹâąest pour les idĂ©es Et quelle est la matiĂšre ou le sujet auquel sĂąâŹâąappliquent les idĂ©es dans les choses sensibles et lĂąâŹâąunitĂ© dans les idĂ©es ? CĂąâŹâąest cette dyade, composĂ©e du grand et du petit de plus il attribua Ă lĂąâŹâąun de ces deux Ă©lĂ©ments la cause du bien, Ă lĂąâŹâąautre la cause du mal, de la mĂÂȘme maniĂšre que lĂąâŹâąont fait dans leurs recherches quelques-uns des philosophes prĂ©cĂ©dents, comme EmpĂ©docle et Anaxagore. Chapitre 6 Nous, venons de voir, briĂšvement et sommairement, il est vrai, quels sont ceux qui se sont occupĂ©s des principes et de la vĂ©ritĂ©, et comment ils lĂąâŹâąont fait cette revue rapide nĂąâŹâąa pas laissĂ© de nous faire reconnaĂtre, que de tous les philosophes qui ont traitĂ© de principe et de cause, pas un nĂąâŹâąest sorti de la classification que nous avons Ă©tablie dans la Physique, et que tous plus ou moins nettement lĂąâŹâąont entrevue. Les uns considĂšrent le principe sous le point de vue de la matiĂšre, soit quĂąâŹâąils lui attribuent lĂąâŹâąunitĂ© ou la pluralitĂ©, soit quĂąâŹâąils le supposent corporel ou incorporel ; tels sont le grand et le petit de Platon, lĂąâŹâąinfini de lĂąâŹâąĂ©cole italique ; le feu, la terre, lĂąâŹâąeau et lĂąâŹâąair dĂąâŹâąEmpĂ©docle ; lĂąâŹâąinfinitĂ© des homĂ©omĂ©ries dĂąâŹâąAnaxagore. Tous ont Ă©videmment touchĂ© cet ordre de causes, et de mĂÂȘme ceux qui ont choisi lĂąâŹâąair, le feu ou lĂąâŹâąeau, ou un Ă©lĂ©ment plus dense que le feu et plus dĂ©liĂ© que lĂąâŹâąair ; car telle est la nature que quelques-uns ont donnĂ©e Ă lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment premier. Ceux-lĂ donc nĂąâŹâąont atteint que le principe de la matiĂšre, quelques autres le principe du mouvement, comme ceux par exemple qui font un principe de lĂąâŹâąamitiĂ© ou de la discorde, de lĂąâŹâąintelligence ou de lĂąâŹâąamour. Quant Ă la forme et Ă lĂąâŹâąessence, nul nĂąâŹâąen a traitĂ© clairement, mais ceux qui lĂąâŹâąont fait le mieux sont les partisans des idĂ©es. [988b] En effet, ils ne regardent pas les idĂ©es et les principes des idĂ©es, comme la matiĂšre des choses sensibles, ni comme le principe dĂąâŹâąoĂÂč leur vient le mouvement car ce seraient plutĂÂŽt, selon eux, des causes dĂąâŹâąimmobilitĂ© et de repos ; mais cĂąâŹâąest lĂąâŹâąessence que les idĂ©es fournissent Ă chaque chose, comme lĂąâŹâąunitĂ© la fournit aux idĂ©es. Quant Ă la fin en vue de laquelle se font les actes, les changements et les mouvements, ils mentionnent bien en quelque maniĂšre ce principe, mais ils ne le font pas dans cet esprit, ni dans le vrai sens de la chose ; car ceux qui mettent en avant lĂąâŹâąintelligence et lĂąâŹâąamitiĂ©, posent bien ces principes, comme quelque chose de bon, mais non comme un but en vue duquel tout ĂÂȘtre est ou devient ; ce sont plutĂÂŽt des causes dĂąâŹâąoĂÂč leur vient le mouvement. Il eu est de mĂÂȘme de ceux qui prĂ©tendent que lĂąâŹâąunitĂ© ou lĂąâŹâąĂÂȘtre est cette mĂÂȘme nature ; ils disent quĂąâŹâąelle est la cause de lĂąâŹâąessence, mais ils ne disent pas quĂąâŹâąelle est la fin pour laquelle les choses sont et deviennent. De sorte quĂąâŹâąil leur arrive en quelque façon de parler Ă la fois et de ne pas parler du principe du bien ; car ils nĂąâŹâąen parlent pas dĂąâŹâąune maniĂšre spĂ©ciale, mais seulement par accident. Ainsi, que le nombre et la nature des causes ait Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© par nous avec exactitude, cĂąâŹâąest ce que semblent tĂ©moigner tous ces philosophes dans lĂąâŹâąimpossibilitĂ© oĂÂč ils sont dĂąâŹâąindiquer aucun autre principe. Outre cela, il est clair quĂąâŹâąil faut, dans la recherche des principes, ou les considĂ©rer tous comme nous lĂąâŹâąavons fait, ou adopter les vues de quelques-uns de ces philosophes. Exposons dĂąâŹâąabord les difficultĂ©s que soulĂšvent les doctrines de nos devanciers et la question de la nature mĂÂȘme des principes. Chapitre 7 Tous ceux qui ont prĂ©tendu que lĂąâŹâąunivers est un, et qui, dominĂ©s par le point de vue de la matiĂšre, ont voulu quĂąâŹâąil y ait une seule et mĂÂȘme nature, et une nature corporelle et Ă©tendue, ceux-lĂ sans contredit se trompent de plusieurs maniĂšres ; car ainsi, ils posent seulement les Ă©lĂ©ments des corps et non ceux des choses incorporelles, quoiquĂąâŹâąil existe de telles choses. Puis, quoiquĂąâŹâąils entreprennent de dire les causes de la gĂ©nĂ©ration et de la corruption, et dĂąâŹâąexpliquer la formation des choses, ils suppriment le principe du mouvement. Ajoutez quĂąâŹâąils ne font pas un principe de lĂąâŹâąessence et de la forme ; et aussi, quĂąâŹâąils donnent sans difficultĂ© aux corps simples, Ă lĂąâŹâąexception de la terre, un principe quelconque, sans avoir examinĂ© comment ces corps peuvent naĂtre les uns des autres ; je parle du feu, de la terre, de lĂąâŹâąeau et de lĂąâŹâąair, lesquels naissent, en effet, les uns des autres, soit par rĂ©union, soit par sĂ©paration. Or, cette distinction importe beaucoup pour la question de lĂąâŹâąantĂ©rioritĂ© et de la postĂ©rioritĂ© des Ă©lĂ©ments. DĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ©, le plus Ă©lĂ©mentaire de tous semblerait ĂÂȘtre celui dĂąâŹâąoĂÂč naissent primitivement tous les autres par voie de rĂ©union ; et ce caractĂšre appartiendrait Ă celui des corps dont les parties seraient les plus petites et les plus dĂ©liĂ©es. CĂąâŹâąest pourquoi tous ceux qui posent comme principe le feu, se prononceraient de la maniĂšre la plus conforme Ă cette vue. Tel est aussi le caractĂšre que tous les autres sĂąâŹâąaccordent Ă assigner Ă lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment des corps. Aussi, aucun philosophe, dĂąâŹâąune Ă©poque plus rĂ©cente, qui admet un seul Ă©lĂ©ment, nĂąâŹâąa jugĂ© convenable de choisir la terre, sans doute Ă cause de la grandeur de ses parties, tandis que chacun des trois autres Ă©lĂ©ments a eu son partisan les uns se dĂ©clarent pour le feu, les autres pour lĂąâŹâąeau, les autres pour lĂąâŹâąair ; et pourtant pourquoi nĂąâŹâąadmettent-ils pas aussi bien la terre, comme font la plupart des hommes qui disent que tout est terre ? HĂ©siode lui-mĂÂȘme dit que la terre est le premier des corps ; tellement ancienne et populaire se trouve ĂÂȘtre cette opinion. Dans ce point de vue, ni ceux qui adoptent Ă lĂąâŹâąexclusion du feu un des Ă©lĂ©ments dĂ©jĂ nommĂ©s, ni ceux qui prennent un Ă©lĂ©ment plus dense que lĂąâŹâąair et plus dĂ©liĂ© que lĂąâŹâąeau, nĂąâŹâąauraient raison ; mais si ce qui est postĂ©rieur dans lĂąâŹâąordre de formation est antĂ©rieur dans lĂąâŹâąordre de la nature, et que, dans lĂąâŹâąordre de formation, le composĂ© soit postĂ©rieur, lĂąâŹâąeau sera tout au contraire antĂ©rieure Ă lĂąâŹâąair et la terre Ă lĂąâŹâąeau. Nous nous bornerons Ă cette observation sur ceux qui admettent un principe unique tel que nous lĂąâŹâąavons Ă©noncĂ©. Il y en aurait autant Ă dire de ceux qui admettent plusieurs principes pareils, comme EmpĂ©docle qui dit quĂąâŹâąil y a quatre corps, matiĂšre des choses ; car sa doctrine donne lieu dĂąâŹâąabord aux mĂÂȘmes critiques, puis Ă quelques observations particuliĂšres. Nous voyons, en effet, ces Ă©lĂ©ments naĂtre les uns des autres, de sorte que le feu et la terre ne demeurent jamais le mĂÂȘme corps nous avons traitĂ© de ce sujet dans la Physique. [989b] Quant Ă la cause qui fait mouvoir les choses, et Ă la question de savoir si elle est une ou double, on doit penser quĂąâŹâąEmpĂ©docle ne sĂąâŹâąest prononcĂ© ni tout-Ă -fait convenablement, ni dĂąâŹâąune maniĂšre tout-Ă -fait dĂ©raisonnable. En somme, quand on admet sou systĂšme, on est forcĂ© de rejeter tout changement, car le froid ne viendra pas du chaud ni le chaud du froid ; car quel serait le sujet qui Ă©prouverait ces modifications contraires, et quelle serait la nature unique qui deviendrait feu et eau ? CĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąil ne dit pas. Pour Anaxagore, si on pense quĂąâŹâąil reconnaĂt deux Ă©lĂ©ments, on le pense dĂąâŹâąaprĂšs des raisons quĂąâŹâąil nĂąâŹâąa pas lui-mĂÂȘme clairement articulĂ©es, mais auxquelles il aurait Ă©tĂ© obligĂ© de se rendre, si on les lui eĂ»t prĂ©sentĂ©es. En effet, sĂąâŹâąil est absurde de dire quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąorigine tout Ă©tait mĂÂȘlĂ©, pour plusieurs motifs ĂąâŹâ entre autres parce quĂąâŹâąil faut que les Ă©lĂ©ments du mĂ©lange aient existĂ© dĂąâŹâąabord sĂ©parĂ©s et il nĂąâŹâąest pas dans la nature des choses quĂąâŹâąun Ă©lĂ©ment, quel quĂąâŹâąil soit, se mĂÂȘle avec tout autre, quel quĂąâŹâąil soit. De plus, les qualitĂ©s et les attributs seraient sĂ©parĂ©s de leur substance ; car ce qui peut ĂÂȘtre mĂÂȘlĂ© peut ĂÂȘtre sĂ©parĂ©. Cependant, quand on vient Ă approfondir et Ă dĂ©velopper ce quĂąâŹâąil veut dire, on lui trouvera peut-ĂÂȘtre un sens peu commun. Car lorsque rien nĂąâŹâąĂ©tait sĂ©parĂ©, il est clair quĂąâŹâąon ne pouvait rien affirmer de vrai de cette substance mixte. Par exemple, comme elle nĂąâŹâąĂ©tait ni blanche ni noire, ni dĂąâŹâąaucune autre couleur, elle Ă©tait de nĂ©cessitĂ© sans couleur ; autrement, elle aurait eu quelquĂąâŹâąune des couleurs que nous pouvons citer. Elle Ă©tait de mĂÂȘme sans saveur, et pour la mĂÂȘme raison elle ne possĂ©dait aucun attribut de ce genre ; car elle ne pouvait avoir ni qualitĂ© ni quantitĂ© ni dĂ©termination quelconque. Autrement quelquĂąâŹâąune des formes spĂ©ciales sĂąâŹâąy serait rencontrĂ©e, et cela est impossible lorsque tout est mĂÂȘlĂ©. En effet, pour cela, il y aurait dĂ©jĂ sĂ©paration, et Anaxagore dit que tout est mĂÂȘlĂ©, exceptĂ© lĂąâŹâąintelligence, qui seule est pure et sans mĂ©lange. Il faut donc quĂąâŹâąil reconnaisse pour principes lĂąâŹâąunitĂ© dĂąâŹâąabord ; car cĂąâŹâąest bien lĂ ce qui est simple et sans mĂ©lange, et dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ© quelque chose, ainsi que nous dĂ©signons lĂąâŹâąindĂ©fini avant quĂąâŹâąil soit dĂ©fini et participe dĂąâŹâąaucune forme. Ce nĂąâŹâąest sĂąâŹâąexprimer ni justement, ni clairement ; mais au fond il a voulu dire quelque chose qui se rapproche davantage des doctrines qui ont suivi et de la rĂ©alitĂ©. Tous ces philosophes ne sont familiers quĂąâŹâąavec ce qui regarde la gĂ©nĂ©ration, la corruption et le mouvement, car ils sĂąâŹâąoccupent Ă peu prĂšs et exclusivement de cet ordre de choses, des principes et des causes qui sĂąâŹâąy rapportent. Mais ceux qui Ă©tendent leurs recherches Ă tous les ĂÂȘtres, et qui admettent dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ© des ĂÂȘtres sensibles, de lĂąâŹâąautre des ĂÂȘtres qui ne tombent pas sous les sens, ceux-lĂ ont dĂ» naturellement faire lĂąâŹâąĂ©tude de lĂąâŹâąune et de lĂąâŹâąautre de ces deux classes dĂąâŹâąĂÂȘtres ; et cĂąâŹâąest pourquoi il faut sĂąâŹâąarrĂÂȘter davantage sur ces philosophes pour savoir ce quĂąâŹâąils disent de bon ou de mauvais qui puisse Ă©clairer nos recherches. Ceux quĂąâŹâąon appelle pythagoriciens font jouer aux principes et aux Ă©lĂ©ments un rĂÂŽle bien plus Ă©trange que les physiciens ; la raison en est quĂąâŹâąils ne les ont pas empruntĂ©s aux choses sensibles. Les ĂÂȘtres mathĂ©matiques sont sans mouvement, Ă lĂąâŹâąexception de ceux dont sĂąâŹâąoccupe lĂąâŹâąastronomie ; et cependant les pythagoriciens ne dissertent et ne font de systĂšme que sur la physique. Ils engendrent le ciel, [990a] ils observent ce qui arrive dans toutes ses parties, dans leurs rapports, dans leurs mouvements, et ils Ă©puisent Ă cela leurs causes et leurs principes, comme sĂąâŹâąils convenaient avec les physiciens que lĂąâŹâąĂÂȘtre est tout ce qui est sensible, et tout ce quĂąâŹâąembrasse ce quĂąâŹâąor appelle le ciel. Or, les causes et les principes quĂąâŹâąils reconnaissent sont bons pour sĂąâŹâąĂ©lever, comme nous lĂąâŹâąavons dit, Ă ce quĂąâŹâąil y a de supĂ©rieur dans les ĂÂȘtres, et conviennent plus Ă cet objet quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąexplication des choses naturelles. Puis, comment pourra-t-il y avoir du mouvement, si on ne suppose dĂąâŹâąautres sujets que le fini et lĂąâŹâąinfini, le pair et lĂąâŹâąimpair ? Ils ne le disent nullement ; ou comment est-il possible que sans mouvement ni changement, il y ait gĂ©nĂ©ration et corruption, et toutes les rĂ©volutions des corps cĂ©lestes ? Ensuite, en supposant quĂąâŹâąon leur accorde ou quĂąâŹâąil soit dĂ©montrĂ© que de leurs principes on tire lĂąâŹâąĂ©tendue, comment alors mĂÂȘme rendront-ils compte de la lĂ©gĂšretĂ© et de la pesanteur ? Car dĂąâŹâąaprĂšs leurs principes et leur prĂ©tention mĂÂȘme, ils ne traitent pas moins des corps sensibles que des corps mathĂ©matiques. Aussi nĂąâŹâąont-ils rien dit de bon sur le feu, la terre et les autres choses semblables, et cela, parce quĂąâŹâąils nĂąâŹâąont rien dit, je pense, qui convienne proprement aux choses sensibles. De plus, comment faut-il entendre que le nombre et les modifications du nombre sont la cause des ĂÂȘtres qui existent et qui naissent dans le monde, depuis lĂąâŹâąorigine jusquĂąâŹâąĂ prĂ©sent, tandis que dĂąâŹâąautre part il nĂąâŹâąy a aucun autre nombre hors celui dont le monde est formĂ© ? En effet, lorsque pour eux, lĂąâŹâąopinion et le sens sont dans une certaine partie du ciel, et un peu plus haut ou un peu plus bas lĂąâŹâąinjustice et la sĂ©paration ou le mĂ©lange, attendu, selon eux, que chacune de ces choses est un nombre, et lorsque dĂ©jĂ dans ce mĂÂȘme espace se trouvent rassemblĂ©es une multitude de grandeurs, parce que ces grandeurs sont attachĂ©es chacune Ă un lieu, alors le nombre quĂąâŹâąil faut regarder comme Ă©tant chacune de ces choses, est-il le mĂÂȘme que celui qui est dans le ciel, ou un autre outre celui-lĂ ? Platon dit que cĂąâŹâąest un autre nombre ; et pourtant lui aussi pense que les choses sensibles et les causes de ces choses sont des nombres ; mais pour lui les nombres qui sont causes, sont intelligibles, et les autres sont des nombres sensibles. Chapitre 8 Laissons maintenant les Pythagoriciens ; [990b] ce que nous en avons dit, suffira. Quant Ă ceux qui posent pour principes les idĂ©es, dĂąâŹâąabord, en cherchant Ă saisir les principes des ĂÂȘtres que nous voyons, ils en ont introduit dĂąâŹâąautres en nombre Ă©gal Ă celui des premiers, comme si quelquĂąâŹâąun voulant compter des objets, et ne pouvant le faire, alors mĂÂȘme quĂąâŹâąils sont en assez petit nombre, sĂąâŹâąavisait de les multiplier pour les compter. Les idĂ©es sont presque en aussi grand nombre que les choses pour lĂąâŹâąexplication desquelles on a eu recours aux idĂ©es. Chaque chose individuelle se trouve avoir un homonyme, non seulement les existences individuelles, mais toutes celles oĂÂč lĂąâŹâąunitĂ© est dans la pluralitĂ©, et cela pour les choses de ce monde et pour les choses Ă©ternelles. En second lieu, de tous les arguments dont on se sert pour Ă©tablir lĂąâŹâąexistence des idĂ©es, aucun ne la dĂ©montre la conclusion quĂąâŹâąon tire des uns nĂąâŹâąest pas rigoureuse, et dĂąâŹâąaprĂšs les autres, il y aurait des idĂ©es lĂ mĂÂȘme oĂÂč les Platoniciens nĂąâŹâąen admettent pas. Ainsi dĂąâŹâąaprĂšs les considĂ©rations puisĂ©es dans la nature de la science, il y aura des idĂ©es de toutes les choses dont il y a science ; et dĂąâŹâąaprĂšs lĂąâŹâąargument qui se tire de lĂąâŹâąunitĂ© impliquĂ©e dans toute pluralitĂ©, il y aura des idĂ©es des nĂ©gations mĂÂȘmes ; et par ce motif quĂąâŹâąon pense aux choses qui ont pĂ©ri, il y en aura des choses qui ne sont plus car nous nous en formons quelque image. En outre, on est conduit, en raisonnant rigoureusement, Ă supposer des idĂ©es pour le relatif dont on ne prĂ©tend pourtant pas quĂąâŹâąil forme par lui-mĂÂȘme un genre Ă part, ou bien Ă lĂąâŹâąhypothĂšse du troisiĂšme homme. Enfin, les raisonnements quĂąâŹâąon fait sur les idĂ©es renversent ce que les partisans des idĂ©es ont plus Ă cĂ âur que lĂąâŹâąexistence mĂÂȘme des idĂ©es car il arrive que ce nĂąâŹâąest plus la dyade qui est avant le nombre, mais le nombre qui est avant la dyade, que le relatif est antĂ©rieur Ă lĂąâŹâąabsolu, et toutes les consĂ©quences en contradiction avec leurs propres principes, auxquelles ont Ă©tĂ© poussĂ©s certains partisans de la doctrine des idĂ©es. De plus, dans lĂąâŹâąhypothĂšse sur laquelle on Ă©tablit lĂąâŹâąexistence des idĂ©es, il y aura des idĂ©es non seulement pour les substances, mais aussi pour beaucoup dĂąâŹâąautres choses car ce ne sont pas les substances seules, mais les autres choses aussi que nous concevons sous la raison de lĂąâŹâąunitĂ©, et toutes les sciences nĂ© portent pas seulement sur lĂąâŹâąessence, mais sur dĂąâŹâąautres choses encore ; et il y a mille autres difficultĂ©s de ce genre. Mais de toute nĂ©cessitĂ©, ainsi que dĂąâŹâąaprĂšs les opinions Ă©tablies sur les idĂ©es, si les idĂ©es sont quelque chose dont participent les ĂÂȘtres, il ne peut y avoir dĂąâŹâąidĂ©es que des essences car ce nĂąâŹâąest pas par lĂąâŹâąaccident quĂąâŹâąil peut y avoir participation des idĂ©es ; cĂąâŹâąest par son cĂÂŽtĂ© substantiel que chaque chose doit participer dĂąâŹâąelles. Par exemple si une chose participe du double en soi, elle participe de lĂąâŹâąĂ©ternitĂ©, mais selon lĂąâŹâąaccident car ce nĂąâŹâąest que par accident que le double est Ă©ternel ; en sorte que les idĂ©es seront lĂąâŹâąessence, et que dans le monde sensible et au-dessus elles dĂ©signeront lĂąâŹâąessence ; ou sinon, que signifiera-t-il de dire quĂąâŹâąil doit y avoir quelque chose de plus que les choses particuliĂšres, Ă savoir, lĂąâŹâąunitĂ© dans la pluralitĂ© ? Si les idĂ©es et les choses qui en participent, sont du mĂÂȘme genre, il y aura entre elles quelque chose de commun car pourquoi y aurait-il dans les dualitĂ©s pĂ©rissables et les dualitĂ©s multiples, mais Ă©ternelles, une dualitĂ© une et identique, plutĂÂŽt que dans la dualitĂ© idĂ©ale et dans telle ou telle dualitĂ© dĂ©terminĂ©e ? Si, au contraire, elles ne sont pas du mĂÂȘme genre, il nĂąâŹâąy aura entre elles que le nom de commun, et ce sera comme si on donnait le nom dĂąâŹâąhomme Ă Callias et Ă un morceau de bois, sans avoir vu entre eux aucun rapport. La plus grande difficultĂ©, cĂąâŹâąest de savoir ce que font les idĂ©es aux choses sensibles, soit Ă celles qui sont Ă©ternelles, soit Ă celles qui naissent et qui pĂ©rissent car elles ne sont causes pour elles ni dĂąâŹâąaucun mouvement, ni dĂąâŹâąaucun changement. DĂąâŹâąautre part, elles ne servent en rien Ă la connaissance des choses, puisquĂąâŹâąelles nĂąâŹâąen sont point lĂąâŹâąessence car alors elles seraient en elles ; elles ne les font pas ĂÂȘtre non plus, puisquĂąâŹâąelles ne rĂ©sident pas dans les choses qui participent dĂąâŹâąelles. A moins quĂąâŹâąon ne dise peut-ĂÂȘtre quĂąâŹâąelles sont causes, comme serait, par exemple, la blancheur cause de lĂąâŹâąobjet blanc, en se mĂÂȘlant Ă lui ; mais il nĂąâŹâąy a rien de solide dans cette opinion quĂąâŹâąAnaxagore le premier, et aprĂšs lui Eudoxe et quelques autres, ont mise en avant ; et il est facile de rassembler contre une pareille hypothĂšse une foule de difficultĂ©s insolubles. Ainsi les choses ne sauraient venir des idĂ©es, dans aucun des cas dans lesquels, on a coutume de lĂąâŹâąentendre. Dire que ce sont des exemplaires et que les autres choses en participent, cĂąâŹâąest prononcer de vains mots et faire des mĂ©taphores poĂ©tiques ; car, quĂąâŹâąest-ce qui produit jamais quelque chose en vue des idĂ©es ? De plus, il se peut quĂąâŹâąil existe ou quĂąâŹâąil naisse une chose semblable Ă une autre, sans avoir Ă©tĂ© modelĂ©e sur elle ; et, par exemple, que Socrate existe ou nĂąâŹâąexiste pas, il pourrait naĂtre un personnage tel que Socrate. DĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, il est Ă©galement vrai que, en admettant un Socrate Ă©ternel, il faudra quĂąâŹâąil y ait plusieurs exemplaires et par consĂ©quent plusieurs idĂ©es de la mĂÂȘme chose ; de lĂąâŹâąhomme, par exemple, il y aurait lĂąâŹâąanimal, le bipĂšde, tout aussi bien que lĂąâŹâąhomme en soi. Il faut en outre quĂąâŹâąil y ait des idĂ©es exemplaires non seulement pour des choses sensibles, mais encore pour les idĂ©es elles-mĂÂȘmes, comme le genre en tant que comprenant des espĂšces ; de sorte que la mĂÂȘme chose sera Ă la fois exemplaire et copie. De plus, il semble impossible que lĂąâŹâąessence soit sĂ©parĂ©e de la chose dont elle est lĂąâŹâąessence si cela est, comment les idĂ©es qui sont les essences des choses, en seraient-elles sĂ©parĂ©es ? Dans le PhĂ©don, il est dit que les causes de lĂąâŹâąĂÂȘtre et du devenir sont les IdĂ©es. Pourtant, mĂÂȘme en admettant lĂąâŹâąexistence des IdĂ©es, les ĂÂȘtres participants ne sont pas engendrĂ©s sans lĂąâŹâąintervention de la cause motrice. Et comme beaucoup dĂąâŹâąautres objets sont produits, par exemple une maison et un anneau, dont nous disons quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąIdĂ©es, il en rĂ©sulte quĂąâŹâąil est Ă©videmment possible, pour les autres choses aussi, dĂąâŹâąexister et de devenir par des causes analogues Ă celles des objets dont nous parlons. Maintenant, si les idĂ©es sont des nombres, comment ces nombres seront-ils causes ? Sera-ce parce que les ĂÂȘtres sont dĂąâŹâąautres nombres, et que tel nombre par exemple est lĂąâŹâąhomme, tel autre Socrate, tel autre Callias ? Mais en quoi ceux-lĂ sont-ils causes de ceux-ci ? Car, que les uns soient Ă©ternels, les autres non, cela nĂąâŹâąy fera rien. Si cĂąâŹâąest parce que les choses sensibles sont des rapports de nombres, comme est par exemple une harmonie, il est Ă©vident quĂąâŹâąil y a quelque chose qui est le sujet de ces rapports ; et si ce quelque chose existe, savoir la matiĂšre, il est clair quĂąâŹâąĂ leur tour les nombres eux-mĂÂȘmes seront des rapports de choses diffĂ©rentes. Par exemple, si Callias est une proportion en nombres de feu, de terre, dĂąâŹâąeau et dĂąâŹâąair, cela supposera des sujets particuliers, distincts de la proportion elle-mĂÂȘme ; et lĂąâŹâąidĂ©e nombre, lĂąâŹâąhomme en soi, que ce soit un nombre ou non, nĂąâŹâąen sera pas moins une proportion de nombres qui suppose des sujets particuliers et non pas un pur nombre, et on nĂąâŹâąen peut tirer non plus aucun nombre particulier. Ensuite, de la rĂ©union de plusieurs nombres, rĂ©sulte un nombre unique ; comment de plusieurs idĂ©es fera-t-on une seule idĂ©e ? Si on prĂ©tend que la somme nĂąâŹâąest pas formĂ©e de la rĂ©union des idĂ©es elles-mĂÂȘmes, mais des Ă©lĂ©ments individuels compris sous les idĂ©es, comme est par exemple une myriade, comment sont les unitĂ©s qui composent cette somme ? Si elles sont de mĂÂȘme espĂšce, il sĂąâŹâąensuivra beaucoup de choses absurdes ; si dĂąâŹâąespĂšce diverse, elles ne seront ni les mĂÂȘmes, ni diffĂ©rentes ; car en quoi diffĂ©reraient-elles, puisquĂąâŹâąelles nĂąâŹâąont pas de qualitĂ©s ? Toutes ces choses ne sont ni raisonnables ni conformes au bon sens. Et puis, il est nĂ©cessaire dĂąâŹâąintroduire un autre genre de nombre qui soit lĂąâŹâąobjet de lĂąâŹâąarithmĂ©tique, et de ce que plusieurs appellent les choses intermĂ©diaires ; autrement de quels principes viendront ces choses ? Pourquoi doit-il y avoir des intermĂ©diaires entre le monde sensible et les IdĂ©es ? De plus, les unitĂ©s, dans la Dyade indĂ©finie, viendront chacune dĂąâŹâąune dyade antĂ©rieure, ce qui est pourtant impossible. En outre, comment [992a] expliquer que le Nombre idĂ©al, composĂ© dĂąâŹâąunitĂ©s, soit une unitĂ©s ? Ce nĂąâŹâąest pas tout. Si les unitĂ©s sont diffĂ©rentes entre elles, on devrait parler comme ceux qui admettent deux ou quatre Ă©lĂ©ments, tous entendant par lĂ , non un Ă©lĂ©ment commun, le Corps en gĂ©nĂ©ral, par exemple, mais le Feu ou la Terre, que le Corps soit, ou non, quelque chose de commun. Mais, en rĂ©alitĂ©, les platoniciens sĂąâŹâąexpriment comme si lĂąâŹâąUn en soi Ă©tait, Ă la façon du Feu ou de lĂąâŹâąEau, une sorte dĂąâŹâąĂ©lĂ©ment homĂ©omĂšre. SĂąâŹâąil en est ainsi, les Nombres ne seront pas des substances, mais il est clair que, si lĂąâŹâąUn en soi existe, et quĂąâŹâąil soit principe, lĂąâŹâąUn ne recevra quĂąâŹâąune diversitĂ© de dĂ©nomination, autrement il y aurait lĂ une impossibilitĂ©. Dans le but de ramener les choses aux principes de cette thĂ©orie, on compose les longueurs du long et du court, cĂąâŹâąest-Ă -dire dĂąâŹâąune certaine espĂšce de grand et de petit, la surface du large et de lĂąâŹâąĂ©troit, le corps du profond et de son contraire. Or, comment le plan pourra-t-il contenir la ligne, ou le solide la ligne et le plan ? Car le large et lĂąâŹâąĂ©troit sont une espĂšce diffĂ©rente du profond et de son contraire. De mĂÂȘme donc que le nombre ne se trouve pas dans ces choses, parce que ses principes, le plus ou le moins, sont distincts de ceux que nous venons de nommer, il est clair que de ces diverses espĂšces, celles qui sont supĂ©rieures, ne pourront se trouver dans les infĂ©rieures. Et il ne faut pas dire que le profond soit une espĂšce du large ; car alors, le corps serait une sorte de plan. Et les points, dĂąâŹâąoĂÂč viendront-ils ? Platon combattait lĂąâŹâąexistence du point, comme Ă©tant une pure conception gĂ©omĂ©trique ; dĂąâŹâąautre part, il lĂąâŹâąappelait le principe de la ligne, il en a fait souvent des lignes indivisibles. Pourtant, il faut que ces lignes aient une limite ; de sorte que par la mĂÂȘme raison que la ligne existe, le point existe aussi. Enfin, quand il appartient Ă la philosophie de rechercher la cause des phĂ©nomĂšnes, cĂąâŹâąest cela mĂÂȘme que lĂąâŹâąon nĂ©glige car on ne dit rien de la cause qui est le principe du changement ; et on sĂąâŹâąimagine expliquer lĂąâŹâąessence des choses sensibles, en posant dĂąâŹâąautres essences ; mais comment celles-ci sont-elles les essences de celles-lĂ ? CĂąâŹâąest sur quoi on ne se paie que de mots, car participer, comme nous lĂąâŹâąavons dĂ©jĂ dit, ne signifie rien. Et ce principe que nous regardons comme la fin des sciences, en vue duquel agit toute intelligence et tout ĂÂȘtre ; ce principe que nous avons rangĂ© parmi les principes premiers, les idĂ©es ne lĂąâŹâąatteignent nullement. Mais, les MathĂ©matiques sont devenues, pour les modernes, toute la Philosophie, quoiquĂąâŹâąils disent quĂąâŹâąon ne devrait les cultiver [992b] quĂąâŹâąen vue du reste. De plus, cette dyade, dont ils font la matiĂšre des choses, on pourrait bien la regarder comme une matiĂšre purement mathĂ©matique, comme un attribut et une diffĂ©rence de ce qui est et de la matiĂšre, plutĂÂŽt que comme la matiĂšre mĂÂȘme cĂąâŹâąest comme ce que les physiciens appellent le rare et le dense, ne dĂ©signant par lĂ que les diffĂ©rences premiĂšres du sujet ; car tout cela nĂąâŹâąest autre chose quĂąâŹâąune sorte de plus et de moins. Quant Ă ce qui est du mouvement, si le grand et le petit renferment le mouvement, il est clair que les idĂ©es seront en mouvement sinon, dĂąâŹâąoĂÂč est-il venu ? CĂąâŹâąen est assez pour supprimer dĂąâŹâąun seul coup toute Ă©tude de la nature. Il eĂ»t paru facile Ă cette doctrine de dĂ©montrer que tout est un ; mais elle nĂąâŹâąy parvient pas, car, des raisons quĂąâŹâąon expose, il ne rĂ©sulte pas que toutes choses soient lĂąâŹâąunitĂ©, mais seulement quĂąâŹâąil y a une certaine unitĂ© existante, et il reste Ă accorder quĂąâŹâąelle soit tout or cela, on ne le peut, quĂąâŹâąen accordant lĂąâŹâąexistence du genre universel, ce qui est impossible pour certaines choses. Pour les choses qui viennent aprĂšs les nombres, Ă savoir, les longueurs, les surfaces et les solides, on nĂąâŹâąen rend pas raison, on nĂąâŹâąexplique ni comment elles sont et deviennent, ni si elles ont quelque vertu. Il est impossible que ce soient des idĂ©es ; car ce ne sont pas des nombres, ni des choses intermĂ©diaires, car ces derniĂšres sont les choses mathĂ©matiques, ni enfin des choses pĂ©rissables ; mais il est Ă©vident quĂąâŹâąelles constituent une quatriĂšme classe dĂąâŹâąĂÂȘtres. Enfin, rechercher les Ă©lĂ©ments des ĂÂȘtres sans les distinguer, lorsque leurs dĂ©nominations les distinguent de tant de maniĂšres, cĂąâŹâąest se mettre dans lĂąâŹâąimpossibilitĂ© de les trouver, surtout si on pose la question de cette maniĂšre Quels sont les Ă©lĂ©ments des ĂÂȘtres ? Car de quels Ă©lĂ©ments viennent lĂąâŹâąaction ou la passion ou la direction rectiligne, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąon ne peut certainement pas saisir ; on ne le peut que pour les substances ; de sorte que rechercher les Ă©lĂ©ments de tous les ĂÂȘtres ou sĂąâŹâąimaginer quĂąâŹâąon les connaĂt, est une chimĂšre. Et puis, comment pourra-t-on apprendre quels sont les Ă©lĂ©ments de toutes choses ? Ăâ°videmment, il est impossible alors quĂąâŹâąon ne possĂšde aucune connaissance prĂ©alable ; car quand on apprend la gĂ©omĂ©trie, on a des connaissances prĂ©alables, sans quĂąâŹâąon sache dĂąâŹâąavance rien de ce que renferme la gĂ©omĂ©trie et de ce quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąapprendre ; et il en est ainsi de tout le reste ; si donc il y a une science de toutes choses, comme quelques-uns le prĂ©tendent, il nĂąâŹâąy a plus de connaissance prĂ©alable. Cependant, toute science, aussi bien celle qui procĂšde par dĂ©monstration que celle q ni procĂšde par dĂ©finitions, ne sĂąâŹâąacquiert quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąaide de connaissances prĂ©alables, totales ou particuliĂšres ; car toute dĂ©finition suppose des donnĂ©es connues dĂąâŹâąavance ; et il en est de mĂÂȘme de la science par induction. Mais, dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, si la science se trouvait actuellement innĂ©e, il serait Ă©tonnant [993a] quĂąâŹâąĂ notre insu nous possĂ©dions en nous la plus haute des sciences. Et puis, comment connaĂtra-t-on les Ă©lĂ©ments de toutes choses et comment arrivera-t-on Ă une certitude dĂ©monstrative ? Car cela est sujet Ă difficultĂ© ; et on pourrait douter sur ce point comme on doute au sujet de certaines syllabes les uns disent, en effet, que la syllabe ZA est composĂ©e des trois lettres S, D et A ; les autres prĂ©tendent que cĂąâŹâąest un autre son, diffĂ©rent de tous ceux que nous connaissons. Enfin, les choses qui tombent sous la sensation, comment celui qui est dĂ©pourvu de la facultĂ© de sentir, pourra-t-il les connaĂtre ? Pourtant, il le faudrait si les idĂ©es sont les Ă©lĂ©ments dont se composent toutes choses, comme des sons composĂ©s viennent tous des sons Ă©lĂ©mentaires. Chapitre 9 Ainsi donc, il rĂ©sulte clairement de tout ce que nous avons dit jusquĂąâŹâąici les recherches de tous les philosophes se rapportent aux quatre principes dĂ©terminĂ©s par nous dans la Physique, et quĂąâŹâąen dehors de ceux-lĂ il nĂąâŹâąy en a pas dĂąâŹâąautre. Mais ces recherches ont Ă©tĂ© faites sans prĂ©cision ; et si, en un sens, on a parlĂ© avant nous de tous les principes, on peut dire en un autre quĂąâŹâąil nĂąâŹâąen a pas Ă©tĂ© parlĂ© car la philosophie primitive, jeune et faible encore, semble bĂ©gayer sur toutes choses. Par exemple, lorsque EmpĂ©docle dit que ce qui fait lĂąâŹâąos cĂąâŹâąest la proportion, il dĂ©signe par lĂ la forme et lĂąâŹâąessence de la chose ; mais il faut aussi que ce principe rende raison de la chair et de toutes les autres choses, ou de rien ; cĂąâŹâąest donc par la proportion que la chair et lĂąâŹâąos et toutes les autres choses existeront, et non pas par la matiĂšre, laquelle est selon lui feu, terre et eau. QuĂąâŹâąun autre eĂ»t dit cela, EmpĂ©docle en serait nĂ©cessairement convenu ; mais il ne sĂąâŹâąest pas expliquĂ© clairement. LĂąâŹâąinsuffisance des recherches de nos devanciers a Ă©tĂ© assez montrĂ©e. Maintenant, reprenons les difficultĂ©s qui peuvent sĂąâŹâąĂ©lever sur le sujet, lui-mĂÂȘme ; leur solution nous conduira peut-ĂÂȘtre Ă celle des difficultĂ©s qui se prĂ©senteront ensuite. Livre 2 Chapitre 1 La science qui a pour objet la vĂ©ritĂ©, est difficile sous un point de vue et facile sous un autre. Ce qui le prouve, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil est impossible dĂąâŹâąatteindre complĂštement la vĂ©ritĂ©, et que tous la manquent complĂštement. [993b] Pourtant, chaque philosophe explique quelque secret de la nature. Ce que chacun en particulier ajoute Ă la connaissance de la vĂ©ritĂ© nĂąâŹâąest rien sans doute ou nĂąâŹâąest que peu de chose ; mais la rĂ©union de toutes les idĂ©es prĂ©sente dĂąâŹâąimportants rĂ©sultats. De sorte quĂąâŹâąil en est ici, ce nous semble, comme de ce que nous disons dans le proverbe Qui ne mettrait pas la flĂšche dans une porte ? ConsidĂ©rĂ©e ainsi, cette science est chose facile. Mais lĂąâŹâąimpossibilitĂ© dĂąâŹâąune possession complĂšte de la vĂ©ritĂ© dans son ensemble et dans ses parties, montre tout ce quĂąâŹâąil y a de difficile dans la recherche dont il sĂąâŹâąagit. Cette difficultĂ© est double. Toutefois, elle a peut-ĂÂȘtre sa cause non pas dans les choses, mais dans nous-mĂÂȘmes. En effet, de mĂÂȘme que les yeux des chauves-souris sont offusquĂ©s par la lumiĂšre du jour, de mĂÂȘme lĂąâŹâąintelligence de notre ĂÂąme est offusquĂ©e par les choses qui portent en elles la plus Ă©clatante Ă©vidence. Il est donc juste dĂąâŹâąavoir de la reconnaissance non-seulement pour ceux dont on partage les opinions, mais pour ceux-lĂ mĂÂȘmes qui ont traitĂ© les questions dĂąâŹâąune maniĂšre un peu superficielle ; car eux aussi ont contribuĂ© pour leur part. Ce sont eux qui ont prĂ©parĂ© par leurs travaux lĂąâŹâąĂ©tat actuel de la science. Si TimothĂ©e nĂąâŹâąavait point existĂ©, nous nĂąâŹâąaurions pas toutes ces belles mĂ©lodies ; mais sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy avait point eu de Phrynes, il nĂąâŹâąeĂ»t point existĂ© de TimothĂ©e. Il en est de mĂÂȘme de ceux qui ont exposĂ© leurs idĂ©es sur la vĂ©ritĂ©. Nous avons adoptĂ© quelques-unes des opinions de plusieurs philosophes ; les autres philosophes ont Ă©tĂ© causes de lĂąâŹâąexistence de ceux-lĂ . Enfin cĂąâŹâąest Ă juste titre quĂąâŹâąon nomme la philosophie, la science thĂ©orĂ©tique de la vĂ©ritĂ©. En effet, la fin de la spĂ©culation, cĂąâŹâąest la vĂ©ritĂ© ; celle de la pratique, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ âuvre ; et les praticiens, quand ils considĂšrent le comment des choses, nĂąâŹâąexaminent pas la cause pour elle-mĂÂȘme, mais en vue dĂąâŹâąun but particulier, dĂąâŹâąun intĂ©rĂÂȘt prĂ©sent. Or, nous ne savons pas le vrai si nous ne savons la cause. De plus, une chose est vraie par excellence, quand cĂąâŹâąest Ă elle que les autres choses empruntent ce quĂąâŹâąelles ont en elles de vĂ©ritĂ© ; et, de mĂÂȘme que le feu est le chaud par excellence, parce quĂąâŹâąil est la cause de la chaleur des autres ĂÂȘtres ; de mĂÂȘme la chose qui est la cause de la vĂ©ritĂ© dans les ĂÂȘtres qui dĂ©rivent de cette chose est aussi la vĂ©ritĂ© par excellence. CĂąâŹâąest pourquoi les principes des ĂÂȘtres Ă©ternels sont nĂ©cessairement lĂąâŹâąĂ©ternelle vĂ©ritĂ©. Car, ce nĂąâŹâąest pas dans telle circonstance seulement quĂąâŹâąils sont vrais ; et il nĂąâŹâąy a rien qui soit la cause de leur vĂ©ritĂ© ; ce sont eux au contraire qui sont causes de la vĂ©ritĂ© des autres choses. En sorte que tel est le rang de chaque chose dans lĂąâŹâąordre de lĂąâŹâąĂÂȘtre, tel est son rang dans lĂąâŹâąordre de la vĂ©ritĂ©. Chapitre 2 [994a] Il est Ă©vident quĂąâŹâąil y a un premier principe, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąexiste ni une sĂ©rie infinie de causes, ni une infinitĂ© dĂąâŹâąespĂšces de causes. Ainsi, sous le point de vue de la matiĂšre, il est impossible quĂąâŹâąil y ait production Ă lĂąâŹâąinfini ; que la chair, par exemple, vienne de la terre, la terre de lĂąâŹâąair, lĂąâŹâąair du feu, sans que cela sĂąâŹâąarrĂÂȘte. De mĂÂȘme pour le principe du mouvement on ne dira pas que lĂąâŹâąhomme a Ă©tĂ© mis en mouvement par lĂąâŹâąair, lĂąâŹâąair par le soleil, le soleil par la discorde, et ainsi Ă lĂąâŹâąinfini. De mĂÂȘme encore, on ne peut, pour la cause finale, aller Ă lĂąâŹâąinfini et dire que la marche est en vue de la santĂ©, la santĂ© en vue du bonheur, le bonheur en vue dĂąâŹâąautre chose, et que toute chose est toujours ainsi en vue dĂąâŹâąune autre. De mĂÂȘme enfin pour la cause essentielle. Toute chose intermĂ©diaire est prĂ©cĂ©dĂ©e et suivie dĂąâŹâąautre chose, et ce qui prĂ©cĂšde est nĂ©cessairement cause de ce qui suit. Si lĂąâŹâąon nous demandait laquelle dĂąâŹâąune sĂ©rie de trois choses est la cause, nous dirions que cĂąâŹâąest la premiĂšre. Car ce nĂąâŹâąest point la derniĂšre ce qui est Ă la fin nĂąâŹâąest cause de rien. Ce nĂąâŹâąest point non plus lĂąâŹâąintermĂ©diaire elle nĂąâŹâąest cause que dĂąâŹâąune seule chose. Peu importe ensuite que ce qui est intermĂ©diaire soit un ou plusieurs, infini ou fini. Car toutes les parties de cette infinitĂ© de causes, et, en gĂ©nĂ©ral, toutes les parties de lĂąâŹâąinfini, si vous partez du fait actuel pour remonter de cause en cause, ne sont Ă©galement que des intermĂ©diaires. De sorte que si rien nĂąâŹâąest premier, il nĂąâŹâąy a absolument pas de cause. Mais sĂąâŹâąil faut, en remontant, arriver Ă un principe, on ne peut pas non plus, en descendant, aller Ă lĂąâŹâąinfini, et dire, par exemple, que le feu produit lĂąâŹâąeau, lĂąâŹâąeau la terre, et que la chaĂne de la production des ĂÂȘtres se continue ainsi sans cesse et sans fin. En effet, ceci succĂšde Ă cela, signifie deux choses ; ou bien une succession simple AprĂšs les jeux Isthmiques, les jeux Olympiens ; ou bien un rapport dĂąâŹâąun autre genre LĂąâŹâąhomme, par lĂąâŹâąeffet dĂąâŹâąun changement, vient de lĂąâŹâąenfant, lĂąâŹâąair de lĂąâŹâąeau. Et voici dans quel sens nous entendons que lĂąâŹâąhomme vient de lĂąâŹâąenfant ; cĂąâŹâąest dans le sens oĂÂč nous disons que ce qui est devenu a Ă©tĂ© produit par ce qui devenait, ou bien que ce qui est parfait a Ă©tĂ© produit par lĂąâŹâąĂÂȘtre qui se perfectionnait ; car, de mĂÂȘme que entre lĂąâŹâąĂÂȘtre et le non-ĂÂȘtre il y a toujours le devenir, de mĂÂȘme aussi entre ce qui nĂąâŹâąĂ©tait pas et ce qui est, il y a ce qui devient. Ainsi, celui qui Ă©tudie devient savant, et cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąon entend en disant que dĂąâŹâąapprenant quĂąâŹâąon Ă©tait on devient instruit. Quant Ă cet autre exemple LĂąâŹâąair vient de lĂąâŹâąeau ; lĂ , il y a lĂąâŹâąun des deux Ă©lĂ©ments qui pĂ©rit dans la production de lĂąâŹâąautre. Aussi, dans le premier cas nĂąâŹâąy a-t-il point de retour de ce qui est produit Ă ce qui a produit [994b] dĂąâŹâąhomme on ne devient pas enfant ; car ce qui est produit ne lĂąâŹâąest pas par la production mĂÂȘme, mais vient aprĂšs la production. De mĂÂȘme pour la succession simple le jour vient de lĂąâŹâąaurore, uniquement parce quĂąâŹâąil lui succĂšde ; mais par cela mĂÂȘme lĂąâŹâąaurore ne vient pas du jour. Dans lĂąâŹâąautre espĂšce de production, au contraire, il y a retour de lĂąâŹâąun des Ă©lĂ©ments Ă lĂąâŹâąautre. Mais dans les deux cas il est impossible dĂąâŹâąaller Ă lĂąâŹâąinfini. Dans le premier, il faut que les intermĂ©diaires aient une fin ; dans le dernier il y a retour perpĂ©tuel dĂąâŹâąun Ă©lĂ©ment Ă lĂąâŹâąautre, car la destruction de lĂąâŹâąun est la production de lĂąâŹâąautre. Et puis, il est impossible que lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment premier, sĂąâŹâąil est Ă©ternel, pĂ©risse comme il le faudrait alors. Car, puisque, en remontant de cause en cause, la chaĂne de la production nĂąâŹâąest pas infinie, il faut nĂ©cessairement que lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment premier qui, en pĂ©rissant, a produit quelque chose, ne soit pas Ă©ternel. Or, cela est impossible. Ce nĂąâŹâąest pas tout la cause finale est une fin. Par cause finale on entend ce qui ne se fait pas en vue dĂąâŹâąautre chose, mais au contraire ce en vue de quoi autre chose se fait. De sorte que sĂąâŹâąil y a ainsi quelque chose qui soit le dernier terme, il nĂąâŹâąy aura pas de production infinie sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien de tel, il nĂąâŹâąy a point de cause finale. Ceux qui admettent ainsi la production Ă lĂąâŹâąinfini, ne voient pas quĂąâŹâąils suppriment par lĂ mĂÂȘme le bien. Or, y a-t-il quelquĂąâŹâąun qui voudrait entreprendre une chose, sĂąâŹâąil ne devait pas arriver Ă lĂąâŹâąachever ? Ce serait lĂąâŹâąacte dĂąâŹâąun insensĂ©. LĂąâŹâąhomme raisonnable agit toujours en vue de quelque chose ; et cĂąâŹâąest-lĂ une fin, car le but quĂąâŹâąon se propose est une fin. On ne peut pas non plus ramener indĂ©finiment lĂąâŹâąessence Ă une autre essence. Il faut sĂąâŹâąarrĂÂȘter. Toujours lĂąâŹâąessence qui prĂ©cĂšde est plus essence que celle qui suit ; mais si ce qui prĂ©cĂšde ne lĂąâŹâąest pas encore, Ă plus forte raison ce qui suit. Bien plus, ce genre de systĂšme rend toute connaissance impossible. On ne peut savoir, il est impossible de rien connaĂtre, avant dĂąâŹâąarriver Ă ce qui est simple et indivisible. Or, comment penser Ă cette infinitĂ© dĂąâŹâąĂÂȘtres dont on nous parle ? Il nĂąâŹâąen est pas ici comme de la ligne, qui ne sĂąâŹâąarrĂÂȘte pas dans ses divisions la pensĂ©e a besoin de points dĂąâŹâąarrĂÂȘt. Aussi, si vous parcourez cette ligne qui se divise Ă lĂąâŹâąinfini, vous nĂąâŹâąen pouvez compter toutes les divisions. Ajoutons que nous ne concevons la matiĂšre que dans un objet en mouvement. Or, aucun de ces objets nĂąâŹâąest marquĂ© du caractĂšre de lĂąâŹâąinfini. Si ces objets sont rĂ©ellement infinis, le caractĂšre propre de lĂąâŹâąinfini nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąinfini. Et quand bien mĂÂȘme on dirait seulement quĂąâŹâąil y a un nombre infini dĂąâŹâąespĂšces de causes, la connaissance serait encore impossible. Car nous croyons savoir quand nous connaissons les causes ; et il nĂąâŹâąest point possible que dans un temps fini, nous puissions parcourir une sĂ©rie infinie. Chapitre 3 Les auditeurs sont soumis Ă lĂąâŹâąinfluence de lĂąâŹâąhabitude. Nous aimons quĂąâŹâąon se serve dĂąâŹâąun langage conforme Ă celui qui nous est familier. Sans cela, les choses ne paraissent plus ce quĂąâŹâąelles nous paraissaient ; il nous semble, par ce quĂąâŹâąelles ont dĂąâŹâąinaccoutumĂ©, que nous les connaissons moins, et quĂąâŹâąelles nous sont plus Ă©trangĂšres. Ce qui nous est habituel nous est, en effet, mieux connu. Une chose qui montre bien quelle est la force de lĂąâŹâąhabitude, ce sont les lois, oĂÂč des fables et [995a] des puĂ©rilitĂ©s ont plus de puissance, par lĂąâŹâąeffet de lĂąâŹâąhabitude, que nĂąâŹâąen aurait la vĂ©ritĂ© mĂÂȘme. Il est des hommes qui nĂąâŹâąadmettent dĂąâŹâąautres dĂ©monstrations que celles des mathĂ©matiques ; dĂąâŹâąautres ne veulent que des exemples ; dĂąâŹâąautres ne trouvent pas mauvais quĂąâŹâąon invoque le tĂ©moignage dĂąâŹâąun poĂšte. Il en est enfin qui demandent que tout soit rigoureusement dĂ©montrĂ© ; tandis que dĂąâŹâąautres trouvent cette rigueur insupportable, ou bien parce quĂąâŹâąils ne peuvent suivre la chaĂne des dĂ©monstrations, ou bien parce quĂąâŹâąils pensent que cĂąâŹâąest se perdre dans des futilitĂ©s. Il y a, en effet, quelque chose de cela dans lĂąâŹâąaffectation de la rigueur. Aussi quelques-uns la regardent-ils comme indigne dĂąâŹâąun homme libre, non-seulement dans la conversation, mais mĂÂȘme dans la discussion philosophique. Il faut donc que nous apprenions avant tout quelle sorte de dĂ©monstration convient Ă chaque objet particulier ; car il serait absurde de mĂÂȘler ensemble et la recherche de la science, et celle de sa mĂ©thode deux choses dont lĂąâŹâąacquisition prĂ©sente de grandes difficultĂ©s. On ne doit pas exiger en tout la rigueur mathĂ©matique, mais seulement quand il sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąobjets immatĂ©riels. Aussi la mĂ©thode mathĂ©matique nĂąâŹâąest-elle pas celle des physiciens ; car la matiĂšre est probablement le fond de toute la nature. Ils ont Ă examiner dĂąâŹâąabord ce que cĂąâŹâąest que la nature. De cette maniĂšre, en effet, ils verront clairement quel est lĂąâŹâąobjet de la physique, et si lĂąâŹâąĂ©tude des causes et des principes de la nature est le partage dĂąâŹâąune science unique ou de plusieurs sciences. Livre 3 Chapitre 1 Il est nĂ©cessaire, dans lĂąâŹâąintĂ©rĂÂȘt de la science que nous cherchons, de commencer par exposer les difficultĂ©s que nous avons Ă rĂ©soudre dĂšs lĂąâŹâąabord. Ces difficultĂ©s, ce sont, outre les opinions contradictoires des divers philosophes sur les mĂÂȘmes sujets, tous les points obscurs quĂąâŹâąils peuvent avoir nĂ©gligĂ© dĂąâŹâąĂ©claircir si lĂąâŹâąon veut arriver Ă une solution vraie, il est utile de se bien poser dĂąâŹâąabord ces difficultĂ©s. Car la solution vraie Ă laquelle on parvient ensuite, nĂąâŹâąest autre chose que lĂąâŹâąĂ©claircissement de ces difficultĂ©s or, il est impossible de dĂ©lier un nĂ âud si lĂąâŹâąon ne sait pas la maniĂšre de sĂąâŹâąy prendre. Ceci est Ă©vident surtout pour les difficultĂ©s, les doutes de la pensĂ©e. Douter, pour elle, cĂąâŹâąest ĂÂȘtre dans lĂąâŹâąĂ©tat de lĂąâŹâąhomme enchaĂnĂ© pas plus que lui elle ne peut aller en avant. Il nous faut donc commencer par examiner toutes les difficultĂ©s, et pour ces motifs, et aussi parce que chercher sans se les ĂÂȘtre posĂ©es dĂąâŹâąabord, cĂąâŹâąest ressembler Ă ceux qui marchent sans savoir vers quel but il faut marcher, cĂąâŹâąest sĂąâŹâąexposer mĂÂȘme Ă ne point reconnaĂtre si lĂąâŹâąon a dĂ©couvert ou non ce que lĂąâŹâąon cherchait. En effet, on nĂąâŹâąa point alors de but marquĂ© le but est marquĂ© au contraire pour celui qui a commencĂ© par se les bien poser. Enfin, on doit nĂ©cessairement ĂÂȘtre mieux Ă mĂÂȘme de juger, quand on a entendu, comme parties adverses en quelque sorte, toutes les raisons opposĂ©es. La premiĂšre difficultĂ© est celle que nous nous sommes dĂ©jĂ proposĂ©e dans lĂąâŹâąintroduction. LĂąâŹâąĂ©tude des causes appartient-elle Ă une seule science, ou Ă plusieurs, et la science doit-elle sĂąâŹâąoccuper seulement des premiers principes des ĂÂȘtres, ou bien doit-elle embrasser aussi les principes gĂ©nĂ©raux de la dĂ©monstration, tels que celui-ci Est-il possible, ou non, dĂąâŹâąaffirmer et de nier en mĂÂȘme temps une seule et mĂÂȘme chose ? Et tous les autres principes de ce genre ? Et si elle ne sĂąâŹâąoccupe que des principes des ĂÂȘtres, y a-t-il une seule science ou plusieurs pour tous ces principes ? Et sĂąâŹâąil y en a plusieurs, y a-t-il entre toutes quelque affinitĂ©, on bien les unes doivent-elles ĂÂȘtre considĂ©rĂ©es comme des philosophies, les autres non ? Il est nĂ©cessaire encore de rechercher si lĂąâŹâąon ne doit reconnaĂtre que des substances sensibles, ou sĂąâŹâąil y en a dĂąâŹâąautres en dehors de celles-lĂ . Y a-t-il une seule espĂšce de substance, ou bien y en a-t-il plusieurs ? De ce dernier avis sont, par exemple, ceux qui admettent les idĂ©es, et les substances mathĂ©matiques intermĂ©diaires entre les idĂ©es et les objets sensibles. Ce sont lĂ , disons-nous, des difficultĂ©s quĂąâŹâąil faut examiner, et encore celle-ci Notre Ă©tude nĂąâŹâąembrasse-t-elle que les essences, ou bien sĂąâŹâąĂ©tend-elle aussi aux accidents essentiels des substances ? Ensuite, Ă quelle science appartient-il de sĂąâŹâąoccuper de lĂąâŹâąidentitĂ© et de lĂąâŹâąhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, de la similitude et de la dissimilitude, de lĂąâŹâąidentitĂ© et de la contrariĂ©tĂ©, de lĂąâŹâąantĂ©rioritĂ© et de la postĂ©rioritĂ©, et des autres principes de ce genre Ă lĂąâŹâąusage des Dialecticiens, lesquels ne raisonnent que sur le vraisemblable ? Ensuite, quels sont les accidents propres de chacune de ces choses ? Il ne faut pas seulement rechercher ce quĂąâŹâąest chacune dĂąâŹâąelles, mais encore si elles sont opposĂ©es les unes aux autres. Sont-ce les genres qui sont les principes et les Ă©lĂ©ments ; sont-ce les parties intrinsĂšques de chaque ĂÂȘtre ? Et si ce sont les genres, sont-ce les plus rapprochĂ©s des individus, ou bien les genres les plus Ă©levĂ©s ? Est-ce lĂąâŹâąanimal, par exemple, ou bien lĂąâŹâąhomme, qui est principe ; et le genre lĂąâŹâąest-il plutĂÂŽt que lĂąâŹâąindividu ? Une autre question non moins digne dĂąâŹâąĂÂȘtre Ă©tudiĂ©e et approfondie est celle-ci y a-t-il ou non, en dehors de la substance, quelque chose qui soit cause en soi ? Ce quelque chose en est-il ou non indĂ©pendant ; est-il un ou multiple ? Est-il ou non en dehors de lĂąâŹâąensemble et par lĂąâŹâąensemble jĂąâŹâąentends ici la substance avec sel attributs ? En dehors de quelques individus et non des autres ; et quels sont alors les ĂÂȘtres en dehors desquels il existe ? Ensuite, les principes soit formels soit substantiels, sont-ils numĂ©riquement distincts ou rĂ©ductibles Ă des genres ? [996a] Les principes des ĂÂȘtres pĂ©rissables et ceux des ĂÂȘtres impĂ©rissables sont-ils les mĂÂȘmes ou diffĂ©rents ; sont-ils tous impĂ©rissables, ou bien les principes des ĂÂȘtres pĂ©rissables sont-ils pĂ©rissables ? De plus, et cĂąâŹâąest lĂ la difficultĂ© la plus grande, la plus embarrassante, lĂąâŹâąunitĂ© et lĂąâŹâąĂÂȘtre constituent-ils ou non la substance des ĂÂȘtres, comme le prĂ©tendaient les Pythagoriciens et Platon ; ou bien y a-t-il quelque chose qui leur serve de sujet, de substance, comme lĂąâŹâąAmitiĂ© dĂąâŹâąEmpĂ©docle, le feu, lĂąâŹâąeau, lĂąâŹâąair de tel ou tel autre philosophe ? Les principes sont-ils relatifs au gĂ©nĂ©ral, ou bien aux choses particuliĂšres ? Sont-ils en puissance ou en acte ? Sont-ils en mouvement ou autrement ? Ce sont lĂ de graves difficultĂ©s. Ensuite, les nombres, les longueurs, les figures, les points, sont-ils ou non des substances ; et, sĂąâŹâąils sont des substances, sont-ils indĂ©pendants des objets sensibles, ou existent-ils dans ces objets ? Sur tous ces points, non seulement il est difficile dĂąâŹâąarriver Ă la vĂ©ritĂ© par une bonne solution, mais il nĂąâŹâąest pas mĂÂȘme bien facile de se poser nettement les difficultĂ©s. Chapitre 2 DĂąâŹâąabord, comme nous nous le sommes demandĂ© en commençant, appartient-il Ă une seule science ou Ă plusieurs, dĂąâŹâąexaminer toutes les espĂšces de causes ? Mais comment appartiendrait-il Ă une seule science de connaĂtre des principes qui ne sont pas contraires les uns aux autres ? Et de plus, il y a un grand nombre dĂąâŹâąobjets oĂÂč ces principes ne se trouvent pas tous rĂ©unis. Comment, par exemple, serait-il possible de rechercher la cause du mouvement ou le principe du bien dans ce qui est immobile ? En effet, tout ce qui est bien en soi et par sa nature est un but, et par cela mĂÂȘme une cause, puisque cĂąâŹâąest en vue de ce bien que se produisent, quĂąâŹâąexistent les autres choses. Un but, ce en vue de quoi, est nĂ©cessairement but de quelque action or, il nĂąâŹâąy a point dĂąâŹâąaction sans mouvement ; de sorte que dans les choses immobiles on ne peut admettre ni lĂąâŹâąexistence de ce principe du mouvement, ni celle du bien en soi. Aussi ne dĂ©montre-t-on rien dans les sciences mathĂ©matiques au moyen de la cause du mouvement. On ne sĂąâŹâąy occupe pas davantage du mieux et du pire ; et mĂÂȘme aucun mathĂ©maticien ne tient compte de ces principes. CĂąâŹâąest pour ce motif que quelques sophistes, Aristippe par exemple, repoussaient ignominieusement les sciences mathĂ©matiques. Dans tous les arts, disaient-ils, mĂÂȘme dans les arts manuels, dans celui du maçon, du cordonnier, on sĂąâŹâąoccupe sans cesse du mieux et du pire ; [996b] tandis que les mathĂ©matiques ne font jamais mention du bien ni du mal. Mais sĂąâŹâąil y a plusieurs sciences des causes, si chacune dĂąâŹâąelles sĂąâŹâąoccupe de principes diffĂ©rents, laquelle de toutes ces sciences sera celle que nous cherchons ; ou, parmi les hommes qui les possĂ©deront, lequel connaĂtra le mieux lĂąâŹâąobjet de nos recherches ? Il est possible quĂąâŹâąun seul objet rĂ©unisse toutes ces espĂšces de causes. Ainsi, dans une maison, le principe du mouvement, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąart et lĂąâŹâąouvrier ; la cause finale, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ âuvre ; la matiĂšre, la terre et les pierres ; le plan est la forme. Il convient donc, dĂąâŹâąaprĂšs la dĂ©finition que nous avons assignĂ©e prĂ©cĂ©demment Ă la philosophie, de donner ce nom Ă chacune des sciences qui sĂąâŹâąoccupent de ces causes. La science par excellence, celle qui dominera toutes les autres, Ă laquelle les autres sciences devront cĂ©der en esclaves, cĂąâŹâąest assurĂ©ment celle qui sĂąâŹâąoccupe du but et du bien ; car tout le reste nĂąâŹâąexiste quĂąâŹâąen vue du bien. Mais la science des causes premiĂšres, celle que nous avons dĂ©finie la science de ce quĂąâŹâąil y a de plus scientifique, ce sera la science de lĂąâŹâąessence. On peut, en effet, connaĂtre la mĂÂȘme chose de bien des maniĂšres ; mais ceux qui connaissent un objet par ce quĂąâŹâąil est, connaissent mieux que ceux qui le connaissent par ce quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas. Parmi les premiers mĂÂȘme nous distinguons des degrĂ©s de connaissance ceux-lĂ en ont la science la plus parfaite, qui connaissent, non point sa quantitĂ©, ses qualitĂ©s, ses modifications, ses actes, mais son essence. Il en est de mĂÂȘme aussi de toutes les choses dont il y a dĂ©monstration. Nous croyons en avoir la connaissance lorsque nous savons ce en quoi elles consistent QuĂąâŹâąest-ce, par exemple, que construire un carrĂ© Ă©quivalent Ă un rectangle donnĂ© ? CĂąâŹâąest trouver la moyenne proportionnelle entre les deux cĂÂŽtĂ©s du rectangle. Et de mĂÂȘme pour tous les autres cas. Pour la production, au contraire, pour lĂąâŹâąaction, pour toute espĂšce de changement, nous croyons avoir la science, lorsque nous connaissons le principe du mouvement, lequel est diffĂ©rent de la cause finale, et en est prĂ©cisĂ©ment lĂąâŹâąopposĂ©. Il paraĂtrait donc dĂąâŹâąaprĂšs cela que ce sont des sciences diffĂ©rentes qui doivent examiner chacune de ces causes. Ce nĂąâŹâąest pas tout. Les principes de la dĂ©monstration appartiennent-ils Ă une seule science ou Ă plusieurs ? CĂąâŹâąest encore lĂ une question. JĂąâŹâąappelle principe de la dĂ©monstration, ces axiomes gĂ©nĂ©raux sur lesquels tout le monde sĂąâŹâąappuie pour dĂ©montrer ; ceux-ci, par exemple Il faut nĂ©cessairement affirmer ou nier une chose ; Une chose ne peut pas ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas en mĂÂȘme temps ; et toutes les autres propositions de ce genre. HĂ© bien, la science de ces principes est-elle la mĂÂȘme que celle de lĂąâŹâąessence, ou en diffĂšre-t-elle ? Si elle en diffĂšre, laquelle des deux reconnaĂtrons-nous pour celle que nous cherchons ? Les principes de la dĂ©monstration nĂąâŹâąappartiennent pas Ă une seule science, cela est Ă©vident pourquoi la gĂ©omĂ©trie sĂąâŹâąarrogerait-elle, plutĂÂŽt que toute autre science, le droit de traiter de ces principes ? Si donc toute science quelconque a Ă©galement ce privilĂšge, et si pourtant elles ne peuvent pas toutes en jouir, lĂąâŹâąĂ©tude des principes ne dĂ©pendra pas plus de la science qui connaĂt les essences, que de toute autre. Et puis, comment y aurait-il une science des principes ? Nous connaissons de prime abord ce quĂąâŹâąest chacun dĂąâŹâąeux ; aussi tous les arts les emploient-ils comme choses bien connues. Tandis que sĂąâŹâąil y avait une science dĂ©monstrative des principes, il faudrait admettre lĂąâŹâąexistence dĂąâŹâąun genre commun, objet de cette science ; il faudrait dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ© les accidents du genre, de lĂąâŹâąautre des axiomes, car il est impossible de tout dĂ©montrer. Toute dĂ©monstration doit partir dĂąâŹâąun principe, porter sur un objet, dĂ©montrer quelque chose de cet objet. Il sĂąâŹâąensuit que tout ce qui se dĂ©montre pourrait se ramener Ă un genre unique. Et en effet, toutes les sciences dĂ©monstratives se servent des axiomes. Or, si la science des axiomes est une autre science que la science de lĂąâŹâąessence, laquelle des deux sera la science souveraine, la science premiĂšre ? Les axiomes sont ce quĂąâŹâąil y a de plus gĂ©nĂ©ral ; ils sont les principes de toutes choses si donc ils ne font pas partie de la science du philosophe, quel autre sera chargĂ© de vĂ©rifier leur vĂ©ritĂ© ou leur faussetĂ© ? Enfin, y a-t-il une seule science pour toutes les essences, y en a-t-il plusieurs ? SĂąâŹâąil y en a plusieurs, de quelle essence traite la science qui nous occupe ? QuĂąâŹâąil nĂąâŹâąy ait quĂąâŹâąune science de toutes les essences, cĂąâŹâąest ce qui nĂąâŹâąest pas probable. Dans ce cas il y aurait une seule science dĂ©monstrative de tous les accidents essentiels des ĂÂȘtres, puisque toute science dĂ©monstrative soumet au contrĂÂŽle de principes communs tous les accidents essentiels dĂąâŹâąun sujet donnĂ©. Il appartient donc Ă la mĂÂȘme science dĂąâŹâąexaminer dĂąâŹâąaprĂšs des principes communs seulement les accidents essentiels dĂąâŹâąun mĂÂȘme genre. En effet, une science sĂąâŹâąoccupe de ce qui est ; une autre science, soit quĂąâŹâąelle se confonde avec la prĂ©cĂ©dente ou sĂąâŹâąen distingue, traite des causes de ce qui est. De sorte que ces deux sciences, ou cette science unique, dans le cas oĂÂč elles nĂąâŹâąen font quĂąâŹâąune, sĂąâŹâąoccuperont elles-mĂÂȘmes des accidents du genre qui est leur objet. Mais, dĂąâŹâąailleurs, la science nĂąâŹâąembrasse-t-elle que les essences, ou bien porte-t-elle aussi sur leurs accidents ? Par exemple, si nous considĂ©rons comme des essences, les solides, les lignes, les plans, la science de ces essences sĂąâŹâąoccupera-t-elle en mĂÂȘme temps des accidents de chaque genre, accidents sur lesquels portent les dĂ©monstrations mathĂ©matiques, ou bien sera-ce lĂąâŹâąobjet dĂąâŹâąune autre science ? SĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune science unique, la science de lĂąâŹâąessence sera alors une science dĂ©monstrative or, lĂąâŹâąessence, Ă ce quĂąâŹâąil semble, ne se dĂ©montre pas ; et sĂąâŹâąil y a deux sciences diffĂ©rentes, quelle est donc celle qui traitera des accidents de la substance ? CĂąâŹâąest une question dont la solution est des plus difficiles. De plus, ne faut-il admettre que des substances sensibles, ou bien y en a-t-il dĂąâŹâąautres encore ? NĂąâŹâąy a-t-il quĂąâŹâąune espĂšce de substance, y en a-t-il plusieurs ? De ce dernier avis sont, par exemple, ceux qui admettent les idĂ©es, ainsi que les ĂÂȘtres intermĂ©diaires objets des sciences mathĂ©matiques. Ils disent que les idĂ©es sont par elles-mĂÂȘmes causes et substances, comme nous lĂąâŹâąavons vu, en traitant cette question dans le premier livre. Cette doctrine est sujette Ă mille objections. Mais ce quĂąâŹâąil y a de plus absurde, cĂąâŹâąest de dire quĂąâŹâąil existe des ĂÂȘtres particuliers en dehors de ceux que nous voyons dans lĂąâŹâąunivers, mais que ces ĂÂȘtres sont les mĂÂȘmes que les ĂÂȘtres sensibles, Ă cette seule diffĂ©rence prĂšs que les uns sont Ă©ternels, les autres pĂ©rissables en effet, tout ce quĂąâŹâąils disent, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil y a lĂąâŹâąhomme en soi, le cheval, la santĂ© en soi ; imitant en cela ceux qui disent quĂąâŹâąil y a des dieux, mais que ces dieux ressemblent aux hommes. Les uns ne font pas autre chose que des hommes Ă©ternels ; les idĂ©es des autres ne sont de mĂÂȘme que des ĂÂȘtres sensibles Ă©ternels. Si, outre les idĂ©es et les objets sensibles, lĂąâŹâąon veut admettre les ĂÂȘtres intermĂ©diaires, il sĂąâŹâąen suit une multitude de difficultĂ©s. Car, Ă©videmment, il y aura aussi des lignes intermĂ©diaires entre lĂąâŹâąidĂ©e de la ligne et la ligne sensible ; et de mĂÂȘme pour toute espĂšce de choses. Prenons pour exemple lĂąâŹâąAstronomie. Il y aura un autre ciel, en dehors de celui qui tombe sous nos sens, un autre soleil, une autre lune ; et de mĂÂȘme pour tout ce qui est dans le ciel. Or, comment croire Ă leur existence ? Ce nouveau ciel, on ne peut raisonnablement le faire immobile ; et, dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ© il est tout-Ă -fait impossible quĂąâŹâąil soit en mouvement. Il en est de mĂÂȘme pour les objets dont traite lĂąâŹâąOptique, et pour les rapports mathĂ©matiques des sons musicaux. LĂ encore on ne peut admettre, et pour les mĂÂȘmes raisons, des ĂÂȘtres en dehors de ceux que nous voyons ; car, si vous admettez des ĂÂȘtres sensibles intermĂ©diaires, il vous faudra nĂ©cessairement admettre des sensations intermĂ©diaires pour les percevoir, ainsi que des animaux intermĂ©diaires entre les idĂ©es des animaux et les animaux pĂ©rissables. On peut se demander sur quels ĂÂȘtres porteraient les sciences intermĂ©diaires. Car si vous reconnaissez que la GĂ©odĂ©sie ne diffĂšre de la GĂ©omĂ©trie, quĂąâŹâąen ce que lĂąâŹâąune porte sur des objets sensibles, lĂąâŹâąautre sur des objets que nous ne percevons point par les sens, il vous faut Ă©videmment faire la mĂÂȘme chose pour la MĂ©decine et pour toutes les autres sciences, et dire quĂąâŹâąil y a une science intermĂ©diaire entre la MĂ©decine idĂ©ale et la MĂ©decine sensible. Et comment admettre une pareille supposition ? Il faudrait alors dire aussi quĂąâŹâąil y a une santĂ© intermĂ©diaire entre la santĂ© des ĂÂȘtres sensibles et la santĂ© en soi. Mais il nĂąâŹâąest pas mĂÂȘme vrai de dire que la GĂ©odĂ©sie est une science de grandeurs sensibles et pĂ©rissables, car, dans ce cas, elle pĂ©rirait, quand pĂ©riraient ces grandeurs. LĂąâŹâąAstronomie elle-mĂÂȘme, la science du ciel qui tombe sous nos sens, nĂąâŹâąest pas une science de grandeurs sensibles. Les lignes sensibles ne sont pas les lignes du gĂ©omĂštre, car les sens ne nous donnent aucune ligne droite, aucune courbe, qui satisfasse Ă la dĂ©finition. Le cercle ne rencontre pas la tangente en un seul point, mais par plusieurs, comme le remarquait Protagoras, dans ses attaques contre les gĂ©omĂštres. Et les mouvements ne sont pas rĂ©els ; les rĂ©volutions du ciel ne concordent complĂštement avec les mouvements et les rĂ©volutions que donnent les calculs astronomiques. Enfin les Ă©toiles ne sont pas de la mĂÂȘme nature que les points. DĂąâŹâąautres philosophes admettent aussi lĂąâŹâąexistence de ces substances intermĂ©diaires entre les idĂ©es et les objets sensibles ; mais ils ne les sĂ©parent point des objets sensibles ; ils disent quĂąâŹâąelles sont dans ces objets mĂÂȘmes. Il serait trop long dĂąâŹâąĂ©numĂ©rer toutes les impossibilitĂ©s quĂąâŹâąentraĂne une pareille doctrine. Remarquons cependant que non seulement les ĂÂȘtres intermĂ©diaires, mais que les idĂ©es elles-mĂÂȘmes seront nĂ©cessairement aussi dans les objets sensibles ; car les mĂÂȘmes raisons sĂąâŹâąappliquent Ă©galement dans les deux cas. De plus, on aura ainsi nĂ©cessairement deux solides dans un mĂÂȘme lieu ; et ils ne seront pas immobiles, puisquĂąâŹâąils seront dans des objets sensibles en mouvement. En un mot, Ă quoi bon admettre des ĂÂȘtres intermĂ©diaires, pour les placer dans les objets sensibles ? Les mĂÂȘmes absurditĂ©s que tout Ă lĂąâŹâąheure se reproduiront sans cesse. Ainsi, il y aura un ciel en dehors du ciel qui tombe sous nos sens ; seulement il nĂąâŹâąen sera pas sĂ©parĂ©, il sera dans le mĂÂȘme lieu ce qui est plus inadmissible encore que le ciel sĂ©parĂ©. Chapitre 3 Que faut-il dĂ©cider sur tous ces points, pour arriver ensuite Ă la vĂ©ritĂ© ? Il y a lĂ des difficultĂ©s nombreuses. Les difficultĂ©s relatives aux principes ne le sont pas moins. Faut-il regarder les genres comme Ă©lĂ©ments et principes ; ou bien ce titre nĂąâŹâąappartient-il pas plutĂÂŽt aux parties constitutives de chaque ĂÂȘtre ? Par exemple, les Ă©lĂ©ments, les principes du mot, paraissent ĂÂȘtre les lettres qui concourent Ă la formation de tous les mots, et non pas le mot en gĂ©nĂ©ral. De mĂÂȘme encore nous appelons Ă©lĂ©ments, dans la dĂ©monstration des propriĂ©tĂ©s des figures gĂ©omĂ©triques, ces dĂ©monstrations qui se trouvent au fond des autres, soit dans toutes, soit dans la plupart. De mĂÂȘme enfin pour les corps et ceux qui nĂąâŹâąadmettent quĂąâŹâąun Ă©lĂ©ment, et ceux qui en admettent plusieurs, regardent comme principe ce dont le corps est composĂ©, ce dont lĂąâŹâąensemble le constitue. Ainsi, lĂąâŹâąeau, le feu, et les autres Ă©lĂ©ments, sont pour EmpĂ©docle les Ă©lĂ©ments constitutifs des ĂÂȘtres, et non point des genres qui comprennent ces ĂÂȘtres. En outre, si lĂąâŹâąon veut Ă©tudier la nature dĂąâŹâąun objet quelconque, dĂąâŹâąun lit par exemple, on cherche de quelles piĂšces il est composĂ©, quel est lĂąâŹâąarrangement de ces piĂšces, et alors on connaĂt sa nature. DĂąâŹâąaprĂšs ces considĂ©rations, les genres ne seraient pas les principes des ĂÂȘtres. Mais si lĂąâŹâąon songe que nous ne connaissons rien que par les dĂ©finitions, et que les genres sont les principes des dĂ©finitions, il faut bien aussi que les genres soient les principes des ĂÂȘtres dĂ©finis. DĂąâŹâąailleurs, sĂąâŹâąil est vrai de dire que cĂąâŹâąest acquĂ©rir la connaissance des ĂÂȘtres que dĂąâŹâąacquĂ©rir celle des espĂšces auxquelles les ĂÂȘtres se rapportent, les genres seront encore principes des ĂÂȘtres puisquĂąâŹâąils sont les principes des espĂšces. Quelques-uns mĂÂȘme de ceux qui regardent comme Ă©lĂ©ments des ĂÂȘtres lĂąâŹâąunitĂ© ou lĂąâŹâąĂÂȘtre, ou le grand et le petit, semblent en faire des genres. Toutefois les principes des ĂÂȘtres ne peuvent pas ĂÂȘtre en mĂÂȘme temps les genres et les Ă©lĂ©ments constitutifs. LĂąâŹâąessence ne comporte pas deux dĂ©finitions ĂąâŹâ or, autre serait la dĂ©finition des principes considĂ©rĂ©s comme genres ; autre, si on les considĂ©rait comme Ă©lĂ©ments constitutifs. DĂąâŹâąailleurs, si ce sont surtout les genres qui sont principes, faut-il regarder comme principes les genres les plus Ă©levĂ©s, ou ceux immĂ©diatement supĂ©rieurs aux individus ? CĂąâŹâąest lĂ encore un sujet dĂąâŹâąembarras. Si les principes sont ce quĂąâŹâąil y a de plus gĂ©nĂ©ral, Ă©videmment les genres les plus Ă©levĂ©s seront principes, car ils embrassent tous les ĂÂȘtres. On admettra par consĂ©quent comme principes des ĂÂȘtres les premiers des genres ; et alors lĂąâŹâąĂÂȘtre, lĂąâŹâąunitĂ©, seront principes et substances ; car ce sont surtout ces genres qui embrassent tous les ĂÂȘtres. DĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, tous les ĂÂȘtres ne peuvent pas ĂÂȘtre rapportĂ©s Ă un seul genre, soit Ă lĂąâŹâąunitĂ©, soit Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre. Il faut nĂ©cessairement que les diffĂ©rences de chaque genre soient, et que chacune de ces diffĂ©rences soit une or, il est impossible que ce qui dĂ©signe les espĂšces du genre dĂ©signe aussi les diffĂ©rences propres, il est impossible que le genre existe sans ses espĂšces. Si donc lĂąâŹâąunitĂ© ou lĂąâŹâąĂÂȘtre est le genre, il nĂąâŹâąy aura pas de diffĂ©rence qui soit, ni qui soit une. LĂąâŹâąunitĂ© et lĂąâŹâąĂÂȘtre ne sont donc pas des genres, et par consĂ©quent ils ne sont pas des principes, puisque ce sont les genres qui sont principes. Ajoutez Ă cela que les ĂÂȘtres intermĂ©diaires pris avec leurs diffĂ©rences seront des genres jusquĂąâŹâąĂ ce quĂąâŹâąon arrive Ă lĂąâŹâąindividu. Or, les uns sont, il est vrai, des genres, mais dĂąâŹâąautres nĂąâŹâąen sont pas. En outre, les diffĂ©rences sont plutĂÂŽt principes que les genres. Mais si les diffĂ©rences sont principes, il y a en quelque sorte une infinitĂ© de principes, surtout si lĂąâŹâąon prend pour point de dĂ©part le genre le plus Ă©levĂ©. Remarquons dĂąâŹâąailleurs que, bien que lĂąâŹâąunitĂ© nous paraisse surtout avoir le caractĂšre de principe, lĂąâŹâąunitĂ© Ă©tant indivisible, et ce qui est indivisible lĂąâŹâąĂ©tant ou bien sous le rapport de la quantitĂ©, ou bien sous celui de lĂąâŹâąespĂšce, et ce qui lĂąâŹâąest sous le rapport de lĂąâŹâąespĂšce ayant lĂąâŹâąantĂ©rioritĂ© ; enfin les genres se divisant en espĂšces, lĂąâŹâąunitĂ© doit ĂÂȘtre plutĂÂŽt lĂąâŹâąindividu lĂąâŹâąhomme, en effet, nĂąâŹâąest pas le genre des hommes particuliers. DĂąâŹâąailleurs, il nĂąâŹâąest pas possible, dans les choses oĂÂč il y a antĂ©rioritĂ© et postĂ©rioritĂ©, quĂąâŹâąil y ait, en dehors dĂąâŹâąelles, quelque chose qui soit leur genre. La dyade, par exemple, est le premier des nombres ; il nĂąâŹâąy a donc point, en dehors des diverses espĂšces de nombres, un autre nombre qui soit le genre commun ; il nĂąâŹâąy a point non plus dans la gĂ©omĂ©trie une autre figure en dehors des diverses espĂšces de figures. Et sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a point ici de genre en dehors des espĂšces, Ă plus forte raison nĂąâŹâąy en aura-t-il point dans les autres choses. Car cĂąâŹâąest surtout pour les ĂÂȘtres mathĂ©matiques quĂąâŹâąil paraĂt y avoir des genres. Pour les individus il nĂąâŹâąy a ni prioritĂ©, ni postĂ©rioritĂ©, et de plus, partout oĂÂč il y a mieux et pire, le mieux a la prioritĂ© ; il nĂąâŹâąy a donc pas de genres, principes des individus. DĂąâŹâąaprĂšs ce qui prĂ©cĂšde, les individus doivent plutĂÂŽt ĂÂȘtre regardĂ©s comme les principes des genres. Mais, dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, comment concevoir que les individus soient principes ? Il ne serait point facile de le dĂ©montrer. Il faut quĂąâŹâąalors la cause, le principe, soit en dehors des choses dont elle est le principe, quĂąâŹâąelle puisse en ĂÂȘtre sĂ©parĂ©e. Mais quelle raison a-t-on de supposer quĂąâŹâąil y a un principe de ce genre en dehors du particulier, si ce nĂąâŹâąest que ce principe est quelque chose dĂąâŹâąuniversel, et quĂąâŹâąil embrasse tous les ĂÂȘtres ? Or, si lĂąâŹâąon se rend Ă cette considĂ©ration, ce quĂąâŹâąil y a de plus gĂ©nĂ©ral doit ĂÂȘtre plutĂÂŽt regardĂ© comme principe, et alors les principes seraient les genres les plus Ă©levĂ©s. Chapitre 4 Il y a une difficultĂ© qui se rattache aux prĂ©cĂ©dentes, difficultĂ© plus embarrassante que toutes les autres, et dont lĂąâŹâąexamen nous est indispensable ; cĂąâŹâąest celle dont nous allons parler. SĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas quelque chose en dehors du particulier, et sĂąâŹâąil y a une infinitĂ© de choses particuliĂšres, comment est-il possible dĂąâŹâąacquĂ©rir la science de lĂąâŹâąinfinitĂ© des choses ? ConnaĂtre un objet, cĂąâŹâąest, pour nous, connaĂtre son unitĂ©, son identitĂ© et son caractĂšre gĂ©nĂ©ral. Or, si cela est nĂ©cessaire, et sĂąâŹâąil faut quĂąâŹâąen dehors des choses particuliĂšres il y ait quelque chose, il y aura nĂ©cessairement, en dehors des choses particuliĂšres, les genres, soit les genres les plus rapprochĂ©s des individus, soit les genres les plus Ă©levĂ©s. Mais nous avons trouvĂ© tout Ă lĂąâŹâąheure que cela Ă©tait possible. Admettons dĂąâŹâąailleurs quĂąâŹâąil y a vĂ©ritablement quelque chose en dehors de lĂąâŹâąensemble de lĂąâŹâąattribut et de la substance, admettons quĂąâŹâąil y a des espĂšces. Mais lĂąâŹâąespĂšce est-elle quelque chose en dehors de tous les objets, ou est-elle seulement en dehors de quelques objets sans ĂÂȘtre en dehors de quelques autres, ou enfin nĂąâŹâąest-elle en dehors dĂąâŹâąaucun ? Dirons-nous donc quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien en dehors de choses particuliĂšres ? Alors il nĂąâŹâąy aurait rien dĂąâŹâąintelligible, il nĂąâŹâąy aurait plus que des objets sensibles, il nĂąâŹâąy aurait science de rien, Ă moins quĂąâŹâąon ne nomme science, la connaissance sensible. Il nĂąâŹâąy aurait mĂÂȘme rien dĂąâŹâąĂ©ternel, ni dĂąâŹâąimmobile ; car tous les objets sensibles sont sujets Ă destruction, et sont en mouvement. Or, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien dĂąâŹâąĂ©ternel, la production mĂÂȘme est impossible. Car il faut bien que ce qui devient soit quelque chose, ainsi que ce qui fait devenir ; et que la derniĂšre des causes productrices soit de tout temps, puisque la chaĂne des causes a un terme, et quĂąâŹâąil est impossible que rien soit produit par le non-ĂÂȘtre. DĂąâŹâąailleurs, lĂ oĂÂč il y a naissance et mouvement, il y aura nĂ©cessairement un terme aucun mouvement nĂąâŹâąest infini, et mĂÂȘme tout mouvement a un but. Et puis il est impossible que ce qui ne peut devenir devienne ; mais ce qui devient, existe nĂ©cessairement avant de devenir. De plus, si la substance existe de tout temps, Ă plus forte raison faut-il admettre lĂąâŹâąexistence de lĂąâŹâąessence au moment oĂÂč la substance devient. En effet, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a ni essence, ni substance, il nĂąâŹâąexiste absolument rien. Et, comme cela est impossible, il faut bien que la forme et lĂąâŹâąessence soient quelque chose, en dehors de lĂąâŹâąensemble de la substance et de la forme. Mais si lĂąâŹâąon adopte cette conclusion, une nouvelle difficultĂ© se prĂ©sente. Dans quels cas admettra-t-on cette existence sĂ©parĂ©e, et dans quels cas ne lĂąâŹâąadmettra-t-on point ? Car il est Ă©vident quĂąâŹâąon ne lĂąâŹâąadmettra pas dans tous les cas. En effet, nous ne pouvons pas dire quĂąâŹâąil y a une maison en dehors des maisons particuliĂšres. Ce nĂąâŹâąest pas tout. La substance de tous les ĂÂȘtres est-elle une substance unique ? La substance de tous les hommes est-elle unique, par exemple ? Mais cela serait absurde ; car, tous les ĂÂȘtres nĂąâŹâąĂ©tant pas un ĂÂȘtre unique, mais un grand nombre dĂąâŹâąĂÂȘtres, et dĂąâŹâąĂÂȘtres diffĂ©rents, il nĂąâŹâąest pas raisonnable quĂąâŹâąils nĂąâŹâąaient quĂąâŹâąune seule substance. Et dĂąâŹâąailleurs comment la substance de tous ces ĂÂȘtres devient-elle chacun dĂąâŹâąeux ; et comment la rĂ©union de ces deux choses, lĂąâŹâąessence et la substance, constitue-t-elle lĂąâŹâąindividu ? Voici une nouvelle difficultĂ© relative aux principes. SĂąâŹâąils nĂąâŹâąont que lĂąâŹâąunitĂ© gĂ©nĂ©rique, rien ne sera un numĂ©riquement, ni lĂąâŹâąunitĂ© elle-mĂÂȘme, ni lĂąâŹâąĂÂȘtre lui-mĂÂȘme. Et alors, comment la science pourra-t-elle exister, puisquĂąâŹâąil nĂąâŹâąy aura pas dĂąâŹâąunitĂ© qui embrasse tous les ĂÂȘtres ? Admettrons-nous donc leur unitĂ© numĂ©rique ? Mais si chaque principe nĂąâŹâąexiste que comme unitĂ©, et que les principes nĂąâŹâąaient aucun rapport entre eux ; sĂąâŹâąils ne sont pas comme les choses sensibles en effet, lorsque telle et telle syllabe sont de mĂÂȘme espĂšce, leurs principes sont de mĂÂȘme espĂšce, ces principes nĂąâŹâąĂ©tant pas rĂ©duits Ă lĂąâŹâąunitĂ© numĂ©rique ; sĂąâŹâąil nĂąâŹâąen est pas ainsi, si les principes des ĂÂȘtres sont rĂ©duits Ă lĂąâŹâąunitĂ© numĂ©rique, il nĂąâŹâąexistera rien autre chose que les Ă©lĂ©ments. Un, numĂ©riquement, ou individuel, cĂąâŹâąest la mĂÂȘme chose, puisque nous appelons individuel ce qui est un par le nombre lĂąâŹâąuniversel, au contraire, cĂąâŹâąest ce qui est dans tous les individus. Si donc les Ă©lĂ©ments du mot avaient pour caractĂšre lĂąâŹâąunitĂ© numĂ©rique, il y aurait nĂ©cessairement un nombre de lettres Ă©gal en somme Ă celui des Ă©lĂ©ments du mot, nĂąâŹâąy ayant aucune identitĂ© ni entre deux, ni entre un plus grand nombre de ces Ă©lĂ©ments. Une difficultĂ© qui ne le cĂšde Ă aucune autre et quĂąâŹâąont Ă©galement laissĂ©e Ă lĂąâŹâąĂ©cart et les philosophes dĂąâŹâąaujourdĂąâŹâąhui et leurs devanciers, cĂąâŹâąest de savoir si les principes des choses pĂ©rissables et ceux des choses impĂ©rissables sont les mĂÂȘmes principes, ou sĂąâŹâąils sont diffĂ©rents. Si les principes sont, en effet, les mĂÂȘmes, comment se fait-il que parmi les ĂÂȘtres les uns soient pĂ©rissables et les autres impĂ©rissables, et pour quelle raison en est-il ainsi ? HĂ©siode et tous les ThĂ©ologiens nĂąâŹâąont cherchĂ© que ce qui pouvait les convaincre eux-mĂÂȘmes, et nĂąâŹâąont pas songĂ© Ă nous. Des principes ils font des dieux, et les dieux ont produit toutes choses ; puis ils ajoutent que les ĂÂȘtres qui nĂąâŹâąont pas goĂ»tĂ© le nectar et lĂąâŹâąambroisie sont destinĂ©s Ă pĂ©rir. Ces explications avaient sans doute un sens pour eux ; quant Ă nous, nous ne comprenons mĂÂȘme pas comment ils ont pu trouver lĂ des causes. Car, si cĂąâŹâąest en vue du plaisir que les ĂÂȘtres touchent Ă lĂąâŹâąambroisie et au nectar, le nectar et lĂąâŹâąambroisie ne sont nullement causes de lĂąâŹâąexistence ; si au contraire cĂąâŹâąest en vue de lĂąâŹâąexistence, comment ces ĂÂȘtres seraient-ils Ă©ternels, puisquĂąâŹâąils auraient besoin de nourriture ? Mais nous nĂąâŹâąavons pas besoin de soumettre Ă un examen approfondi, des inventions fabuleuses. Adressons-nous donc Ă ceux qui raisonnent et se servent de dĂ©monstrations, et demandons-leur comment il se fait que, sortis des mĂÂȘmes principes, quelques-uns des ĂÂȘtres ont une nature Ă©ternelle, tandis que les autres sont sujets Ă destruction. Or, comme ils ne nous apprennent pas quelle est la cause en question, et quĂąâŹâąil y a contradiction dans cet Ă©tat de choses, il est clair que ni les principes ni les causes des ĂÂȘtres ne peuvent ĂÂȘtre les mĂÂȘmes causes et les mĂÂȘmes principes. Aussi, un philosophe quĂąâŹâąon croirait parfaitement dĂąâŹâąaccord avec lui-mĂÂȘme dans sa doctrine, EmpĂ©docle, est-il tombĂ© dans la mĂÂȘme contradiction que les autres. Il pose, en effet, un principe, la Discorde, comme cause de la destruction. Et cependant on nĂąâŹâąen voit pas moins ce principe engendrer tous les ĂÂȘtres, hormis lĂąâŹâąunitĂ© ; car tous les ĂÂȘtres, exceptĂ© Dieu, sont produits par la Discorde. Ăâ°coutons EmpĂ©docle Telles furent les causes de ce qui fut, de ce qui est, de ce qui sera dans lĂąâŹâąavenir ; Qui firent naĂtre les arbres, et les hommes, et les femmes. Et les bĂÂȘtes sauvages, et les oiseaux, et les poissons qui vivent dans les ondes, Et les dieux Ă la longue existence. Et mĂÂȘme cĂąâŹâąest-lĂ une opinion qui rĂ©sulte de bien dĂąâŹâąautres passages. SĂąâŹâąil nĂąâŹâąy avait pas dans les choses une Discorde, tout, suivant EmpĂ©docle, serait rĂ©duit Ă lĂąâŹâąunitĂ©. En effet, quand, les choses sont rĂ©unies, alors sĂąâŹâąĂ©lĂšve enfin la Discorde. Il suit de lĂ que la DivinitĂ©, lĂąâŹâąĂÂȘtre heureux par excellence, connaĂt moins que les autres ĂÂȘtres ; car elle ne connaĂt pas tous les Ă©lĂ©ments. Elle nĂąâŹâąa pas en elle la Discorde ; et cĂąâŹâąest le semblable qui connaĂt le semblable Par la terre, dit EmpĂ©docle, nous voyons la terre, lĂąâŹâąeau par lĂąâŹâąeau ; Par lĂąâŹâąair, lĂąâŹâąair divin, et par le feu, le feu dĂ©vorant ; LĂąâŹâąAmitiĂ© par lĂąâŹâąAmitiĂ©, la Discorde par la Discorde fatale. Il est donc manifeste, pour revenir au point dĂąâŹâąoĂÂč nous sommes partis, que la Discorde, chez ce philosophe, est tout autant cause dĂąâŹâąĂÂȘtre que cause de destruction. De mĂÂȘme lĂąâŹâąAmitiĂ© est tout autant cause de destruction que dĂąâŹâąĂÂȘtre. En effet, quand elle rĂ©unit les ĂÂȘtres, et les amĂšne Ă lĂąâŹâąunitĂ©, elle dĂ©truit tout ce qui nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąunitĂ©. Ajoutez quĂąâŹâąEmpĂ©docle nĂąâŹâąassigne au changement lui-mĂÂȘme aucune cause ; il dit seulement quĂąâŹâąil en fut ainsi Alors que la puissante Discorde eut grandi, Et quĂąâŹâąelle se fut Ă©lancĂ©e pour sĂąâŹâąemparer de ses honneurs, au jour marquĂ© par le temps ; Le temps, qui se partage alternativement entre la Discorde et lĂąâŹâąAmitiĂ© ; le temps qui a prĂ©cĂ©dĂ© mĂÂȘme le majestueux serment ; Comme si le changement Ă©tait nĂ©cessaire mais il nĂąâŹâąassigne pas de cause Ă cette nĂ©cessitĂ©. Toutefois EmpĂ©docle a Ă©tĂ© dĂąâŹâąaccord avec lui-mĂÂȘme en ce point, quĂąâŹâąil admet, non pas que parmi les ĂÂȘtres les uns sont pĂ©rissables, les autres impĂ©rissables, mais que tout est pĂ©rissable, exceptĂ© les Ă©lĂ©ments. La difficultĂ© que nous nous Ă©tions proposĂ©e Ă©tait celle-ci Pourquoi, si tous les ĂÂȘtres viennent des mĂÂȘmes principes, les uns sont-ils pĂ©rissables, les autres impĂ©rissables ? Or, ce que nous avons dit prĂ©cĂ©demment suffit pour montrer que les principes de tous les ĂÂȘtres ne sauraient ĂÂȘtre les mĂÂȘmes. Mais si les principes sont diffĂ©rents, une difficultĂ© se prĂ©sente seront-ils impĂ©rissables eux aussi, ou pĂ©rissables ? Car, sĂąâŹâąils sont pĂ©rissables, il est Ă©vident quĂąâŹâąils viennent nĂ©cessairement eux-mĂÂȘmes de quelque chose, puisque tout ce qui se dĂ©truit retourne Ă ses Ă©lĂ©ments. Il sĂąâŹâąensuit donc quĂąâŹâąil y aurait dĂąâŹâąautres principes antĂ©rieurs aux principes mĂÂȘmes. Or cela est impossible, soit que la chaĂne des causes ait une limite, soit quĂąâŹâąelle se prolonge Ă lĂąâŹâąinfini. DĂąâŹâąailleurs, si lĂąâŹâąon anĂ©antit les principes, comment y aura-t-il des ĂÂȘtres pĂ©rissables ? Et si les principes sont impĂ©rissables, pourquoi, parmi ces principes impĂ©rissables, les uns produisent-ils des ĂÂȘtres pĂ©rissables, et les autres, des ĂÂȘtres impĂ©rissables ? Cela nĂąâŹâąest pas consĂ©quent ; cĂąâŹâąest une chose impossible, ou qui du moins demanderait de longues explications. Enfin, aucun philosophe nĂąâŹâąa admis que les ĂÂȘtres eussent des principes diffĂ©rents ; tous ils disent que les principes de toutes choses sont les mĂÂȘmes. Mais cĂąâŹâąest quĂąâŹâąils passent par-dessus la difficultĂ© que nous nous sommes proposĂ©e, et quĂąâŹâąils la regardent comme un point peu important. Une question difficile entre toutes Ă lĂąâŹâąexamen, et dĂąâŹâąune importance capitale pour la connaissance de la vĂ©ritĂ©, cĂąâŹâąest de savoir si lĂąâŹâąĂÂȘtre et lĂąâŹâąunitĂ© sont substances des ĂÂȘtres ; si ces deux principes ne sont pas autre chose que lĂąâŹâąunitĂ© et lĂąâŹâąĂÂȘtre, chacun de son cĂÂŽtĂ© ; ou bien si nous devons nous demander quĂąâŹâąest-ce que lĂąâŹâąĂÂȘtre et lĂąâŹâąunitĂ©, supposĂ© quĂąâŹâąils aient pour substance une nature autre quĂąâŹâąeux-mĂÂȘmes. Car telles sont, sur ce sujet, les diverses opinions des philosophes Platon et les Pythagoriciens prĂ©tendent, en effet, que lĂąâŹâąĂÂȘtre ni lĂąâŹâąunitĂ© ne sont pas autre chose quĂąâŹâąeux-mĂÂȘmes ; que tel est leur caractĂšre. LĂąâŹâąunitĂ© en soi et lĂąâŹâąĂÂȘtre en soi, voilĂ , selon ces philosophes, ce qui constitue la substance des ĂÂȘtres. Les Physiciens sont dĂąâŹâąun autre avis. EmpĂ©docle, par exemple, comme pour ramener son principe Ă un terme plus connu, explique ce que cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąunitĂ© ; car on peut conclure de ses paroles, que lĂąâŹâąĂÂȘtre cĂąâŹâąest lĂąâŹâąAmitiĂ© ; lĂąâŹâąAmitiĂ© est donc pour EmpĂ©docle la cause de lĂąâŹâąunitĂ© de toutes les choses. DĂąâŹâąautres prĂ©tendent que cĂąâŹâąest le feu, dĂąâŹâąautres que cĂąâŹâąest lĂąâŹâąair qui est cette unitĂ© et cet ĂÂȘtre, dĂąâŹâąoĂÂč sortent tous les ĂÂȘtres, et qui les a tous produits. Il en est de mĂÂȘme de ceux-lĂ encore qui ont admis la pluralitĂ© dans les Ă©lĂ©ments ; car ils doivent nĂ©cessairement compter autant dĂąâŹâąĂÂȘtres et autant dĂąâŹâąunitĂ©s quĂąâŹâąils reconnaissent de principes. Si lĂąâŹâąon nĂąâŹâąĂ©tablit pas que lĂąâŹâąunitĂ© et lĂąâŹâąĂÂȘtre soient une substance, il sĂąâŹâąensuit quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a plus rien de gĂ©nĂ©ral, puisque ces principes sont ce quĂąâŹâąil y a de plus gĂ©nĂ©ral au monde, et que si lĂąâŹâąunitĂ© en soi, si lĂąâŹâąĂÂȘtre en soi, ne sont pas quelque chose, Ă plus forte raison nĂąâŹâąy aura-t-il pas dĂąâŹâąautre ĂÂȘtre en dehors de ce quĂąâŹâąon nomme le particulier. De plus, si lĂąâŹâąunitĂ© nĂąâŹâąĂ©tait pas une substance, il est Ă©vident que le nombre mĂÂȘme ne pourrait exister comme nature dĂąâŹâąĂÂȘtres sĂ©parĂ©e. En effet, le nombre se compose de monades, et la monade cĂąâŹâąest ce qui est un. Mais si lĂąâŹâąunitĂ© en soi, si lĂąâŹâąĂÂȘtre en soi, sont quelque chose, il faut bien quĂąâŹâąils soient la substance, car il nĂąâŹâąy a rien, sinon lĂąâŹâąunitĂ© et lĂąâŹâąĂÂȘtre, qui se dise universellement de tous les ĂÂȘtres. Mais si lĂąâŹâąĂÂȘtre en soi et lĂąâŹâąunitĂ© en soi sont quelque chose, il nous sera bien difficile de concevoir comment il pourrait y avoir autre chose en dehors de lĂąâŹâąunitĂ© et lĂąâŹâąĂÂȘtre, cĂąâŹâąest-Ă -dire, comment il y aura plus dĂąâŹâąun ĂÂȘtre, puisque ce qui est autre chose que lĂąâŹâąĂÂȘtre nĂąâŹâąest pas. Il sĂąâŹâąensuit donc nĂ©cessairement ce que disait ParmĂ©nide, que tous les ĂÂȘtres se rĂ©duisent Ă un, et que lĂąâŹâąunitĂ© cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂÂȘtre. Mais cĂąâŹâąest lĂ une double difficultĂ© ; car, que lĂąâŹâąunitĂ© ne soit pas une substance, ou quĂąâŹâąelle en soit une, il est Ă©galement impossible que le nombre soit une substance impossible dans le premier cas, nous avons dĂ©jĂ dit pourquoi. Dans le second cas, mĂÂȘme difficultĂ© que pour lĂąâŹâąĂÂȘtre. DĂąâŹâąoĂÂč viendrait, en effet, une autre unitĂ© en dehors de lĂąâŹâąunitĂ© ? car, dans le cas dont il sĂąâŹâąagit, il y aurait nĂ©cessairement deux unitĂ©s. Tous les ĂÂȘtres sont, ou un seul ĂÂȘtre, ou une multitude dĂąâŹâąĂÂȘtres, si chaque ĂÂȘtre est unitĂ©. Ce nĂąâŹâąest pas tout encore. Si lĂąâŹâąunitĂ© Ă©tait indivisible, il nĂąâŹâąy aurait absolument rien, et cĂąâŹâąest ce que pense ZĂ©non. En effet, ce qui ne devient ni plus grand quand on lui ajoute, ni plus petit quand on lui retranche quelque chose, nĂąâŹâąest pas, selon lui, un ĂÂȘtre, car la grandeur est Ă©videmment lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąĂÂȘtre. Et si la grandeur est son essence, lĂąâŹâąĂÂȘtre est corporel, car le corps est grandeur dans tous les sens. Or, comment, ajoutĂ©e aux ĂÂȘtres, la grandeur rendra-t-elle les uns plus grands, sans produire cet effet sur les autres ? Par exemple, comment le plan et la ligne grandiront-ils, et jamais le point ni la monade ? Toutefois, comme la conclusion de ZĂ©non est un peu dure, et que dĂąâŹâąailleurs il peut y avoir quelque chose dĂąâŹâąindivisible, on rĂ©pond Ă lĂąâŹâąobjection que, dans le cas de la monade et du point, lĂąâŹâąaddition nĂąâŹâąaugmente pas lĂąâŹâąĂ©tendue, mais le nombre. Mais alors, comment un seul ou mĂÂȘme plusieurs ĂÂȘtres de cette nature formeront-ils une grandeur ? Autant vaudrait prĂ©tendre que la ligne se compose de points. Que si lĂąâŹâąon admet que le nombre est, comme le disent quelques-uns, produit par lĂąâŹâąunitĂ© elle-mĂÂȘme, et par une autre chose qui nĂąâŹâąest pas unitĂ©, il nĂąâŹâąen restera pas moins Ă chercher, pourquoi et comment le produit est tantĂÂŽt un nombre et tantĂÂŽt une grandeur ; puisque le non-un, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąinĂ©galitĂ©, cĂąâŹâąest la mĂÂȘme nature dans les deux cas. En effet, on ne voit pas comment lĂąâŹâąunitĂ© avec lĂąâŹâąinĂ©galitĂ©, ni un nombre avec elle, peuvent produire des grandeurs. Chapitre 5 Une difficultĂ© se rattache aux prĂ©cĂ©dentes ; la voici Les nombres, les corps, les plans et les points sont-ils ou non des substances ? Si ce ne sont pas des substances, nous ne connaissons bien ni ce que cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąĂÂȘtre, ni quelles sont les substances des ĂÂȘtres. En effet, ni les modifications, ni les mouvements, ni les relations, ni les dispositions, ni les proportions ne paraissent avoir aucun des caractĂšres de la substance. On rapporte toutes ces choses comme attributs Ă un sujet, on ne leur donne jamais une existence indĂ©pendante. Quant aux choses qui paraissent le plus porter le caractĂšre de la substance, telles que lĂąâŹâąeau, la terre, le feu, qui constituent les corps composĂ©s, le chaud et le froid dans ces choses, et les propriĂ©tĂ©s de cette sorte, sont des modifications, et non des substances. CĂąâŹâąest le corps sujet de ces modifications qui seul persiste, comme ĂÂȘtre, comme substance vĂ©ritable. Et pourtant le corps est moins substance que la surface ; celle-ci lĂąâŹâąest moins que la ligne, et la ligne moins que la monade et le point. CĂąâŹâąest par eux que le corps est dĂ©terminĂ©, et il est possible, ce semble, quĂąâŹâąils existent indĂ©pendamment du corps ; mais sans eux lĂąâŹâąexistence du corps est impossible. CĂąâŹâąest pourquoi, tandis que le vulgaire, tandis que les philosophes des premiers temps admettent que lĂąâŹâąĂÂȘtre et la substance, cĂąâŹâąest le corps, et que les autres choses sont des modifications du corps, de sorte que les principes des corps sont aussi les principes des ĂÂȘtres, des philosophes plus rĂ©cents, et qui se sont montrĂ©s plus vraiment philosophes que leurs devanciers, admettent pour principes les nombres. Ainsi donc que nous lĂąâŹâąavons dit, si les ĂÂȘtres en question ne sont pas des substances, il nĂąâŹâąy a absolument aucune substance, ni aucun ĂÂȘtre, car les accidents de ces ĂÂȘtres ne mĂ©ritent certainement pas dĂąâŹâąĂÂȘtre nommĂ©s des ĂÂȘtres. Mais cependant si, dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ©, lĂąâŹâąon reconnaĂt que les longueurs et les points sont plus des substances que les corps, et si, de lĂąâŹâąautre, nous ne voyons parmi quels corps il faudra les ranger ĂąâŹâ car on ne peut les placer parmi les objets sensibles, puisquĂąâŹâąil nĂąâŹâąy aurait aucune substance. En effet, ce ne sont lĂ , Ă©videmment, que des divisions du corps soit en largeur, soit en profondeur, soit en longueur. Enfin, ou bien toute figure quelconque se trouve Ă©galement dans le solide, ou bien il nĂąâŹâąy en a aucune. De sorte que si lĂąâŹâąon ne peut dire que lĂąâŹâąHermĂšs existe dans la pierre avec ses contours dĂ©terminĂ©s, la moitiĂ© du cube nĂąâŹâąest pas non plus dans le cube avec sa forme dĂ©terminĂ©e ; il nĂąâŹâąy a mĂÂȘme dans le cube aucune surface rĂ©elle. Car si une surface quelconque y existait rĂ©ellement, ce qui dĂ©termine la moitiĂ© du cube y aurait-elle aussi une existence rĂ©elle. Le mĂÂȘme raisonnement sĂąâŹâąapplique encore Ă la ligne, au point et Ă la monade. Par consĂ©quent, si, dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ©, le corps est la substance par excellence, si, de lĂąâŹâąautre, les surfaces, les lignes et les points le sont plus que le corps mĂÂȘme, et si dĂąâŹâąailleurs, ni les surfaces, ni les lignes, ni les points, ne sont des substances, nous ne savons bien, ni ce que cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąĂÂȘtre, ni quelle est la substance des ĂÂȘtres. Ajoutez Ă ce que nous venons de dire, des consĂ©quences dĂ©raisonnables relativement Ă la production et Ă la destruction. Dans ce cas, en effet, la substance qui auparavant nĂąâŹâąĂ©tait pas, existe maintenant, celle qui Ă©tait auparavant, cesse dĂąâŹâąexister. NĂąâŹâąest-ce pas lĂ , pour la substance, une production et une destruction ? Au contraire, ni les points, ni les lignes, ni les surfaces ne sont susceptibles, ni de se produire ni ĂÂȘtre dĂ©truits ; et pourtant tantĂÂŽt ils existent, et tantĂÂŽt nĂąâŹâąexistent pas. Voyez ce qui se passe dans le cas dĂ© la rĂ©union ou de la sĂ©paration de deux corps sĂąâŹâąils se rapprochent, il nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune surface ; sĂąâŹâąils se sĂ©parent, il y en a deux. Ainsi une surface, des lignes, des points, nĂąâŹâąexistent plus, ils ont disparu ; tandis quĂąâŹâąaprĂšs la sĂ©paration, des grandeurs existent, qui nĂąâŹâąexistaient pas auparavant ; mais le point, objet indivisible, nĂąâŹâąa pas Ă©tĂ© divisĂ© en deux parties. Enfin, si les surfaces sont sujettes Ă production et Ă destruction, elles viennent de quelque chose. Mais il en est des ĂÂȘtres en question Ă peu prĂšs comme de lĂąâŹâąinstant actuel dans le temps. II nĂąâŹâąest pas possible quĂąâŹâąil devienne et pĂ©risse ; toutefois, comme il nĂąâŹâąest pas une substance, il paraĂt sans cesse diffĂ©rent. Ăâ°videmment les points, et les lignes, et les plans, sont dans un pareil cas ; car on peut leur appliquer les mĂÂȘmes raisonnements. Ce ne sont lĂ , aussi bien que lĂąâŹâąinstant actuel, que des limites ou des divisions. Chapitre 6 Une question quĂąâŹâąon doit absolument se poser, cĂąâŹâąest de savoir pourquoi il faut, en dehors des ĂÂȘtres sensibles et des ĂÂȘtres intermĂ©diaires, chercher encore dĂąâŹâąautres objets, par exemple, ceux quĂąâŹâąon appelle idĂ©es. Le motif, dit-on, cĂąâŹâąest que si les ĂÂȘtres mathĂ©matiques diffĂ©rent par quelque autre endroit des objets de ce monde, ils nĂąâŹâąen diffĂšrent toutefois nullement par celui-ci, quĂąâŹâąun grand nombre de ces sont dĂąâŹâąespĂšce semblable. De sorte que leurs principes ne seront pas bornĂ©s Ă lĂąâŹâąunitĂ© numĂ©rique. Il en sera comme des principes des mots dont nous nous servons, qui se distinguent, non pas numĂ©riquement, mais gĂ©nĂ©riquement ; Ă moins toutefois quĂąâŹâąon ne les compte dans telle syllabe, dans tel mot dĂ©terminĂ©, car dans ce cas ils ont aussi lĂąâŹâąunitĂ© numĂ©rique. Les ĂÂȘtres intermĂ©diaires sont dans ce cas. LĂ aussi les similitudes dĂąâŹâąespĂšce sont en nombre infini. De sorte que sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas, en dehors des ĂÂȘtres sensibles et des ĂÂȘtres mathĂ©matiques, dĂąâŹâąautres ĂÂȘtres, ceux que quelques philosophes appellent idĂ©es, alors il nĂąâŹâąy a pas de substance, une en nombre et en genre ; et alors les principes des ĂÂȘtres ne sont point des principes qui se comptent numĂ©riquement ; ils nĂąâŹâąont que lĂąâŹâąunitĂ© gĂ©nĂ©rique. Et si cette consĂ©quence est nĂ©cessaire, il faut bien quĂąâŹâąil y ait des idĂ©es. En effet, quoique ceux qui admettent leur existence nĂąâŹâąarticulent pas bien leur pensĂ©e, voici ce quĂąâŹâąils veulent dire, et telle est la consĂ©quence nĂ©cessaire de leurs principes. Chacune des idĂ©es est une substance, aucune nĂąâŹâąest accident. DĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, si lĂąâŹâąon Ă©tablit que les idĂ©es existent, et que les principes sont numĂ©riques et non gĂ©nĂ©riques, nous avons dit plus haut quelles impossibilitĂ©s en rĂ©sultent nĂ©cessairement. Une recherche difficile se lie aux questions prĂ©cĂ©dentes Les Ă©lĂ©ments sont ils en puissance ou de quelque autre maniĂšre ? SĂąâŹâąils sont de quelque autre maniĂšre, comment y aura-t-il une autre chose antĂ©rieure aux principes car la puissance est antĂ©rieure Ă telle cause dĂ©terminĂ©e, et il nĂąâŹâąest pas nĂ©cessaire que la cause qui est en puissance passe Ă lĂąâŹâąacte ? [1003a] Mais si les Ă©lĂ©ments ne sont quĂąâŹâąen puissance, il est possible quĂąâŹâąaucun ĂÂȘtre nĂąâŹâąexiste. Pouvoir ĂÂȘtre, cĂąâŹâąest nĂąâŹâąĂÂȘtre pas encore ; puisque ce qui devient, cĂąâŹâąest ce qui nĂąâŹâąĂ©tait pas, et que rien ne devient, qui nĂąâŹâąa pas la puissance dĂąâŹâąĂÂȘtre. Telles sont les difficultĂ©s quĂąâŹâąil faut se proposer relativement aux principes. Il faut se demander encore si les principes sont universels, ou bien sĂąâŹâąils sont des Ă©lĂ©ments particuliers. SĂąâŹâąils sont universels, ils ne sont pas des essences, car ce qui est commun Ă plusieurs ĂÂȘtres, indique quĂąâŹâąun ĂÂȘtre est de telle façon, et non quĂąâŹâąil est proprement tel ĂÂȘtre. Or, lĂąâŹâąessence, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąest proprement un ĂÂȘtre. Et si lĂąâŹâąuniversel est un ĂÂȘtre dĂ©terminĂ©, si lĂąâŹâąattribut commun aux ĂÂȘtres peut ĂÂȘtre posĂ© comme essence, il y aura dans le mĂÂȘme ĂÂȘtre plusieurs animaux, Socrate, lĂąâŹâąhomme, lĂąâŹâąanimal ; puisque dans la supposition, chacun des attributs de Socrate indique lĂąâŹâąexistence propre et lĂąâŹâąunitĂ© dĂąâŹâąun ĂÂȘtre. Si les principes sont universels, voilĂ ce qui sĂąâŹâąensuit. Mais sĂąâŹâąils ne sont pas universels, sĂąâŹâąils sont comme de Ă©lĂ©ments particuliers, ils ne peuvent ĂÂȘtre lĂąâŹâąobjet dĂąâŹâąune science puisque toute science porte sur lĂąâŹâąuniversel. Par consĂ©quent, quĂąâŹâąil devra y avoir dĂąâŹâąautres principes antĂ©rieurs Ă eux, et marquĂ©s du caractĂšre de lĂąâŹâąuniversalitĂ©, pour quĂąâŹâąil puisse y avoir une science des principes. Livre 4 Chapitre 1 Il est une science qui considĂšre lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, et qui considĂšre en mĂÂȘme temps toutes les conditions essentielles que lĂąâŹâąĂĆ tre peut prĂ©senter. Cette science-lĂ ne peut se confondre dĂąâŹâąaucune maniĂšre avec les autres sciences, qui ont un sujet particulier, puisque pas une de ces sciences nĂąâŹâąĂ©tudie dĂąâŹâąune maniĂšre universelle lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre ; mais, le dĂ©coupant dans une de ses parties, elles limitent leurs recherches aux phĂ©nomĂšnes quĂąâŹâąon peut observer dans cette partie spĂ©ciale. CĂąâŹâąest ce que font, par exemple, les sciences mathĂ©matiques. Mais, quand on ne sĂąâŹâąattache, comme nous, quĂąâŹâąaux principes et aux causes les plus Ă©levĂ©es, on voit clairement que ces principes doivent ĂÂȘtre ceux dĂąâŹâąune certaine nature prise en soi. Si donc les philosophes qui ont Ă©tudiĂ© les Ă©lĂ©ments des choses Ă©tudiaient, eux aussi, ces mĂÂȘmes principes, il en rĂ©sulte nĂ©cessairement que les Ă©lĂ©ments vrais de lĂąâŹâąĂĆ tre doivent ĂÂȘtre non pas accidentels, mais essentiels ; et voilĂ pourquoi nous, aussi bien que nos devanciers, nous essayons de dĂ©couvrir les Ă©lĂ©ments de lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre. Chapitre 2 Le mot dĂąâŹâąĂĆ tre peut avoir bien des acceptions ; mais toutes ces acceptions diverses se rapportent Ă une certaine unitĂ©, et Ă une rĂ©alitĂ© naturelle, unique pour toutes ces acceptions. Ce nĂąâŹâąest pas un mot simplement homonyme ; mais il en est du mot ĂĆ tre comme du mot Sain, qui peut sĂąâŹâąappliquer Ă tout ce qui concerne la santĂ©, tantĂÂŽt Ă ce qui la conserve, tantĂÂŽt Ă ce qui la produit, tantĂÂŽt Ă ce qui lĂąâŹâąindique, et tantĂÂŽt Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre qui peut en jouir. [1003b] CĂąâŹâąest encore le mĂÂȘme rapport que soutient le mot MĂ©dical avec tout ce qui concerne la mĂ©decine. MĂ©dical peut se dire tout aussi bien, et de ce qui possĂšde la science de la mĂ©decine, et de ce qui est douĂ© de qualitĂ©s naturelles pour lĂąâŹâąacquĂ©rir, et du rĂ©sultat que la mĂ©decine obtient. Nous pourrions citer bien dĂąâŹâąautres mots qui prĂ©sentent des diversitĂ©s analogues Ă celles-lĂ . CĂąâŹâąest absolument de cette façon que le mot dĂąâŹâąĂĆ tre peut recevoir des acceptions multiples, qui toutes cependant se rapportent Ă un seul et unique principe. Ainsi, ĂĆ tre se dit tantĂÂŽt de ce qui est une substance rĂ©elle, tantĂÂŽt de ce qui nĂąâŹâąest quĂąâŹâąun attribut de la substance, tantĂÂŽt de ce qui tend Ă devenir une rĂ©alitĂ© substantielle, tantĂÂŽt des destructions, des nĂ©gations, des propriĂ©tĂ©s de la substance, tantĂÂŽt de ce qui la fait ou la produit, tantĂÂŽt de ce qui est en rapport purement verbal avec elle, ou enfin de ce qui constitue des nĂ©gations de toutes ces nuances de lĂąâŹâąĂĆ tre, ou des nĂ©gations de lĂąâŹâąĂĆ tre lui-mĂÂȘme. CĂąâŹâąest mĂÂȘme en ce dernier sens que lĂąâŹâąon peut dire du Non-ĂÂȘtre quĂąâŹâąil Est le Non-ĂÂȘtre. De mĂÂȘme donc quĂąâŹâąil appartient Ă une seule science de sĂąâŹâąoccuper de tout ce qui regarde la santĂ©, comme nous venons de le dire, de mĂÂȘme aussi pour toute autre chose ; car ce ne sont pas seulement les attributs essentiels dĂąâŹâąun seul ĂÂȘtre que doit considĂ©rer une seule et unique science ; ce sont, de plus, toutes les relations de cette unique nature ; car, Ă certains Ă©gards, ces derniers attributs sĂąâŹâąappliquent bien aussi Ă ce seul ĂÂȘtre. Il faut donc en conclure que considĂ©rer les ĂÂȘtres en tant quĂąâŹâąĂÂȘtres est lĂąâŹâąobjet dĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme science. En toutes choses, la science sĂąâŹâąoccupe principalement du primitif, cĂąâŹâąest-Ă -dire, de ce dont tout le reste dĂ©pend et tire son appellation. Or, si ce primitif est la substance, le philosophe a le devoir dĂąâŹâąĂ©tudier les principes et les causes des substances. Pour un genre dĂąâŹâąĂÂȘtres tout entier, quel quĂąâŹâąil soit, il nĂąâŹâąy a jamais quĂąâŹâąune seule maniĂšre de les percevoir et une seule science ; et par exemple, la grammaire, tout en restant une seule et mĂÂȘme science, Ă©tudie tous les mots du langage. Si donc cĂąâŹâąest Ă une science gĂ©nĂ©riquement une, dĂąâŹâąĂ©tudier toutes les espĂšces de lĂąâŹâąĂĆ tre, chacune de ces espĂšces seront Ă©tudiĂ©es par des espĂšces particuliĂšres de cette science. LĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn sont identiques et sont une seule et mĂÂȘme rĂ©alitĂ© naturelle, parce quĂąâŹâąils se suivent toujours lĂąâŹâąun lĂąâŹâąautre, comme principe et comme cause, et non pas seulement comme Ă©tant exprimĂ©s par un seul et mĂÂȘme mot. Par consĂ©quent, il nĂąâŹâąy a aucun inconvĂ©nient Ă les prendre pour semblables ; et en cela, il y a plutĂÂŽt avantage. En effet, cĂąâŹâąest bien toujours au fond la mĂÂȘme chose de dire CĂąâŹâąest Un homme, ou bien CĂąâŹâąest un ĂÂȘtre qui Est homme, ou simplement, Il est homme. On a beau accumuler les mots en les redoublant, on ne dit rien de plus Il est un homme, ou Il est homme, ou bien CĂąâŹâąest un ĂÂȘtre qui est homme. Il est clair que, dans aucun cas, on ne sĂ©pare jamais lĂąâŹâąidĂ©e de lĂąâŹâąĂĆ tre de lĂąâŹâąidĂ©e de lĂąâŹâąUnitĂ©, ni dans la production, ni dans la destruction. Il en est tout Ă fait de mĂÂȘme de la notion de lĂąâŹâąUn, quĂąâŹâąon ne sĂ©pare jamais non plus de la notion dĂąâŹâąĂĆ tre. Il faut en conclure que lĂąâŹâąaddition dĂąâŹâąun de ces termes a tout-Ă -fait le mĂÂȘme sens, et que lĂąâŹâąUn ne diffĂšre en rien de lĂąâŹâąĂĆ tre. La substance de chacun dĂąâŹâąeux est une, et ne lĂąâŹâąest pas accidentellement ; cĂąâŹâąest de part et dĂąâŹâąautre Ă©galement la rĂ©alitĂ© dĂąâŹâąun objet individuel. VoilĂ pourquoi autant il y a dĂąâŹâąespĂšces de lĂąâŹâąUn, autant il y en a de lĂąâŹâąĂĆ tre. CĂąâŹâąest Ă une science gĂ©nĂ©riquement une dĂąâŹâąĂ©tudier ce que sont toutes ces espĂšces ; je veux dire, par exemple, dĂąâŹâąĂ©tudier ce que cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąIdentitĂ©, la Ressemblance, et toutes les autres nuances de cet ordre, en mĂÂȘme temps aussi que les notions qui y sont opposĂ©es. Or, presque tous les contraires peuvent se rĂ©duire Ă ce principe de lĂąâŹâąunitĂ© et de la pluralitĂ©, [1004a] ainsi que nous lĂąâŹâąavons expliquĂ© dans notre Choix des contraires. On comprend quĂąâŹâąil y a autant de parties distinctes dans la philosophie quĂąâŹâąil y a de substances ; et par consĂ©quent, entre ces parties diverses, lĂąâŹâąune viendra la premiĂšre, tandis que lĂąâŹâąautre ne viendra quĂąâŹâąen sous-ordre. Comme ce quĂąâŹâąon trouve tout dĂąâŹâąabord, ce sont les diffĂ©rents genres, qui ont tous lĂąâŹâąUn et lĂąâŹâąĂĆ tre, les sciences doivent se partager de la mĂÂȘme maniĂšre, en les suivant. Le philosophe est, Ă cet Ă©gard, dans la situation du mathĂ©maticien, ainsi quĂąâŹâąon lĂąâŹâąappelle, puisque les mathĂ©matiques ont Ă©galement diverses parties, et quĂąâŹâąen elles aussi on peut distinguer une science qui est la supĂ©rieure, une autre qui est la seconde, et dĂąâŹâąautres qui ne viennent quĂąâŹâąĂ leur suite. Comme cĂąâŹâąest Ă une mĂÂȘme et unique science quĂąâŹâąil appartient de considĂ©rer les opposĂ©s, et que lĂąâŹâąopposĂ© de lĂąâŹâąunitĂ©, cĂąâŹâąest la pluralitĂ©, il sĂąâŹâąensuit quĂąâŹâąil appartient aussi Ă une seule et mĂÂȘme science de considĂ©rer la nĂ©gation et la privation, parce quĂąâŹâąon peut Ă©tudier, Ă ce double point de vue, lĂąâŹâąUn, auquel la nĂ©gation, ou la privation, sĂąâŹâąadresse. En effet, ou nous disons dĂąâŹâąune maniĂšre absolue dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąexiste pas du tout, ou nous disons simplement quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas applicable Ă tel genre. Seulement, dans la nĂ©gation, la diffĂ©rence est jointe Ă lĂąâŹâąobjet Un, contrairement Ă ce que la nĂ©gation exprime ; car la nĂ©gation est la suppression de cette diffĂ©rence, tandis que, dans la privation, il subsiste toujours une certaine nature Ă laquelle la privation doit sĂąâŹâąadresser. Mais, la pluralitĂ© Ă©tant lĂąâŹâąopposĂ© de lĂąâŹâąunitĂ©, les termes opposĂ©s Ă ceux que nous avons mentionnĂ©s, cĂąâŹâąest-Ă -dire lĂąâŹâąAutre, le Dissemblable, lĂąâŹâąInĂ©gal et toutes les nuances appliquĂ©es, soit Ă ces termes, soit Ă la pluralitĂ©, soit Ă lĂąâŹâąunitĂ©, sont lĂąâŹâąobjet de la science dont nous nous occupons. LĂąâŹâąopposition par contraire est bien aussi un de ces termes ; car cette opposition est une diffĂ©rence, et la diffĂ©rence constate lĂąâŹâąexistence dĂąâŹâąune autre chose. Par suite, quoique le mot dĂąâŹâąĂĆ tre puisse ĂÂȘtre pris en plusieurs sens, et que tous les termes dont nous venons de parler puissent aussi en avoir plusieurs, ce nĂąâŹâąen est pas moins lĂąâŹâąobjet dĂąâŹâąune seule science de les Ă©tudier tous. Car ce nĂąâŹâąest pas la pluralitĂ© des acceptions qui exige une autre science, mais il en faut une autre toutes les fois que les dĂ©finitions ne se rapportent pas directement Ă un seul et mĂÂȘme objet, oui ne sont pas en quelque relation avec lui. Mais, si tout se rapporte au primitif, et si par exemple tout ce qui reçoit le nom dĂąâŹâąUn doit ĂÂȘtre rapportĂ© Ă lĂąâŹâąUn primitif, cette remarque sĂąâŹâąapplique Ă©galement bien Ă lĂąâŹâąidĂ©e du MĂÂȘme, Ă celle de lĂąâŹâąAutre, et Ă celle des Contraires. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait que, aprĂšs avoir distinguĂ© toutes les acceptions diverses dĂąâŹâąun mot, il faut avoir soin de montrer comment elles sĂąâŹâąappliquent au primitif, dans chacune des catĂ©gories. Ainsi, lĂąâŹâąune de ces acceptions vient de ce que lĂąâŹâąĂÂȘtre en question possĂšde ces qualitĂ©s ; lĂąâŹâąautre, de ce quĂąâŹâąil les produit ; une troisiĂšme, de ce quĂąâŹâąil est exprimĂ© selon tels autres modes analogues Ă ceux-lĂ . Il est donc clair, comme nous lĂąâŹâąavons dit en posant ces questions, que cĂąâŹâąest Ă une seule science dĂąâŹâąĂ©tudier toutes ces diffĂ©rences et la substance quĂąâŹâąelles affectent ; et cĂąâŹâąĂ©tait lĂ un des problĂšmes signalĂ©s par nous. [1004b] Le devoir du philosophe, cĂąâŹâąest de pouvoir en ceci tout comprendre ; car, si ce nĂąâŹâąĂ©tait pas lui, quel autre aurait Ă examiner des questions comme les suivantes Ă Socrate est-il une seule et mĂÂȘme chose que Socrate assis ? Telle unitĂ© est-elle contraire Ă telle autre unitĂ© ? Et quĂąâŹâąest-ce que le contraire ? En combien de sens peut-il ĂÂȘtre compris ? Ă» Il ya encore une foule dĂąâŹâąautres questions qui ressemblent Ă celles-lĂ . Mais, comme les modes essentiels quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąindiquer sont ceux de lĂąâŹâąunitĂ©, en tant quĂąâŹâąunitĂ©, et ceux de lĂąâŹâąĂĆ tre, en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, et non pas en tant que ce sont des nombres, des lignes ou du feu, il en rĂ©sulte Ă©videmment que cĂąâŹâąest Ă cette science cherchĂ©e par nous quĂąâŹâąil appartient de connaĂtre ce que sont ces termes en eux-mĂÂȘmes, et ce que sont les relations qui sĂąâŹâąy appliquent. Il nĂąâŹâąest pas moins clair quĂąâŹâąon ne peut pas reprocher Ă ceux qui sĂąâŹâąoccupent de ces matiĂšres de ne pas les traiter en philosophes ; mais ils se trompent en ce que, la substance Ă©tant antĂ©rieure Ă tout le reste, ils nĂąâŹâąen soufflent pas mot. Or, de mĂÂȘme que le nombre, en tant que nombre, a ses modifications propres ĂąâŹâ qui sont dĂąâŹâąĂÂȘtre impair, dĂąâŹâąĂÂȘtre pair, dĂąâŹâąĂÂȘtre proportionnel, Ă©gal, plus grand, plus petit ĂąâŹâ et que ces propriĂ©tĂ©s affectent les nombres pris en eux-mĂÂȘmes ou dans leurs relations les uns avec les autres, et aussi comme il y a des propriĂ©tĂ©s spĂ©ciales du solide ĂąâŹâ qui est immobile ou en mouvement, qui nĂąâŹâąa pas de poids ou en a ĂąâŹâ, de mĂÂȘme aussi LĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre a ses propriĂ©tĂ©s, et cĂąâŹâąest justement Ă les Ă©tudier que le philosophe doit sĂąâŹâąappliquer pour dĂ©couvrir le vrai. Ce qui le prouve bien, cĂąâŹâąest que les Dialecticiens et les Sophistes, qui sĂąâŹâąaffublent du mĂÂȘme vĂÂȘtement que la philosophie, la Sophistique nĂąâŹâąĂ©tant quĂąâŹâąune philosophie factice, et les Dialecticiens ne se faisant pas faute de parler de tout, et par consĂ©quent aussi de lĂąâŹâąĂĆ tre, qui est le sujet commun de toutes les recherches, les Sophistes, dis-je, et les Dialecticiens dissertent tous sur ces matiĂšres, parce quĂąâŹâąen effet ces matiĂšres-lĂ sont Ă©videmment le domaine de la philosophie et son domaine propre. Ainsi, la Sophistique et la Dialectique tournent dans le mĂÂȘme cercle de questions que la philosophie ; mais la philosophie se distingue, de celle-ci par la maniĂšre dont elle emploie ses forces, et de celle-lĂ par lĂąâŹâąintention quĂąâŹâąelle apporte dans la conduite de la vie. La Dialectique essaie de connaĂtre les choses que la philosophie connaĂt Ă fond ; et, quant Ă la Sophistique, elle nĂąâŹâąa quĂąâŹâąune apparence sans rĂ©alitĂ© ; elle semble ĂÂȘtre, mais elle nĂąâŹâąest pas. Quoi quĂąâŹâąil en soit, la privation est la seconde des deux combinaisons que peuvent prĂ©senter les contraires ; tous ils se ramĂšnent Ă lĂąâŹâąĂĆ tre et au Non-ĂÂȘtre, Ă lĂąâŹâąunitĂ© et Ă la pluralitĂ©. Ainsi, par exemple, on peut classer lĂąâŹâąinertie dans lĂąâŹâąunitĂ©, et le mouvement dans la pluralitĂ©. Or, on est assez gĂ©nĂ©ralement dĂąâŹâąaccord pour admettre que les ĂÂȘtres et la substance viennent des contraires. Aussi, tous les philosophes reconnaissent-ils que les principes sont contraires les uns les voyant dans lĂąâŹâąimpair et le pair ; les autres, dans le chaud et le froid ; ceux-ci, dans le fini et lĂąâŹâąinfini ; ceux-lĂ , dans lĂąâŹâą la Discorde ; toutes ces oppositions et tant dĂąâŹâąautres pouvant se rĂ©duire Ă celle de lĂąâŹâąunitĂ© et de la pluralitĂ©. Supposons donc quĂąâŹâąen effet elles sĂąâŹâąy rĂ©duisent, comme lĂąâŹâąa dĂ©montrĂ© lĂąâŹâąanalyse que nous en avons faite, [1005a] et que les principes se rangent absolument dans ces deux classes, comme ils y ont Ă©tĂ© rangĂ©s par nos devanciers. Ces considĂ©rations ne peuvent que nous faire voir une fois de plus que cĂąâŹâąest Ă une seule et mĂÂȘme science dĂąâŹâąĂ©tudier lĂąâŹâąĂĆ tre ; car toutes les choses, ou sont elles-mĂÂȘmes des contraires, ou viennent de contraires, qui les produisent. Or, les principes des contraires eux-mĂÂȘmes sont lĂąâŹâąunitĂ© et la pluralitĂ©, objets dĂąâŹâąune mĂÂȘme et seule science, soit que ces termes nĂąâŹâąaient quĂąâŹâąune acception, soit quĂąâŹâąils en aient plusieurs, comme cĂąâŹâąest peut-ĂÂȘtre le cas. Mais, bien que lĂąâŹâąunitĂ© puisse sĂąâŹâąentendre en plusieurs sens, tout le reste de ces acceptions diverses se ramĂšnera Ă lĂąâŹâąacception primitive, ainsi que les contraires ; et, en supposant mĂÂȘme que lĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn ne soient pas des universaux identiques pour toutes choses, ou quĂąâŹâąils nĂąâŹâąexistent pas sĂ©parĂ©ment, comme sans doute ils nĂąâŹâąexistent point, en effet, de cette façon, il nĂąâŹâąen est pas moins vrai que toutes ces acceptions se rapportent directement Ă lĂąâŹâąunitĂ©, ou quĂąâŹâąelles viennent Ă sa suite. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait que ce nĂąâŹâąest pas au gĂ©omĂštre dĂąâŹâąĂ©tudier ce quĂąâŹâąon doit entendre par le Contraire, le Parfait, lĂąâŹâąUn, lĂąâŹâąĂĆ tre, le MĂÂȘme, lĂąâŹâąAutre ; ou du moins, il ne peut les Ă©tudier quĂąâŹâąen en supposant prĂ©alablement lĂąâŹâąexistence. Donc, en rĂ©sumĂ©, il appartient certainement Ă une seule et mĂÂȘme science dĂąâŹâąĂ©tudier lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, avec tous les attributs qui lui sont propres, Ă ce titre. Et non seulement cette mĂÂȘme science doit Ă©tudier les substances, mais aussi leurs conditions essentielles ; et, sans parler de celles que nous avons indiquĂ©es, elle doit analyser Ă©galement lĂąâŹâąAntĂ©rieur et le PostĂ©rieur, le Genre et lĂąâŹâąEspĂšce, le Tout et la Partie, et toutes les autres notions qui sont analogues Ă celles-lĂ . Chapitre 3 si cĂąâŹâąest Ă une seule et mĂÂȘme science, ou si cĂąâŹâąest Ă une science diffĂ©rente, quĂąâŹâąil appartient dĂąâŹâąĂ©tudier ce que, dans les mathĂ©matiques, on appelle les Axiomes, en mĂÂȘme temps que dĂąâŹâąĂ©tudier la substance. Pour nous, il est Ă©vident que lĂąâŹâąexamen des axiomes appartient Ă une seule et mĂÂȘme science, qui est celle du philosophe. Les axiomes sĂąâŹâąappliquent Ă tous les ĂÂȘtres sans exception et non point spĂ©cialement Ă tel genre dĂąâŹâąĂÂȘtres, Ă lĂąâŹâąexclusion des autres. De plus, dans toutes les sciences, on se sert des axiomes, parce quĂąâŹâąils concernent lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, bien que lĂąâŹâąobjet de chacune dĂąâŹâąelles soit toujours lĂąâŹâąĂĆ tre considĂ©rĂ© sous un certain point de vue. Mais elles ne font usage des axiomes que dans la mesure oĂÂč il leur convient dĂąâŹâąy recourir, cĂąâŹâąest Ă lire, selon lĂąâŹâąĂ©tendue du genre auquel sĂąâŹâąadressent leurs dĂ©monstrations. Comme il est manifeste que les axiomes sĂąâŹâąappliquent Ă tous les ĂÂȘtres en tant quĂąâŹâąĂÂȘtres, puisque cĂąâŹâąest lĂ leur caractĂšre commun, il en rĂ©sulte que les Ă©tudier revient de droit Ă celui-lĂ mĂÂȘme qui considĂšre lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąil Est purement et simplement. Aussi, parmi ceux qui consacrent leurs recherches Ă un genre dĂąâŹâąĂÂȘtres partiels, personne ne pense-t-il Ă dire un mot des axiomes, pour savoir sĂąâŹâąils sont vrais ou faux, pas plus le gĂ©omĂštre que lĂąâŹâąarithmĂ©ticien. Il nĂąâŹâąy a que les Physiciens qui parfois y ont songĂ© ; et ce nĂąâŹâąĂ©tait pas absolument sans raison pour eux, puisquĂąâŹâąils se persuadaient quĂąâŹâąils Ă©taient les seuls Ă sĂąâŹâąoccuper de la nature considĂ©rĂ©e dans son ensemble, et Ă sĂąâŹâąoccuper de lĂąâŹâąĂĆ tre. Mais il y a une Ă©tude plus haute encore que lĂąâŹâąĂ©tude de la nature, puisque aprĂšs tout la nature nĂąâŹâąest quĂąâŹâąun genre particulier de lĂąâŹâąĂĆ tre, et lĂąâŹâąĂ©tude de ces matiĂšres supĂ©rieures regarde la science qui considĂšre lĂąâŹâąuniversel, et ne sĂąâŹâąattache quĂąâŹâąĂ la premiĂšre substance. [1005b] Sans doute, la Physique est bien aussi une philosophie dĂąâŹâąun certain genre ; mais ce nĂąâŹâąest pas la philosophie premiĂšre ; et tout ce que les Physiciens se sont quelquefois hasardĂ©s Ă dire de la vĂ©ritĂ© et des moyens de la reconnaĂtre, prouve de reste leur complĂšte ignorance des principes mĂÂȘmes de lĂąâŹâąanalyse ; car il faut de longues prĂ©parations pour en arriver Ă comprendre de telles questions, et ce nĂąâŹâąest pas Ă des Ă©coliers quĂąâŹâąil appartient de les approfondir. On le voit donc cĂąâŹâąest au philosophe et Ă celui qui Ă©tend son regard sur la substance entiĂšre, telle quĂąâŹâąelle est dans la nature, de sĂąâŹâąenquĂ©rir Ă©galement des principes sur lesquels le raisonnement sĂąâŹâąappuie. Mais, de mĂÂȘme quĂąâŹâąen chaque science celui qui la connaĂt le mieux est capable dĂąâŹâąindiquer aussi les principes les plus solides du sujet dont il sĂąâŹâąoccupe, de mĂÂȘme celui qui Ă©tudie lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre a Ă©galement sur tous les ĂÂȘtres les principes les plus fermes ; et celui-ci, cĂąâŹâąest le philosophe. Or, le plus inĂ©branlable de tous les principes est le principe sur lequel il est absolument impossible de se tromper. Un tel principe doit ĂÂȘtre le plus notoire de tous les principes, puisquĂąâŹâąon ne se trompe jamais que sur les choses quĂąâŹâąon ne connaĂt pas, et il doit ĂÂȘtre pur de toute hypothĂšse. Mais le principe quĂąâŹâąil faut nĂ©cessairement admettre pour comprendre quoi que ce soit Ă la rĂ©alitĂ©, ce principe lĂ nĂąâŹâąa rien dĂąâŹâąhypothĂ©tique ; et la notion que lĂąâŹâąon doit possĂ©der nĂ©cessairement, pour connaĂtre quoi que ce puisse ĂÂȘtre Ă un degrĂ© quelconque, est un accompagnement nĂ©cessaire de tous les pas quĂąâŹâąon fait. QuĂąâŹâąun tel principe soit le plus incontestable de tous les principes, cĂąâŹâąest ce que chacun doit voir. Mais quel est-il prĂ©cisĂ©ment ? AprĂšs ce qui prĂ©cĂšde, nous pouvons lĂąâŹâąĂ©noncer en disant que le voici Ă Il est impossible quĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme chose soit, et tout Ă la fois ne soit pas, Ă une mĂÂȘme autre chose, sous un mĂÂȘme rapport. Ă» Si nous ajoutions quelques dĂ©veloppements Ă cette dĂ©finition, ce serait uniquement pour rĂ©pondre aux objections, toutes logiques, quĂąâŹâąon pourrait y opposer ; mais ce principe nĂąâŹâąen est pas moins le plus certain de tous sans contredit, et il a bien le caractĂšre que nous lui attribuons. Personne, en effet, ne peut jamais penser quĂąâŹâąune mĂÂȘme chose puisse ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas, comme on prĂ©tend quelquefois que le disait HĂ©raclite. Il est vrai quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas nĂ©cessaire de penser tout ce quĂąâŹâąon dit. Mais, sĂąâŹâąil ne se peut jamais quĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme chose reçoive les contraires, proposition que nous pourrions appuyer de toutes les considĂ©rations quĂąâŹâąon y joint dĂąâŹâąordinaire, et si une pensĂ©e est contraire Ă une autre pensĂ©e quand elle la contredit, il sĂąâŹâąensuit Ă©videmment quĂąâŹâąun mĂÂȘme esprit ne peut point penser tout ensemble que la mĂÂȘme chose est et nĂąâŹâąest point ; car celui qui commettrait cette grossiĂšre erreur devrait avoir en un seul et mĂÂȘme instant des pensĂ©es contraire. Aussi, toutes les fois quĂąâŹâąon fait une dĂ©monstration, sĂąâŹâąappuie-t-on en dĂ©finitive sur ce principe que nous venons de poser, et qui, par la nature mĂÂȘme des choses, est le point de dĂ©part obligĂ© de tous les autres axiomes. Chapitre 4 Ainsi que nous lĂąâŹâąavons dit, il y a des philosophes qui prĂ©tendent quĂąâŹâąil est possible que la mĂÂȘme chose soit et ne soit pas, [1006a] et que lĂąâŹâąesprit peut avoir la pensĂ©e simultanĂ©e des contraires. Bon nombre de Physiciens aussi admettent cette possibilitĂ©. Mais, quant Ă nous, nous affirmons quĂąâŹâąil ne se peut jamais quĂąâŹâąen mĂÂȘme temps une mĂÂȘme chose soit et ne soit pas ; et cĂąâŹâąest en vertu de cette conviction que nous avons dĂ©clarĂ© ce principe le plus incontestable de tous les principes. Ceux qui essaient de dĂ©montrer ce principe lui-mĂÂȘme ne le font que faute de lumiĂšres suffisantes ; car cĂąâŹâąest manquer de lumiĂšres que de ne pas discerner les choses quĂąâŹâąon doit chercher Ă dĂ©montrer, et celles quĂąâŹâąon ne doit pas dĂ©montrer du tout. Il est bien impossible quĂąâŹâąil y ait dĂ©monstration de tout sans exception, puisque ce serait se perdre dans lĂąâŹâąinfini, et que, de cette façon, il nĂąâŹâąy aurait jamais de dĂ©monstration possible. Mais, sĂąâŹâąil y a des choses quĂąâŹâąon ne doit pas vouloir dĂ©montrer, nos contradicteurs seraient bien embarrassĂ©s de dire quel principe mĂ©riterait cette exception mieux que le nĂÂŽtre. On pourrait essayer, il est vrai, de dĂ©montrer, sous forme de rĂ©duction Ă lĂąâŹâąabsurde, que ce principe est impossible. Mais il faudrait tout au moins que celui qui le combattrait voulĂ»t bien seulement dire quelque chose dĂąâŹâąintelligible ; et, sĂąâŹâąil est hors dĂąâŹâąĂ©tat de rien dire, il serait assez plaisant de chercher Ă parler raison avec quelquĂąâŹâąun qui ne donne aucune raison sur le sujet mĂÂȘme oĂÂč ce quelquĂąâŹâąun est si peu raisonnable. Un tel homme, en se conduisant ainsi, nĂąâŹâąa guĂšre plus de rapport avec nous que nĂąâŹâąen a une plante. A mon sens, dĂ©montrer quelque chose par voie de rĂ©duction Ă lĂąâŹâąabsurde est fort diffĂ©rent de dĂ©montrer par la voie ordinaire. Celui qui essaierait de dĂ©montrer directement la faussetĂ© du principe Ă©tabli par nous, paraĂtrait bien vite faire une pĂ©tition de principe. Mais, si cĂąâŹâąest un autre, si cĂąâŹâąest lĂąâŹâąadversaire qui est cause de cette faute, cĂąâŹâąest une simple rĂ©duction Ă lĂąâŹâąabsurde, et ce nĂąâŹâąest plus lĂ une dĂ©monstration. Pour rĂ©pondre Ă toutes les objections de ce genre, le vrai moyen nĂąâŹâąest pas de demander Ă lĂąâŹâąadversaire de dĂ©clarer si la chose est ou nĂąâŹâąest pas ; car on verrait sans peine quĂąâŹâąon fait une pĂ©tition de principe ; mais cĂąâŹâąest de lui demander une Ă©nonciation quelconque qui soit intelligible pour lui et pour lĂąâŹâąautre interlocuteur. CĂąâŹâąest lĂ , en effet, une condition nĂ©cessaire du moment quĂąâŹâąil parle ; autrement, il ne se comprendrait pas plus lui-mĂÂȘme quĂąâŹâąil ne serait compris dĂąâŹâąautrui. DĂšs que lĂąâŹâąadversaire a fait cette concession, la dĂ©monstration devient possible, puisquĂąâŹâąon a dĂšs lors un sujet prĂ©cis. quĂąâŹâąon peut discuter. Mais ce nĂąâŹâąest pas celui qui dĂ©montre qui a provoquĂ© ce rĂ©sultat, cĂąâŹâąest celui qui accepte la discussion ; car, tout en dĂ©truisant le raisonnement par sa base, il nĂąâŹâąen accepte pas moins quĂąâŹâąon raisonne avec lui. Un premier point qui est en ceci de toute clartĂ©, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąon ne peut pas exprimer le nom dĂąâŹâąune chose sans dire que la chose est ou nĂąâŹâąest point telle chose ; dĂąâŹâąoĂÂč il suit quĂąâŹâąil ne se peut pas pour une chose quelconque quĂąâŹâąelle soit de telle façon, et en mĂÂȘme temps ne soit pas de cette façon. De plus, si ce mot Homme, par exemple, exprime un certain ĂÂȘtre individuel, et que sa dĂ©finition soit, si lĂąâŹâąon veut, Animal-bipĂšde, quand je dis que ce mot reprĂ©sente un certain ĂÂȘtre individuel, jĂąâŹâąentends que, si telle chose est homme, en supposant quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagisse de lĂąâŹâąhomme, cette chose aura tous les attributs de lĂąâŹâąhomme. Peu importe dĂąâŹâąailleurs quĂąâŹâąon prĂ©tende quĂąâŹâąun mot peut dĂ©signer plusieurs ĂÂȘtres, pourvu seulement que ces ĂÂȘtres soient en nombre dĂ©fini. [1006b] En effet, on pourrait alors imposer un nom diffĂ©rent Ă chaque signification particuliĂšre. Par exemple, si lĂąâŹâąon nie que le mot Homme nĂąâŹâąait quĂąâŹâąun sens, et si lĂąâŹâąon prĂ©tend quĂąâŹâąil en a plusieurs, il y en aura toujours un qui, pris isolĂ©ment, serait celui dĂąâŹâąAnimal-bipĂšde. En supposant aussi quĂąâŹâąil peut y avoir pour lĂąâŹâąhomme bien dĂąâŹâąautres dĂ©finitions que celle-lĂ , le nombre en est limitĂ© ; et Ă chacune dĂąâŹâąelles on peut attribuer un nom diffĂ©rent et spĂ©cial. Si on ne le fait pas, et si lĂąâŹâąon croit que les significations dĂąâŹâąun mot peuvent ĂÂȘtre en nombre infini, alors il nĂąâŹâąy a plus de langage possible. Ne pas exprimer quelque chose dĂąâŹâąun et dĂąâŹâąindividuel, cĂąâŹâąest ne rien exprimer du tout ; et, du moment que les mots ne signifient plus rien, il nĂąâŹâąest plus possible aux humains de sĂąâŹâąentendre entre eux ; et, Ă dire vrai, il sera tout aussi impossible de sĂąâŹâąentendre avec soi-mĂÂȘme, puisquĂąâŹâąon ne peut jamais penser quĂąâŹâąĂ la condition de penser quelque chose dĂąâŹâąindividuel. Or, dĂšs quĂąâŹâąon peut penser Ă quelque chose de prĂ©cis, on peut donner un nom prĂ©cis Ă cette chose. Reconnaissons donc, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dit au dĂ©but, quĂąâŹâąun mot a toujours une signification et quĂąâŹâąil signifie une seule et unique chose. Il ne se peut certes pas quĂąâŹâąĂÂȘtre homme signifie la mĂÂȘme chose que nĂąâŹâąĂÂȘtre pas homme, du moment que le mot Homme signifie non pas seulement lĂąâŹâąattribut dĂąâŹâąun ĂÂȘtre, mais bien une seule et mĂÂȘme nature et un ĂÂȘtre individuel. CĂąâŹâąest que lĂąâŹâąattribut dĂąâŹâąun ĂÂȘtre Un ne doit pas ĂÂȘtre considĂ©rĂ© par nous comme signifiant cet ĂÂȘtre lui-mĂÂȘme ; car, sĂąâŹâąil en Ă©tait ainsi, les attributs de Blanc, de Musicien, et le substantif Homme exprimeraient alors une seule et mĂÂȘme chose, un seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre. Par suite, tous ces attributs sans exception seraient lĂąâŹâąindividu, puisquĂąâŹâąils sont synonymes, et que la mĂÂȘme chose ne peut jamais tout ensemble ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas, si ce nĂąâŹâąest par simple homonymie, comme si lĂąâŹâąĂÂȘtre appelĂ© par nous du nom dĂąâŹâąHomme recevait des autres lĂąâŹâąappellation de Non-homme. Mais la question nĂąâŹâąest pas de savoir si le mot peut Ă la fois ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas Homme, mais si la chose, si lĂąâŹâąĂÂȘtre rĂ©el, le peut. Si le mot Homme et le mot Non-homme ne signifient pas des choses diffĂ©rentes, il est clair que nĂąâŹâąĂÂȘtre pas Homme a aussi le mĂÂȘme sens quĂąâŹâąĂÂȘtre Homme, et que rĂ©ciproquement ĂÂȘtre homme se confond avec nĂąâŹâąĂÂȘtre pas homme. Ce ne serait alors quĂąâŹâąun seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre. Or, ĂÂȘtre une seule et mĂÂȘme chose signifie que la dĂ©finition est identique et une, comme pour les deux mots de VĂÂȘtement et dĂąâŹâąHabit. Mais si cĂąâŹâąĂ©tait ici une seule et mĂÂȘme chose qui fĂ»t exprimĂ©e, ĂÂȘtre homme se confondrait avec ne pas ĂÂȘtre homme. Or, nous venons de dĂ©montrer que les deux sens sont tout diffĂ©rents lĂąâŹâąun de lĂąâŹâąautre. CĂąâŹâąest donc une nĂ©cessitĂ©, si toutefois cette dĂ©finition est la vĂ©ritable, quĂąâŹâąĂÂȘtre homme, cĂąâŹâąest ĂÂȘtre Animal-bipĂšde ; car le mot dĂąâŹâąHomme nĂąâŹâąavait pas un autre sens ; et si cĂąâŹâąest lĂ une conclusion nĂ©cessaire, il ne se peut plus dĂšs lors quĂąâŹâąil ne soit pas un animal bipĂšde ; car la nĂ©cessitĂ© dĂąâŹâąĂÂȘtre homme implique lĂąâŹâąimpossibilitĂ© de ne lĂąâŹâąĂÂȘtre pas. Donc, il ne se peut point que le mĂÂȘme ĂÂȘtre soit et ne soit pas homme, en un mĂÂȘme temps. Le raisonnement est le mĂÂȘme si lĂąâŹâąon dit que le mot en question est Non-homme ; [1007a] car ĂÂȘtre Homme et ĂÂȘtre Non-homme sont des expressions diffĂ©rentes, aussi Ă©videmment quĂąâŹâąĂÂȘtre blanc est tout autre chose quĂąâŹâąĂÂȘtre Homme. MĂÂȘme en ceci, lĂąâŹâąopposition est beaucoup plus forte, de façon que le sens est encore plus diffĂ©rent. Mais, si lĂąâŹâąon va jusquĂąâŹâąĂ soutenir que le blanc et lĂąâŹâąindividu qui est blanc sont une seule et mĂÂȘme chose, nous rĂ©pondrons, en rĂ©pĂ©tant ce que nous avons dĂ©jĂ dit, Ă savoir que tout alors sans exception se confond en une seule unitĂ©, et que ce ne sont mĂÂȘme plus seulement les opposĂ©s qui se confondent ainsi. Mais, comme cela ne se peut pas, notre objection conserve toute sa force, pourvu quĂąâŹâąon veuille bien ne rĂ©pondre quĂąâŹâąĂ ce quĂąâŹâąon demande. A une interrogation simple et absolue, si lĂąâŹâąon rĂ©pond en ajoutant tout ce qui nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąobjet dont il sĂąâŹâąagit, ce nĂąâŹâąest plus lĂ rĂ©pondre Ă la question ; car rien nĂąâŹâąempĂÂȘche que lĂąâŹâąĂÂȘtre ne soit tout ensemble homme, blanc, et mille choses de ce genre. Mais, quand on vous demande sĂąâŹâąil est vrai que telle chose spĂ©ciale soit ou ne soit pas Homme, il faut ne rĂ©pondre que par un terme qui indique une seule chose, et ne point ajouter que lĂąâŹâąobjet est blanc ou quĂąâŹâąil est grand ; car, les attributs accidentels Ă©tant innombrables, il serait bien impossible de les parcourir tous. Or, il faut, ou sĂąâŹâąoccuper de tous sans exception, ou ne sĂąâŹâąoccuper dĂąâŹâąaucun. De mĂÂȘme aussi, quoi quĂąâŹâąune mĂÂȘme chose puisse ĂÂȘtre des milliers de fois Homme et Non-homme, il ne faut pas rĂ©pondre, quand on vous demande si tel ĂÂȘtre est Homme, quĂąâŹâąil est Non-homme en mĂÂȘme temps, puisquĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas possible dĂąâŹâąĂ©numĂ©rer tout au long, dans la rĂ©ponse quĂąâŹâąon fait, tout ce que lĂąâŹâąhomme est ou nĂąâŹâąest pas ; et si, par hasard, on se laisse aller Ă cette Ă©numĂ©ration, il nĂąâŹâąy a plus moyen de discuter. Soutenir de tels principes, cĂąâŹâąest complĂštement dĂ©truire la substance ; cĂąâŹâąest dĂ©truire ce qui fait quĂąâŹâąelle est ce quĂąâŹâąelle est. Dans ce systĂšme, tout se rĂ©duit nĂ©cessairement Ă de purs accidents ; la rĂ©alitĂ© de lĂąâŹâąhomme et celle de lĂąâŹâąanimal cessent dĂąâŹâąĂÂȘtre et disparaissent Ă©galement. Car, si lĂąâŹâąhomme est quelque chose de rĂ©el, il nĂąâŹâąest pas possible que ce quelque chose soit le Non-homme, ou quĂąâŹâąil ne soit pas lĂąâŹâąhomme ; et ce sont lĂ cependant les seules nĂ©gations possibles de lĂąâŹâąhomme. LĂąâŹâąĂÂȘtre que cette notion dĂ©signait Ă©tait un et individuel ; et cĂąâŹâąĂ©tait bien lĂ exprimer lĂąâŹâąessence dĂąâŹâąun certain ĂÂȘtre. Affirmer lĂąâŹâąessence dĂąâŹâąune chose revient Ă dire que cette chose ne peut pas ĂÂȘtre autre chose que ce quĂąâŹâąelle est. Mais si cette chose est tout ensemble lĂąâŹâąhomme, et aussi le Non-homme, ou la nĂ©gation de lĂąâŹâąhomme, alors elle est une chose tout autre. Par consĂ©quent, les partisans de cette thĂ©orie seront forcĂ©s de dire quĂąâŹâąil ne peut jamais y avoir une dĂ©finition essentielle de quoi que ce soit, mais quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a que des accidents et des attributs. En effet, voici la diffĂ©rence de la substance et de lĂąâŹâąattribut. Par exemple, la blancheur nĂąâŹâąest quĂąâŹâąun accident et un attribut de lĂąâŹâąhomme, parce que lĂąâŹâąhomme peut avoir la blancheur, cĂąâŹâąest-Ă -dire peut ĂÂȘtre blanc ; mais sa substance nĂąâŹâąest pas la blancheur. Si lĂąâŹâąon ne peut jamais exprimer que des accidents et des attributs, alors il nĂąâŹâąy a plus de primitif auquel lĂąâŹâąattribut puisse sĂąâŹâąadresser. Si lĂąâŹâąaccident indiquĂ© toujours une attribution Ă un sujet, selon la catĂ©gorie, [1007b] on se perd nĂ©cessairement dans lĂąâŹâąinfini. Mais il est bien impossible de parcourir lĂąâŹâąinfini, puisque la combinaison ne peut aller ici au-delĂ de deux, et quĂąâŹâąil ne se peut jamais que lĂąâŹâąattribut soit attribuĂ© Ă un autre attribut, Ă moins que tous les deux ne soient les attributs dĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme chose. Prenons, par exemple, les attributs Blanc et Musicien ; je puis dire que le musicien est blanc ou que le blanc est musicien, parce que lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre sont des attributs possibles de lĂąâŹâąhomme. Mais on ne peut pas dire de Socrate quĂąâŹâąil soit musicien en telle sorte que ces deux termes soient lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre les attributs de quelque ĂÂȘtre diffĂ©rent de lui. Donc, puisquĂąâŹâąil y a des attributs de ces deux choses, les uns de cette façon et les autres de la façon opposĂ©e, tous ceux qui le sont dans le sens oĂÂč lĂąâŹâąon dit que Blanc est un attribut de Socrate, ne peuvent ĂÂȘtre en nombre infini dans la sĂ©rie remontante ; et, par exemple, Socrate blanc ne peut recevoir encore un autre attribut, parce que de lĂąâŹâąensemble de ces attributs accumulĂ©s, il ne pourrait jamais se former une unitĂ© individuelle quelconque. A plus forte raison, lĂąâŹâąattribut Blanc ne pourrait-il avoir un autre attribut, Musicien, si lĂąâŹâąon veut ; car le premier nĂąâŹâąest pas plus lĂąâŹâąattribut du second que le second ne lĂąâŹâąest du premier. Nous avons fait remarquer en mĂÂȘme temps quĂąâŹâąil y a des attributs de ce genre, mais quĂąâŹâąil y en a aussi comme lĂąâŹâąattribut de Musicien appliquĂ© Ă Socrate. Pour ceux-ci, ce ne sont pas des attributs attribuĂ©s Ă des attributs ; mais les autres ne sont que cela. Par consĂ©quent, tout nĂąâŹâąest pas accident et attribut, comme on le dit ; et il y aura un terme aussi pour dĂ©signer lĂąâŹâąĂÂȘtre en tant que substance. Or, sĂąâŹâąil en est ainsi, on a dĂ©montrĂ© par cela mĂÂȘme que les contradictoires ne peuvent jamais ĂÂȘtre attribuĂ©es simultanĂ©ment Ă une seule et mĂÂȘme chose. Si les contradictoires Ă©taient toutes Ă©galement vraies relativement Ă la mĂÂȘme chose, tout dĂšs lors serait confondu avec tout. Ce serait une seule et mĂÂȘme chose quĂąâŹâąune trirĂšme, un mur, un homme, si lĂąâŹâąon peut indiffĂ©remment ou tout affirmer ou nier tout, comme sont forcĂ©s de le soutenir les partisans de la thĂ©orie de Protagoras. Si quelquĂąâŹâąun trouve que lĂąâŹâąhomme nĂąâŹâąest pas une trirĂšme, lĂąâŹâąhomme Ă©videmment nĂąâŹâąest pas une trirĂšme ; mais il lĂąâŹâąest, si la contradictoire est Ă©galement vraie. On retombe alors aussi dans la doctrine dĂąâŹâąAnaxagore Ă Toutes choses sont confondues les unes avec les autres Ă» ; et, par cela mĂÂȘme, il nĂąâŹâąy a plus rien qui soit rĂ©ellement existant. Mais cĂąâŹâąest lĂ , il nous semble, ne parler que de lĂąâŹâąindĂ©terminĂ© ; et ces philosophes, tout en croyant parler de lĂąâŹâąĂĆ tre, ne parlent que du Non-ĂÂȘtre uniquement ; car ce qui nĂąâŹâąest quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąĂ©tat de simple possibilitĂ©, et non point Ă lĂąâŹâąĂ©tat de rĂ©alitĂ© complĂšte, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąon doit prĂ©cisĂ©ment appeler lĂąâŹâąindĂ©terminĂ©. On nĂąâŹâąen doit pas moins, pour toutes choses, exprimer lĂąâŹâąaffirmation ou la nĂ©gation ; car il serait absurde de soutenir que, si chaque ĂÂȘtre peut recevoir sa propre nĂ©gation, il ne peut pas aussi recevoir la nĂ©gation dĂąâŹâąun autre ĂÂȘtre, qui nĂąâŹâąest pas lui. Je veux dire, par exemple, que, sĂąâŹâąil est vrai de nier de lĂąâŹâąhomme quĂąâŹâąil soit homme, il est encore plus clair quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas une trirĂšme. Si donc on prĂ©tend que lĂąâŹâąaffirmation dĂąâŹâąun objet diffĂ©rent est vraie, la nĂ©gation ne lĂąâŹâąest pas moins nĂ©cessairement. Mais, si lĂąâŹâąaffirmation nĂąâŹâąest pas vraie, la nĂ©gation dĂąâŹâąun objet diffĂ©rent sera vraie du premier objet plus encore que la sienne propre. [1008a] Si donc cette derniĂšre lui est applicable, celle de la trirĂšme le lui sera aussi ; et, si cette nĂ©gation de la trirĂšme est exacte, lĂąâŹâąaffirmation lĂąâŹâąest Ă©galement. VoilĂ les consĂ©quences oĂÂč sont rĂ©duits ceux qui soutiennent cette thĂ©orie, et qui avancent que ce nĂąâŹâąest jamais une nĂ©cessitĂ©, ou de nier, ou dĂąâŹâąaffirmer. SĂąâŹâąil est vrai que tel ĂÂȘtre soit Homme et aussi Non-homme indiffĂ©remment, il nĂąâŹâąy a plus rĂ©ellement ni Homme ni Non-homme, puisque, pour les deux, il y a aussi deux nĂ©gations Ă©gales ; et si, dĂąâŹâąune part, les deux assertions se confondent en une seule, dĂąâŹâąautre part, lĂąâŹâąassertion opposĂ©e sera une assertion unique aussi. Ajoutez que, ou bien il en est ainsi pour toutes les propositions sans exception par exemple, une chose est blanche et nĂąâŹâąest pas blanche, une chose est et nĂąâŹâąest pas, et de mĂÂȘme pour toutes les autres affirmations et nĂ©gations ; ou bien, il nĂąâŹâąen est pas ainsi, et lĂąâŹâąobservation sĂąâŹâąapplique aux unes tandis quĂąâŹâąelle ne sĂąâŹâąapplique pas aux autres. Si elle ne sĂąâŹâąapplique pas Ă toutes, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąon passe condamnation sur celles auxquelles lĂąâŹâąobservation ne sĂąâŹâąapplique pas ; et si elle sĂąâŹâąapplique Ă toutes, alors encore on peut nier tout ce quĂąâŹâąon a affirmĂ© et affirmer tout ce quĂąâŹâąon a niĂ©, ou bien nier ce quĂąâŹâąon a affirmĂ©, sans pouvoir rĂ©ciproquement affirmer tout ce quĂąâŹâąon a niĂ©. Si ce dernier cas a lieu, lĂąâŹâąexistence du Non-ĂÂȘtre devient indirectement certaine. DĂšs lors, on a un principe assurĂ©, et, du moment que le Non-ĂÂȘtre est quelque chose dĂąâŹâąassurĂ© et de connu, lĂąâŹâąaffirmation opposĂ©e lĂąâŹâąest encore davantage. Si lĂąâŹâąon peut Ă©galement affirmer tout ce quĂąâŹâąon a niĂ©, alors il faut nĂ©cessairement, ou quĂąâŹâąon soit dans le vrai en divisant les propositions, et en disant, par exemple Ă Ceci est blanc Ă» ; et Ă lĂąâŹâąinverse Ă Ceci nĂąâŹâąest pas blanc Ă» ; ou bien, on nĂąâŹâąest pas dans le vrai. Mais, si lĂąâŹâąon nĂąâŹâąest pas dans le vrai, mĂÂȘme en faisant cette division, cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąadversaire ne peut plus soutenir aucune de ces assertions, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a plus rien Ă discuter. Et comment des ĂÂȘtres qui ne sont pas, pour raient-ils encore parler et penser ? Tout alors se confond et se rĂ©duit Ă lĂąâŹâąunitĂ©, comme je le disais tout Ă lĂąâŹâąheure ; et ce sera une mĂÂȘme chose que lĂąâŹâąhomme, Dieu, une trirĂšme, ainsi que les contradictions de ces termes. Si, pour chaque cas, les assertions contradictoires sont Ă©galement acceptables, une chose ne diffĂšre plus dĂąâŹâąune autre ; ou, si elle en diffĂšre, ce sera cette diffĂ©rence qui sera vraie, et qui sera propre Ă la chose en question. Si lĂąâŹâąon croit que, par la division des deux assertions, on peut arriver Ă la vĂ©ritĂ©, notre objection a toujours la mĂÂȘme force. Ajoutez quĂąâŹâąalors tout le monde est dans le vrai, tout le monde est dans le faux ; et lĂąâŹâąadversaire lui-mĂÂȘme doit convenir quĂąâŹâąil est aussi dans lĂąâŹâąerreur. Il nĂąâŹâąest pas moins clair quĂąâŹâąavec lui on ne peut plus engager de discussion sur un sujet quelconque ; car ce quĂąâŹâąil dit nĂąâŹâąa pas la moindre valeur. Il ne se prononce, ni de cette façon, ni de la façon contraire ; mais il admet tout Ă la fois les deux façons de se prononcer. Puis, de nouveau, il nie les deux assertions, ne disant, ni que la chose est ainsi, ni quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas ainsi ; et, sĂąâŹâąil ne commettait pas cette Ă©quivoque, il y aurait sur-le-champ une assertion prĂ©cise. Autre objection. Si, quand lĂąâŹâąaffirmation est vraie, la nĂ©gation est fausse, et rĂ©ciproquement si, quand la nĂ©gation est vraie, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąaffirmation qui cesse de lĂąâŹâąĂÂȘtre, il en rĂ©sulte quĂąâŹâąil est impossible dĂąâŹâąĂÂȘtre Ă©galement dans le vrai en affirmant et en niant en mĂÂȘme temps la mĂÂȘme chose. [1008b] Mais peut-ĂÂȘtre nos adversaires nous rĂ©pondraient-ils que cĂąâŹâąest lĂ prĂ©cisĂ©ment ce qui est en question. Cependant, si celui qui prĂ©tend que la chose est ou quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas de telle façon est dans le faux, comment celui qui soutient les deux assertions Ă la fois peut-il avoir raison ? SĂąâŹâąil a la vĂ©ritĂ© pour lui, que peut alors signifier le dicton que lĂąâŹâąon rĂ©pĂšte si souvent que telle est la nature des choses ? SĂąâŹâąil nĂąâŹâąa pas pour lui la vĂ©ritĂ©, et que celui qui croit au contraire que les choses ont une nature spĂ©ciale, ait davantage raison, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąalors les ĂÂȘtres sont, en effet, dĂąâŹâąune certaine miniĂšre dĂ©terminĂ©e. Cette assertion est donc vraie, et il nĂąâŹâąest pas possible quĂąâŹâąen mĂÂȘme temps elle ne le soit pas. Mais, si les deux interlocuteurs disent Ă©galement vrai et Ă©galement faux, lĂąâŹâąadversaire nĂąâŹâąa plus Ă souffler mot et Ă rien dire, puisquĂąâŹâąil avance dans une seule et mĂÂȘme phrase que telles choses sont et quĂąâŹâąelles ne sont pas. Si son esprit ne sĂąâŹâąarrĂÂȘte Ă rien, et sĂąâŹâąil croit et ne croit pas, Ă titre pareil, ce quĂąâŹâąil dit, en quoi un tel homme se distingue-t-il dĂąâŹâąun vĂ©gĂ©tal ? Mais voici quelque chose qui fera voir, de la façon la plus manifeste, que personne nĂąâŹâąest sĂ©rieusement dans cette disposition dĂąâŹâąesprit, ni parmi le reste des hommes, ni mĂÂȘme parmi ceux qui soutiennent cette thĂ©orie. DĂąâŹâąoĂÂč vient que cet homme est en route pour se rendre Ă MĂ©gare, au lieu de rester chez lui tranquillement, en sĂąâŹâąimaginant quĂąâŹâąil est en marche ? Pourquoi, en sortant, un beau matin, ne va-t-il pas tout droit tomber dans un puits, ou dans un trou, qui se rencontre sous ses pas ? Et pourquoi au contraire lui voit-on prendre mille prĂ©cautions, comme un homme qui ne juge pas du tout quĂąâŹâąil soit Ă©galement bon ou mauvais de tomber, ou de ne pas tomber, dans un prĂ©cipice ? Il est clair comme le jour quĂąâŹâąil juge lĂąâŹâąune des deux alternatives meilleure, et quĂąâŹâąil ne trouve pas du tout que ce soit lĂąâŹâąautre qui vaille mieux. Si cela est incontestable, il est nĂ©cessairement vrai aussi quĂąâŹâąil croit que tel ĂÂȘtre est un homme, et que tel autre nĂąâŹâąest pas un homme ; et que telle chose est douce et agrĂ©able, et que telle autre ne lĂąâŹâąest pas. On ne traite pas toutes choses sur un pied dĂąâŹâąĂ©galitĂ©, ni dans ses actes, ni dans sa pensĂ©e ; et quand on croit quĂąâŹâąil vaut mieux boire de lĂąâŹâąeau pour apaiser sa soif, ou voir quelquĂąâŹâąun dont on a besoin, on se donne la peine de rechercher et de dĂ©couvrir lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre. Il faudrait cependant rester dans la plus parfaite indiffĂ©rence, si lĂąâŹâąHomme et le Non-homme Ă©taient rĂ©ellement une seule et mĂÂȘme chose. Mais, encore une fois, il nĂąâŹâąy a personne qui, dans les cas que nous venons dĂąâŹâąindiquer, ne mette la plus grande attention Ă rechercher ceci ou Ă Ă©viter cela. On peut donc assurer, Ă ce quĂąâŹâąil semble, que tout le monde croit Ă quelque chose dĂąâŹâąabsolu, si ce nĂąâŹâąest sur toutes matiĂšres sans exception, du moins en ce qui fait la distinction du meilleur et du pire. Que si lĂąâŹâąon ne sait pas prĂ©cisĂ©ment les choses de science certaine, et si lĂąâŹâąon nĂąâŹâąen a quĂąâŹâąune opinion vague, cĂąâŹâąest une raison de plus pour apporter ĂÂą la recherche de la vĂ©ritĂ© infiniment davantage de soin, de mĂÂȘme que le malade sĂąâŹâąoccupe, avec bien plus de sollicitude, de la santĂ© que celui qui se porte bien. En effet, comparativement Ă lĂąâŹâąhomme qui sait les choses, celui qui ne sĂąâŹâąen forme quĂąâŹâąune vague opinion nĂąâŹâąest pas dans une santĂ© parfaite par rapport ĂÂą la vĂ©ritĂ©. En supposant mĂÂȘme, Ă toute force ; que les choses peuvent ĂÂȘtre tout Ă la fois de telle façon et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas de cette façon, il existe certainement du plus et du moins dans la nature des ĂÂȘtres. Ainsi ; on ne dirait jamais avec une vĂ©ritĂ© Ă©gale que deux et trois sont des nombres pairs ; et ce nĂąâŹâąest pas non plus une Ă©gale erreur de croire que quatre valent cinq, ou de croire quĂąâŹâąils valent mille. Si lĂąâŹâąerreur nĂąâŹâąest pas la mĂÂȘme des deux parts, il est clair que lĂąâŹâąun se trompe moins que lĂąâŹâąautre, et par suite quĂąâŹâąil est davantage dans le vrai. Comme ce qui est plus vrai se rapproche plus de la vĂ©ritĂ©, il faut donc aussi quĂąâŹâąil y ait une vĂ©ritĂ© absolue, [1009a] dont se rapproche davantage ce qui est plus vrai. Et mĂÂȘme en supposant quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy ait pas dĂąâŹâąabsolu, il y a tout au moins quelque chose qui est plus solide et plus ferme que le reste ; et cela suffit pour nous dĂ©barrasser de cette thĂ©orie intempĂ©rante, qui nous interdisait de penser quoi que ce soit de dĂ©terminĂ© et de prĂ©cis. Chapitre 5 La thĂ©orie de Protagoras sĂąâŹâąappuie sur le mĂÂȘme fondement que la prĂ©cĂ©dente ; et nĂ©cessairement, cĂąâŹâąest Ă titre Ă©gal que toutes les deux sont vraies, ou quĂąâŹâąelles sont fausses. Si tout ce quĂąâŹâąon pense, si tout ce quĂąâŹâąon aperçoit est vrai, alors tout est Ă la fois vrai et faux ; car il ne manque pas de gens pour penser le contraire les uns des autres ; et la plupart des hommes se figurent quĂąâŹâąon est dans lĂąâŹâąerreur du moment quĂąâŹâąon ne partage pas leur opinion. Par une consĂ©quence nĂ©cessaire, il en rĂ©sulte que la mĂÂȘme chose est et nĂąâŹâąest pas ; et, sĂąâŹâąil en est ainsi, il nĂąâŹâąest pas moins nĂ©cessaire que tout ce quĂąâŹâąon pense soit vrai, puisque ceux qui se trompent et ceux qui ont pour eux la vĂ©ritĂ©, se contredisent dans leur façon de voir. Si les choses ne sont rĂ©ellement que cela, tout le monde aura la vĂ©ritĂ© pour soi. Mais, si les deux thĂ©ories sont Ă©videmment animĂ©es du mĂÂȘme esprit, ce nĂąâŹâąest pas de la mĂÂȘme façon quĂąâŹâąon doit les combattre lĂąâŹâąune et dĂąâŹâąautre. Avec les uns, cĂąâŹâąest la persuasion qui suffit ; mais il faut imposer aux autres la force dĂąâŹâąarguments irrĂ©sistibles. Ceux qui ont Ă©tĂ© conduits Ă cette doctrine par un examen des difficultĂ©s de la question, peuvent ĂÂȘtre sans trop de peine guĂ©ris de leur ignorance ; car, pour les convaincre, ce nĂąâŹâąest pas Ă ce quĂąâŹâąils disent quĂąâŹâąil faut sĂąâŹâąadresser ; cĂąâŹâąest Ă ce quĂąâŹâąils pensent. Pour ceux, au contraire, qui ne parlent ainsi que pour parler, le moyen de les guĂ©rir, cĂąâŹâąest de rĂ©futer leur langage et les mots dont ils se servent. Ceux qui ont Ă©tudiĂ© la question sĂ©rieusement ont pu tirer leur opinion du spectacle des choses sensibles ; et sĂąâŹâąils ont adoptĂ© cette opinion, Ă savoir que les contradictoires et les contraires peuvent coexister, cĂąâŹâąest en observant que les contraires peuvent sortir dĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme source. Si donc il est impossible que ce qui nĂąâŹâąest pas se produise, il fallait quĂąâŹâąune certaine chose existĂÂąt antĂ©rieurement, et fĂ»t les deux contraires tout ensemble, dans le sens oĂÂč Anaxagore, et aussi DĂ©mocrite, ont dit que Ă Tout Ă©tait mĂÂȘlĂ© Ă tout Ă». Car, pour ce dernier, le vide et le plein se trouvent Ă©galement dans une partie quelconque de la matiĂšre ; et Ă ses yeux, le plein reprĂ©sente lĂąâŹâąĂĆ tre, de mĂÂȘme que le Non-ĂÂȘtre est reprĂ©sentĂ© par le vide. Quant Ă ceux qui sont arrivĂ©s Ă leur systĂšme par la route que nous venons de rappeler, nous leur dirons quĂąâŹâąĂ un certain point de vue ils ont raison, et quĂąâŹâąĂ un autre ils se trompent. Le mot ĂĆ tre peut ĂÂȘtre pris dans deux acceptions diverses ; et, selon lĂąâŹâąune, il est possible quĂąâŹâąil sorte quelque chose du Non-ĂÂȘtre ; selon lĂąâŹâąautre acception, cĂąâŹâąest impossible. Si une mĂÂȘme chose peut tout ensemble ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas, ce nĂąâŹâąest pas du moins dans le mĂÂȘme sens. En puissance, une mĂÂȘme chose peut ĂÂȘtre les deux contraires ; mais, en absolue rĂ©alitĂ©, elle ne le peut pas. Du reste, nous croyons ne pas nous tromper en supposant que ces philosophes aussi admettent une autre essence des choses, qui nĂąâŹâąest soumise absolument, ni au mouvement, ni Ă la destruction, ni Ă la production. [1009b] CĂąâŹâąest encore par un motif semblable que, en parlant des faits sensibles, quelques philosophes en sont venus Ă croire Ă la vĂ©ritĂ© de tous les phĂ©nomĂšnes que nous percevons. Selon eux, ce nĂąâŹâąest pas par le nombre plus ou moins grand des tĂ©moignages quĂąâŹâąil convient de juger de la vĂ©ritĂ© dans les choses. Le mĂÂȘme aliment flatte le goĂ»t des uns et rĂ©volte le goĂ»t des autres ; de telle sorte que, si tout le monde Ă©tait malade ou insensĂ©, et que deux ou trois personnes seulement fussent en santĂ© ou dans leur bon sens, ce seraient elles qui passeraient pour malades ou pour folles, tandis que le reste passerait pour sain et parfaite ment raisonnable. Ajoutez quĂąâŹâąil est une foule dĂąâŹâąanimaux qui sentent tout autrement que nous les mĂÂȘmes objets que nous sentons ; et que chacun de nous ne juge pas toujours de la mĂÂȘme maniĂšre une mĂÂȘme chose perçue par lui. Dans toutes ces perceptions, oĂÂč est la vĂ©ritĂ©, oĂÂč est lĂąâŹâąerreur ? CĂąâŹâąest ce qui reste profondĂ©ment obscur ; car lĂąâŹâąun nĂąâŹâąest pas plus vrai que lĂąâŹâąautre, et les deux le sont Ă©galement. Aussi, DĂ©mocrite prĂ©tendait-il, ou quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien de vrai pour lĂąâŹâąhomme, ou bien que, sĂąâŹâąil y a de la vĂ©ritĂ©, nous ignorons ce quĂąâŹâąelle est. DĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on peut dire que ces philosophes ont Ă©tĂ© amenĂ©s Ă regarder tout phĂ©nomĂšne de sensation pour vrai, parce quĂąâŹâąils ont confondu la sensibilitĂ© et la raison, et que la sensation leur a paru un changement. CĂąâŹâąest lĂ la voie qui a conduit aussi EmpĂ©docle comme DĂ©mocrite, et tous les autres, pour ainsi dire, Ă se jeter dans de si fausses doctrines. Ainsi EmpĂ©docle avance que, quand notre disposition vient Ă changer, notre pensĂ©e change aussitĂÂŽt avec elle Le prĂ©sent est toujours maĂtre de notre esprit. Et dans un autre passage, il dit encore Car plus les changements se produisaient en eux, plus aussi les pensĂ©es leur surgissaient nombreux. ParmĂ©nide ne sĂąâŹâąexprime pas non plus dĂąâŹâąune autre maniĂšre CĂąâŹâąest le tempĂ©rament qui rĂšgle nos esprits, Et fait cette raison, dont lĂąâŹâąhomme est tant Ă©pris. Pour tous et pour chacun, cĂąâŹâąest notre corps qui pense, Et qui dispose en nous de notre intelligence. On se rappelle Ă©galement le propos quĂąâŹâąon prĂÂȘte Ă Anaxagore, disant Ă quelques-uns de ses amis que Ă Pour chacun dĂąâŹâąeux les choses ne seraient que ce que leur jugement voudrait bien les faire Ă». On va mĂÂȘme parfois jusquĂąâŹâąĂ trouver une pensĂ©e semblable dans HomĂšre, parce quĂąâŹâąil nous montre Hector, sous le coup quĂąâŹâąil vient de recevoir, Ăâ°tendu sur le sol, lĂąâŹâąesprit bouleversĂ©. Comme si HomĂšre eĂ»t cru que les hommes qui ont le dĂ©lire continuent de penser, mais pensent autre chose que les gens de sang-froid. Il en rĂ©sulterait Ă©videmment que, si ; de part et dĂąâŹâąautre, il y a toujours de la pensĂ©e, les ĂÂȘtres ne peuvent tout Ă la fois ĂÂȘtre de telle façon et ne pas ĂÂȘtre de cette mĂÂȘme façon. Mais voici une consĂ©quence bien autrement grave qui ressort de tout cela. Si ceux qui ont le plus profondĂ©ment entrevu la vĂ©ritĂ© quĂąâŹâąil nous est permis dĂąâŹâąatteindre, et ce sont les gens qui la recherchent et qui lĂąâŹâąaiment avec le plus de passion, sĂąâŹâąen sont fait des idĂ©es si fausses, et lĂąâŹâąont si singuliĂšrement interprĂ©tĂ©e, comment ceux qui dĂ©butent dans lĂąâŹâąĂ©tude de la philosophie, ne seraient-ils pas absolument dĂ©couragĂ©s ? Rechercher la vĂ©ritĂ©, ne serait-ce donc que poursuivre des oiseaux qui sĂąâŹâąenvolent ? [1010a] Ce qui a causĂ© lĂąâŹâąerreur des partisans de cette thĂ©orie, cĂąâŹâąest que, tout en Ă©tudiant sincĂšrement la vĂ©ritĂ©, ils ne voyaient dĂąâŹâąĂÂȘtres rĂ©els que dans les choses sensibles exclusivement. Or, dans les choses que nos sens nous rĂ©vĂšlent, cĂąâŹâąest en grande partie lĂąâŹâąindĂ©termination qui domine, et cette nature spĂ©ciale de lĂąâŹâąĂĆ tre, que nous venons dĂąâŹâąindiquer. Aussi, lĂąâŹâąopinion de ces philosophes pouvait bien ĂÂȘtre assez vraisemblable ; mais, au fond, ce nĂąâŹâąĂ©tait pas la vĂ©ritĂ©. Cependant il valait mieux encore parler comme eux que comme Ăâ°picharme, dans ses critiques contre XĂ©nophane. Mais je le rĂ©pĂšte, cĂąâŹâąest en voyant que cette nature tout entiĂšre, que nous avons sous les yeux, est incessamment livrĂ©e au mouvement, et quĂąâŹâąil est impossible de savoir la vĂ©ritĂ© sur ce qui change sans cesse, que les philosophes ont Ă©tĂ© poussĂ©s Ă croire que lĂąâŹâąhomme ne peut jamais conquĂ©rir la vĂ©ritĂ©, au milieu de ce bouleversement perpĂ©tuel et gĂ©nĂ©ral. CĂąâŹâąest lĂ lĂąâŹâąhypothĂšse qui fit fleurir la plus extrĂÂȘme de toutes les doctrines que nous venons de citer celle des soi-disant disciples dĂąâŹâąHĂ©raclite, parmi lesquels il faut compter Cratyle, qui en Ă©tait enfin arrivĂ© Ă ce point de croire quĂąâŹâąil ne devait mĂÂȘme pas profĂ©rer une seule parole, qui se contentait de remuer le doigt, et qui faisait un crime Ă HĂ©raclite dĂąâŹâąavoir osĂ© dire Ă QuĂąâŹâąon ne pouvait jamais se baigner deux fois dans la mĂÂȘme eau courante Ă» ; car, pour lui, il pensait quĂąâŹâąon ne pouvait pas mĂÂȘme dire quĂąâŹâąon sĂąâŹâąy baignĂÂąt une seule fois. Nous reconnaissons trĂšs volontiers, en faveur de cette doctrine, quĂąâŹâąil y a bien quelque raison de refuser de croire Ă lĂąâŹâąexistence dĂąâŹâąun objet qui change, au moment mĂÂȘme oĂÂč il subit le changement ; quoique cependant ce point mĂÂȘme soit discutable, puisque le permutant retient quelque chose du permutĂ©, et que dĂ©jĂ aussi il existe nĂ©cessairement quelque chose de ce qui se produit et devient. GĂ©nĂ©ralement parlant, si un ĂÂȘtre pĂ©rit, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąantĂ©rieurement il aura Ă©tĂ© quelque chose et sĂąâŹâąil devient, il faut bien de toute nĂ©cessitĂ© quĂąâŹâąil y ait un ĂÂȘtre dĂąâŹâąoĂÂč il vienne et qui lĂąâŹâąengendre, sans que dĂąâŹâąailleurs cette gĂ©nĂ©ration puisse remonter Ă lĂąâŹâąinfini. Mais, Ă©cartant ces considĂ©rations, nous nous bornons Ă affirmer que ce nĂąâŹâąest pas la mĂÂȘme chose de changer de quantitĂ© et de changer de qualitĂ©. En fait de quantitĂ©, nous accordons que lĂąâŹâąĂÂȘtre peut ne pas subsister tel quĂąâŹâąil est ; mais il subsiste par lĂąâŹâąespĂšce, Ă lĂąâŹâąaide de laquelle nous connaissons toujours les choses. Une autre critique trĂšs fondĂ©e contre ce systĂšme, cĂąâŹâąest que les philosophes qui le soutiennent, tout en voyant que, mĂÂȘme parmi les objets sensibles, cĂąâŹâąest de beaucoup le moindre nombre dĂąâŹâąentre eux qui est sujet au changement, nĂąâŹâąen ont pas moins Ă©tendu leurs explications Ă lĂąâŹâąensemble de lĂąâŹâąunivers. Il est bien vrai que ce lieu du sensible qui nous environne, est soumis incessamment Ă la production et Ă la destruction ; mais il est seul Ă y ĂÂȘtre assujetti, et cĂąâŹâąest une parcelle qui ne compte pour rien, Ă vrai dire, dans lĂąâŹâąunivers entier, ou pour presque rien. Vraiment, nos philosophes auraient Ă©tĂ© cent fois plus justes dĂąâŹâąabsoudre notre monde par lĂąâŹâąunivers plutĂÂŽt que de condamner lĂąâŹâąunivers aux conditions de notre monde. Ăâ°videmment aussi, nous pourrons rĂ©pĂ©ter contre eux les objections que nous avons dĂ©jĂ faites si souvent ; et il faut leur apprendre et leur persuader quĂąâŹâąil existe une certaine nature immuable et immobile. Toutefois ceux qui disent que les choses peuvent tout ensemble ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas, devraient incliner davantage Ă les croire en repos plutĂÂŽt quĂąâŹâąen mouvement ; car, alors, il nĂąâŹâąexiste rien en quoi la chose puisse changer, puisque tout est Ă tout. [1010b] Pour sĂąâŹâąassurer de cette vĂ©ritĂ© que tout ce qui nous apparaĂt nĂąâŹâąest pas vrai Ă ce seul titre, on peut se convaincre dĂąâŹâąabord que la sensation ne nous trompe jamais sur son objet propre ; mais la conception que nous tirons de la sensation ne doit pas ĂÂȘtre confondue avec elle. On peut sĂąâŹâąĂ©tonner aussi non moins justement dĂąâŹâąentendre encore demander ĂąâŹâ comme le font nos philosophes ĂąâŹâ si les grandeurs et les couleurs sont bien dans la rĂ©alitĂ© ce quĂąâŹâąelles paraissent Ă ceux qui les regardent de loin, ou ce quĂąâŹâąelles paraissent Ă ceux qui les regardent de prĂšs ; si les choses sont ce quĂąâŹâąelles semblent aux gens bien portants plutĂÂŽt quĂąâŹâąaux gens malades ; si les corps ont plus de pesanteur, selon que ce sont des gens faibles ou des gens forts qui les portent ; en un mot, si cĂąâŹâąest la vĂ©ritĂ© quĂąâŹâąon voit quand on dort plutĂÂŽt que ce quĂąâŹâąon voit durant la veille. Ăâ°videmment, sur tout cela, nos philosophes nĂąâŹâąont pas le plus lĂ©ger doute. Personne, en se supposant dans son sommeil ĂÂȘtre Ă AthĂšnes, bien quĂąâŹâąil soit en Afrique, ne va se mettre en route pour lĂąâŹâąOdĂ©on. Dans une maladie, comme le remarque Platon, lĂąâŹâąopinion du mĂ©decin sur lĂąâŹâąissue quĂąâŹâąelle doit avoir, et lĂąâŹâąopinion dĂąâŹâąune personne qui ignore la mĂ©decine, ne sont pas dĂąâŹâąun poids pareil, quand il sĂąâŹâąagit de savoir si le malade guĂ©rira ou sĂąâŹâąil ne guĂ©rira pas. Bien plus, entre les sens eux-mĂÂȘmes, le tĂ©moignage dĂąâŹâąun sens sur un objet qui lui est Ă©tranger, ne vaut pas son tĂ©moignage sur un objet qui lui est propre. Le tĂ©moignage dĂąâŹâąun sens voisin ne vaut pas celui du sens lui-mĂÂȘme. CĂąâŹâąest la vue, ce nĂąâŹâąest pas le goĂ»t qui juge de la couleur ; cĂąâŹâąest le goĂ»t qui juge de la saveur, et ce nĂąâŹâąest pas la vue. Il nĂąâŹâąest pas un sens qui, dans le mĂÂȘme moment et relativement Ă la mĂÂȘme chose, vienne nous dire tout Ă la fois que cette chose est et nĂąâŹâąest pas de telle ou telle façon. MĂÂȘme dans un moment diffĂ©rent, le sens ne se trompe point sur la qualitĂ© actuelle, bien quĂąâŹâąil puisse se tromper sur lĂąâŹâąobjet qui prĂ©sente cette qualitĂ©. Par exemple, le mĂÂȘme vin, soit quĂąâŹâąil change directement lui-mĂÂȘme, ou bien que ce soit le corps qui change, semble tantĂÂŽt ĂÂȘtre agrĂ©able au goĂ»t et tantĂÂŽt ne lĂąâŹâąĂÂȘtre pas. Mais pour cela, la saveur agrĂ©able, telle quĂąâŹâąelle est quand elle est, ne change jamais. La sensation est toujours vĂ©ridique Ă cet Ă©gard ; et toute saveur qui devra ĂÂȘtre agrĂ©able, comme celle du vin, est nĂ©cessairement soumise Ă la mĂÂȘme condition. Ce sont lĂ des faits que mĂ©connaissent toutes ces thĂ©ories ; et de mĂÂȘme quĂąâŹâąelles suppriment la rĂ©alitĂ© de la substance pour toutes choses, elles nient de mĂÂȘme quĂąâŹâąil y ait rien de nĂ©cessaire au monde. En effet, ce qui est de toute nĂ©cessitĂ© ne peut pas ĂÂȘtre Ă la fois de telle façon et dĂąâŹâąune façon contraire ; et du moment quĂąâŹâąil y a quelque chose qui est nĂ©cessaire, ce quelque chose ne peut pas ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas, tel quĂąâŹâąil est. En un mot, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy avait au monde que le sensible, il nĂąâŹâąy aurait plus rien dĂšs quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy aurait plus dĂąâŹâąĂÂȘtres animĂ©s, puisquĂąâŹâąil nĂąâŹâąy aurait pas non plus de sensation. Il peut ĂÂȘtre vrai que, dans ce cas, il nĂąâŹâąy aurait plus ni objets sentis, ni sensation ; puisque, pour tout cela, il faut toujours lĂąâŹâąintervention dĂąâŹâąun ĂÂȘtre sentant qui Ă©prouve cette modification. Mais il serait impossible que les objets qui causent la sensation nĂąâŹâąexistassent pas, sans mĂÂȘme quĂąâŹâąaucune sensation eĂ»t lieu. La sensibilitĂ© ne relĂšve pas seulement dĂąâŹâąelle-mĂÂȘme ; mais il y a en dehors de la sensation quelque chose de diffĂ©rent dĂąâŹâąelle, et qui lui est nĂ©cessairement antĂ©rieur. [1011a] Ainsi, par exemple, le moteur est par nature antĂ©rieur Ă lĂąâŹâąobjet quĂąâŹâąil meut ; et cette vĂ©ritĂ© nĂąâŹâąen est pas moins certaine, bien que ces deux termes puissent sĂąâŹâąappliquer rĂ©ciproquement lĂąâŹâąun Ă lĂąâŹâąautre. Chapitre 6 Quelques-uns de nos philosophes Ă©lĂšvent ici une question, aussi bien ceux qui sont convaincus sincĂšrement de leur doctrine, que ceux qui ne la soutiennent que pour les besoins de leur cause. Ils demandent qui jugera de la santĂ© de lĂąâŹâąĂÂȘtre qui sent ; et, dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, quel sera, dans chaque cas, le juge vraiment compĂ©tent. Mais soulever de telles questions, cĂąâŹâąest absolument se demander si, dans le moment oĂÂč nous parlons, nous sommes endormis ou Ă©veillĂ©s. Au fond, toutes ces difficultĂ©s si gratuites nĂąâŹâąont quĂąâŹâąune mĂÂȘme valeur ; ces philosophes se figurent quĂąâŹâąil faut rendre raison de tout, et cherchant un principe, ils veulent lĂąâŹâąobtenir par dĂ©monstration. Mais ce qui prouve bien quĂąâŹâąils ne sont pas trĂšs convaincus de cette prĂ©tendue possibilitĂ© de tout dĂ©montrer, cĂąâŹâąest la maniĂšre mĂÂȘme dont ils agissent et se conduisent. Du reste, nous avons dĂ©jĂ dit que cĂąâŹâąĂ©tait lĂ leur erreur ; ils sĂąâŹâąappliquent Ă rendre raison de choses pour lesquelles il nĂąâŹâąy a pas de raison Ă donner, puisque le principe de la dĂ©monstration ne saurait ĂÂȘtre une dĂ©monstration. Ces philosophes pourraient assez aisĂ©ment se convaincre de leur mĂ©prise ; car il nĂąâŹâąest pas difficile de voir dĂąâŹâąoĂÂč elle vient. Mais ceux qui, dans la discussion, ne cherchent quĂąâŹâąĂ violenter leurs interlocuteurs, courent aprĂšs lĂąâŹâąimpossible ; car, tout en demandant quĂąâŹâąon les contredise, ils commencent par se contredire eux-mĂÂȘmes, dĂšs leur premier mot. Si tout dans le monde nĂąâŹâąest pas relatif, et sĂąâŹâąil y a des choses qui existent en soi et par elles-mĂÂȘmes, il sĂąâŹâąensuit que tout ce qui nous apparaĂt nĂąâŹâąest pas indistinctement vrai. Ce qui paraĂt doit nĂ©cessairement paraĂtre Ă quelquĂąâŹâąun ; et prĂ©tendre que tous les phĂ©nomĂšnes sont vrais sans exception, cĂąâŹâąest prĂ©tendre que tout au monde est relatif. Aussi ceux qui ne trouvent de force convaincante que dans les mots, et qui veulent engager la discussion, doivent ici bien prendre garde que ce nĂąâŹâąest pas toute apparence qui est vraie, mais quĂąâŹâąelle est vraie seulement pour celui Ă qui elle apparaĂt, pour le moment, dans la mesure et sous le jour oĂÂč elle lui apparaĂt. Ils auraient beau engager la discussion, sĂąâŹâąils ne lĂąâŹâąengagent pas en faisant cette concession, ils seront bien vite forcĂ©s de soutenir les contraires. Une mĂÂȘme chose, en effet, peut Ă la vue sembler ĂÂȘtre du miel, et nĂąâŹâąen ĂÂȘtre pas pour le goĂ»t ; et, comme nous avons deux yeux, il est bien possible que les choses ne semblent pas les mĂÂȘmes Ă lĂąâŹâąun et Ă lĂąâŹâąautre oeil, si la vision y est inĂ©gale. A ceux qui soutiennent que toute apparence est vraie, en sĂąâŹâąappuyant sur les motifs que nous avons naguĂšre indiquĂ©s, et que, par consĂ©quent, tout est Ă©galement faux et vrai tout ensemble, on peut accorder que les apparences ne sont pas les mĂÂȘmes pour tout le monde, quĂąâŹâąelles ne sont pas mĂÂȘme toujours identiques pour la mĂÂȘme personne, et que souvent elles semblent toutes contraires dans un seul et mĂÂȘme instant. Ainsi, le toucher, par la superposition des doigts, nous atteste deux objets lĂ oĂÂč la vue nĂąâŹâąen montre quĂąâŹâąun. Mais les choses ne sont les mĂÂȘmes, ni pour le mĂÂȘme sens appliquĂ© au mĂÂȘme objet, ni pour ce sens agissant de la mĂÂȘme façon, ni dans un seul et mĂÂȘme moment ; donc la thĂ©orie serait assez exacte. [1011b] Mais cĂąâŹâąest lĂ peut-ĂÂȘtre aussi pour ceux qui soutiennent cette doctrine, non en vertu de doutes sĂ©rieux, mais uniquement en vue de la discussion, une nĂ©cessitĂ© de modifier leur systĂšme, et de convenir que lĂąâŹâąapparence nĂąâŹâąest pas vraie pour tout le monde, mais seulement pour celui qui la perçoit. Et alors, nous le rĂ©pĂ©tons, ils doivent nĂ©cessairement aussi affirmer quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a au monde que du relatif, et subordonner tout Ă la pensĂ©e individuelle et Ă la sensation. Par consĂ©quent, dans leur systĂšme, rien nĂąâŹâąa Ă©tĂ©, rien ne sera quĂąâŹâąĂ la condition que quelquĂąâŹâąun lĂąâŹâąait prĂ©alablement pensĂ© ; mais si quelque chose a Ă©tĂ© dans le passĂ© ou doit ĂÂȘtre dans lĂąâŹâąavenir, sans quĂąâŹâąon y ait prĂ©alablement pensĂ©, cĂąâŹâąest donc que tout ne se rapporte pas Ă la pensĂ©e et Ă lĂąâŹâąapparence exclusivement. De plus, du moment quĂąâŹâąune chose est une, elle se rapporte Ă un ĂÂȘtre qui est un aussi, cĂąâŹâąest-Ă -dire Ă un ĂÂȘtre dĂ©terminĂ© ; et une mĂÂȘme chose a beau ĂÂȘtre, tout ensemble, double de celle-ci et Ă©gale Ă celle-lĂ , ce nĂąâŹâąest pas du moins relativement au double quĂąâŹâąelle est Ă©gale. Si lĂąâŹâąon admet que, relativement Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre qui pense, lĂąâŹâąhomme quĂąâŹâąon pense et la pensĂ©e quĂąâŹâąon en a sont une seule et mĂÂȘme chose, du moins lĂąâŹâąhomme pensĂ© nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąĂÂȘtre qui pense, puisque cĂąâŹâąest la chose que lĂąâŹâąon pense. Mais, si chaque chose nĂąâŹâąexiste que dans son rapport avec lĂąâŹâąĂÂȘtre pensant, alors lĂąâŹâąĂÂȘtre pensant sera quelque chose dont les espĂšces seront en nombre infini. Ainsi, en rĂ©sumĂ©, nous avons Ă©tabli comme le principe le plus assurĂ© de tous les principes, que jamais les deux assertions opposĂ©es ne peuvent ĂÂȘtre vraies Ă la fois ; et nous avons fait voir, dĂąâŹâąune part, les consĂ©quences oĂÂč lĂąâŹâąon est entraĂnĂ© quand on prĂ©tend quĂąâŹâąelles sont vraies toutes deux, et, dĂąâŹâąautre part, les motifs de cette erreur. Or, du moment quĂąâŹâąil est impossible que les deux assertions opposĂ©es soient vraies de la mĂÂȘme chose en mĂÂȘme temps, il est clair Ă©galement que les contraires ne peuvent pas coexister davantage dans une mĂÂȘme chose ; car, entre les contraires, lĂąâŹâąun nĂąâŹâąexprime pas moins que lĂąâŹâąautre la privation. Mais la privation appliquĂ©e Ă la substance nĂąâŹâąest que la nĂ©gation dĂąâŹâąun certain genre dĂ©terminĂ©. Si donc il ne se peut pas que lĂąâŹâąaffirmation et la nĂ©gation soient vraies tout ensemble, les contraires ne peuvent pas davantage coexister, Ă moins que tous les deux nĂąâŹâąexistent que dĂąâŹâąune certaine maniĂšre, ou bien que lĂąâŹâąun existe avec cette restriction, tandis que lĂąâŹâąautre existe dĂąâŹâąune maniĂšre absolue. Chapitre 7 Il nĂąâŹâąest pas possible davantage quĂąâŹâąentre deux propositions contradictoires, il y ait jamais un terme moyen ; mais il y a nĂ©cessitĂ© absolue, ou dĂąâŹâąaffirmer, ou de nier une chose dĂąâŹâąune chose. Pour rendre ceci parfaitement clair, il nous suffira de dĂ©finir tout dĂąâŹâąabord ce que cĂąâŹâąest que le vrai et le faux. Dire de ce qui est quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas, et de ce qui nĂąâŹâąest pas dire quĂąâŹâąil est, voilĂ le faux ; dire de ce qui est quĂąâŹâąil est, et de ce qui nĂąâŹâąest pas dire quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas, voilĂ le vrai ; de telle sorte quĂąâŹâąen exprimant quĂąâŹâąune chose est ou nĂąâŹâąest pas, on nĂąâŹâąest ni dans le vrai ni dans le faux ; mais alors on ne dit pas de lĂąâŹâąĂĆ tre, ni quĂąâŹâąil ne soit pas ni quĂąâŹâąil soit, pas plus quĂąâŹâąon ne le dit du Non-ĂÂȘtre. ĂĄÂŒâŹĂ»ĂÂ»ĂĄÂœÂ° ĂÂŒĂĄÂœÂŽĂœ ĂÂżĂĄÂœÂĂÂŽĂĄÂœÂČ ĂÂŒĂ”ĂâñĂÂŸĂĄÂœÂș ĂĄÂŒâŹĂœĂâĂÂčĂâ ĂÂŹĂÆĂ”Ăâ°Ăâ ĂĄÂŒÂĂœĂÂŽĂÂĂâĄĂ”ĂâñĂÂč ĂÂ”ĂĄÂŒÂ¶ĂœĂ±ĂÂč ĂÂżĂĄÂœÂĂžĂÂĂœ, ĂĄÂŒâŹĂ»Ă»' ĂĄÂŒâŹĂœĂÂŹĂÂłĂÂșĂ ĂĄÂŒÂą Ăâ ĂÂŹĂœĂ±ĂÂč ĂĄÂŒÂą ĂĄÂŒâŹĂâŹĂÂżĂâ ĂÂŹĂœĂ±ĂÂč ĂĄÂŒâĂœ ĂÂșñÞ' ĂĄÂŒĂÂœĂĄÂœÂžĂâ ĂĄÂœÂĂâĂÂčĂ¿å¿ŠĂœ. [25] ĂÂŽĂĄÂżâ Ă»ĂÂżĂœ ĂÂŽĂĄÂœÂČ ĂâŹĂÂå¿¶ĂâĂÂżĂœ ĂÂŒĂĄÂœÂČĂœ ĂĄÂœÂĂÂĂÂčĂÆĂ±ĂÂŒĂÂĂœĂÂżĂÂčĂâ ĂâĂÂŻ ĂâĂĄÂœÂž ĂĄÂŒâŹĂ»ĂĂÂžĂĄÂœÂČĂâ ĂÂșĂÂ±ĂĄÂœÂ¶ ĂËĂ”忊ĂÂŽĂÂżĂâ. ĂâĂĄÂœÂž ĂÂŒĂĄÂœÂČĂœ ĂÂłĂĄÂœÂ°Ă Ă»ĂÂĂ³ÔĂÂčĂœ ĂâĂĄÂœÂž ĂĄÂœâĂœ ĂÂŒĂĄÂœÂŽ ĂÂ”ĂĄÂŒÂ¶ĂœĂ±ĂÂč ĂĄÂŒÂą ĂâĂĄÂœÂž ĂÂŒĂĄÂœÂŽ ĂĄÂœâĂœ ĂÂ”ĂĄÂŒÂ¶ĂœĂ±ĂÂč ĂËĂ”忊ĂÂŽĂÂżĂâ, ĂâĂĄÂœÂž ĂÂŽĂĄÂœÂČ ĂâĂĄÂœÂž ĂĄÂœâĂœ ĂÂ”ĂĄÂŒÂ¶ĂœĂ±ĂÂč ĂÂșĂÂ±ĂĄÂœÂ¶ ĂâĂĄÂœÂž ĂÂŒĂĄÂœÂŽ ĂĄÂœâĂœ ĂÂŒĂĄÂœÂŽ ĂÂ”ĂĄÂŒÂ¶ĂœĂ±ĂÂč ĂĄÂŒâŹĂ»ĂĂžĂÂĂâ, ĂĄÂœÂ„ĂÆĂâĂ” ĂÂșĂÂ±ĂĄÂœÂ¶ ĂĄÂœÂ Ă»ĂÂĂÂłĂâ°Ăœ ĂÂ”ĂĄÂŒÂ¶ĂœĂ±ĂÂč ĂĄÂŒÂą ĂÂŒĂĄÂœÂŽ ĂĄÂŒâŹĂ»ĂÞÔĂÂĂÆĂ”ĂÂč ĂĄÂŒÂą ĂËĂ”ĂÂĂÆĂ”ĂâñĂÂč ĂĄÂŒâŹĂ»Ă»' ĂÂżĂĄÂœâĂâĂ” ĂâĂĄÂœÂž ĂĄÂœâĂœ Ă»ĂÂĂ³ÔĂâñĂÂč ĂÂŒĂĄÂœÂŽ ĂÂ”ĂĄÂŒÂ¶ĂœĂ±ĂÂč ĂĄÂŒÂą ĂÂ”ĂĄÂŒÂ¶ĂœĂ±ĂÂč ĂÂżĂĄÂœâĂâĂ” ĂâĂĄÂœÂž ĂÂŒĂĄÂœÂŽ ĂĄÂœâĂœ. Si lĂąâŹâąon admet quĂąâŹâąil y a un terme moyen entre les deux membres de la contradiction, ou cet intermĂ©diaire sera comme le gris, qui est un terme moyen entre le noir et le blanc ; ou bien, il ne sera ni lĂąâŹâąun ni lĂąâŹâąautre des deux termes, comme le terme moyen entre lĂąâŹâąhomme et le cheval est ce qui nĂąâŹâąest ni lĂąâŹâąun ni lĂąâŹâąautre. Mais, sĂąâŹâąil en Ă©tait ainsi, il nĂąâŹâąy aurait plus de changement ; car une chose qui nĂąâŹâąest pas bonne subit un changement pour devenir bonne, comme elle change aussi pour devenir mauvaise, de bonne quĂąâŹâąelle Ă©tait. CĂąâŹâąest lĂ ce quĂąâŹâąon voit sans cesse, puisquĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a de changement possible que dans les opposĂ©s et dans les intermĂ©diaires. Mais, sĂąâŹâąil y a un intermĂ©diaire dans le sens neutre que nous avons dit, alors il serait possible quĂąâŹâąune chose devĂnt blanche sans avoir dĂ» prĂ©alablement nĂąâŹâąĂÂȘtre pas blanche ; or, cĂąâŹâąest lĂ ce qui ne se voit pas. [1012a] DĂąâŹâąautre part, la pensĂ©e affirme, ou nie, tout ce quĂąâŹâąelle pense, ou tout ce quĂąâŹâąelle comprend ; et la dĂ©finition donnĂ©e plus haut fait voir clairement quand la pensĂ©e est dans la vĂ©ritĂ©, et quand elle est dans lĂąâŹâąerreur. Lorsque la pensĂ©e combine les choses dĂąâŹâąune certaine maniĂšre, elle est dans le vrai, soit quĂąâŹâąelle affirme, soit quĂąâŹâąelle nie ; elle est dans le faux, quand elle les combine de telle autre façon. Il faudrait en outre que toutes les contradictions eussent un terme moyen, si lĂąâŹâąon ne veut pas se borner en ceci Ă de vains mots. Alors, il se pourrait tout Ă la fois quĂąâŹâąon ne fĂ»t ni dans le vrai ni dans le faux ; il y aurait un intermĂ©diaire qui ne serait ni lĂąâŹâąĂĆ tre ni le Non-ĂÂȘtre ; et, par consĂ©quent, il pourrait y avoir aussi un changement des choses qui ne serait ni de la production ni de la destruction. Bien plus, il y aurait un intermĂ©diaire, mĂÂȘme dans les cas oĂÂč la nĂ©gation implique nĂ©cessairement le contraire ; comme si, dans les nombres, par exemple, il y avait un prĂ©tendu nombre qui ne fĂ»t ni pair ni impair ; ce qui est cependant bien impossible, dĂąâŹâąaprĂšs la dĂ©finition mĂÂȘme du nombre. Ajoutez que cĂąâŹâąest se perdre dans lĂąâŹâąinfini ; car il ne faudra pas se borner Ă ces demi-ĂÂȘtres ; il faudra les multiplier sans fin, puisquĂąâŹâąon pourra toujours nier ce terme moyen, par rapport Ă lĂąâŹâąaffirmation et Ă la nĂ©gation primitives ; et cĂąâŹâąest mĂÂȘme Ă ce titre quĂąâŹâąil sera quelque chose, puisque sa substance doit ĂÂȘtre diffĂ©rente des deux autres termes. Enfin, quand on demanderait Ă quelquĂąâŹâąun si telle chose est blanche, et quĂąâŹâąil rĂ©pondrait quĂąâŹâąelle ne lĂąâŹâąest pas, il ne ferait encore que nier lĂąâŹâąĂĆ tre ; or, nĂąâŹâąĂÂȘtre pas est une nĂ©gation, ce nĂąâŹâąest pas un terme moyen. Cette doctrine erronĂ©e est entrĂ©e dans lĂąâŹâąesprit de quelques philosophes, par la mĂÂȘme raison qui a donnĂ© cours Ă tant dĂąâŹâąautres opinions paradoxales. Quand on se sent hors dĂąâŹâąĂ©tat de repousser des arguties captieuses, on cĂšde au raisonnement de lĂąâŹâąadversaire, et lĂąâŹâąon accepte pour vraie la conclusion rĂ©guliĂšre quĂąâŹâąil en tire. Les uns nĂąâŹâąont pas dĂąâŹâąautre motif de parler comme ils font ; et les autres commettent cette erreur, parce quĂąâŹâąils cherchent Ă se rendre raison de tout. Le vrai moyen de les Ă©clairer les uns et les autres consiste Ă partir dĂąâŹâąune dĂ©finition. Or la dĂ©finition rĂ©sulte de la nĂ©cessitĂ© mĂÂȘme oĂÂč ils sont dĂąâŹâąexprimer quelque chose ; et la pensĂ©e, dont les mots sont les signes, devient la dĂ©finition mĂÂȘme de la chose. Mais, si lĂąâŹâąon peut dire quĂąâŹâąHĂ©raclite, en prĂ©tendant que tout est et nĂąâŹâąest pas, inclinait Ă faire croire que tout est vrai, Anaxagore, en admettant quĂąâŹâąil y a un terme moyen possible pour toute contradiction, porte plutĂÂŽt Ă croire que tout est faux ; car, lorsque le bien et le mal sont mĂÂȘlĂ©s, le mĂ©lange nĂąâŹâąest ni bon ni mauvais ; et il est impossible dĂąâŹâąen dire rien qui soit vrai. Chapitre 8 AprĂšs tout ce qui prĂ©cĂšde, on doit voir que ces assertions appliquĂ©es Ă un seul cas, et celles qui sĂąâŹâąappliquent Ă tout, sont insoutenables au sens oĂÂč les comprennent ceux qui les dĂ©fendent ; les uns affirmant que rien nĂąâŹâąest vrai, puisque, selon eux, il se peut fort bien que toutes les propositions soient fausses, comme celle oĂÂč lĂąâŹâąon avancerait que la diagonale est commensurable au cĂÂŽtĂ© ; les autres affirmant au contraire que tout est vrai. Ce sont lĂ des thĂ©ories qui se rapprochent beaucoup des opinions dĂąâŹâąHĂ©raclite et se confondent presque avec elles. En effet, celui qui prĂ©tend que tout est vrai et que tout est faux, maintient aussi chacune de ces assertions prises Ă part ; et par consĂ©quent si, considĂ©rĂ©es sĂ©parĂ©ment, elles sont fausses, [1012b] elles le sont Ă©galement quand on les considĂšre ensemble. DĂąâŹâąailleurs, il y a Ă©videmment des contradictoires qui ne peuvent pas ĂÂȘtre vraies toutes les deux Ă la fois, mais qui ne peuvent pas non plus ĂÂȘtre Ă la fois toutes les deux fausses, bien que cette derniĂšre alternative pĂ»t paraĂtre plus possible que lĂąâŹâąautre, dĂąâŹâąaprĂšs les thĂ©ories quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąexposer. Mais, pour rĂ©futer toutes ces doctrines, il faut, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dĂ©jĂ indiquĂ© un peu plus haut, demander Ă son adversaire, non pas de dire si la chose est ou si elle nĂąâŹâąest pas, mais il faut le sommer dĂąâŹâąexprimer et de prĂ©ciser une pensĂ©e quelconque ; de maniĂšre quĂąâŹâąon puisse la discuter, en sĂąâŹâąappuyant sur la dĂ©finition mĂÂȘme de ce que cĂąâŹâąest que le vrai et de ce que cĂąâŹâąest que le faux. Si la vĂ©ritĂ© nĂąâŹâąest pas autre chose que dĂąâŹâąaffirmer le vrai et de nier le faux, il est dĂšs lors impossible que tout soit faux, puisquĂąâŹâąil y a nĂ©cessitĂ© absolue que lĂąâŹâąune des deux parties de la contradiction soit vraie. DĂąâŹâąautre part, si pour toute chose quelconque il faut nĂ©cessairement ou lĂąâŹâąaffirmer ou la nier, il est impossible que les deux parties soient fausses, puisque, dans la contradiction, il nĂąâŹâąy en a jamais quĂąâŹâąune seule qui le soit. Le malheur commun de toutes ces belles thĂ©ories, cĂąâŹâąest, comme on lĂąâŹâąa rĂ©pĂ©tĂ© cent fois, de se rĂ©futer elles-mĂÂȘmes. Et en effet, quand on avance que tout est vrai, on rend vraie par cela mĂÂȘme lĂąâŹâąassertion opposĂ©e Ă celle quĂąâŹâąon dĂ©fend ; et, par consĂ©quent, on rend fausse la sienne propre, puisque lĂąâŹâąassertion contraire nie que vous soyez dans le vrai. Ăâ°galement, quand on dit que tout est faux, on se condamne du mĂÂȘme coup soi-mĂÂȘme. Que si lĂąâŹâąon veut faire des exceptions, et dire que lĂąâŹâąopinion contraire Ă celle quĂąâŹâąon soutient est la seule Ă nĂąâŹâąĂÂȘtre pas vraie, et que celle quĂąâŹâąon embrasse soi-mĂÂȘme est la seule Ă nĂąâŹâąĂÂȘtre pas fausse, on nĂąâŹâąen suppose pas moins alors un nombre infini dĂąâŹâąassertions vraies et fausses ; car, lorsquĂąâŹâąon dit de telle assertion vraie quĂąâŹâąelle est vraie, on sous-entend toujours que celui qui dit quĂąâŹâąelle est vraie est dans le vrai ; et ces rĂ©pĂ©titions pourraient aller Ă lĂąâŹâąinfini. Il est dĂąâŹâąailleurs Ă©vident que ceux qui prĂ©tendent que tout est en repos, ne sont pas plus dans le vrai que ceux qui prĂ©tendent que tout est en mouvement. Si tout est en repos, alors les mĂÂȘmes choses seront Ă©ternellement vraies et Ă©ternellement fausses. Mais le changement en ce monde est de toute Ă©vidence ; et votre interlocuteur lui-mĂÂȘme doit se dire quĂąâŹâąil fut un temps oĂÂč il nĂąâŹâąexistait pas, et quĂąâŹâąil y aura bientĂÂŽt un temps oĂÂč il nĂąâŹâąexistera plus. Mais, si tout est en mouvement, rien ne sera vrai ; tout sera faux. Or nous avons dĂ©montrĂ© que cĂąâŹâąĂ©tait lĂ une impossibilitĂ© absolue. Enfin, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂÂȘtre qui doit nĂ©cessairement changer, puisque le changement nĂąâŹâąest que le passage dĂąâŹâąun Ă©tat Ă un autre Ă©tat. Mais certainement les choses ne sont pas toutes en repos ou en mouvement ; elles nĂąâŹâąy sont quĂąâŹâąĂ certains moments donnĂ©s ; aucune nĂąâŹâąy est Ă©ternellement. Ce qui est vrai, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil existe un principe qui meut Ă©ternellement tout ce qui est mĂ» ; et que le moteur premier est lui-mĂÂȘme immobile. Livre 5 Chapitre 1 Principe. Ce mot sĂąâŹâąentend dĂąâŹâąabord du point dĂąâŹâąoĂÂč quelquĂąâŹâąun peut commencer le mouvement de la chose quĂąâŹâąil fait. Par exemple, pour une longueur quĂąâŹâąon parcourt ou pour un voyage quĂąâŹâąon entreprend, le principe cĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment le point dĂąâŹâąoĂÂč lĂąâŹâąon part ; et il y a, par contre, lĂąâŹâąautre point analogue en sens opposĂ©. [1013a] Principe sĂąâŹâąentend encore du moyen qui fait que la chose est du mieux quĂąâŹâąelle peut ĂÂȘtre. Ainsi, quand on apprend une chose, le principe par oĂÂč lĂąâŹâąon doit commencer nĂąâŹâąest pas toujours le primitif et le principe vĂ©ritable de cette chose ; cĂąâŹâąest bien plutĂÂŽt la notion par laquelle il faut dĂ©buter, pour apprendre la chose avec la facilitĂ© la plus grande. Principe signifie aussi lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment intrinsĂšque et premier de la chose. Par exemple, le principe dĂąâŹâąun navire, cĂąâŹâąest la quille ; le principe dĂąâŹâąune maison, cĂąâŹâąest le fondement sur lequel elle repose ; le principe des animaux, cĂąâŹâąest le cĂ âur selon les uns, cĂąâŹâąest le cerveau selon les autres, ou tel autre organe chargĂ© arbitrairement de ce rĂÂŽle selon dĂąâŹâąautres hypothĂšses. Principe veut dire encore la cause initiale qui fait naĂtre une chose, sans en ĂÂȘtre un Ă©lĂ©ment intrinsĂšque, et ce dont sort primitivement et naturellement le mouvement de la chose, ou son changement. CĂąâŹâąest ainsi que lĂąâŹâąenfant vient du pĂšre et de la mĂšre, et quĂąâŹâąune rixe a pour principe une insulte. Le Principe est encore lĂąâŹâąĂÂȘtre dont la volontĂ© fait mouvoir ce qui est mĂ» et fait changer ce qui change ; tels sont, par exemple, dans les Ăâ°tats, les principes qui les rĂ©gissent, gouvernements, dynasties, royautĂ©s, tyrannies. Les arts, chacun en leur genre, sont appelĂ©s des Principes ; et ceux-lĂ surtout sont considĂ©rĂ©s comme principes qui commandent Ă dĂąâŹâąautres arts subordonnĂ©s. Enfin, on entend par Principe ce qui donne la connaissance initiale de la chose ; et cĂąâŹâąest lĂ prĂ©cisĂ©ment ce qui sĂąâŹâąappelle le principe de cette chose. CĂąâŹâąest en ce sens que les prĂ©misses sont les principes des conclusions quĂąâŹâąon en tire par dĂ©monstration. Le mot Cause a autant dĂąâŹâąacceptions que le mot Principe, attendu que toutes les causes sont des principes aussi. Un caractĂšre commun de tous les principes, cĂąâŹâąest dĂąâŹâąĂÂȘtre le primitif qui fait quĂąâŹâąune chose est, ou quĂąâŹâąelle se produit, ou quĂąâŹâąelle est connue. Entre les principes, les uns sont intrinsĂšques et dans la chose mĂÂȘme ; les autres sont en dehors dĂąâŹâąelle ; et cĂąâŹâąest en ce sens quĂąâŹâąon dit que la nature est un principe, comme on le dit de lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment dĂąâŹâąune chose, de la pensĂ©e, de la volontĂ©, de la substance des choses, et du but final, pour lequel elles sont faites ; car, dans une foule de cas, le bien et le beau sont les principes qui nous font savoir et qui nous font agir. Chapitre 2 Cause. En un premier sens, Cause signifie lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment intrinsĂšque dont une chose est faite ; cĂąâŹâąest en ce sens quĂąâŹâąon peut dire de lĂąâŹâąairain quĂąâŹâąil est cause de la statue dont il est la matiĂšre ; de lĂąâŹâąargent, quĂąâŹâąil est cause de la coupe qui en est faite ; et de mĂÂȘme pour tous les cas de ce genre. En un autre sens, la cause est la forme et le modĂšle des choses, cĂąâŹâąest-Ă -dire leur raison dĂąâŹâąĂÂȘtre, qui fait quĂąâŹâąelles sont ce quĂąâŹâąelles sont, avec toutes les variĂ©tĂ©s de genres que les choses prĂ©sentent. Par exemple, la raison dĂąâŹâąĂÂȘtre de lĂąâŹâąoctave cĂąâŹâąest le rapport de deux Ă un ; et dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, cĂąâŹâąest le nombre, avec les parties diffĂ©rentes qui composent le rapport. La cause est encore le principe initial dĂąâŹâąoĂÂč vient le changement des choses, ou leur repos. CĂąâŹâąest en ce sens que celui qui a conçu une rĂ©solution est la cause des suites quĂąâŹâąelle a eues ; que le pĂšre est la cause de lĂąâŹâąenfant ; en un mot, que ce qui agit est la cause de lĂąâŹâąacte, et que ce qui change une chose est cause du changement quĂąâŹâąelle subit. Une autre acception du mot Cause, cĂąâŹâąest le but des choses et leur pourquoi. Ainsi, la santĂ© est le but de la promenade. Pourquoi un tel se promĂšne-t-il ? CĂąâŹâąest, rĂ©pondons-nous, afin de se bien porter. Et, dans cette rĂ©ponse, nous croyons avoir indiquĂ© la cause. En ce sens, on nomme Ă©galement causes tous les intermĂ©diaires qui, aprĂšs lĂąâŹâąimpulsion dĂąâŹâąun autre moteur, mĂšnent au but poursuivi. [1013b] Par exemple, on appelle cause de la santĂ© le jeĂ»ne, les purgations, les remĂšdes quĂąâŹâąordonne le mĂ©decin, et les instruments dont il se sert ; car tout cela nĂąâŹâąest fait quĂąâŹâąen vue du but quĂąâŹâąon poursuit ; et lĂąâŹâąon ne peut faire dĂąâŹâąautres distinctions entre toutes ces choses, sinon que les unes sont des instruments, et que les autres sont des actes du mĂ©decin. Telles sont donc Ă peu prĂšs toutes les acceptions du mot Cause. Mais ce mot Cause ayant tous ces sens divers, il en rĂ©sulte que, pour une seule et mĂÂȘme chose, il peut y avoir plusieurs causes, qui ne soient pas des causes purement accidentelles. Ainsi, la statue a tout Ă la fois pour cause et lĂąâŹâąart du sculpteur et lĂąâŹâąairain dont elle est faite, sans que ces causes aient dĂąâŹâąautre rapport avec elle si ce nĂąâŹâąest quĂąâŹâąelle est statue. Il est vrai que le mode de causalitĂ© nĂąâŹâąest pas identique ; car ici cĂąâŹâąest la cause matĂ©rielle ; et lĂ , cĂąâŹâąest la cause dĂąâŹâąoĂÂč vient le mouvement, qui a produit la statue. Parfois, les causes sont rĂ©ciproquement causes les unes des autres. Ainsi lĂąâŹâąexercice est cause de la bonne disposition du corps ; et la bonne disposition du corps est cause de lĂąâŹâąexercice, quĂąâŹâąelle permet. Seulement, ici encore, le mode de la cause nĂąâŹâąest pas identique ; dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ©, elle agit comme but ; et de lĂąâŹâąautre, elle agit comme principe du mouvement. Parfois aussi, une seule et mĂÂȘme chose est cause des contraires. Ainsi, telle chose qui, par sa prĂ©sence, est cause de tel effet nous paraĂt, par son absence, mĂ©riter que nous lĂąâŹâąaccusions dĂąâŹâąĂÂȘtre la cause dĂąâŹâąun effet tout contraire. Par exemple, lĂąâŹâąabsence du pilote est la cause de naufrage, tandis que sa prĂ©sence eĂ»t Ă©tĂ© une cause de salut. Du reste, prĂ©sence et absence du pilote sont toutes les deux des causes de mouvement. Toutes les causes Ă©numĂ©rĂ©es jusquĂąâŹâąici tombent sous ces quatre classes, qui sont les plus Ă©videntes. Ainsi, les lettres dans les syllabes dont se composent les mots, la matiĂšre pour les objets que façonne la main de lĂąâŹâąhomme, le feu, la terre, et tous les corps analogues, les parties qui forment un tout, les prĂ©misses dĂąâŹâąoĂÂč sort la conclusion, ce sont lĂ autant de causes dĂąâŹâąoĂÂč les choses peuvent provenir. Et parmi ces causes, les unes sont causes comme sujet matĂ©riel, ainsi que sont les parties dĂąâŹâąun tout ; les autres le sont comme notion essentielle de la chose. CĂąâŹâąest ainsi que sont le tout, la combinaison des parties, et leur forme. Les causes telles que la semence dĂąâŹâąune plante, le mĂ©decin qui guĂ©rit, le conseiller qui a suggĂ©rĂ© un projet, en un mot, tout agent quelconque, sont autant de causes dĂąâŹâąoĂÂč part lĂąâŹâąinitiative du mouvement ou du repos. DĂąâŹâąautres causes sont des causes en tant que but des choses, et en tant que bien de tout le reste. Le pourquoi dans toutes les choses est pour elles le bien par excellence, et vise Ă ĂÂȘtre pour tout le reste la vĂ©ritable fin, que dĂąâŹâąailleurs ce bien soit un bien rĂ©el, ou quĂąâŹâąil ne soit quĂąâŹâąapparent ; diffĂ©rence qui est ici sans intĂ©rĂÂȘt. Telles sont les diverses espĂšces de causes, et tel est leur nombre. Leurs nuances doivent sembler trĂšs multipliĂ©es ; mais, en les rĂ©sumant, on peut encore les rĂ©duire. Ainsi, mĂÂȘme pour des causes dĂąâŹâąespĂšce analogue, le mot Cause a des acceptions diverses selon que telle cause est antĂ©rieure, ou postĂ©rieure, Ă telle autre cause. Par exemple, la cause de la guĂ©rison, cĂąâŹâąest bien le mĂ©decin ; mais cĂąâŹâąest aussi lĂąâŹâąouvrier qui a fait lĂąâŹâąinstrument dont le mĂ©decin sĂąâŹâąest servi ; la cause de lĂąâŹâąoctave, cĂąâŹâąest bien le rapport du double ; mais cĂąâŹâąest aussi le nombre ; et toujours les causes qui en enveloppent dĂąâŹâąautres sont postĂ©rieures aux causes particuliĂšres. Parfois encore, la cause nĂąâŹâąest quĂąâŹâąindirecte, avec toutes les espĂšces que lĂąâŹâąaccident peut avoir. Par exemple, la cause de la statue, cĂąâŹâąest bien, en un sens, PolyclĂšte ; mais cĂąâŹâąest aussi, dĂąâŹâąune maniĂšre diffĂ©rente, le statuaire, parce quĂąâŹâąindirectement PolyclĂšte se trouve ĂÂȘtre statuaire. [1014a] On peut encore aller plus loin, et considĂ©rer comme cause tout ce qui enveloppe et contient lĂąâŹâąaccident. Ainsi, lĂąâŹâąhomme se rait la cause de la statue ; et plus gĂ©nĂ©ralement encore ce serait lĂąâŹâąĂÂȘtre animĂ©, puisque PolyclĂšte est un homme et que lĂąâŹâąhomme est un ĂÂȘtre animĂ©. Parmi les causes accidentelles ainsi considĂ©rĂ©es, les unes sont plus Ă©loignĂ©es, et les autres plus proches ; et lĂąâŹâąon pourrait aller jusquĂąâŹâąĂ prĂ©tendre que cĂąâŹâąest le Blanc et le Musicien qui est cause de la statue, et que ce nĂąâŹâąest pas seulement PolyclĂšte ou lĂąâŹâąhomme. Toutes les causes qui sont des causes proprement dites, ou qui ne sont que des causes accidentelles et indirectes, se distinguent encore selon quĂąâŹâąelles peuvent agir, ou quĂąâŹâąelles agissent effectivement. Ainsi, la cause de la construction, cĂąâŹâąest le maçon qui est en Ă©tat de construire ; mais cĂąâŹâąest aussi le maçon qui est effectivement occupĂ© Ă construire. Des nuances pareilles Ă celles que nous venons dĂąâŹâąindiquer, pourront Ă©galement sĂąâŹâąappliquer aux objets dont les causes sont directement causes Ă cette statue, par exemple, en tant que statue, ou dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale en tant que portrait ; Ă cet airain en tant quĂąâŹâąairain, ou dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale en tant que lĂąâŹâąairain est la matiĂšre de quelque chose. Et enfin, elles pourront sĂąâŹâąappliquer dĂąâŹâąune maniĂšre identique aux causes accidentelles elles-mĂÂȘmes. Parfois aussi, on rĂ©unit, les unes aux autres, les causes directes et les causes indirectes ; et par exemple, on peut ne pas isoler PolyclĂšte et lĂąâŹâąon peut dire que la cause de la statue, cĂąâŹâąest PolyclĂšte le statuaire. Quoi quĂąâŹâąil en puisse ĂÂȘtre, toutes ces nuances sont au nombre de six, qui peuvent chacune ĂÂȘtre prises en un double sens. Ce sont la chose individuelle ou son genre ; ce sont lĂąâŹâąaccident ou le genre de lĂąâŹâąaccident ; ce sont la combinaison des termes ou leur isolement. Enfin ces six espĂšces peuvent ĂÂȘtre considĂ©rĂ©es comme agissant rĂ©ellement, ou simplement comme pouvant agir. Quant Ă ces deux derniĂšres nuances, il y a cette diffĂ©rence entre elles que les causes actuelles, et les causes particuliĂšres, sont, ou cessent dĂąâŹâąĂÂȘtre, en mĂÂȘme temps que les choses dont elles sont les causes. ĂąâŹâ Ainsi, par exemple, le mĂ©decin qui soigne actuellement un malade est, et cesse dĂąâŹâąĂÂȘtre, en mĂÂȘme temps que ce malade quĂąâŹâąil soigne ; le maçon qui construit une maison, est, et cesse dĂąâŹâąĂÂȘtre, en mĂÂȘme temps que cette construction quĂąâŹâąil fait. Mais les causes qui ne sont quĂąâŹâąen simple puissance ne soutiennent pas toujours ce rapport, puisque la maison et le maçon qui peut la construire ne disparaissent pas en mĂÂȘme temps. Chapitre 3 Ăâ°lĂ©ment. On nomme Ăâ°lĂ©ment dĂąâŹâąune chose ce qui, composant primitivement et intrinsĂšquement cette chose, ne peut plus ĂÂȘtre divisĂ© spĂ©cifiquement en une espĂšce autre que la sienne. Par exemple, les Ă©lĂ©ments dĂąâŹâąun mot, ce sont les parties dont ce mot est formĂ©, et dans lesquelles il est divisĂ© dĂ©finitivement, de telle façon que ces parties derniĂšres ne puissent plus se diviser en sons dĂąâŹâąune espĂšce diffĂ©rente de la leur. En supposant mĂÂȘme que la division soit possible dans certains cas, les parties sont alors dĂąâŹâąespĂšce identique ; et par exemple, une particule dĂąâŹâąeau est de lĂąâŹâąeau, tandis que la partie dĂąâŹâąune syllabe nĂąâŹâąest plus une syllabe. CĂąâŹâąest de la mĂÂȘme maniĂšre que les philosophes qui se sont livrĂ©s Ă ces Ă©tudes, dĂ©finissent les Ă©lĂ©ments des corps, en disant que ce sont les particules derniĂšres dans lesquelles les corps se dĂ©composent, sans que ces particules elles-mĂÂȘmes puissent se diviser en dĂąâŹâąautres corps dĂąâŹâąespĂšce diffĂ©rente. CĂąâŹâąest lĂ ce quĂąâŹâąils entendent par Ăâ°lĂ©ments, que dĂąâŹâąailleurs ils reconnaissent, ou un seul Ă©lĂ©ment, ou des Ă©lĂ©ments multiples. CĂąâŹâąest dans le mĂÂȘme sens Ă peu prĂšs quĂąâŹâąon parle aussi des Ăâ°lĂ©ments des figures gĂ©omĂ©triques, et, dĂąâŹâąune maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, des Ă©lĂ©ments des dĂ©monstrations ; car les dĂ©monstrations premiĂšres, qui se retrouvent ensuite dans plusieurs dĂ©monstrations subsĂ©quentes, [1014b] sont ce quĂąâŹâąon appelle les Ă©lĂ©ments des dĂ©monstrations. Tels sont, par exemple, les syllogismes premiers tirĂ©s des trois propositions, Ă lĂąâŹâąaide dĂąâŹâąun seul terme moyen. En partant de ces considĂ©rations, et par une dĂ©viation de sens, on appelle encore Ăâ°lĂ©ment tout ce qui, Ă©tant individuel et petit, se trouve employĂ© pour une foule de choses. Ainsi, tout ce qui est petit, simple, indivisible, est qualifiĂ© dĂąâŹâąĂâ°lĂ©ment. VoilĂ encore ce qui fait que les termes gĂ©nĂ©raux les plus universels passent pour des Ă©lĂ©ments, attendu que chacun de ces termes, Ă©tant par lui-mĂÂȘme un et simple, se retrouve dans beaucoup dĂąâŹâąautres termes, et si ce nĂąâŹâąest dans tous, au moins dans le plus grand nombre. CĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon a pris quelquefois pour Ă©lĂ©ments lĂąâŹâąunitĂ© et le point. Les genres, comme on les appelle, Ă©tant donc universels et indivisibles, car ils nĂąâŹâąont pas de dĂ©finition possible, ont Ă©tĂ© quelquefois considĂ©rĂ©s comme des Ăâ°lĂ©ments, plutĂÂŽt que la diffĂ©rence. CĂąâŹâąest que le genre est plus universel que ne lĂąâŹâąest la diffĂ©rence, attendu que ce qui a la diffĂ©rence a aussi le genre Ă la suite, et que ce qui a le genre nĂąâŹâąa pas toujours la diffĂ©rence. Un caractĂšre commun de toutes ces acceptions du mot Ăâ°lĂ©ment, cĂąâŹâąest que, pour chaque chose, lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment est la partie premiĂšre et intrinsĂšque de cette chose. Chapitre 4 Nature. En un premier sens, on entend par Nature la production de tout ce qui naĂt et se dĂ©veloppe naturellement ; mais dans ce cas lĂąâŹâąU du mot grec qui signifie Nature est long. En un autre sens, la Nature est le principe intrinsĂšque par lequel se dĂ©veloppe tout ce qui se dĂ©veloppe. Nature signifie encore le mouvement initial qui se retrouve dans tous les ĂÂȘtres naturels, et qui rĂ©side dans chacun dĂąâŹâąeux, en tant que chacun est essentiellement ce quĂąâŹâąil est ; car on dit des ĂÂȘtres quĂąâŹâąils se dĂ©veloppent naturellement, quand ils reçoivent leur croissance de quelque autre ĂÂȘtre, soit quĂąâŹâąils tiennent par contact Ă cet ĂÂȘtre, soit quĂąâŹâąils empruntent leur dĂ©veloppement Ă leur connexion intime avec lui, soit quĂąâŹâąils y adhĂšrent Ă la maniĂšre des embryons. Il y a dĂąâŹâąailleurs cette diffĂ©rence entre la connexion et le contact, que, dans le contact, il nĂąâŹâąy a, entre les deux ĂÂȘtres, rien absolument que le contact seul, tandis que, entre les ĂÂȘtres connexes, il existe une certaine unitĂ© qui est identique pour les deux, et qui fait que, au lieu de se toucher simplement, ils se pĂ©nĂštrent, et ne sont quĂąâŹâąun seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre comme Ă©tendue et quantitĂ©, bien que leur qualitĂ© puisse ĂÂȘtre diffĂ©rente. La Nature est encore cette matiĂšre primordiale qui fait que tous les ĂÂȘtres de la nature sont ou deviennent ce quĂąâŹâąils sont, matiĂšre inorganisĂ©e, et qui, par sa seule force, est incapable de se modifier, elle-mĂÂȘme. CĂąâŹâąest en ce sens que lĂąâŹâąairain est appelĂ© la Nature de la statue et de tous les ustensiles faits de ce mĂ©tal ; que le bois est appelĂ© la Nature de tout ce qui est fait en bois. Et de mĂÂȘme pour tout le reste des choses ; car on dit de chacune des choses quĂąâŹâąelle est faite de ses Ă©lĂ©ments, tant que subsiste cette matiĂšre initiale. CĂąâŹâąest encore en ce mĂÂȘme sens que lĂąâŹâąon dit que les Ă©lĂ©ments sont la Nature de tous les ĂÂȘtres physiques. Selon quelques philosophes, cette Nature, cĂąâŹâąest le feu ; pour dĂąâŹâąautres, cĂąâŹâąest la terre ; pour ceux-ci, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąair ; pour ceux-lĂ , cĂąâŹâąest lĂąâŹâąeau ; pour dĂąâŹâąautres encore, cĂąâŹâąest tel autre Ă©lĂ©ment ; les uns ne combinant que quelques-unes de ces substances, tandis que les autres les combinent toutes ensemble. A un autre point de vue, la Nature est la substance des ĂÂȘtres physiques, au sens oĂÂč lĂąâŹâąon dit que la Nature est lĂąâŹâąorganisation primordiale des ĂÂȘtres, [1015a] quoiquĂąâŹâąEmpĂ©docle soutienne quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas Ă proprement parler de Nature pour un ĂÂȘtre quelconque Mais ce nĂąâŹâąest que mĂ©lange ou sĂ©paration DĂąâŹâąĂâ°lĂ©ments mĂ©langĂ©s ; la vague notion De ce quĂąâŹâąon croit Nature est un rĂÂȘve de lĂąâŹâąhomme. Aussi, mĂÂȘme pour les ĂÂȘtres qui existent naturellement, ou qui se dĂ©veloppent, en ayant prĂ©alablement la matiĂšre dĂąâŹâąoĂÂč doit venir pour eux le dĂ©veloppement ou lĂąâŹâąexistence, nous ne disons pas quĂąâŹâąils aient leur nature propre, tant quĂąâŹâąils nĂąâŹâąont pas revĂÂȘtu leur espĂšce et leur forme. Tout ĂÂȘtre est naturel, en effet, quand il est composĂ© de lĂąâŹâąune et de lĂąâŹâąautre, la forme et lĂąâŹâąespĂšce ; et tels sont par exemple les animaux, et les parties diverses qui les composent. Nature peut signifier aussi la matiĂšre premiĂšre des choses. Ces mots mĂÂȘmes de MatiĂšre premiĂšre peuvent recevoir un double sens. DĂąâŹâąabord, PremiĂšre peut sĂąâŹâąentendre, ou relativement Ă lĂąâŹâąobjet mĂÂȘme, ou dĂąâŹâąune maniĂšre absolue et gĂ©nĂ©rale. Par exemple, pour des objets en airain, lĂąâŹâąairain est Premier en ce qui regarde directement ces objets ; mais, dĂąâŹâąune maniĂšre absolue et gĂ©nĂ©rale, il est possible que ce soit le liquide qui, en ceci, soit le terme premier, si lĂąâŹâąon admet que tous les corps fusibles soient du liquide. En second lieu, la matiĂšre premiĂšre est encore la forme et lĂąâŹâąessence des choses, puisque cĂąâŹâąest lĂ aussi lĂąâŹâąobjet final de tout ce qui se produit et se dĂ©veloppe. Par extension mĂ©taphorique et dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, toute substance est appelĂ©e Nature, par analogie avec cette acception du mot Nature que nous dĂ©finissons ici, et qui, elle Ă©galement, est une sorte de substance. DĂąâŹâąaprĂšs tout ce qui prĂ©cĂšde, la Nature, comprise en son sens premier, et en son sens propre, est la substance essentielle des ĂÂȘtres qui ont en eux-mĂÂȘmes le principe du mouvement, en tant quĂąâŹâąils sont ce quĂąâŹâąils sont ; car, si la matiĂšre est appelĂ©e Nature, cĂąâŹâąest uniquement parce quĂąâŹâąelle est susceptible de recevoir ce principe de mouvement, de mĂÂȘme que toute production et tout dĂ©veloppement naturel sont appelĂ©s Nature, parce que ce sont des mouvements qui dĂ©rivent de ce principe intĂ©rieur. Mais le principe du mouvement, pour tous les ĂÂȘtres de la nature, est prĂ©cisĂ©ment celui qui leur est intrinsĂšque en quelque façon, soit quĂąâŹâąil reste Ă lĂąâŹâąĂ©tat de simple puissance, soit quĂąâŹâąil se montre en une complĂšte rĂ©alitĂ©. Chapitre 5 NĂ©cessaire. NĂ©cessaire signifie dĂąâŹâąabord ce dont la coopĂ©ration est absolument indispensable pour quĂąâŹâąun ĂÂȘtre puisse vivre. Par exemple, la respiration et la nutrition sont nĂ©cessaires Ă lĂąâŹâąanimal, puisque, sans ces fonctions diverses, il ne saurait exister. NĂ©cessaire signifie encore ce sans quoi le bien quĂąâŹâąon poursuit ne saurait avoir lieu et se produire, ou ce sans quoi le mal ne pourrait ĂÂȘtre Ă©vitĂ© ou rejetĂ©. Ainsi, il est nĂ©cessaire de boire une mĂ©decine pour prĂ©venir la maladie, et de faire le voyage dĂąâŹâąĂâ°gine pour recouvrer lĂąâŹâąargent quĂąâŹâąon y doit toucher. NĂ©cessaire signifie de plus ce qui est forcĂ©, la force qui nous contraint, cĂąâŹâąest-Ă -dire ce qui nous empĂÂȘche et ce qui nous retient malgrĂ© notre dĂ©sir et notre volontĂ© Ce qui est forcĂ© sĂąâŹâąappelle NĂ©cessaire, et de lĂ vient quĂąâŹâąaussi la nĂ©cessitĂ© est trĂšs pĂ©nible ; car, ainsi que le dit Ăâ°venus Tout acte nĂ©cessaire est un acte pĂ©nible. Et la force est bien encore une sorte de nĂ©cessitĂ©, comme le dit Sophocle La Force me contraint Ă , faire tout cela. Aussi, la nĂ©cessitĂ© a-t-elle le caractĂšre de quelque chose dĂąâŹâąinflexible ; et cĂąâŹâąest avec raison quĂąâŹâąon sĂąâŹâąen fait cette idĂ©e, puisquĂąâŹâąelle est contraire a notre mouvement, soit spontanĂ©, soit rĂ©flĂ©chi. Quand une chose ne peut pas ĂÂȘtre autrement quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest, nous dĂ©clarons quĂąâŹâąil est nĂ©cessaire quĂąâŹâąelle soit ce quĂąâŹâąelle est ; et, Ă dire vrai, cĂąâŹâąest dĂąâŹâąaprĂšs le NĂ©cessaire pris en ce sens quĂąâŹâąon qualifie tout le reste de nĂ©cessaire. Ainsi, lĂąâŹâąidĂ©e de la force et de la contrainte, soit quĂąâŹâąon les emploie, soit quĂąâŹâąon les subisse, sĂąâŹâąapplique, en effet, [1015b] dans tous les cas oĂÂč lĂąâŹâąon ne peut pas agir selon sa volontĂ©, parce quĂąâŹâąon est sous le coup de la contrainte, la contrainte Ă©tant alors regardĂ©e comme une nĂ©cessitĂ© qui fait quĂąâŹâąil nĂąâŹâąen peut pas ĂÂȘtre autrement. Cette nuance du NĂ©cessaire sĂąâŹâąapplique Ă©galement Ă tout ce qui coopĂšre Ă faire vivre et Ă assurer le bien de la chose ; car, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas possible, ici, que le bien soit accompli, et lĂ , que la vie et lĂąâŹâąexistence continuent sans certaines conditions, ces conditions sont dites nĂ©cessaires ; et la cause entendue en ce sens est bien aussi une sorte de nĂ©cessitĂ©. A un autre point de vue, la dĂ©monstration doit ĂÂȘtre rangĂ©e parmi les choses nĂ©cessaires, parce quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas possible, quand une chose a Ă©tĂ© absolument dĂ©montrĂ©e, quĂąâŹâąelle soit autrement quĂąâŹâąon ne lĂąâŹâąa dĂ©montrĂ©e ; et la raison en est que les propositions initiales dĂąâŹâąoĂÂč sort le syllogisme ne peuvent pas ĂÂȘtre elles-mĂÂȘmes autrement quĂąâŹâąelles ne sont. Il y a des choses qui ne sont nĂ©cessaires que grĂÂące Ă dĂąâŹâąautres, tandis quĂąâŹâąau contraire certaines choses nĂąâŹâąont besoin dĂąâŹâąaucun intermĂ©diaire, et que cĂąâŹâąest elles qui donnent au reste le caractĂšre de nĂ©cessitĂ©. Par consĂ©quent, le NĂ©cessaire premier et proprement dit, cĂąâŹâąest le NĂ©cessaire pris en un sens absolu ; car lĂąâŹâąabsolu ne peut avoir plusieurs maniĂšres dĂąâŹâąĂÂȘtre. Par suite, il ne peut pas non plus ĂÂȘtre de diverses façons, les unes opposĂ©es aux autres, puisque dĂšs lors il faudrait quĂąâŹâąil y eĂ»t des maniĂšres dĂąâŹâąĂÂȘtre multiples. Si donc il est des choses Ă©ternelles et immobiles, il nĂąâŹâąy a jamais pour elles de force qui puisse les contraindre ni violenter leur nature. Chapitre 6 Un. Un se dit dĂąâŹâąabord dans un sens accidentel, puis dans un sens essentiel et en soi. Par exemple, cĂąâŹâąest une unitĂ© accidentelle que celle qui se forme des deux mots sĂ©parĂ©s, Coriscus et Instruction, quand on dit en les rĂ©unissant Coriscus instruit. Car cĂąâŹâąest une seule et mĂÂȘme chose de dire Coriscus et Instruction, et de dire Coriscus instruit ; ou de rĂ©unir encore Instruction et Justice, et de dire Coriscus instruit et juste. Toutes ces locutions nĂąâŹâąexpriment quĂąâŹâąune unitĂ© purement accidentelle. DĂąâŹâąune part, lĂąâŹâąinstruction et la justice forment une unitĂ©, parce quĂąâŹâąelles appartiennent accidentellement Ă une seule individualitĂ© substantielle ; et, dĂąâŹâąautre part, lĂąâŹâąinstruction et Coriscus forment aussi quelque chose dĂąâŹâąUn, parce que ce sont accidentellement les attributs lĂąâŹâąun de lĂąâŹâąautre. De mĂÂȘme encore, on peut aller jusquĂąâŹâąĂ dire que Coriscus instruit ne fait quĂąâŹâąun avec Coriscus, parce que lĂąâŹâąune des deux parties de lĂąâŹâąexpression se rapporte Ă lĂąâŹâąautre comme attribut, cĂąâŹâąest-Ă -dire que le terme dĂąâŹâąinstruit est lĂąâŹâąattribut de Coriscus ; de mĂÂȘme que Coriscus instruit ne fait quĂąâŹâąun avec Coriscus juste, parce quĂąâŹâąune partie des deux expressions est lĂąâŹâąattribut accidentel dĂąâŹâąun seul et mĂÂȘme sujet, qui est Un. Et en effet, il nĂąâŹâąy a pas de diffĂ©rence Ă dire que lĂąâŹâąinstruction est lĂąâŹâąattribut de Coriscus, ou que le second terme est, Ă lĂąâŹâąinverse, lĂąâŹâąattribut du premier. Il en est de mĂÂȘme aussi quand lĂąâŹâąaccident est lĂąâŹâąattribut du genre, ou dĂąâŹâąun des termes gĂ©nĂ©raux. Par exemple, lĂąâŹâąhomme est la mĂÂȘme chose et le mĂÂȘme ĂÂȘtre que lĂąâŹâąhomme instruit ; soit parce que lĂąâŹâąhomme qui est une substance Une, a pour attribut lĂąâŹâąinstruction, soit parce que ces deux termes, homme et instruction, sont attribuĂ©s Ă un seul individu, qui est, si lĂąâŹâąon veut, Coriscus. Toutefois, on peut remarquer que les deux termes ne sont pas alors attribuĂ©s de la mĂÂȘme maniĂšre lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre ; car lĂąâŹâąun est attribuĂ©, si lĂąâŹâąon veut, en tant que genre et comme inhĂ©rent Ă la substance, tandis que lĂąâŹâąautre nĂąâŹâąest quĂąâŹâąun Ă©tat, ou une simple qualitĂ©, de la substance individuelle. VoilĂ donc en quel sens il faut entendre le mot Un, toutes les fois quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąunitĂ© accidentelle. Quant Ă tout ce qui est Un essentiellement et en soi, on dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est Une, uniquement Ă cause de sa continuitĂ© matĂ©rielle. Ainsi, grĂÂące au lien qui attache le fagot, on dit que le fagot est Un ; la colle forte qui rassemble les morceaux de bois fait quĂąâŹâąils sont Uns. [1016a] CĂąâŹâąest encore ainsi que la ligne, mĂÂȘme quand elle est courbe, est dite Une, parce quĂąâŹâąelle est continue, comme dans le corps humain un membre est Un Ă la mĂÂȘme condition, la jambe, par exemple, ou le bras. Mais, sous ce rapport, il y a plus dĂąâŹâąunitĂ© dans les objets continus de la nature que dans les objets qui sont le produit de lĂąâŹâąart. DĂąâŹâąailleurs, on entend par continu tout ce qui, essentiellement et en soi, nĂąâŹâąa quĂąâŹâąun seul et unique mouvement, sans pouvoir en avoir dĂąâŹâąautre. Le mouvement Un est celui qui est indivisible ; et je veux dire, indivisible selon le temps. Les choses qui sont essentiellement continues sont celles dont lĂąâŹâąunitĂ© ne tient pas simplement au contact. Vous auriez beau placer des bouts de bois de maniĂšre Ă ce quĂąâŹâąils se touchassent entre eux, vous ne pourriez pas dire pour cela quĂąâŹâąils forment une unitĂ©, ni comme bois ni comme corps, ni quĂąâŹâąils aient non plus telle autre espĂšce de continuitĂ©. Les choses absolument continues sont Unes, mĂÂȘme quand elles ont une courbure, mais, Ă plus forte raison, quand elles nĂąâŹâąen ont pas. Ainsi, la jambe, ou la cuisse, est plus Une que le membre tout entier, parce que le mouvement de la jambe entiĂšre, cuisse et jambe, peut nĂąâŹâąĂÂȘtre pas Un. Par la mĂÂȘme raison, une ligne droite est plus Une que ne lĂąâŹâąest une ligne courbe. Une ligne qui est courbe, et qui a des angles, peut ĂÂȘtre considĂ©rĂ©e tout Ă la fois comme Ă©tant Une, ou nĂąâŹâąĂ©tant pas Une, parce que le mouvement peut tout aussi bien, ou en ĂÂȘtre simultanĂ©, ou ne pas lĂąâŹâąĂÂȘtre. Mais, pour la ligne droite, le mouvement est toujours simultanĂ©, attendu que, parmi ses parties, ayant quelque Ă©tendue, aucune ne peut, celle-ci ĂÂȘtre en repos et celle-lĂ se mouvoir, comme cela se peut pour la ligne courbe. En un autre sens, une chose peut ĂÂȘtre considĂ©rĂ©e comme Une, par cela seul que le sujet en question ne prĂ©sente pas de diffĂ©rence spĂ©cifique. Les sujets sont sans diffĂ©rence spĂ©cifique, quand lĂąâŹâąobservation sensible nĂąâŹâąy dĂ©couvre pas de division dĂąâŹâąespĂšce. Par sujet, on entend ici, soit le terme primitif, soit le terme dernier, le plus rapprochĂ© de la fin de lĂąâŹâąespĂšce mĂÂȘme. Par exemple, on dit du vin quĂąâŹâąil est Un, et de lĂąâŹâąeau quĂąâŹâąelle est Une, parce que spĂ©cifiquement ils sont indivisibles lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre. Tous les liquides aussi peuvent ĂÂȘtre considĂ©rĂ©s comme formant une unitĂ©, lĂąâŹâąhuile, le vin et tous les corps liquĂ©fiables, parce que pour tous les liquides le sujet dernier est le mĂÂȘme, je veux dire, lĂąâŹâąeau et lĂąâŹâąair, dont tous sont formĂ©s. On dit encore de certaines choses quĂąâŹâąelles sont Unes, toutes les fois que, le genre de ces choses restant Un, elles nĂąâŹâąoffrent nĂ©anmoins que des diffĂ©rences opposĂ©es. Alors, tous les objets que le genre renferme forment une unitĂ©, parce que le genre soumis Ă ces diffĂ©rences est Un et le mĂÂȘme. Par exemple, le cheval, lĂąâŹâąhomme, le chien forment cette sorte dĂąâŹâąunitĂ©, en tant quĂąâŹâąils sont tous des animaux. Et en effet, tout cela se rapproche et se confond, de mĂÂȘme que leur matiĂšre est Une. Parfois, ce sont les espĂšces comme celles-lĂ qui forment une unitĂ© ; dĂąâŹâąautres fois, cĂąâŹâąest le genre supĂ©rieur qui est considĂ©rĂ© comme identique ; cĂąâŹâąest-Ă -dire que quand les espĂšces sont les derniĂšres du genre, cĂąâŹâąest le genre qui est au-dessus dĂąâŹâąelles. Ainsi, par exemple, le triangle isocĂšle et le triangle Ă©quilatĂ©ral sont une seule et mĂÂȘme figure, en tant que ce sont des triangles ; mais ce ne sont pas les mĂÂȘmes triangles. On attribue encore lĂąâŹâąidĂ©e dĂąâŹâąunitĂ© Ă toutes les choses dont la dĂ©finition essentielle, cĂąâŹâąest-Ă -dire la dĂ©finition expliquant que la chose est ce quĂąâŹâąelle est, ne peut ĂÂȘtre sĂ©parĂ©e dĂąâŹâąune autre dĂ©finition, qui exprime aussi la vĂ©ritable essence de la chose et la fait ce quĂąâŹâąelle est ; car toute dĂ©finition prise en elle-mĂÂȘme est divisible et sĂ©parable. CĂąâŹâąest ainsi que lĂąâŹâąĂÂȘtre qui se dĂ©veloppe et lĂąâŹâąĂÂȘtre qui dĂ©pĂ©rit sont cependant un seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre, parce que la dĂ©finition reste Une, de mĂÂȘme que la dĂ©finition spĂ©cifique reste Une aussi pour toutes les surfaces, puisquĂąâŹâąelles ont toujours longueur et largeur. [1016b] En gĂ©nĂ©ral, on appelle Ă©minemment Unes toutes les choses dont la pensĂ©e, sĂąâŹâąappliquant Ă leur essence, est indivisible, et ne peut jamais en sĂ©parer quoi que ce soit, ni dans le temps, ni dans lĂąâŹâąespace, ni en notion. Cette idĂ©e dĂąâŹâąunitĂ© ainsi comprise sĂąâŹâąadresse surtout aux substances. Ainsi, les termes gĂ©nĂ©raux sont appelĂ©s Uns en tant quĂąâŹâąils nĂąâŹâąont pas de division possible. Par exemple, lĂąâŹâąhomme est Un, parce quĂąâŹâąil est indivisible en tant quĂąâŹâąhomme ; lĂąâŹâąanimal est Un, parce quĂąâŹâąil est indivisible en tant quĂąâŹâąanimal ; la grandeur est Une, parce quĂąâŹâąelle est Ă©galement indivisible en tant que grandeur. Le plus souvent, les choses sont appelĂ©es Unes, parce quĂąâŹâąelles produisent quelque autre chose en commun, ou quĂąâŹâąelles la souffrent, ou quĂąâŹâąelle la possĂšdent, ou parce quĂąâŹâąelles ont une unitĂ© relative et indirecte. Mais au sens primordial du mot, les choses sont Unes quand leur substance est identique et Une. Or, la substance est Une, soit par la continuitĂ©, soit par la forme, soit par la dĂ©finition ; car nous attribuons la pluralitĂ© numĂ©rique aux choses qui ne sont pas continues, ou dont la forme nĂąâŹâąest pas la mĂÂȘme, ou la dĂ©finition nĂąâŹâąest pas identique et Une. Parfois encore, nous disons dĂąâŹâąune chose quelconque quĂąâŹâąelle est Une, par cela seul que cette chose a une certaine quantitĂ©, et quĂąâŹâąelle est continue. Mais parfois cela mĂÂȘme ne suffit pas, et il faut en outre que cette chose compose un tout ; en dĂąâŹâąautres termes, il faut quĂąâŹâąelle ait une forme qui soit Une. Par exemple, nous ne dirions pas Ă©galement dĂąâŹâąune chaussure quĂąâŹâąelle est Une, par cela seul que nous en verrions les diverses parties posĂ©es dans un ordre quelconque, ces parties fussent-elles mĂÂȘme continues ; mais la chaussure nĂąâŹâąest Une Ă nos yeux que si les diverses parties reprĂ©sentent, en effet, une chaussure, et quĂąâŹâąelles aient une forme Une et convenable. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait que, parmi les lignes de divers genres, cĂąâŹâąest celle du cercle qui est la plus Une, parce que cette ligne est entiĂšre et complĂšte. CĂąâŹâąest la notion de lĂąâŹâąunitĂ© qui est le principe du nombre, parce que cĂąâŹâąest la mesure primordiale qui est le principe. Dans chaque genre de choses, cĂąâŹâąest ce qui fait primitivement connaĂtre la chose qui est la mesure premiĂšre de ce genre. Or, le principe qui nous fait tout dĂąâŹâąabord connaĂtre les choses, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąunitĂ© dans chacune dĂąâŹâąelles. Seulement, lĂąâŹâąunitĂ© nĂąâŹâąest pas la mĂÂȘme dans tous les genres sans distinction. En musique, lĂąâŹâąunitĂ© est le quart de ton ; en grammaire, cĂąâŹâąest la voyelle ou la consonne. Pour le poids, lĂąâŹâąunitĂ© est autre, comme elle est diffĂ©rente aussi pour le mouvement. Mais, dans tous les cas, lĂąâŹâąunitĂ© est indivisible soit en espĂšce, soit en quantitĂ©. Ce qui est indivisible en quantitĂ© et en tant que quantitĂ©, et est indivisible en tous sens, mais sans avoir de position, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąunitĂ© numĂ©rique, la monade. Ce qui est indivisible en tous sens, mais qui a une position, cĂąâŹâąest le point. La ligne nĂąâŹâąest divisible quĂąâŹâąen un sens ; la surface lĂąâŹâąest en deux sens ; et le corps est divisible dans tous les sens, cĂąâŹâąest-Ă -dire dans les trois dimensions. Et en descendant selon lĂąâŹâąordre inverse, ce qui est divisible en deux sens, cĂąâŹâąest la surface ; ce qui lĂąâŹâąest en un seul, cĂąâŹâąest la ligne ; ce qui est absolument indivisible sous le rapport de la quantitĂ©, cĂąâŹâąest le point, et lĂąâŹâąunitĂ© ou monade, la monade nĂąâŹâąayant pas de position, et le point en ayant une dans lĂąâŹâąespace. On peut dire encore que lĂąâŹâąunitĂ© dans les choses tient, soit Ă leur nombre, soit Ă leur espĂšce, soit Ă leur genre, soit Ă leur proportion relativement Ă dĂąâŹâąautres. LĂąâŹâąunitĂ© numĂ©rique rĂ©sulte de ce que la matiĂšre est Une ; lĂąâŹâąunitĂ© dĂąâŹâąespĂšce, de ce que la dĂ©finition est Une et la mĂÂȘme ; lĂąâŹâąunitĂ© de genre, de ce que les choses sont comprises sous la mĂÂȘme forme dĂąâŹâąattribution ou de catĂ©gorie ; lĂąâŹâąunitĂ© de proportion rĂ©sulte de ce que les choses sont avec dĂąâŹâąautres dans une relation pareille. DĂąâŹâąailleurs, les termes postĂ©rieurs sont toujours contenus dans les. termes prĂ©cĂ©dents et Ă leur suite. Ainsi, tout ce qui est Un en nombre est Un aussi en espĂšce, bien que rĂ©ciproquement tout ce qui est Un en espĂšce ne le soit pas toujours numĂ©riquement. Tout ce qui est Un en espĂšce est Un aussi en genre ; [1017a] mais tout ce qui est Un en genre nĂąâŹâąest pas Un en espĂšce, si ce nĂąâŹâąest proportionnellement et par analogie ; et tout ce qui est Un par proportion relative nĂąâŹâąest pas toujours Un en genre. Enfin, il est bien clair que la pluralitĂ© est lĂąâŹâąopposĂ© de lĂąâŹâąunitĂ©. Ainsi, la pluralitĂ© pour les choses rĂ©sulte, tantĂÂŽt de ce quĂąâŹâąelles ne sont pas continues, tantĂÂŽt de ce que leur matiĂšre spĂ©cifique, soit primordiale, soit derniĂšre, est divisible, et tantĂÂŽt de ce quĂąâŹâąil y a pour elles des dĂ©finitions diffĂ©rentes, pour exprimer leur essence et ce quĂąâŹâąelles sont en elles-mĂÂȘmes. Chapitre 7 ĂĆ tre. Le mot dĂąâŹâąĂĆ tre peut ĂÂȘtre pris en un sens indirect et relatif, ou en un sens essentiel et en soi. Un sens indirect dĂąâŹâąĂĆ tre, cĂąâŹâąest quand on dit, par exemple, que le juste est instruit et que lĂąâŹâąhomme est instruit, ou quand on dit lĂąâŹâąĂÂȘtre instruit est homme, sĂąâŹâąexprimant en ceci Ă peu prĂšs comme on le fait quand on dit que lĂąâŹâąhomme instruit bĂÂątit une maison, parce que lĂąâŹâąarchitecte de la maison a la qualitĂ© indirecte dĂąâŹâąĂÂȘtre instruit, ou parce que lĂąâŹâąhomme instruit a la qualitĂ© indirecte dĂąâŹâąĂÂȘtre architecte. Car dire quĂąâŹâąune chose est telle chose, cela revient Ă dire que cette seconde chose est lĂąâŹâąattribut de la premiĂšre. On voit quĂąâŹâąil en est ainsi pour les exemples que nous venons de citer ; car, lorsque nous disons que lĂąâŹâąhomme est instruit, ou quand nous disons que lĂąâŹâąĂÂȘtre instruit est homme, et encore quand nous disons que lĂąâŹâąhomme blanc est instruit, ou que lĂąâŹâąhomme instruit est blanc, cĂąâŹâąest que, dans ce second cas, les deux termes sont les attributs ou accidents dĂąâŹâąun seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre, et que, dans le premier cas, lĂąâŹâąattribut sĂąâŹâąapplique Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre directement. Quand on dit que lĂąâŹâąhomme est instruit, cĂąâŹâąest que Instruit est son attribut. CĂąâŹâąest encore ainsi que lĂąâŹâąon dit que le Non-blanc est quelque chose, parce que la chose Ă laquelle on joint cet attribut a, en effet, lĂąâŹâąexistence actuelle quĂąâŹâąon lui prĂÂȘte. Ainsi, les choses qui ne sont quĂąâŹâąindirectement et auxquelles on nĂąâŹâąaccorde quĂąâŹâąun rĂÂŽle dĂąâŹâąattributs, sont exprimĂ©es sous cette forme, soit parce que les deux attributs appartiennent au mĂÂȘme ĂÂȘtre, soit parce quĂąâŹâąils sont attribuĂ©s sĂ©parĂ©ment Ă cet ĂÂȘtre, soit parce que lĂąâŹâąĂÂȘtre dans lequel ils existent est prĂ©cisĂ©ment celui qui leur est attribuĂ©. LĂąâŹâąĂĆ tre est en soi et est essentiellement dans toutes les nuances oĂÂč lĂąâŹâąexpriment les diverses formes de catĂ©gories ; car autant il y a de classes de catĂ©gories, autant de fois elles expriment lĂąâŹâąĂĆ tre. Ainsi, parmi les catĂ©gories, les unes expriment lĂąâŹâąexistence de la chose ; les autres expriment sa qualitĂ© ; dĂąâŹâąautres encore, sa quantitĂ© ; celles-ci, sa relation ; celles-lĂ , son action et sa passion ; dĂąâŹâąautres, le lieu oĂÂč elle est ; dĂąâŹâąautres enfin, le temps. LĂąâŹâąĂĆ tre a la mĂÂȘme acception dans chacune dĂąâŹâąelles ; car il nĂąâŹâąy a pas la moindre diffĂ©rence Ă dire que lĂąâŹâąhomme Est bien portant, ou que lĂąâŹâąhomme se porte bien ; pas plus quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy en a Ă dire que lĂąâŹâąhomme Est en marche, quĂąâŹâąil Est occupĂ© Ă couper quelque chose, ou bien Ă dire quĂąâŹâąil marche ou quĂąâŹâąil coupe. MĂÂȘme observation pour les autres catĂ©gories. A un autre point de vue, lĂąâŹâąidĂ©e dĂąâŹâąĂĆ tre, lĂąâŹâąidĂ©e quĂąâŹâąune chose Est, signifie que cette chose est vraie. Dire quĂąâŹâąune chose nĂąâŹâąEst pas, cĂąâŹâąest dire aussi quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas vraie et quĂąâŹâąelle est fausse. LĂąâŹâąaffirmation et la nĂ©gation sont ici sur le mĂÂȘme pied. Par exemple, on dit que Socrate est instruit, parce que cela est vrai ; ou que Socrate est Non blanc, ce qui est Ă©galement vrai. Mais quand on dit que la diagonale est commensurable, cela nĂąâŹâąEst pas, parce que cĂąâŹâąest faux. [1017b] Enfin, quand on dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle Est, quĂąâŹâąon la dit ĂÂȘtre, cette expression peut signifier tout Ă la fois que les objets dont il est question sont en puissance, quĂąâŹâąils peuvent ĂÂȘtre, ou bien quĂąâŹâąils sont en pleine et entiĂšre rĂ©alitĂ©. Ainsi, quand nous disons dĂąâŹâąun ĂÂȘtre quĂąâŹâąil voit, cela peut vouloir dire tout aussi bien que cet ĂÂȘtre a la puissance de voir, ou quĂąâŹâąil voit effectivement. De mĂÂȘme Savoir peut signifier tout ensemble pouvoir se servir de la science, ou sĂąâŹâąen servir actuellement et en rĂ©alitĂ©. De mĂÂȘme encore, on dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est en repos, soit que cette chose soit dĂ©jĂ en repos rĂ©el, soit quĂąâŹâąelle puisse y ĂÂȘtre. La mĂÂȘme distinction pourrait sĂąâŹâąappliquer Ă©galement Ă toutes les rĂ©alitĂ©s. Ainsi, lĂąâŹâąon dit que la statue de Mercure Est dans le marbre, oĂÂč elle sera taillĂ©e, que la moitiĂ© Est dans la ligne, oĂÂč elle sera prise ; et lĂąâŹâąon parle du froment, mĂÂȘme quand il nĂąâŹâąest pas encore mĂ»r. Du reste, nous dirons plus tard les diffĂ©rents cas oĂÂč la chose est en puissance, et ceux oĂÂč elle nĂąâŹâąy est pas. Chapitre 8 Substance. Substance se dit des corps simples, tels que la terre, le feu, lĂąâŹâąeau et tous les Ă©lĂ©ments analogues Ă ceux-lĂ ; ce mot se dit des corps en gĂ©nĂ©ral, et des animaux qui en viennent, ou des corps cĂ©lestes, et des parties dont ils sont formĂ©s. Tous ces ĂÂȘtres sont appelĂ©s des substances, parce quĂąâŹâąils ne peuvent jamais ĂÂȘtre pris pour attributs dĂąâŹâąun sujet, et quĂąâŹâąau contraire ils sont les sujets auxquels tout le reste est attribuĂ©. Dans un autre sens, on entend par Substance ou essence, tout ce qui est la cause intrinsĂšque de lĂąâŹâąexistence, dans les ĂÂȘtres qui ne sont pas faits pour ĂÂȘtre jamais les attributs dĂąâŹâąun sujet quelconque. CĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon dit de lĂąâŹâąĂÂąme quĂąâŹâąelle est la substance, ou lĂąâŹâąessence, de lĂąâŹâąĂÂȘtre animĂ©. Substance signifie encore toutes les parties qui, dans les ĂÂȘtres comme ceux dont nous venons de parler, dĂ©finissent et expriment ce que ces ĂÂȘtres sont en eux-mĂÂȘmes, et dont la suppression entraĂne la suppression de lĂąâŹâąĂÂȘtre total. Par exempte, la surface Ă©tant anĂ©antie, le corps est anĂ©anti en mĂÂȘme temps, comme le disent quelques philosophes ; et la surface disparaĂt, si la ligne vient Ă disparaĂtre. Aussi, et dĂąâŹâąune maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale encore, a-t-on dit quĂąâŹâąil en est de mĂÂȘme du nombre ; car, le nombre Ă©tant anĂ©anti, il ne reste plus rien, cĂąâŹâąest Ă dire que le nombre est considĂ©rĂ© comme tenant cette place et dĂ©terminant toutes choses. Enfin, on appelle substance, dans chaque chose, ce qui la fait ce quĂąâŹâąelle est, et ce dont lĂąâŹâąexplication constitue la dĂ©finition essentielle de cette chose. En rĂ©sumĂ©, il y a deux acceptions de ce mot Substance dĂąâŹâąabord, cĂąâŹâąest le sujet dernier, qui nĂąâŹâąest plus lĂąâŹâąattribut de quoi que ce soit, et qui est un ĂÂȘtre spĂ©cial, sĂ©parĂ© de tout autre ; en dĂąâŹâąautres termes, cĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment, dans chaque ĂÂȘtre individuel, sa forme et son espĂšce. Chapitre 9 IdentitĂ©. Les choses sont dites identiques entre elles en un premier sens, qui est indirect. Par exemple, on peut dire que le Blanc et lĂąâŹâąInstruit sont choses identiques, parce que ce sont les attributs dĂąâŹâąun mĂÂȘme ĂÂȘtre identique. On peut dire aussi que Homme et Instruit sont identiques, parce que lĂąâŹâąun de ces termes est rĂ©ciproquement lĂąâŹâąattribut de lĂąâŹâąautre. De mĂÂȘme, on dit que lĂąâŹâąĂÂȘtre instruit est homme, parce que lĂąâŹâąinstruction est lĂąâŹâąattribut de lĂąâŹâąhomme. Instruit peut ĂÂȘtre Ă lĂąâŹâąun et Ă lĂąâŹâąautre sĂ©parĂ©ment, de mĂÂȘme que chacun de ces termes peut-ĂÂȘtre lĂąâŹâąattribut dĂąâŹâąInstruit. En effet, lĂąâŹâąhomme et lĂąâŹâąĂÂȘtre instruit sont dits identiques Ă lĂąâŹâąhomme instruit ; et lĂąâŹâąhomme instruit est identique aux deux autres termes sĂ©parĂ©s. Aussi, aucune de ces expressions ne peuvent-elles jamais ĂÂȘtre employĂ©es dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale ; car il ne serait pas exact de dire que tout Homme sans exception et Instruit soient identiques. CĂąâŹâąest que les termes gĂ©nĂ©raux existent en soi et dĂąâŹâąune existence propre, tandis que les attributs accidentels nĂąâŹâąexistent pas en eux-mĂÂȘmes, [1018b] et quĂąâŹâąils ne peuvent ĂÂȘtre attribuĂ©s absolument quĂąâŹâąĂ des ĂÂȘtres particuliers et individuels. Si Socrate peut bien ĂÂȘtre pris pour identique Ă Socrate instruit, cĂąâŹâąest que le terme de Socrate nĂąâŹâąest pas applicable Ă plusieurs ĂÂȘtres, et que lĂąâŹâąon ne dit pas Tout Socrate comme on dit Tout homme. Il y a donc des choses quĂąâŹâąon appelle identiques dans le sens quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąexposer. Mais il y a aussi des choses identiques en soi et essentiellement, ainsi quĂąâŹâąil y a des choses qui sont Unes en soi ; car pour tous les ĂÂȘtres dont la matiĂšre est une en espĂšce ou en nombre, on dit quĂąâŹâąils sont identiquement les mĂÂȘmes, comme on le dit des choses dont la substance est une et identique. Il sĂąâŹâąensuit quĂąâŹâąĂ©videmment lĂąâŹâąidentitĂ© est une sorte dĂąâŹâąunitĂ© dĂąâŹâąexistence, soit quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagisse de plusieurs ĂÂȘtres distincts, soit quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagisse dĂąâŹâąun ĂÂȘtre unique, quĂąâŹâąon regarde comme plusieurs. CĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon dit, par exemple, quĂąâŹâąun seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre est identique Ă lui- mĂÂȘme ; et alors, on considĂšre cet ĂÂȘtre unique comme sĂąâŹâąil Ă©tait deux ĂÂȘtres au lieu dĂąâŹâąun. On dit des choses quĂąâŹâąelles sont Autres quand leurs espĂšces sont multiples, ou quand cĂąâŹâąest leur matiĂšre ou leur dĂ©finition essentielle qui le sont. DĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, Autre est une expression opposĂ©e Ă celle dĂąâŹâąIdentique. On dit des choses quĂąâŹâąelles sont DiffĂ©rentes, lorsquĂąâŹâąelles sont Autres, tout en Ă©tant dĂąâŹâąailleurs identiques sous un certain point de vue, pourvu seulement que ce ne soit pas en nombre, mais que ce soit en espĂšce, ou en genre, ou par une analogie proportionnelle. On appelle encore DiffĂ©rentes les choses dont le genre est autre, et les choses qui sont contraires entre elles ; en un mot, toutes celles qui, dans leur substance, renferment la diversitĂ© qui les fait Autres, On appelle Semblables les choses qui Ă©prouvent complĂštement la mĂÂȘme modification, et celles qui Ă©prouvent plus de modifications identiques que de modifications diffĂ©rentes. Les choses sont Semblables encore quand elles ont une seule et mĂÂȘme qualitĂ© ; et dans les cas oĂÂč les choses peuvent changer de contraires en contraires, la chose qui peut en subir aussi le plus, ou du moins en subir les principaux, est semblable Ă la chose quĂąâŹâąon lui compare. Les choses dissemblables sont dites par opposition aux choses semblables. Chapitre 10 OpposĂ©. On appelle OpposĂ©s les deux termes de la contradiction, les Contraires, les Relatifs, la Privation et la Possession, et les Ă©tats, soit primordiaux dĂąâŹâąoĂÂč sortent les ĂÂȘtres, soit derniers dans lesquels ils se dissolvent, cĂąâŹâąest-Ă -dire, leurs productions et leurs destructions. Pour les attributs qui ne peuvent appartenir simultanĂ©ment au mĂÂȘme sujet, incapable dĂąâŹâąailleurs de les recevoir tous les deux lĂąâŹâąun aprĂšs lĂąâŹâąautre, on dit quĂąâŹâąils sont OpposĂ©s, soit quĂąâŹâąon les considĂšre eux-mĂÂȘmes, soit quĂąâŹâąon regarde aux principes dĂąâŹâąoĂÂč ils sont sortis. Ainsi, par exemple, le brun et le blanc nĂąâŹâąappartiennent jamais Ă la fois au mĂÂȘme objet ; et voilĂ pourquoi les principes dĂąâŹâąoĂÂč ils sortent sont Ă©galement opposĂ©s entre eux. On entend par Contraires les termes qui, Ă©tant de genres diffĂ©rents, ne peuvent se rencontrer simultanĂ©ment dans un seul et mĂÂȘme sujet ; les termes qui dans un mĂÂȘme genre diffĂšrent le plus possible entre eux ; les termes qui diffĂšrent le plus possible dans un seul et mĂÂȘme sujet, capable de les recevoir tour Ă tour ; les termes qui diffĂšrent le plus possible, tout en ayant la mĂÂȘme puissance ; enfin, les termes dont la diffĂ©rence est la plus grande possible, soit absolument, soit en genre, soit en espĂšce. Les Contraires autres que ceux-lĂ sont appelĂ©s aussi de ce nom, tantĂÂŽt parce quĂąâŹâąils ont les mĂÂȘmes contraires que ceux quĂąâŹâąon vient de dire, tantĂÂŽt parce quĂąâŹâąils sont susceptibles de les recevoir, tantĂÂŽt parce quĂąâŹâąils peuvent les faire ou les souffrir, tantĂÂŽt parce quĂąâŹâąils les font ou les souffrent effectivement, tantĂÂŽt parce quĂąâŹâąils les perdent ou les acquiĂšrent, les possĂšdent ou en sont privĂ©s. LĂąâŹâąUn et lĂąâŹâąĂĆ tre Ă©tant pris en plusieurs acceptions, cĂąâŹâąest une consĂ©quence nĂ©cessaire que tout ce qui leur est attribuĂ© ait tout autant dĂąâŹâąacceptions diverses. Ainsi, le MĂÂȘme ou lĂąâŹâąIdentique, lĂąâŹâąAutre, le Contraire sont pris dans des sens aussi nombreux ; et par suite, le sens dĂąâŹâąAutre est diffĂ©rent, selon chacune des catĂ©gories. On appelle Autres, sous le rapport de lĂąâŹâąespĂšce, toutes les choses qui, faisant partie du mĂÂȘme genre, ne sont pas cependant subordonnĂ©es les unes aux autres ; [1018b] toutes celles qui, Ă©tant du mĂÂȘme genre, offrent une diffĂ©rence entre elles ; enfin, toutes celles qui sont contraires en substance. Les Contraires sont spĂ©cifiquement Autres aussi les uns Ă lĂąâŹâąĂ©gard des autres, soit tous sans exception, soit du moins les contraires primitifs, soit lorsque, Ă©tant dans la derniĂšre espĂšce du genre, les choses comportent des dĂ©finitions Autres. Tels sont, par exemple, lĂąâŹâąhomme et le cheval, dont le genre est indivisible, mais dont cependant les dĂ©finitions sont diffĂ©rentes. Enfin, on appelle Contraires toutes les choses qui, Ă©tant dans la mĂÂȘme substance, ont nĂ©anmoins une diffĂ©rence. Les choses sont spĂ©cifiquement les MĂÂȘmes, quand elles sont exprimĂ©es dĂąâŹâąune maniĂšre opposĂ©e Ă celles quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąanalyser. Chapitre 11 AntĂ©rieur et PostĂ©rieur. AntĂ©rieur et PostĂ©rieur ne sĂąâŹâąappliquent aux diverses choses que parce quĂąâŹâąon suppose, dans chaque genre, un certain primitif, et un certain principe, qui sert de point de dĂ©part ; et alors, lĂąâŹâąAntĂ©rieur est ce qui se rapproche le plus du principe, qui est dĂ©terminĂ© ou absolument et par la nature, ou qui est relatif, ou qui est dans certains lieux, ou qui est sous certaines conditions. Ainsi, pour ce qui regarde le lieu, les choses sont antĂ©rieures, parce quĂąâŹâąelles sont plus rapprochĂ©es dĂąâŹâąun certain lieu dĂ©terminĂ©, soit par la nature, comme le milieu par exemple, ou lĂąâŹâąextrĂ©mitĂ©, soit dĂąâŹâąun lieu pris arbitrairement. Ce qui en est plus Ă©loignĂ© est PostĂ©rieur. A la place du lieu, ce peut ĂÂȘtre le temps, qui dĂ©termine lĂąâŹâąAntĂ©rioritĂ© et la PostĂ©rioritĂ©. LĂąâŹâąAntĂ©rieur, en ce cas, est ce qui est plus Ă©loignĂ© de lĂąâŹâąinstant prĂ©sent, quand il est question du passĂ©. Ainsi, la guerre de Troie est antĂ©rieure Ă la guerre MĂ©dique, parce quĂąâŹâąelle est beaucoup plus loin du moment oĂÂč lĂąâŹâąon parle. Parfois, les choses sont dites AntĂ©rieures dans le temps, parce quĂąâŹâąelles sont au contraire plus rapprochĂ©es du moment oĂÂč lĂąâŹâąon est, comme cĂąâŹâąest le cas pour les choses de lĂąâŹâąavenir. Ainsi, les Jeux NĂ©mĂ©ens sont AntĂ©rieurs aux Jeux Pythiques, parce quĂąâŹâąils sont plus prĂšs de lĂąâŹâąinstant actuel, cet instant Ă©tant pris comme principe et point de dĂ©part primitif. DĂąâŹâąautres fois, lĂąâŹâąAntĂ©rieur se rapporte au mouvement ; et alors, AntĂ©rieur signifie ce qui se rapproche davantage du premier moteur. CĂąâŹâąest ainsi que lĂąâŹâąenfant est AntĂ©rieur Ă lĂąâŹâąhomme ; et, dans ce cas, le principe quĂąâŹâąon adopte est considĂ©rĂ© comme une sorte de principe absolu. DĂąâŹâąautres fois encore, lĂąâŹâąAntĂ©rieur sĂąâŹâąentend de la puissance ; et alors, lĂąâŹâąAntĂ©rieur est ce qui a une puissance prĂ©pondĂ©rante, ce qui est plus puissant. Par lĂ , on entend une chose quĂąâŹâąune autre chose doit suivre, de toute nĂ©cessitĂ©, dans ses tendances diverses, cette seconde chose ne venant quĂąâŹâąaprĂšs lĂąâŹâąautre, de telle sorte que, si la premiĂšre ne donne pas le mouvement, la seconde ne lĂąâŹâąa pas ; et que, si la premiĂšre au contraire le donne, la seconde est mue Ă son tour. Or, cĂąâŹâąest la tendance de la premiĂšre chose qui est ici le principe. LĂąâŹâąAntĂ©rieur se rapporte encore Ă lĂąâŹâąordre et Ă la position ; et ce sens dĂąâŹâąAntĂ©rieur sĂąâŹâąapplique partout oĂÂč les choses ont une distance proportionnelle par rapport Ă un objet donnĂ©. Par exemple, le suivant du CoryphĂ©e est AntĂ©rieur Ă lĂąâŹâąhomme du troisiĂšme rang, de mĂÂȘme que lĂąâŹâąavant-derniĂšre corde est AntĂ©rieure Ă la derniĂšre. Ici cĂąâŹâąest le CoryphĂ©e qui sert de principe ; et lĂ , cĂąâŹâąest la corde moyenne. VoilĂ donc une premiĂšre nuance du mot AntĂ©rieur, pour les choses dont on vient de parler. Dans une autre nuance, lĂąâŹâąAntĂ©rieur se rapporte Ă la connaissance ; et cĂąâŹâąest aussi un AntĂ©rieur absolu. Pour ce genre dĂąâŹâąAntĂ©rioritĂ©, les choses diffĂšrent selon que la connaissance sĂąâŹâąadresse Ă la raison ou Ă la sensibilitĂ©. Dans lĂąâŹâąordre de la raison, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąuniversel qui est AntĂ©rieur ; pour la sensibilitĂ©, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąindividuel. En raison, lĂąâŹâąattribut est AntĂ©rieur au tout que forment lĂąâŹâąattribut et le sujet, rĂ©unis. Par exemple, Instruit est AntĂ©rieur Ă Homme instruit ; car la notion totale nĂąâŹâąest pas possible sans la partie, quoique Instruit ne puisse pas exister seul, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas quelquĂąâŹâąun qui soit instruit. AntĂ©rieur sĂąâŹâąapplique encore aux qualitĂ©s des choses qui sont antĂ©rieures ; et cĂąâŹâąest ainsi que la rectitude dĂąâŹâąune ligne peut ĂÂȘtre dite AntĂ©rieure au poli dĂąâŹâąune surface ; car lĂąâŹâąune est une qualitĂ© essentielle de la ligne, tandis que lĂąâŹâąautre ne concerne que la surface simplement. [1019a] CĂąâŹâąest bien lĂ ce quĂąâŹâąon entend par AntĂ©rieur et PostĂ©rieur. Mais, en nature et en essence, les AntĂ©rieurs sont les choses qui peuvent exister indĂ©pendamment dĂąâŹâąautres choses, tandis que ces autres choses ne peuvent pas exister sans elles, distinction Ă©tablie dĂ©jĂ par Platon. Mais, comme le mot dĂąâŹâąĂĆ tre peut sĂąâŹâąentendre en plusieurs sens, cĂąâŹâąest le sujet dĂąâŹâąabord qui est AntĂ©rieur Ă tout ; et voilĂ comment aussi la substance est AntĂ©rieure au reste. Puis, Ă un autre point de vue, il faut distinguer ici les simples possibilitĂ©s et les rĂ©alitĂ©s. Il y a des choses qui sont AntĂ©rieures en puissance ; dĂąâŹâąautres qui le sont en rĂ©alitĂ©. Par exemple, en puissance la moitiĂ© de la ligne est AntĂ©rieure Ă la ligne entiĂšre ; la partie est AntĂ©rieure au tout, et la matiĂšre lĂąâŹâąest Ă la substance. Mais en rĂ©alitĂ©, elle est postĂ©rieure ; car il faut que dĂąâŹâąabord lĂąâŹâąactualitĂ© ait disparu pour que la puissance existe Ă son tour. A certain Ă©gard, toutes les choses quĂąâŹâąon appelle AntĂ©rieures et PostĂ©rieures rentrent dans ces derniĂšres nuances ; car, en fait de production, les unes peuvent ĂÂȘtre sans les autres, le tout, par exemple, pouvant ĂÂȘtre sans les parties, tandis quĂąâŹâąen fait de destruction, la partie peut ĂÂȘtre dĂ©truite sans que le tout soit dĂ©truit. Et ainsi du reste. Chapitre 12 Puissance. Puissance dĂ©signe dĂąâŹâąabord le principe du mouvement, ou du changement quelconque, dans un autre ĂÂȘtre, en tant quĂąâŹâąil est autre. Par exemple, la puissance de construire ne se trouve pas dans le bĂÂątiment qui est construit ; et si la puissance de guĂ©rir peut se trouver dans lĂąâŹâąĂÂȘtre qui est guĂ©ri, ce nĂąâŹâąest pas du moins en tant quĂąâŹâąil est guĂ©ri. Si donc, gĂ©nĂ©ralement parlant, la puissance est le principe du mouvement, ou du changement, dans un autre en tant quĂąâŹâąil est autre, elle peut ĂÂȘtre aussi pour lĂąâŹâąĂÂȘtre lui-mĂÂȘme la puissance dĂąâŹâąĂÂȘtre mĂ» par un autre en tant quĂąâŹâąautre. CĂąâŹâąest la Puissance qui fait quĂąâŹâąun ĂÂȘtre qui souffre, souffre une certaine action. TantĂÂŽt nous employons cette expression gĂ©nĂ©rale, parce que la chose peut souffrir une affection quelconque ; et tantĂÂŽt, cette expression ne sĂąâŹâąapplique pas Ă toute affection indistinctement, mais aux seules affections qui amĂ©liorent. Parfois encore, la puissance exprime la facultĂ© dĂąâŹâąachever une chose comme il convient, ou selon la libre volontĂ© quĂąâŹâąon en a. CĂąâŹâąest ainsi, en effet, que, de gens qui nĂąâŹâąont fait que venir ou que parler, mais qui ne lĂąâŹâąont pas bien fait, ou qui mĂÂȘme seulement ne lĂąâŹâąont pas fait selon leur grĂ©, nous disons quĂąâŹâąils nĂąâŹâąont pas pu venir ou parler. MĂÂȘme remarque sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagissait de la. passion au lieu de lĂąâŹâąaction. On appelle encore Puissances tous les Ă©tats dans lesquels les choses sont, ou absolument impossibles, ou immuables, ou tout au moins trĂšs peu susceptibles dĂąâŹâąun mouvement qui puisse les dĂ©tĂ©riorer ; car lorsquĂąâŹâąune chose est brisĂ©e, broyĂ©e, tordue, en un mot lorsquĂąâŹâąelle est dĂ©truite, ce nĂąâŹâąest pas apparemment parce quĂąâŹâąelle peut, cĂąâŹâąest au contraire parce quĂąâŹâąelle ne peut pas, et quĂąâŹâąil lui manque quelque chose. Sous ce rapport, on appelle impassibles les choses qui souffrent Ă peine, ou qui ne souffrent quĂąâŹâąĂ la longue, Ă cause de la puissance quĂąâŹâąelles possĂšdent, ou de la puissance quĂąâŹâąelles exercent, ou de lĂąâŹâąĂ©tat dans lequel elles se trouvent. Comme le mot Puissance a tous les sens diffĂ©rents quĂąâŹâąon vient de voir, on dira aussi dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est Possible dans des acceptions diverses lĂąâŹâąune dĂąâŹâąabord, quand la chose a son principe de mouvement, ou de changement quelconque, dans un autre en tant quĂąâŹâąautre ; car ce qui produit le repos est bien aussi une puissance dĂąâŹâąun certain genre. En second lieu, quand cĂąâŹâąest une autre partie dĂąâŹâąelle-mĂÂȘme qui a cette puissance. [1019b] Enfin, dans une troisiĂšme acception, quand la chose a cette puissance de changer, dĂąâŹâąune maniĂšre quelconque, soit en bien, soit en mal ; car ce qui est dĂ©truit semble bien avoir la puissance dĂąâŹâąĂÂȘtre dĂ©truit, ou du moins il nĂąâŹâąaurait pas Ă©tĂ© dĂ©truit sĂąâŹâąil avait Ă©tĂ© dans lĂąâŹâąimpossibilitĂ© de lĂąâŹâąĂÂȘtre. Mais cet ĂÂȘtre qui peut ĂÂȘtre dĂ©truit doit bien avoir maintenant un certain Ă©tat, un principe, une cause, qui fait quĂąâŹâąil souffre ce quĂąâŹâąil souffre. Parfois, la chose semble ĂÂȘtre possible comme elle lĂąâŹâąest, parce quĂąâŹâąelle a et possĂšde certaines conditions ; dĂąâŹâąautres fois, parce quĂąâŹâąelle en est privĂ©e. Mais si la privation, de son cĂÂŽtĂ©, est aussi une sorte de possession, alors tout ce qui est possible lĂąâŹâąest sans exception par les propriĂ©tĂ©s quĂąâŹâąil possĂšde. Dans ce cas, lĂąâŹâąĂĆ tre est homonyme ; et par suite, on dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est possible tout Ă la fois, parce quĂąâŹâąelle a telle disposition et tel principe, et aussi parce quĂąâŹâąelle en est privĂ©e, si toutefois on peut dire quĂąâŹâąon a une chose quand on en est privĂ©. En un autre sens, on dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est possible, quand elle nĂąâŹâąa pas la puissance de dĂ©truire une chose, ou quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąa pas dans un autre, ou en tant quĂąâŹâąautre, le principe de destruction. On dit encore de toutes les choses quĂąâŹâąelles sont possibles par cela seul quĂąâŹâąil leur arrive, ou de se produire, ou de ne pas se produire absolument, ou de se produire bien. MĂÂȘme dans les choses inanimĂ©es, on retrouve une puissance de ce genre et par exemple, pour des instruments dont lĂąâŹâąhomme se sert ; car, en parlant dĂąâŹâąune lyre, on dit de celle-ci quĂąâŹâąelle peut donner des sons, et de celle-lĂ quĂąâŹâąelle ne le peut pas, par cela seul que les sons quĂąâŹâąelle rend ne sont pas tout ce quĂąâŹâąils devraient ĂÂȘtre. LĂąâŹâąImpuissance est la privation de la Puissance ; et la disparition, quelle quĂąâŹâąelle soit, du principe en question, disparition qui a lieu, ou dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, ou dans lĂąâŹâąĂÂȘtre qui devrait naturellement avoir la puissance, ou bien Ă lĂąâŹâąĂ©poque oĂÂč il devrait naturellement dĂ©jĂ la possĂ©der. Par exemple, en partant de lĂąâŹâąimpuissance Ă engendrer, on ne peut pas mettre sur la mĂÂȘme ligne, et lĂąâŹâąenfant, et lĂąâŹâąhomme, et lĂąâŹâąeunuque. Chacune des deux espĂšces de puissance a une impuissance qui lui est opposĂ©e soit que cette puissance soit cause dĂąâŹâąun simple mouvement, soit quĂąâŹâąelle produise un mouvement qui mĂšne la chose au bien. On dit des choses quĂąâŹâąelles sont Impuissantes dans le sens quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąindiquer. Mais lĂąâŹâąImpuissance se prend encore en un autre sens, je veux dire, le sens de Possible et dĂąâŹâąImpossible. On entend par Impossible tout ce dont le contraire est nĂ©cessairement vrai ; et cĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąil est Impossible que la diagonale soit commensurable au cĂÂŽtĂ©, parce que cette proposition est essentiellement fausse. Et ce nĂąâŹâąest pas seulement, parce que le contraire est vrai, mais cĂąâŹâąest encore parce quĂąâŹâąil est nĂ©cessaire. Ici, par exemple, la diagonale est nĂ©cessairement incommensurable. Donc, supposer quĂąâŹâąelle est commensurable, ce nĂąâŹâąest pas simplement faux ; mais cĂąâŹâąest nĂ©cessairement faux. Le contraire de cet Impossible, cĂąâŹâąest le Possible dans le cas oĂÂč le contraire nĂąâŹâąest pas nĂ©cessairement faux. Ainsi, lĂąâŹâąon dit quĂąâŹâąil est Possible que telle personne soit assise ; car il nĂąâŹâąest pas nĂ©cessairement faux quĂąâŹâąelle ne soit pas assise. Le mot Possible signifie donc, dĂąâŹâąune façon, et comme on vient de le dire, ce qui nĂąâŹâąest pas nĂ©cessairement faux ; dĂąâŹâąune autre façon, ce qui est vrai ; et enfin, ce qui peut ĂÂȘtre vrai. Ce nĂąâŹâąest que par mĂ©taphore quĂąâŹâąon parle de Puissance en gĂ©omĂ©trie. En rĂ©sumĂ©, tous ces Possibles ne se rapportent pas Ă lĂąâŹâąidĂ©e vraie de Puissance. Mais tous les Possibles qui sĂąâŹâąy rapportent rĂ©ellement, sont relatifs Ă la notion premiĂšre et unique de puissance indiquĂ©e plus haut, [1020a] et celle-lĂ cĂąâŹâąest le principe qui cause le changement dans un autre en tant quĂąâŹâąautre. Tous les autres Possibles sont ainsi dĂ©nommĂ©s, les uns, parce que quelque autre partie dĂąâŹâąeux-mĂÂȘmes a une puissance de ce genre ; dĂąâŹâąautres, au contraire, parce quĂąâŹâąils ne lĂąâŹâąont pas ; dĂąâŹâąautres enfin, parce quĂąâŹâąils la possĂšdent dans telle ou telle mesure. MĂÂȘmes remarques pour les Impossibles ; et par consĂ©quent, on peut conclure que la dĂ©finition principale de la Puissance premiĂšre est celle-ci Ă Le principe qui produit le changement en un autre en tant quĂąâŹâąautre. Ă» Chapitre 13 QuantitĂ©. QuantitĂ© sĂąâŹâąentend de tout ce qui est divisible dans les parties qui le composent, et dont les deux parties, ou chacune des parties forment naturellement une certaine unitĂ© et quelque chose dĂąâŹâąindividuel. La quantitĂ© est un nombre, quand elle se compte ; cĂąâŹâąest une grandeur, quand elle se mesure. On entend par nombre ce qui peut se diviser en parties non continues ; et par grandeur, ce qui est divisible en parties qui tiennent les unes aux autres. Quand la grandeur nĂąâŹâąest continue quĂąâŹâąen un seul sens, on lĂąâŹâąappelle longueur. Quand cĂąâŹâąest en deux, on lĂąâŹâąappelle largeur ; et en trois, cĂąâŹâąest profondeur. Entre ces diffĂ©rents termes, la pluralitĂ© qui est dĂ©limitĂ©e et finie, cĂąâŹâąest le nombre ; la longueur, cĂąâŹâąest la ligne ; la largeur, cĂąâŹâąest la surface ; la profondeur, cĂąâŹâąest le corps. De plus, il y a des quantitĂ©s qui sont ainsi dĂ©nommĂ©es en soi et par elles-mĂÂȘmes ; dĂąâŹâąautres, qui ne le sont quĂąâŹâąindirectement. Ainsi, la ligne est en soi une quantitĂ© ; lĂąâŹâąinstruction ne peut ĂÂȘtre une quantitĂ© quĂąâŹâąindirectement. Parmi les quantitĂ©s en soi, les unes sont des quantitĂ©s par leur substance propre. Ainsi, la ligne est par sa propre substance une quantitĂ© ; car dans la dĂ©finition qui explique ce quĂąâŹâąest la ligne, on fait entrer lĂąâŹâąidĂ©e de quantitĂ©. Les autres espĂšces de quantitĂ©s en soi ne sont que les modifications et les qualitĂ©s de la substance de ce genre par exemple, le beaucoup et le peu, le long et le court, le large et lĂąâŹâąĂ©troit, le haut et le bas, le lourd et le lĂ©ger, et toutes les nuances de cette sorte. Le grand et le petit, le majeur et le moindre, quĂąâŹâąon les prenne, soit en eux-mĂÂȘmes soit dans leurs rapports rĂ©ciproques, sont des modifications essentielles de la quantitĂ©, bien que dĂąâŹâąailleurs ces mots puissent, par mĂ©taphore, sĂąâŹâąappliquer aussi Ă dĂąâŹâąautres choses que la quantitĂ©. Quant aux quantitĂ©s qui ne sont appelĂ©es ainsi quĂąâŹâąindirectement, les unes reçoivent ce nom comme lĂąâŹâąinstruction, dont on parlait plus haut, et qui nĂąâŹâąest une quantitĂ©, ainsi que la blancheur peut lĂąâŹâąĂÂȘtre, que parce que lĂąâŹâąobjet oĂÂč elles sont est lui-mĂÂȘme une quantitĂ©. DĂąâŹâąautres, au contraire, sont des quantitĂ©s comme le mouvement et le temps. En effet, le temps et le mouvement sont des quantitĂ©s dĂąâŹâąun certain genre et sont des continus, par cela mĂÂȘme que ce dont ils sont les affections est divisible. Et lĂąâŹâąidĂ©e de division sĂąâŹâąapplique, non pas au corps qui est mis en mouvement, mais Ă lĂąâŹâąespace parcouru ; car cĂąâŹâąest parce que cet espace est une quantitĂ© que le mouvement en est une ; et le temps est une quantitĂ©, parce que le mouvement en est une aussi. Chapitre 14 QualitĂ©. Le mot QualitĂ©, en un premier sens, indique la diffĂ©rence essentielle. Par exemple, lĂąâŹâąhomme est un animal douĂ© dĂąâŹâąune certaine qualitĂ© ; il est bipĂšde, tandis que le cheval est quadrupĂšde. Le cercle est une figure gĂ©omĂ©trique qui a une qualitĂ© particuliĂšre, celle de nĂąâŹâąa voir point dĂąâŹâąangle ; et cĂąâŹâąest lĂ la diffĂ©rence essentielle qui constitue sa qualitĂ©. Ainsi, dans ce premier sens, la qualitĂ© peut ĂÂȘtre dĂ©finie la diffĂ©rence essentielle. [1020b] En un autre sens, le mot QualitĂ© sĂąâŹâąapplique aux ĂÂȘtres immobiles, aux ĂÂȘtres mathĂ©matiques ; et cĂąâŹâąest de cette façon que les nombres peuvent avoir certaine QualitĂ©. Tels sont, par exemple, les nombres multiples, ceux qui ne sont pas pris une seule et unique fois, mais qui ont quelque chose de la surface et du solide, comme sont les nombres multipliĂ©s une fois, ou deux fois, par eux-mĂÂȘmes. La QualitĂ© reprĂ©sente, en ce sens, ce qui subsiste dans lĂąâŹâąessence du nombre aprĂšs la quantitĂ© ; car lĂąâŹâąessence de chaque nombre, cĂąâŹâąest de nĂąâŹâąĂÂȘtre pris quĂąâŹâąune seule fois en lui-mĂÂȘme. Soit, si lĂąâŹâąon veut, le nombre six ; son essence nĂąâŹâąest pas dĂąâŹâąĂÂȘtre pris deux fois, trois fois ; mais cĂąâŹâąest dĂąâŹâąĂÂȘtre pris une seule fois ; six est une seule et unique fois six. On entend, en un second sens, par QualitĂ©s les modifications des substances mises en mouvement je veux dire, la chaleur, le froid, la blancheur, la noirceur, la lĂ©gĂšretĂ© et la pesanteur, et toutes ces variations qui font quĂąâŹâąon peut dire des corps, qui changent, quĂąâŹâąils deviennent autres quĂąâŹâąils nĂąâŹâąĂ©taient. La QualitĂ© sĂąâŹâąentend encore de la vertu et du vice, et, dĂąâŹâąune maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, du bien et du mal. VoilĂ donc, on peut dire, deux sens du mot QualitĂ© ; et lĂąâŹâąun de ces sens est le principal la QualitĂ©, dans son acception primordiale, est la diffĂ©rence de la substance. La QualitĂ©, dans les nombres, fait partie aussi de la qualitĂ© ainsi entendue ; car lĂ encore, cĂąâŹâąest une sorte de diffĂ©rence des substances ; seulement, ce sont des substances qui ne se meuvent pas, ou qui du moins sont considĂ©rĂ©es en tant quĂąâŹâąelles ne sont pas mues. Dans le second sens, le mot QualitĂ© exprime les modifications des choses qui se meuvent, en tant quĂąâŹâąelles se meuvent, et aussi, les diffĂ©rences des mouvements. La vertu et le vice peuvent Ă©galement ĂÂȘtre rangĂ©s parmi les modifications de ce genre ; car le vice et la vertu expriment des diffĂ©rences de mouvement et dĂąâŹâąaction, qui indiquent que les ĂÂȘtres en mouvement font, ou souffrent, le bien ou le mal. En effet, ce qui peut ĂÂȘtre mĂ» ou agir de telle maniĂšre est bon ; ce qui agit de telle autre façon, et dĂąâŹâąune façon contraire, est mauvais. DĂąâŹâąailleurs, ce sont surtout le bien ou le mal qui dĂ©terminent la QualitĂ© dans les ĂÂȘtres animĂ©s, et, parmi ces ĂÂȘtres, dans ceux-lĂ principalement qui sont douĂ©s de libre arbitre. Chapitre 15 Relatifs. Par relatifs, on entend, par exemple, le double et la moitiĂ©, le triple et le tiers, et, dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le multiple et le multipliĂ©, le surpassant et le surpassĂ©. Ce sont encore des relatifs que le corps qui Ă©chauffe et le corps Ă©chauffĂ©, le corps qui coupe et le corps qui est coupĂ©, en un mot, ce qui agit et ce qui souffre lĂąâŹâąaction. Ce sont enfin des Relatifs que lĂąâŹâąobjet mesurĂ© et la mesure, lĂąâŹâąobjet qui est su et la science qui le sait, lĂąâŹâąobjet qui est senti et la sensation qui le perçoit. Les premiers relatifs, Ă©noncĂ©s plus haut, sont des Relatifs numĂ©riques, entendus soit dĂąâŹâąune façon absolue, soit dĂąâŹâąune façon dĂ©terminĂ©e dans les rapports des nombres entre eux, ou par rapport Ă une certaine unitĂ©. Ainsi, le nombre Deux rapportĂ© Ă Un est un nombre dĂ©fini ; mais le multiple, sĂąâŹâąil se rapporte encore numĂ©riquement Ă une unitĂ©, ne se rapporte plus Ă un nombre dĂ©fini, comme serait tel ou tel nombre spĂ©cifiĂ©. [1021a] La relation de la moitiĂ© en sus Ă la moitiĂ© en moins, numĂ©riquement exprimĂ©e, sĂąâŹâąapplique Ă un nombre dĂ©fini ; mais, quand on parle dĂąâŹâąune partie en sus relativement Ă une partie en moins, cĂąâŹâąest tout aussi indĂ©terminĂ© que le double relativement Ă lĂąâŹâąunitĂ©, ou que le surpassant lĂąâŹâąest relativement au surpassĂ© ; car le nombre est commensurable, tandis que ces rapports ne se fondent pas sur un nombre commensurable. Le surpassant est dĂąâŹâąabord le surpassĂ© ; puis, il est quelque chose de plus ; et ce quelque chose dĂąâŹâąexcĂ©dant est absolument indĂ©terminĂ©, puisque, selon le hasard des cas, ce quelque chose peut ĂÂȘtre Ă©gal, ou peut nĂąâŹâąĂÂȘtre pas Ă©gal, au nombre surpassĂ©. Ainsi donc, tous ces Relatifs, dans leur expression verbale, se rapportent au nombre et Ă ses modifications possibles. LĂąâŹâąĂâ°gal, le Pareil, lĂąâŹâąIdentique, sont bien encore des Relatifs, quoique la nuance en soit autre, puisque tous ces termes se rapportent aussi Ă une unitĂ©. Ainsi, on appelle Identiques les ĂÂȘtres dont la substance est une et mĂÂȘme substance ; on appelle Pareils, ceux qui ont une mĂÂȘme qualitĂ© ; de mĂÂȘme quĂąâŹâąon appelle Ăâ°gaux ceux qui ont une mĂÂȘme quantitĂ©. Or, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąunitĂ© qui est le principe et la mesure du nombre, de telle sorte que tous ces termes sont aussi des Relatifs numĂ©riques, sans que ce soit dĂąâŹâąailleurs au mĂÂȘme point de vue. Quant Ă tout ce qui produit une action et Ă tout ce qui en souffre une, ce sont encore lĂ des Relatifs, qui se rapportent Ă la puissance de faire et de souffrir, et Ă toutes les manifestations de ces puissances. Telle est, par exemple, la relation de ce qui peut Ă©chauffer Ă ce qui peut ĂÂȘtre Ă©chauffĂ©, parce quĂąâŹâąil y a lĂ une certaine puissance. Telle est aussi la relation de ce qui Ă©chauffe actuellement Ă ce qui est actuellement Ă©chauffĂ© ; de ce qui coupe Ă ce qui est actuellement coupĂ©, parce quĂąâŹâąil y a lĂ une rĂ©alitĂ© effective et actuelle. Pour les Relatifs numĂ©riques, il nĂąâŹâąy a rien dĂąâŹâąactuel, si ce nĂąâŹâąest au sens que nous avons dit ailleurs ; mais il nĂąâŹâąy a point pour eux dĂąâŹâąactes, ni de rĂ©alitĂ©s de mouvement. Les Relatifs de puissance sont aussi des Relatifs de temps. Par exemple, ce qui a fait est relatif Ă ce qui a Ă©tĂ© fait, ce qui fera est relatif Ă ce qui sera fait. CĂąâŹâąest encore Ă ce point de vue du temps que le pĂšre est appelĂ© pĂšre relativement Ă son fils ; car, dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ©, il y a ce qui a fait, et, de lĂąâŹâąautre, ce qui a Ă©tĂ© fait et a souffert lĂąâŹâąaction. DĂąâŹâąautres Relatifs, au contraire, le sont par la privation de la. puissance ; Par exemple, lĂąâŹâąImpossibilitĂ© est un Relatif de ce genre, ainsi que toutes les choses exprimĂ©es sous la mĂÂȘme forme ; et, par exemple, lĂąâŹâąinvisible est ce qui nĂąâŹâąa pas la puissance dĂąâŹâąĂÂȘtre vu. Tous les Relatifs de nombre et de puissance sont constamment Relatifs en ce sens que ce quĂąâŹâąils sont essentiellement est dit dĂąâŹâąune autre chose, et non pas, parce que rĂ©ciproquement cette autre chose peut leur ĂÂȘtre appliquĂ©e. Par exemple, ce qui est mesurĂ©, ce qui est su, ce qui est intelligible, sont appelĂ©s des Relatifs, parce que cĂąâŹâąest une autre chose qui est mise en rapport avec eux. Ainsi, le mot dĂąâŹâąIntelligible signifie quĂąâŹâąil y a intelligence de la chose Ă laquelle ce mot sĂąâŹâąapplique. Mais lĂąâŹâąintelligence nĂąâŹâąest pas un Relatif de la chose dont elle est lĂąâŹâąintelligence ; car ce serait rĂ©pĂ©ter deux fois la mĂÂȘme chose. De mĂÂȘme encore, la vue est la vue de quelque chose ; mais ce nĂąâŹâąest pas de ce dont elle est la vue. Il est exact cependant de dire que la vue est un Relatif ; mais cĂąâŹâąest par rapport Ă la couleur, ou Ă telle autre chose de ce genre. Autrement et de lĂąâŹâąautre façon, on ne ferait que se rĂ©pĂ©ter, en disant que la vue est la vue de lĂąâŹâąobjet dont elle est la vue. [1021b] Les Relatifs qui sont des relatifs par eux-mĂÂȘmes, le sont donc de la maniĂšre quĂąâŹâąon vient de dire, et aussi, quand les genres auxquels ils appartiennent sont Ă©galement des relatifs. Par exemple, on dit de la mĂ©decine quĂąâŹâąelle est un Relatif, parce que le genre auquel elle appartient, Ă savoir la science, est aussi un relatif. On appelle encore Relatifs tous les objets qui font que les choses qui les ont sont aussi nommĂ©es des Relatifs. Ainsi, lĂąâŹâąĂ©galitĂ© est un Relatif, parce que lĂąâŹâąĂâ°gal en est un ; la ressemblance en est un, parce que le semblable est un Relatif, au mĂÂȘme titre. Il y a enfin des Relatifs purement indirects ; et cĂąâŹâąest ainsi que lĂąâŹâąhomme peut ĂÂȘtre appelĂ© un Relatif, parce quĂąâŹâąaccidentellement il peut ĂÂȘtre considĂ©rĂ© comme double, et que le double est un Relatif ; ou bien encore, le blanc peut ĂÂȘtre pris comme Relatif, quand le mĂÂȘme objet est, accidentellement et tout Ă la fois, double et blanc. Chapitre 16 Parfait. Parfait se dit dĂąâŹâąune chose en dehors de laquelle il nĂąâŹâąest plus possible de rien trouver qui lui appartienne, fĂ»t-ce mĂÂȘme la moindre parcelle. Ainsi, pour une chose, quelle quĂąâŹâąelle soit, le temps quĂąâŹâąelle doit durer est Parfait, quand, en dehors de ce temps rĂ©gulier, il nĂąâŹâąest pas possible de saisir un temps quelconque qui soit une partie de celui quĂąâŹâąelle doit avoir. Parfait se rapporte encore au mĂ©rite et au bien, qui ne peut plus ĂÂȘtre surpassĂ© dans un genre donnĂ©. CĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąun mĂ©decin quĂąâŹâąil est Parfait, ou dĂąâŹâąun joueur de flĂ»te quĂąâŹâąil est Parfait, quand rien ne leur manque du mĂ©rite qui leur est spĂ©cialement propre. Par mĂ©taphore inverse, on applique le mot Parfait mĂÂȘme Ă ce qui est mal, et lĂąâŹâąon dit Ă VoilĂ un Parfait sycophante ; VoilĂ un Parfait voleur, Ă» tout aussi bien que parfois on dit de pareilles gens quĂąâŹâąon les trouve excellemment bons Ă CĂąâŹâąest un excellent sycophante ; cĂąâŹâąest un excellent voleur. Ă» La vertu est aussi une sorte de perfectionnement ; car pour toute chose, pour toute substance, on la dit Parfaite, lorsque, dans le genre de vertu qui lui convient, il ne lui manque rien de ce qui doit en constituer lĂąâŹâąĂ©tendue naturelle. On appelle encore Parfaites les choses qui parfont et atteignent une bonne fin ; car elles sont Parfaites, par cela seul quĂąâŹâąelles parfont cette fin. Une consĂ©quence de ceci, cĂąâŹâąest que, la fin des choses Ă©tant une extrĂÂȘme et derniĂšre limite, on transporte mĂ©taphoriquement le mot Parfait aux choses les plus mauvaises, et que lĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est Parfaitement perdue, quĂąâŹâąelle est Parfaitement dĂ©truite, quand il ne manque plus rien Ă la ruine et au mal, et quĂąâŹâąon est absolument au bout. CĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąen parlant de la mort, on dit, la fin derniĂšre, parce que la fin des choses et la mort sont lĂąâŹâąune et lĂąâŹâąautre des extrĂÂȘmes, de mĂÂȘme que la fin et le pourquoi des choses sont des extrĂÂȘmes Ă©galement. En rĂ©sumĂ©, les choses dites Parfaites essentiellement et en soi, sont ainsi dĂ©nommĂ©es selon les diffĂ©rents sens quĂąâŹâąon vient de voir les unes, parce que, en fait de bien, rien ne leur manque, et quĂąâŹâąelles nĂąâŹâąont en bien, ni aucun excĂšs, ni aucun dĂ©faut ; les autres, parce que, dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, elles ne peuvent ĂÂȘtre surpassĂ©es en leur genre, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a plus rien Ă demander en dehors de ce quĂąâŹâąelles sont. [1022a] Quant aux autres choses quĂąâŹâąon appelle Parfaites, cĂąâŹâąest par rapport Ă celles-lĂ quĂąâŹâąon les nomme ainsi, soit parce quĂąâŹâąelles sont, ou quĂąâŹâąelles prĂ©sentent, quelque chose dĂąâŹâąanalogue au Parfait, soit parce quĂąâŹâąelles sĂąâŹâąaccordent avec elles, soit parce quĂąâŹâąelles soutiennent tel ou tel autre rapport avec les choses qui sont primitivement appelĂ©es Parfaites. Chapitre 17 Terme. Le Terme dĂąâŹâąune chose quelconque, cĂąâŹâąest son point extrĂÂȘme, en dehors duquel il nĂąâŹâąy a plus rien Ă prendre du primitif, et en deçà duquel se trouve tout lĂąâŹâąessentiel. Le Terme est aussi la forme limitĂ©e dĂąâŹâąune grandeur, ou de ce qui a une grandeur quelconque. CĂąâŹâąest enfin le but de chaque chose ; et par lĂ , jĂąâŹâąentends le point oĂÂč aboutit le mouvement et lĂąâŹâąaction, par opposition au point dĂąâŹâąoĂÂč il part. Parfois cependant, le mot Terme a les deux significations, et il exprime tout ensemble, et le point de dĂ©part et le point dĂąâŹâąarrivĂ©e, le pourquoi ou le but final de la chose, sa substance, et ce qui la fait ĂÂȘtre essentiellement ce quĂąâŹâąelle est. CĂąâŹâąest lĂ , en effet, le Terme et le but de la connaissance ; et si cĂąâŹâąest le Terme de la connaissance, ce doit ĂÂȘtre aussi le Terme de la chose. Ainsi Ă©videmment, toutes les significations que peut avoir le mot Principe, le mot Terme les a en nombre Ă©gal. On peut mĂÂȘme dire quĂąâŹâąil en a davantage ; car le principe est une sorte de Terme, tandis quĂąâŹâąun Terme nĂąâŹâąest pas toujours un Principe. Chapitre 18 En soi. LĂąâŹâąexpression de En soi peut avoir plusieurs acceptions diverses. Un premier sens, est la forme et la substance essentielle de chaque chose Bon En soi, par exemple le bien En soi. En un autre sens, En soi dĂ©signe le primitif ou une chose se trouve naturellement la couleur, par exemple, est dans un primitif, qui est la surface des corps. Ainsi, la chose Ă laquelle sĂąâŹâąapplique primordialement lĂąâŹâąexpression de En soi, cĂąâŹâąest la forme ou lĂąâŹâąespĂšce ; puis, en second lieu, En soi, signifie la matiĂšre et le sujet primordial de chaque chose. LĂąâŹâąexpression de En soi a dĂąâŹâąailleurs autant de nuances que celle de Cause pourrait en avoir. Ainsi, quand on parle de lĂąâŹâąobjet En soi pour lequel telle personne est venue, cela signifie la cause qui lĂąâŹâąa fait venir. Le sujet En soi sur lequel telle personne a eu tort ou a eu raison, dans une discussion, est la cause qui a rendu son raisonnement faux ou victorieux. En soi peut sĂąâŹâąappliquer encore Ă la position quĂąâŹâąon a prise, et lĂąâŹâąon dit En tant quĂąâŹâąil se tient debout, En tant quĂąâŹâąil marche, pour indiquer, dans toutes ces expressions, la situation et le lieu quĂąâŹâąon occupe essentiellement. Par consĂ©quent, lĂąâŹâąexpression de En soi se prend nĂ©cessairement en des acceptions diverses. En soi exprime dĂąâŹâąabord pour chaque chose ce quĂąâŹâąelle est essentiellement par exemple, Callias est Callias En soi, cĂąâŹâąest-Ă -dire il est ce quĂąâŹâąest essentiellement Callias. En second lieu, En soi exprime tout ce qui entre dans lĂąâŹâąessence dĂąâŹâąun ĂÂȘtre. Ainsi, Callias est En soi un ĂÂȘtre animĂ© ; car la notion dĂąâŹâąanimal entre dans la dĂ©finition de Callias, puisquĂąâŹâąil est un animal dĂąâŹâąune certaine espĂšce, un ĂÂȘtre animĂ©. En soi sĂąâŹâąentend encore de ce qui se trouve primitivement dans lĂąâŹâąobjet, ou dans une de ses parties. Par exemple, la surface est blanche En soi ; lĂąâŹâąhomme est En soi un animal, un ĂÂȘtre vivant, puisque lĂąâŹâąĂÂąme est une partie de lĂąâŹâąhomme, et que cĂąâŹâąest en elle que se trouve primitivement la vie dont il est animĂ©. On entend encore par lĂąâŹâąexpression En soi ce dont une autre chose nĂąâŹâąest pas cause. LĂąâŹâąhomme peut avoir, si lĂąâŹâąon veut, bien des causes, lĂąâŹâąanimal, le bipĂšde, etc. ; mais nĂ©anmoins lĂąâŹâąhomme En soi est homme. Enfin, on appelle En soi tout ce qui appartient Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre seul, et en tant que lui seul possĂšde la qualitĂ© en question. CĂąâŹâąest en ce sens que tout ce qui est sĂ©parĂ© est dit ĂÂȘtre En soi. Chapitre 19 [1022b] On appelle Disposition, dans une chose qui a des parties, lĂąâŹâąordre quĂąâŹâąelles prĂ©sentent, soit relativement au lieu, soit relativement Ă la puissance, soit relativement Ă lĂąâŹâąespĂšce. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąil y a lĂ une sorte de position, comme le mot mĂÂȘme de Disposition le fait assez entendre. Chapitre 20 Possession. En un premier sens, on doit entendre par Possession une sorte dĂąâŹâąacte rĂ©ciproque de ce qui possĂšde et de ce qui est possĂ©dĂ© par exemple, un phĂ©nomĂšne intĂ©rieur ou un mouvement ; car, lorsque lĂąâŹâąun fait et que lĂąâŹâąautre est fait, il y a, comme intermĂ©diaire entre lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre, lĂąâŹâąaction qui fait la chose. Ainsi, entre celui qui porte ou possĂšde un vĂÂȘtement, et entre le vĂÂȘtement qui est possĂ©dĂ© ou portĂ©, il y a lĂąâŹâąintermĂ©diaire du port et de la Possession. Il est Ă©vident, dĂąâŹâąailleurs, quĂąâŹâąon ne peut pas possĂ©der cette Possession ; car alors la sĂ©rie irait Ă lĂąâŹâąinfini, si lĂąâŹâąon pouvait dire quĂąâŹâąon possĂšde la Possession de ce qui est possĂ©dĂ©. En un autre sens, Possession peut signifier la disposition dĂąâŹâąaprĂšs laquelle on dit dĂąâŹâąun ĂÂȘtre, quĂąâŹâąil est en bon ou mauvais Ă©tat, soit en lui-mĂÂȘme, soit par rapport Ă une autre chose. CĂąâŹâąest en ce sens que la santĂ© est une Possession dĂąâŹâąun certain genre ; car elle est une disposition toute spĂ©ciale. Pour employer ce mot Possession, il suffit mĂÂȘme quĂąâŹâąil y ait une partie seulement de la chose qui ait cette disposition ; et voilĂ comment le mĂ©rite de simples parties constitue. une certaine Possession pour la chose entiĂšre. Chapitre 21 Passion. En un premier sens, Passion signifie la qualitĂ© qui fait dire dĂąâŹâąun ĂÂȘtre quĂąâŹâąil peut devenir autre quĂąâŹâąil nĂąâŹâąĂ©tait. Ainsi, le blanc et le noir, le doux et lĂąâŹâąamer, la pesanteur et la lĂ©gĂšretĂ©, et toutes les qualitĂ©s analogues, sont des affections ou Passions des corps. En un autre sens, Passion signifie encore les actes mĂÂȘmes de ces qualitĂ©s, et les changements effectifs des unes aux autres. Parmi ces changements et mouvements divers, cĂąâŹâąest surtout aux changements et aux mouvements mauvais que le mot Passion sĂąâŹâąapplique, et trĂšs particuliĂšrement Ă tous ceux qui sont pĂ©nibles ou dangereux. Enfin, on applique ce mot Passion, dĂąâŹâąaffection, de souffrance, aux plus grandes infortunes et aux plus grands chagrins. Chapitre 22 Privation. Le mot Privation sĂąâŹâąemploie, en un premier sens, pour dire dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąa point les qualitĂ©s qui lui seraient naturelles. Il y a aussi Privation, mĂÂȘme quand la nature nĂąâŹâąa pas voulu que lĂąâŹâąĂÂȘtre eĂ»t cette qualitĂ© ; et cĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon peut dire dĂąâŹâąune plante quĂąâŹâąelle est privĂ©e de la vue. En un autre sens, Privation signifie que la chose nĂąâŹâąa pas la qualitĂ© quĂąâŹâąelle devrait avoir, soit quĂąâŹâąelle-mĂÂȘme, ou au moins son genre, dĂ»t possĂ©der cette qualitĂ©. Par exemple, on dit dĂąâŹâąun homme aveugle quĂąâŹâąil est privĂ© de la vue, tout autrement quĂąâŹâąon ne le dit de la taupe ; car, pour la taupe, cĂąâŹâąest le genre qui est frappĂ© de cette Privation ; pour lĂąâŹâąhomme, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąindividu pris en lui seul. On emploie le mot Privation quand la chose nĂąâŹâąa pas ce qui lui est naturel, au moment oĂÂč elle devrait lĂąâŹâąavoir. Ainsi, la cĂ©citĂ© est bien une Privation de certain genre ; mais on ne dit pas dĂąâŹâąun ĂÂȘtre, quel que soit son ĂÂąge, quĂąâŹâąil est aveugle ; on le dit seulement quand il nĂąâŹâąa pas la vue Ă lĂąâŹâąĂÂąge oĂÂč il devrait lĂąâŹâąavoir naturellement. De mĂÂȘme, on dit quĂąâŹâąil y a Privation quand lĂąâŹâąĂÂȘtre nĂąâŹâąa pas la qualitĂ© que la nature lui attribue, soit dans le lieu, soit dans la relation, soit dans la condition, soit de la maniĂšre oĂÂč la nature voudrait quĂąâŹâąil possĂ©dĂÂąt cette qualitĂ©. LĂąâŹâąablation violente dĂąâŹâąune chose quelconque sĂąâŹâąappelle aussi Privation. Toutes les expressions de nĂ©gation qui se forment par des particules privatives, composent autant de Privations correspondantes. Ainsi, on appelle inĂ©gal ce qui nĂąâŹâąa pas lĂąâŹâąĂ©galitĂ© que naturellement il devrait avoir ; on appelle invisible ce qui nĂąâŹâąa pas du tout de couleur, ou ce qui nĂąâŹâąa quĂąâŹâąune couleur insuffisante ; de mĂÂȘme quĂąâŹâąon appelle apode, ou ce qui nĂąâŹâąa pas du tout de pieds, ou ce qui nĂąâŹâąen a que de mauvais. Parfois, la Privation, cĂąâŹâąest de nĂąâŹâąavoir la chose quĂąâŹâąen petite quantitĂ© ; et cĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąun fruit quĂąâŹâąil nĂąâŹâąa pas de noyau, parce que son noyau est trĂšs petit ; [1203a] ce qui revient Ă dire quĂąâŹâąĂ un Ă©gard quelconque la chose est dĂ©fectueuse. Parfois encore, la Privation consiste en ce que la chose ne se fait pas aisĂ©ment, ou en ce quĂąâŹâąelle se fait mal. Ainsi, lĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est indivisible, non pas seulement parce quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas divisĂ©e, mais encore parce quĂąâŹâąelle ne peut pas lĂąâŹâąĂÂȘtre aisĂ©ment, ou quĂąâŹâąelle lĂąâŹâąest de travers. Parfois, la Privation veut dire que la chose nĂąâŹâąa rien absolument de la qualitĂ© en question. Ainsi, on ne dit pas dĂąâŹâąun borgne quĂąâŹâąil est aveugle ; mais on le dit de celui dont les deux yeux ont perdu la vue. VoilĂ encore comment tout le monde nĂąâŹâąest pas bon ou mĂ©chant, juste ou injuste, mais que lĂąâŹâąon a aussi des qualitĂ©s moyennes se fait mal. Chapitre 23 Avoir. Avoir peut se prendre en plusieurs sens. PremiĂšrement, cette expression peut signifier que la chose agit selon sa nature propre, ou selon son penchant. Ainsi, lĂąâŹâąon dit que la fiĂšvre A son empreinte sur le visage de telle personne, que les tyrans ont la domination des citĂ©s, que les gens enveloppĂ©s dĂąâŹâąun habit ont cet habit. Avoir sĂąâŹâąapplique aussi Ă la chose dans laquelle se trouve une autre chose, comme en son rĂ©ceptacle. Ainsi, lĂąâŹâąon dit que lĂąâŹâąairain A la forme de la statue, et que le corps A la fiĂšvre. En un autre sens, Avoir se dit du contenant oĂÂč se trouvent les choses contenues ; car, en parlant dĂąâŹâąun objet contenu, on dit que le contenant lĂąâŹâąA dans sa contenance. Par exemple, nous disons que le vase A telle capacitĂ© de liquide, que la ville A tant dĂąâŹâąhabitants, et que le navire A tant de matelots ; et cĂąâŹâąest encore ainsi que le tout A telles et telles parties. On dit encore dĂąâŹâąune chose, qui en empĂÂȘche une autre de se mouvoir, ou dĂąâŹâąagir selon sa tendance, quĂąâŹâąelle A telle influence sur cette seconde chose. Ainsi, lĂąâŹâąon dit des colonnes quĂąâŹâąelles Ont la force de soutenir les masses Ă©normes quĂąâŹâąelles supportent. CĂąâŹâąest de mĂÂȘme encore que les poĂštes imaginent quĂąâŹâąAtlas A le poids du ciel sur les Ă©paules, de peur sans doute que le ciel ne tombe sur la terre, comme se le figurent certains philosophes parmi ceux qui Ă©tudient la nature. CĂąâŹâąest aussi de cette maniĂšre quĂąâŹâąon dit, de ce qui retient les choses, quĂąâŹâąil A la force de les retenir, comme si, sans cette force de cohĂ©sion, toutes les parties allaient se sĂ©parer les unes des autres, chacune selon son impulsion propre. Il est dĂąâŹâąailleurs Ă©vident que lĂąâŹâąexpression Ă ĂĆ tre dans quelque chose, Ă», a des acceptions analogues et consĂ©cutives Ă celle du mot avoir. Chapitre 24 Provenir. Provenir de quelque chose se dit, en un sens, dĂąâŹâąune chose qui sort dĂąâŹâąune autre, comme de sa matiĂšre ; et en ceci, il peut y avoir encore deux nuances du mot MatiĂšre lĂąâŹâąune, oĂÂč la matiĂšre est le genre primordial ; lĂąâŹâąautre, oĂÂč elle est lĂąâŹâąespĂšce derniĂšre. Mais exemple, on peut dire que tous les liquides ou fusibles Proviennent de lĂąâŹâąeau, cĂąâŹâąest la premiĂšre nuance ; ou que la statue Provient de lĂąâŹâąairain, cĂąâŹâąest la seconde. En une autre signification, Provenir sĂąâŹâąapplique au principe dĂąâŹâąoĂÂč est venu le mouvement initial. Par exemple DĂąâŹâąoĂÂč est Provenue cette rixe ? DĂąâŹâąune insulte ; car cĂąâŹâąest lĂąâŹâąinsulte qui a Ă©tĂ© le point de dĂ©part de la rixe qui a eu lieu. Parfois, Provenir se rapporte au composĂ©, Ă lĂąâŹâąassemblage de la matiĂšre et de la forme. CĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon dit des parties quĂąâŹâąelles Proviennent dĂąâŹâąun tout, quĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąun vers quĂąâŹâąil Provient de lĂąâŹâąIliade, et que telles pierres Proviennent de telle maison. CĂąâŹâąest que la forme des choses est leur fin ; et tout ce qui a atteint sa fin spĂ©ciale est fini et parfait. Quelquefois, on entend le mot Provenir en ce sens oĂÂč lĂąâŹâąon dit que lĂąâŹâąespĂšce Provient de la partie. Ainsi, lĂąâŹâąon pourrait dire que lĂąâŹâąhomme Provient du bipĂšde, et que la syllabe Provient de la lettre, bien que dĂąâŹâąailleurs ce soit en un autre sens. CĂąâŹâąest encore ainsi que lĂąâŹâąon dit que la statue Provient de lĂąâŹâąairain ; [1023b] car la substance composĂ©e Provient dĂąâŹâąune matiĂšre sensible ; mais lĂąâŹâąespĂšce Provient de la matiĂšre de lĂąâŹâąespĂšce. VoilĂ dĂ©jĂ divers sens du mot Provenir ; mais il suffit quĂąâŹâąune de ces nuances existe seulement dans une partie de lĂąâŹâąĂÂȘtre, pour quĂąâŹâąon emploie ce mot. Ainsi, lĂąâŹâąon dit que lĂąâŹâąenfant Provient du pĂšre et de la mĂšre, que les plantes Proviennent de la terre, parce que lĂąâŹâąenfant et les plantes Proviennent de quelque partie spĂ©ciale de la terre et des parents. En un autre sens, Provenir nĂąâŹâąindique que la succession dans le temps. Par exemple, on dit que la nuit Provient du jour, que lĂąâŹâąorage Provient du beau temps, parce que lĂąâŹâąun Vient aprĂšs lĂąâŹâąautre. Parfois, lĂąâŹâąon emploie cette expression pour des choses qui peuvent se changer. lĂąâŹâąune dans lĂąâŹâąautre, comme celles quĂąâŹâąon vient de citer. DĂąâŹâąautres fois, on lĂąâŹâąemploie quand il nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune des choses qui puisse succĂ©der chronologiquement Ă lĂąâŹâąautre. Ainsi, on dit dĂąâŹâąun voyage sur mer quĂąâŹâąil Part de lĂąâŹâąĂ©quinoxe, parce que cĂąâŹâąest aprĂšs lĂąâŹâąĂ©quinoxe quĂąâŹâąil a eu lieu ; de mĂÂȘme quĂąâŹâąon dit des ThargĂ©lies quĂąâŹâąelles comptent Ă partir des Dionysiaques, parce quĂąâŹâąelles Viennent aprĂšs. Chapitre 25 Partie. Dans un premier sens, le mot Partie veut dire ce en quoi une quantitĂ© peut ĂÂȘtre divisĂ©e, de quelque maniĂšre que ce soit ; car toujours ce quĂąâŹâąon enlĂšve Ă une quantitĂ© en tant que quantitĂ© est une Partie ; et cĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon dit que Deux est une certaine partie de Trois. DĂąâŹâąautres fois, on nĂąâŹâąapplique le mot Partie quĂąâŹâąĂ ce qui peut mesurer exactement la quantitĂ©. CĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon peut dire que si, en un sens, Deux est une Partie de Trois, il ne lĂąâŹâąest pas en un autre sens. Dans une acception diffĂ©rente, on entend par Parties ce en quoi le genre pourrait se diviser sans aucune intervention de quantitĂ© ; ce sont lĂ ce quĂąâŹâąon appelle les Parties du genre ; et cĂąâŹâąest en ce sens que les espĂšces sont les Parties du genre qui les comprend. Partie signifie encore ce en quoi un tout se divise, ou ce dont le tout est composĂ©, que ce soit dĂąâŹâąailleurs, ou lĂąâŹâąespĂšce elle-mĂÂȘme, ou la chose qui a lĂąâŹâąespĂšce. Par exemple, lĂąâŹâąairain peut ĂÂȘtre appelĂ© Partie de la sphĂšre dĂąâŹâąairain, du cube dĂąâŹâąairain, parce que lĂąâŹâąairain est la matiĂšre oĂÂč rĂ©side la forme. CĂąâŹâąest encore ainsi quĂąâŹâąun angle est une Partie de la figure. Enfin, on peut appeler Parties dĂąâŹâąun tout les Ă©lĂ©ments qui entrent dans la dĂ©finition essentielle expliquant de chaque chose ce quĂąâŹâąelle est. CĂąâŹâąest ainsi que le genre mĂÂȘme peut ĂÂȘtre considĂ©rĂ© comme faisant Partie de lĂąâŹâąespĂšce, bien que, Ă un autre point de vue, lĂąâŹâąespĂšce fasse aussi Partie du genre. Chapitre 26 Tout. Le mot Tout se dit dĂąâŹâąune chose Ă laquelle il ne manque aucune des parties qui la constituent dans sa totalitĂ© naturelle ; et aussi du contenant, qui enveloppe les choses contenues, de telle sorte que ces choses forment une certaine unitĂ©. Ceci encore peut sĂąâŹâąentendre de deux maniĂšres ou bien chacune des choses contenues est une unitĂ© individuelle ; ou bien lĂąâŹâąunitĂ© ne rĂ©sulte que de lĂąâŹâąensemble de ces choses. Ainsi, lĂąâŹâąuniversel, et en gĂ©nĂ©ral ce qui est exprimĂ© comme formant un tout, est universel, en ce sens quĂąâŹâąil renferme plusieurs termes Ă chacun desquels il peut ĂÂȘtre attribuĂ©, et que tous ces termes nĂąâŹâąen sont pas moins chacun une unitĂ© individuelle par exemple, un homme, un cheval, un dieu, parce quĂąâŹâąon peut dire de tous quĂąâŹâąils sont des ĂÂȘtres animĂ©s. Dans le second sens, le mot Tout sĂąâŹâąapplique au continu et au fini, quand lĂąâŹâąunitĂ© rĂ©sulte de plusieurs parties intĂ©grantes qui existent tout au moins en puissance dans le continu, lorsquĂąâŹâąelles nĂąâŹâąy sont pas absolument rĂ©elles. Et ici, cette nuance du mot Tout se trouve bien plutĂÂŽt dans les choses que crĂ©e la nature que dans les produits de lĂąâŹâąart. DĂ©jĂ , nous lĂąâŹâąavons fait remarquer plus haut Ă propos de lĂąâŹâąUn, quand nous avons dit que la totalitĂ© dĂąâŹâąune chose est une sorte dĂąâŹâąunitĂ©. [1024a] En un autre sens, comme la quantitĂ© a un commencement, un milieu et une fin, on emploie le mot Tout au sens numĂ©rique lĂ oĂÂč la position des parties, que les choses peuvent avoir, ne fait aucune diffĂ©rence ; mais on le prend au sens de TotalitĂ© lĂ oĂÂč la position fait une diffĂ©rence. Dans les cas oĂÂč ces deux conditions Ă la fois sont possibles, on applique aux choses le mot Tout pris, soit numĂ©riquement, soit dans le sens de totalitĂ©. Les deux nuances du mot Tout sont possibles toutes les fois que le dĂ©placement ne change rien Ă la nature de la chose qui reste la mĂÂȘme, et qui ne change que de forme, comme il arrive pour de la cire, ou pour un vĂÂȘtement. On peut dire Ă©galement de ces choses Tout, soit au sens numĂ©rique, soit au sens de TotalitĂ© ; car elles ont ces deux caractĂšres. Mais en parlant de lĂąâŹâąeau, des liquides ou du nombre, on emploie le mot Tout au sens numĂ©rique ; mais on ne dit pas Tout le nombre, Toute lĂąâŹâąeau, dans le sens de totalitĂ©, si ce nĂąâŹâąest par mĂ©taphore. On dit Tous au pluriel numĂ©riquement, quand il sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąobjets auxquels le mot Tout peut sĂąâŹâąappliquer au singulier, pour quĂąâŹâąils forment une unitĂ© ; et le mot Tout sĂąâŹâąy applique, parce quĂąâŹâąon les considĂšre comme des objets sĂ©parĂ©s. Par exemple, Tout ce nombre, Toutes ces unitĂ©s. Chapitre 27 MutilĂ©. Le mot MutilĂ©, ou Incomplet, ne sĂąâŹâąapplique pas Ă toutes les quantitĂ©s au hasard et indistinctement ; il sĂąâŹâąapplique seulement Ă celles qui peuvent ĂÂȘtre divisĂ©es, et qui forment un tout. Ainsi, le nombre Deux nĂąâŹâąest jamais appelĂ© un nombre MutilĂ©, quand on lui retranche une quelconque de ses deux unitĂ©s, puisque jamais la mutilation, dans son sens vrai, ne peut ĂÂȘtre Ă©gale Ă ce qui reste. DĂąâŹâąailleurs, on ne peut pas appliquer absolument Ă un nombre, quelquĂąâŹâąil soit, lĂąâŹâąidĂ©e de Mutilation ; car il faut, pour quĂąâŹâąil y ait Mutilation, que lĂąâŹâąessence de la chose demeure. Par exemple, pour dire dĂąâŹâąune coupe quĂąâŹâąelle est MutilĂ©e, il faut encore quĂąâŹâąil subsiste une coupe ; mais, pour le nombre, il cesse dĂąâŹâąĂÂȘtre le mĂÂȘme. Il faut de plus, pour quĂąâŹâąon puisse appeler les choses MutilĂ©es, quĂąâŹâąelles aient des parties diverses. Et encore ne peut-on pas le dire de toutes choses ; car on ne peut pas le dire du nombre, par exemple, bien quĂąâŹâąil puisse avoir des parties dissemblables ; et cĂąâŹâąest ainsi que Cinq se compose de Deux et de Trois. DĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on nĂąâŹâąapplique jamais lĂąâŹâąidĂ©e de MutilĂ© aux choses oĂÂč la position des parties est tout Ă fait indiffĂ©rente, comme lĂąâŹâąeau et le feu ; mais, pour que cette idĂ©e sĂąâŹâąapplique, il faut que la position des parties importe Ă lĂąâŹâąessence mĂÂȘme de la chose. Il faut en outre que les choses soient continues, pour quĂąâŹâąon puisse voire quĂąâŹâąelles sont MutilĂ©es. Ainsi, par exemple, lĂąâŹâąharmonie se forme de parties dissemblables, qui ont une certaine position ; et cependant on ne dit jamais dĂąâŹâąune harmonie quĂąâŹâąelle est MutilĂ©e. MĂÂȘme pour les choses qui forment une totalitĂ©, on ne dit pas quĂąâŹâąelles sont MutilĂ©es, parce quĂąâŹâąune de leurs parties quelconques en a Ă©tĂ© retranchĂ©e ; car il ne faut pas que ce soient des parties essentielles, ni des parties placĂ©es dĂąâŹâąune façon quelconque. Ainsi, une coupe nĂąâŹâąest pas MutilĂ©e, parce quĂąâŹâąon y fait un trou ; mais elle lĂąâŹâąest, si on lui a brisĂ© une anse ou un bord. LĂąâŹâąhomme nĂąâŹâąest pas MutilĂ©, parce quĂąâŹâąon lui ĂÂą ĂÂŽtĂ© un peu de chair, ou la rate ; mais il lĂąâŹâąest, sĂąâŹâąil a perdu une de ses extrĂ©mitĂ©s, et non pas mĂÂȘme une extrĂ©mitĂ© quelconque, mais une extrĂ©mitĂ© qui ne peut plus revenir une fois quĂąâŹâąelle a Ă©tĂ© enlevĂ©e tout entiĂšre. Et voilĂ pourquoi lĂąâŹâąon ne dit pas des gens chauves quĂąâŹâąils sont MutilĂ©s. Chapitre 28 Genre. Genre sĂąâŹâąentend de la gĂ©nĂ©ration successive et continue dĂąâŹâąĂÂȘtres qui sont de la mĂÂȘme espĂšce. Ainsi lĂąâŹâąon dit Tant que le Genre humain existera, pour dire Tant que continuera la gĂ©nĂ©ration successive des hommes. On entend aussi par Genre, ou Race, lĂąâŹâąorigine dĂąâŹâąoĂÂč certains ĂÂȘtres ont reçu le mouvement initial qui les a amenĂ©s Ă la vie. CĂąâŹâąest ainsi que lĂąâŹâąon dit, de ceux-ci quĂąâŹâąils sont de race HellĂ©nique, de ceux-lĂ , quĂąâŹâąils sont de race Ionienne, parce que les uns viennent dĂąâŹâąHellen, et les autres, dĂąâŹâąIon, considĂ©rĂ© comme leur premier auteur. LĂąâŹâąidĂ©e de Genre se tire plutĂÂŽt du gĂ©nĂ©rateur quĂąâŹâąelle ne se tire de la matiĂšre ; ce qui nĂąâŹâąempĂÂȘche pas quĂąâŹâąelle puisse se rapporter aussi Ă un auteur fĂ©minin ; et cĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon parle de la race de Pyrrha. [1024b] Genre a encore le sens quĂąâŹâąon lui donne quand on dit que la surface, parmi les figures de gĂ©omĂ©trie, est le Genre de toutes les surfaces, que le solide est le Genre de tous les solides, attendu que chacune des figures est telle ou telle surface, et que tout solide est Ă©galement tel ou tel solide particulier ; et cĂąâŹâąest toujours le genre qui est le sujet oĂÂč se manifestent les diffĂ©rences. Dans les dĂ©finitions, on entend encore par Genre le primitif intĂ©grant, qui exprime essentiellement ce quĂąâŹâąest la chose, et dont les qualitĂ©s sont ce quĂąâŹâąon appelle les diffĂ©rences. Telles sont donc les diverses acceptions du mot Genre. En un sens, il exprime la gĂ©nĂ©ration continue et successive de la mĂÂȘme espĂšce ; en un autre sens, il exprime le moteur initial qui produit le semblable en espĂšce ; et enfin, il exprime la matiĂšre ; car ce qui reçoit la diffĂ©rence et la qualitĂ© est prĂ©cisĂ©ment le sujet que nous appelons la matiĂšre. On dit des choses quĂąâŹâąelles sont autres en Genre, quand leur sujet primitif est autre, que lĂąâŹâąune des deux choses ne se rĂ©duit pas Ă lĂąâŹâąautre, ou que toutes deux ne se rĂ©duisent pas Ă une troisiĂšme. CĂąâŹâąest ainsi que la forme et la matiĂšre sont dĂąâŹâąun Genre diffĂ©rent. Les choses diffĂšrent encore de Genre quand elles appartiennent Ă une autre forme de catĂ©gorie de lĂąâŹâąĂĆ tre. On sait que, parmi les catĂ©gories, les unes se rapportent Ă lĂąâŹâąessence de la chose, les autres Ă la qualitĂ©, ou Ă telle autre des divisions que nous avons antĂ©rieurement indiquĂ©es ; car alors elles ne se rĂ©solvent, ni les unes dans les autres, ni dans une unitĂ© quelconque, oĂÂč elles se confondraient. Chapitre 29 Faux. Faux se prend dĂąâŹâąabord en ce sens oĂÂč lĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est fausse ; et une chose peut ĂÂȘtre fausse de deux maniĂšres, soit parce que la combinaison des mots qui lĂąâŹâąexpriment nĂąâŹâąest pas dĂąâŹâąaccord avec la rĂ©alitĂ©, soit parce quĂąâŹâąelle est impossible. Ainsi, il est faux que le diamĂštre soit commensurable, ou que vous soyez actuellement assis ; car de ces deux assertions, lĂąâŹâąune est toujours fausse ; lĂąâŹâąautre ne lĂąâŹâąest quĂąâŹâąĂ un certain moment ; mais, dans ces conditions, ni lĂąâŹâąune ni lĂąâŹâąautre ne sont vraies. DĂąâŹâąautres choses, bien quĂąâŹâąelles soient rĂ©elles, sont appelĂ©es fausses, parce quĂąâŹâąelles paraissent, Ă cause de leur nature propre, ou autrement quĂąâŹâąelles ne sont, ou ce quĂąâŹâąelles ne sont pas telle est, par exemple, une peinture ; tel est un rĂÂȘve. La peinture et le rĂÂȘve sont certainement quelque chose ; mais ce ne sont pas les objets mĂÂȘmes dont ils donnent une idĂ©e tout imaginaire. Ainsi donc, on dit des choses quĂąâŹâąelles sont fausses, soit quĂąâŹâąelles-mĂÂȘmes nĂąâŹâąexistent pas, soit quĂąâŹâąelles donnent lĂąâŹâąimage de quelque chose qui nĂąâŹâąest point. Une dĂ©finition est fausse, en tant quĂąâŹâąelle sĂąâŹâąapplique, dans sa faussetĂ©, Ă des choses qui ne sont pas. CĂąâŹâąest ainsi que toute dĂ©finition est fausse du moment quĂąâŹâąelle sĂąâŹâąapplique Ă une chose autre que celle dont elle est vraie et, par exemple, la dĂ©finition du cercle serait fausse pour le triangle. DĂąâŹâąailleurs, pour chaque chose, il nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune dĂ©finition, qui tantĂÂŽt est unique, et alors cĂąâŹâąest celle qui sĂąâŹâąadresse Ă lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąĂÂȘtre ; ou tantĂÂŽt, multiple. Mais cĂąâŹâąest toujours un ĂÂȘtre identique qui est considĂ©rĂ©, dĂąâŹâąabord en lui-mĂÂȘme, et ensuite, considĂ©rĂ© dans les modifications quĂąâŹâąil prĂ©sente. Tel est, par exemple, dĂąâŹâąabord Socrate ; et ensuite, Socrate instruit et savant. A vrai dire, la dĂ©finition fausse nĂąâŹâąest la dĂ©finition de rien ; aussi AntisthĂšne Ă©tait-il assez naĂÂŻf, quand il soutenait quĂąâŹâąon ne peut jamais appliquer Ă une chose que sa dĂ©finition propre, une pour une, sans pouvoir en dire autre chose. DĂąâŹâąoĂÂč la consĂ©quence nĂ©cessaire quĂąâŹâąon ne peut contredire quoi que ce soit, et quĂąâŹâąil y a presque impossibilitĂ© Ă rien dire de faux. Le fait est quĂąâŹâąil est possible, pour chaque chose, de lui appliquer sa dĂ©finition propre, ou la dĂ©finition dĂąâŹâąune autre chose, cette seconde dĂ©finition Ă©tant, ou absolument Fausse, ou pouvant ĂÂȘtre vraie aussi Ă certains Ă©gards, comme Huit peut ĂÂȘtre appelĂ© le double de quelque chose, au point de vue de la dĂ©finition du double. [1025a] VoilĂ donc diverses acceptions du mot Faux, pour les choses. En lĂąâŹâąappliquant aux personnes, on dit que tel homme est Faux, ou menteur, quand il accepte aisĂ©ment, ou quĂąâŹâąil invente de son plein grĂ©, des propos de ce genre, sans autre motif que leur FaussetĂ© mĂÂȘme, et quĂąâŹâąil essaie de les faire croire Ă autrui. Il en est de lui comme des choses dont nous disons quĂąâŹâąelles sont fausses, quand elles provoquent dans lĂąâŹâąesprit une fausse idĂ©e. Aussi, est-ce une grande erreur dans lĂąâŹâąHippias de soutenir que le mĂÂȘme homme est tout Ă la fois menteur et vĂ©ridique ; car on y appelle Faux et menteur lĂąâŹâąhomme qui peut dĂ©biter des faussetĂ©s et des mensonges. Or, le vrai menteur est celui qui sait les choses et qui se rend compte de son mensonge. CĂąâŹâąest par une erreur pareille quĂąâŹâąon soutient encore que lĂąâŹâąhomme qui est mĂ©chant parce quĂąâŹâąil le veut, est supĂ©rieur Ă celui qui est bon sans le vouloir. Mais cĂąâŹâąest lĂ une idĂ©e complĂštement fausse, Ă laquelle conduit une induction qui ne lĂąâŹâąest pas moins. Car, dit-on, boiter parce quĂąâŹâąon le veut bien, vaut mieux que de boiter sans le vouloir. Mais ici lĂąâŹâąon prend le mot boiter dans le sens de faire semblant de boiter, puisque celui qui se rendrait rĂ©ellement boiteux par un effet de sa libre volontĂ©, pourrait ĂÂȘtre pire, en effet, comme, par exemple, sous le rapport de la moralitĂ©, on est plus mĂ©chant quand on lĂąâŹâąest volontairement ; et cĂąâŹâąest lĂ le cas du menteur. Chapitre 30 Accident. Accident sĂąâŹâąentend dĂąâŹâąune chose qui est attribuĂ©e Ă une autre, dont elle est dite avec vĂ©ritĂ©, sans que ce soit cependant, ni une nĂ©cessitĂ©, ni mĂÂȘme le cas le plus ordinaire. Par exemple, si quelquĂąâŹâąun vient Ă trouver un trĂ©sor en creusant un trou pour y planter un arbre, cĂąâŹâąest un pur accident de rencontrer un trĂ©sor en creusant une fosse ; car il nĂąâŹâąy a pas la moindre nĂ©cessitĂ© que cette dĂ©couverte soit produite par cet acte, ni quĂąâŹâąelle en soit la consĂ©quence ; et ce nĂąâŹâąest pas davantage un fait ordinaire que de trouver un trĂ©sor en faisant un trou pour planter un arbre. CĂąâŹâąest Ă©galement un simple accident quĂąâŹâąun homme instruit soit en mĂÂȘme temps de couleur blanche ; et nous disons que cĂąâŹâąest une qualitĂ© accidentelle, puisquĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas lĂ non plus la moindre nĂ©cessitĂ©, et que ce nĂąâŹâąest pas davantage un cas ordinaire. Ainsi donc, quand une chose est rĂ©elle et quĂąâŹâąelle est attribuĂ©e Ă une autre, et que, selon les cas, elle existe dans tel lieu, ou dans tel instant, cĂąâŹâąest un accident qui est bien rĂ©el sans doute, mais qui ne se produit pas nĂ©anmoins, parce que telle autre chose a Ă©tĂ© prĂ©alablement, soit dans tel temps, soit dans tel lieu. LĂąâŹâąAccident nĂąâŹâąa jamais une cause dĂ©terminĂ©e ; cĂąâŹâąest une cause fortuite qui lĂąâŹâąamĂšne, et une telle cause est absolument indĂ©terminĂ©e. CĂąâŹâąest un pur Accident, par exemple, dĂąâŹâąaborder Ă Ăâ°gine, lorsquĂąâŹâąon y est arrivĂ© sans avoir du tout lĂąâŹâąintention de sĂąâŹâąy rendre, mais quĂąâŹâąon y a Ă©tĂ© jetĂ© par la tourmente, ou quĂąâŹâąon y a Ă©tĂ© conduit par des pirates qui vous ont pris. Sans doute, lĂąâŹâąAccident, en ce cas, sĂąâŹâąest produit, et il nĂąâŹâąest que trop rĂ©el ; mais il nĂąâŹâąexiste pas en soi, et il nĂąâŹâąexiste que par une autre chose. CĂąâŹâąest la tempĂÂȘte, en effet, qui est la seule cause quĂąâŹâąon ne soit pas allĂ© oĂÂč lĂąâŹâąon voulait, et que le terme du voyage ait Ă©tĂ© lĂąâŹâąĂle dĂąâŹâąĂâ°gine. Le mot dĂąâŹâąAccident a encore un autre sens, et il sĂąâŹâąapplique Ă tout attribut dĂąâŹâąune chose quelconque qui ne fait pas partie de son essence, mais qui ne lui en appartient pas moins. Par exemple, cĂąâŹâąest un attribut Accidentel pour le triangle dĂąâŹâąavoir ses trois angles Ă©gaux Ă deux droits. Les Accidents de ce dernier genre peuvent ĂÂȘtre Ă©ternels, tandis que les autres ne le sont jamais. Mais cĂąâŹâąest ailleurs que nous Ă©tudierons cette question. Livre 6 Chapitre 1 [1025b] Nous cherchons les principes et les causes des ĂÂȘtres, mais, Ă©videmment, des ĂÂȘtres en tant quĂąâŹâąĂÂȘtres. Il y a une cause qui produit la santĂ© et le bien-ĂÂȘtre ; les mathĂ©matiques ont aussi des principes, des Ă©lĂ©ments, des causes ; et, en gĂ©nĂ©ral, toute science intellectuelle ou qui participe de lĂąâŹâąintelligence par quelque point, porte sur des causes et des principes, plus ou moins rigoureux, plus ou moins simples. Mais toutes ces sciences nĂąâŹâąembrassent quĂąâŹâąun objet dĂ©terminĂ©, traitent uniquement de ce genre, de cet objet, sans entrer dans aucune considĂ©ration sur lĂąâŹâąĂÂȘtre proprement dit, ni sur lĂąâŹâąĂÂȘtre en tant quĂąâŹâąĂÂȘtre, ni sur lĂąâŹâąessence des choses. Elles partent de lĂąâŹâąĂÂȘtre, les unes de lĂąâŹâąĂÂȘtre rĂ©vĂ©lĂ© par les sens, les autres de lĂąâŹâąessence admise comme fait fondamental ; puis, abordant les propriĂ©tĂ©s essentielles au genre dĂąâŹâąĂÂȘtre dont elles sĂąâŹâąoccupent, elles tirent des principes, des dĂ©monstrations plus ou moins absolues, plus ou moins probables. Il est clair quĂąâŹâąil ne sort dĂąâŹâąune telle induction, ni une dĂ©monstration de la substance, ni une dĂ©monstration de lĂąâŹâąessence cĂąâŹâąest une autre mĂ©thode de dĂ©monstration quĂąâŹâąil faut pour arriver Ă ce rĂ©sultat. Par la mĂÂȘme raison elles ne disent rien de lĂąâŹâąexistence ou de la non-existence du genre dĂąâŹâąĂÂȘtres dont elles traitent ; car, montrer ce que cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąessence, et prouver lĂąâŹâąexistence, dĂ©pendent de la mĂÂȘme opĂ©ration intellectuelle. La Physique est la science dĂąâŹâąun genre dĂąâŹâąĂÂȘtres dĂ©terminĂ© ; elle sĂąâŹâąoccupe de cette substance qui possĂšde en elle le principe du mouvement et du repos. Ăâ°videmment elle nĂąâŹâąest ni une science pratique, ni une science crĂ©atrice. Le principe de toute crĂ©ation, cĂąâŹâąest, dans lĂąâŹâąagent, ou lĂąâŹâąesprit, ou lĂąâŹâąart, ou une certaine puissance. La volontĂ© est dans lĂąâŹâąagent le principe de toute pratique cĂąâŹâąest la mĂÂȘme chose qui est lĂąâŹâąobjet de lĂąâŹâąaction et celui du choix. Si donc toute conception intellectuelle a en vue ou la pratique, ou la crĂ©ation, ou la thĂ©orie, la Physique sera une science thĂ©orĂ©tique, mais la science thĂ©orĂ©tique des ĂÂȘtres qui sont susceptibles de mouvement, et la science dĂąâŹâąune seule essence, celle dont la notion est insĂ©parable dĂąâŹâąun sujet matĂ©riel. Mais il ne faut pas quĂąâŹâąon ignore ce que cĂąâŹâąest que forme dĂ©terminĂ©e, la notion essentielle des ĂÂȘtres physiques ; chercher la vĂ©ritĂ© sans cette connaissance, cĂąâŹâąest faire de vains efforts. Pour la dĂ©finition, pour lĂąâŹâąessence, on distingue deux cas ; prenons pour exemples le camus et le retroussĂ©. Ces deux choses diffĂšrent en ce que le camus ne se conçoit quĂąâŹâąavec la matiĂšre le camus, cĂąâŹâąest le nez retroussĂ© ; tandis quĂąâŹâąau contraire le retroussĂ© se conçoit indĂ©pendamment de toute matiĂšre sensible. [1026a] Or, si tous les sujets physiques sont dans le mĂÂȘme cas que le camus ĂąâŹâ ainsi le nez, lĂąâŹâąĂ âil, la face, la chair, lĂąâŹâąos, et enfin lĂąâŹâąanimal, la feuille, la racine, lĂąâŹâąĂ©corce, et enfin la plante ; car la notion de chacun de ces objets est toujours accompagnĂ©e de celle du mouvement, et toujours ils ont une matiĂšre ĂąâŹâ, on voit alors comment il faut chercher et dĂ©finir la forme essentielle des objets physiques. On comprend aussi pourquoi le physicien doit sĂąâŹâąoccuper de cette ĂÂąme qui nĂąâŹâąexiste pas indĂ©pendamment de la matiĂšre. Il est Ă©vident, par ce qui prĂ©cĂšde, que la Physique est une science thĂ©orĂ©tique. La Science mathĂ©matique est thĂ©orĂ©tique aussi ; mais les objets dont elle sĂąâŹâąoccupe sont-ils rĂ©ellement immobiles et indĂ©pendants ? CĂąâŹâąest ce que nous ne savons point encore ; ce que nous savons toutefois, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil est des ĂÂȘtres mathĂ©matiques quĂąâŹâąelle considĂšre en tant quĂąâŹâąimmobiles, et en tant quĂąâŹâąindĂ©pendants. Or, sĂąâŹâąil y a quelque chose de rĂ©ellement immobile, dĂąâŹâąĂ©ternel, dĂąâŹâąindĂ©pendant, cĂąâŹâąest Ă©videmment Ă la science thĂ©orĂ©tique quĂąâŹâąen appartient la connaissance. Et certes, cette connaissance nĂąâŹâąest pas le partage de la Physique, car la Physique a pour objets des ĂÂȘtres susceptibles de mouvement ; elle ne revient pas non plus Ă la Science mathĂ©matique, mais Ă une science supĂ©rieure Ă lĂąâŹâąune et Ă lĂąâŹâąautre. La Physique Ă©tudie des ĂÂȘtres insĂ©parables de la matiĂšre, et qui peuvent ĂÂȘtre mis en mouvement ; quelques-uns de ceux dont traite la Science mathĂ©matique sont immobiles, il est vrai, mais insĂ©parables peut-ĂÂȘtre de la matiĂšre, tandis que la Science premiĂšre a pour objet lĂąâŹâąindĂ©pendant et lĂąâŹâąimmobile. Toutes les causes sont nĂ©cessairement Ă©ternelles ; les causes immobiles et indĂ©pendantes le sont par excellence, car elles sont les causes des phĂ©nomĂšnes cĂ©lestes. Il y a donc trois sciences thĂ©orĂ©tiques, la Science mathĂ©matique, la Physique et la ThĂ©ologie. En effet, si Dieu existe quelque part, cĂąâŹâąest dans la nature immobile et indĂ©pendante quĂąâŹâąil faut le reconnaĂtre. Et dĂąâŹâąailleurs, la science par excellence doit avoir pour objet lĂąâŹâąĂÂȘtre par excellence. Les sciences thĂ©orĂ©tiques sont Ă la tĂÂȘte des autres sciences ; mais celle dont nous parlons est Ă la tĂÂȘte des sciences thĂ©orĂ©tiques On peut se demander si la philosophie premiĂšre est une science universelle, ou bien si elle traite dĂąâŹâąun genre unique et dĂąâŹâąune seule nature. Il nĂąâŹâąen est pas de cette science comme des sciences mathĂ©matiques. La GĂ©omĂ©trie et lĂąâŹâąAstronomie ont pour objet une nature particuliĂšre, tandis que la premiĂšre philosophie embrasse sans exception lĂąâŹâąĂ©tude de toutes les natures. SĂąâŹâąil nĂąâŹâąy avait pas, outre les substances qui ont une matiĂšre, quelque substance dĂąâŹâąune autre nature, la Physique serait alors la science premiĂšre. Mais sĂąâŹâąil y a une substance immobile, cĂąâŹâąest cette substance qui est antĂ©rieure aux autres, et la science premiĂšre est la philosophie. Cette science, a titre de science premiĂšre, est aussi la science universelle, et cĂąâŹâąest Ă elle quĂąâŹâąil appartiendra dĂąâŹâąĂ©tudier lĂąâŹâąĂÂȘtre en tant quĂąâŹâąĂÂȘtre, lĂąâŹâąessence, et les propriĂ©tĂ©s de lĂąâŹâąĂÂȘtre en tant quĂąâŹâąĂÂȘtre. Chapitre 2 LĂąâŹâąĂÂȘtre proprement dit sĂąâŹâąentend dans plusieurs sens. Il y a dĂąâŹâąabord lĂąâŹâąĂÂȘtre accidentel, puis lĂąâŹâąĂÂȘtre qui dĂ©signe la vĂ©ritĂ©, et, en regard, le non-ĂÂȘtre qui dĂ©signe le faux ; de plus, chaque forme de lĂąâŹâąattribution est une maniĂšre dĂąâŹâąenvisager lĂąâŹâąĂÂȘtre on le considĂšre sous le rapport de lĂąâŹâąessence, de la qualitĂ©, de la quantitĂ©, du lieu, du temps et sous les autres points de vue analogues ; [1026b] enfin il y a lĂąâŹâąĂÂȘtre en puissance et lĂąâŹâąĂÂȘtre en acte. PuisquĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit des diverses acceptions quĂąâŹâąon donne Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre, nous devons remarquer avant tout quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a aucune spĂ©culation qui ait pour objet lĂąâŹâąĂÂȘtre accidentel ; et la preuve, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąaucune science, ni pratique, ni crĂ©atrice, ni thĂ©orĂ©tique, ne tient compte de lĂąâŹâąaccident. Celui qui fait une maison ne fait pas les accidents divers dont cette construction est le sujet, car le nombre de ces accidents est infini. Rien nĂąâŹâąempĂÂȘche que la maison construite paraisse agrĂ©able aux uns, dĂ©sagrĂ©able aux autres, utile Ă ceux-ci, et revĂÂȘte, pour ainsi dire, toute sorte dĂąâŹâąĂÂȘtres divers, dont aucun nĂąâŹâąest le produit de lĂąâŹâąart de bĂÂątir. De mĂÂȘme aussi le gĂ©omĂštre ne sĂąâŹâąoccupe ni des accidents de ce genre dont les figures sont le sujet, ni de la diffĂ©rence quĂąâŹâąil peut y avoir entre le triangle rĂ©alisĂ© et le triangle qui a la somme de ses trois angles Ă©gale Ă deux angles droits. Et cĂąâŹâąest avec raison quĂąâŹâąon en use ainsi lĂąâŹâąaccident nĂąâŹâąa, en quelque sorte, quĂąâŹâąune existence nominale. Ce nĂąâŹâąest donc pas Ă tort, sous un point de vue, que Platon a rangĂ© dans la classe du non-ĂÂȘtre lĂąâŹâąobjet de la Sophistique. CĂąâŹâąest lĂąâŹâąaccident, en effet, que les sophistes ont pris, de prĂ©fĂ©rence Ă tout, si je puis dire, pour le texte de leurs discours. Ils se demandent sĂąâŹâąil y a diffĂ©rence ou identitĂ© entre musicien et grammairien, entre Coriscus musicien et Coriscus, si tout ce qui est, mais nĂąâŹâąest pas de tout temps, est devenu ; et, par suite, si celui qui est musicien est devenu grammairien, ou celui qui est grammairien, musicien ; et toutes les autres questions analogues. Or, lĂąâŹâąaccident semble quelque chose qui diffĂšre peu du non-ĂÂȘtre, comme on le voit Ă de pareilles questions. Il y a bien pour tous les ĂÂȘtres dĂąâŹâąune autre sorte, devenir et destruction, mais non pas pour lĂąâŹâąĂÂȘtre accidentel. Nous devons dire toutefois, autant quĂąâŹâąil nous sera possible, quelle est la nature de lĂąâŹâąaccident, et quelle est sa cause dĂąâŹâąexistence peut-ĂÂȘtre verra-t-on par cela mĂÂȘme pourquoi il nĂąâŹâąy a pas de science de lĂąâŹâąaccident. Parmi les ĂÂȘtres, les uns restent dans le mĂÂȘme Ă©tat, toujours et nĂ©cessairement, non pas de cette nĂ©cessitĂ© qui nĂąâŹâąest que la violence, mais de celle quĂąâŹâąon dĂ©finit lĂąâŹâąimpossibilitĂ© dĂąâŹâąĂÂȘtre autrement ; tandis que les autres nĂąâŹâąy restent ni nĂ©cessairement, ni toujours, ni ordinairement voilĂ le principe, voilĂ la cause de lĂąâŹâąĂÂȘtre accidentel. Ce qui nĂąâŹâąest ni toujours, ni dans le plus grand nombre de cas, cĂąâŹâąest ce que nous nommons accident. Fait-il grand vent et froid dans la canicule, nous disons que cĂąâŹâąest accidentel ; nous nous servons dĂąâŹâąun autre terme sĂąâŹâąil fait alors de la chaleur et de la sĂ©cheresse. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąici cĂąâŹâąest ce qui a toujours lieu, ou du moins ordinairement, et que lĂ cĂąâŹâąest le contraire. CĂąâŹâąest un accident que lĂąâŹâąhomme soit blanc, car il ne lĂąâŹâąest ni toujours, ni ordinairement ; mais ce nĂąâŹâąest point accidentellement quĂąâŹâąil est animal. Que lĂąâŹâąarchitecte produise la santĂ©, ce nĂąâŹâąest quĂąâŹâąun accident non plus [1027a] il nĂąâŹâąest pas dans la nature de lĂąâŹâąarchitecte, mais dans celle du mĂ©decin de produire la santĂ© ; cĂąâŹâąest accidentellement que lĂąâŹâąarchitecte est mĂ©decin. Et le cuisinier, tout en ne visant quĂąâŹâąau plaisir, peut bien composer quelque mets utile Ă la santĂ© ; mais ce rĂ©sultat ne provient point de lĂąâŹâąart culinaire aussi disons-nous que cĂąâŹâąest un rĂ©sultat accidentel ; le cuisinier quelquefois y arrive, mais non pas absolument. Il est des ĂÂȘtres qui sont les produits de certaines puissances les accidents ne sont, au contraire, les produits dĂąâŹâąaucun art, ni dĂąâŹâąaucune puissance dĂ©terminĂ©e. CĂąâŹâąest que ce qui est ou devient accidentellement, ne peut avoir quĂąâŹâąune cause accidentelle. Il nĂąâŹâąy a pas nĂ©cessitĂ© ni Ă©ternitĂ© pour tout ce qui est ou devient la plupart des choses ne sont que souvent ; il faut donc quĂąâŹâąil y ait un ĂÂȘtre accidentel. Ainsi, le blanc nĂąâŹâąest musicien ni toujours, ni ordinairement. Or, cela arrive quelquefois ; cela est donc un accident ; sinon, tout serait nĂ©cessaire. De sorte que la cause de lĂąâŹâąaccidentel, cĂąâŹâąest la matiĂšre, en tant que susceptible dĂąâŹâąĂÂȘtre autre quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest ordinairement. De deux choses lĂąâŹâąune ou bien il nĂąâŹâąy a rien qui soit ni toujours, ni ordinairement, ou bien cette supposition est impossible. Il y a donc quelque autre chose, les effets du hasard et les accidents. Mais nĂąâŹâąy a-t-il que le souvent dans les ĂÂȘtres, et nullement le toujours, ou bien y a-t-il des ĂÂȘtres Ă©ternels ? CĂąâŹâąest un point que nous discuterons plus tard. On voit assez quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas de science de lĂąâŹâąaccident. Toute science a pour objet ce qui arrive toujours ou dĂąâŹâąordinaire. Comment sans cela ou apprendre soi-mĂÂȘme, ou enseigner aux autres ? Il faut, pour quĂąâŹâąil y ait science, la condition du toujours ou du souvent. Ainsi LĂąâŹâąhydromel est ordinairement bon pour la fiĂšvre. Mais on ne pourra marquer lĂąâŹâąexception, et dire quand il ne lĂąâŹâąest pas, Ă la nouvelle lune, par exemple ; car, mĂÂȘme Ă la nouvelle lune, il est bon ou bien dans tous les cas, ou bien dans le plus grand nombre des cas. Or, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąaccident qui est lĂąâŹâąexception. VoilĂ pour la nature de lĂąâŹâąaccident, pour la cause qui le produit, et pour lĂąâŹâąimpossibilitĂ© dĂąâŹâąune science de lĂąâŹâąĂÂȘtre accidentel. Chapitre 3 Il est clair que les principes et les causes des accidents se produisent et se dĂ©truisent, sans quĂąâŹâąil y ait rĂ©ellement, dans ce cas, ni production, ni destruction. SĂąâŹâąil nĂąâŹâąen Ă©tait pas ainsi, si la production et la destruction de lĂąâŹâąaccident avaient nĂ©cessairement une cause non-accidentelle, alors tout serait nĂ©cessaire. Telle chose sera-t-elle ou non ? Oui, si telle chose a lieu ; sinon, non. Et cette chose aura lieu, si une autre a lieu elle-mĂÂȘme. En poursuivant de la sorte, et en retranchant toujours du temps dĂąâŹâąun temps fini, Ă©videmment on arrivera Ă lĂąâŹâąinstant actuel. [1027b] Ainsi donc, tel homme mourra-t-il de maladie, ou de mort violente ? De mort violente sĂąâŹâąil sort de la ville il sortira sĂąâŹâąil a soif, il aura soif Ă une autre condition. De cette façon on arrive Ă un fait actuel, ou Ă quelque fait accompli dĂ©jĂ . Par exemple, il sortira sĂąâŹâąil a soif il aura soif sĂąâŹâąil mange des mets salĂ©s ; ce dernier fait est ou nĂąâŹâąest pas. CĂąâŹâąest donc nĂ©cessairement que cet homme mourra ou ne mourra pas de mort violente. Si lĂąâŹâąon remonte aux faits accomplis, le mĂÂȘme raisonnement sĂąâŹâąapplique encore ; car il y a dĂ©jĂ dans lĂąâŹâąĂÂȘtre donnĂ© la condition de ce qui sera Ă savoir, le fait qui sĂąâŹâąest accompli. Tout ce qui sera, sera donc nĂ©cessairement. Ainsi, cĂąâŹâąest nĂ©cessairement que lĂąâŹâąĂÂȘtre qui vit, mourra ; car il y a dĂ©jĂ en lui la condition nĂ©cessaire, par exemple, la rĂ©union des Ă©lĂ©ments contraires dans le mĂÂȘme corps. Mais mourra-t-il de maladie ou de mort violente ? La condition nĂ©cessaire nĂąâŹâąest pas encore remplie ; elle ne le sera que si telle chose a lieu. Il est donc Ă©vident que lĂąâŹâąon remonte ainsi Ă un principe, lequel ne se ramĂšne plus Ă aucun autre. CĂąâŹâąest lĂ le principe de ce qui arrive dĂąâŹâąune maniĂšre indĂ©terminĂ©e ce principe, aucune cause ne lĂąâŹâąa produit lui-mĂÂȘme. Mais Ă quel principe, et Ă quelle cause amĂšne une telle rĂ©duction ; est-ce Ă la matiĂšre, Ă la cause finale ou Ă celle du mouvement ? CĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąil nous faudra examiner avec le plus grand soin. Sur lĂąâŹâąĂÂȘtre accidentel, tenons-nous-en Ă ce qui prĂ©cĂšde nous avons suffisamment dĂ©terminĂ© quels sont ses caractĂšres. Quant Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre en tant que vrai, et au non-ĂÂȘtre en tant que faux, ils ne consistent que dans la rĂ©union et la sĂ©paration de lĂąâŹâąattribut et du sujet, en un mot, dans lĂąâŹâąaffirmation ou la nĂ©gation. Le vrai, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąaffirmation de la convenance du sujet et de lĂąâŹâąattribut, la nĂ©gation de leur disconvenance. Le faux est la contrepartie de cette affirmation et de cette nĂ©gation. Mais comment se fait-il que nous concevions ou rĂ©unis ou sĂ©parĂ©s lĂąâŹâąattribut et le sujet et quand je parle de rĂ©union ou de sĂ©paration, jĂąâŹâąentends une rĂ©union qui produise, non pas une succession dĂąâŹâąobjet, mais un ĂÂȘtre un ? CĂąâŹâąest ce dont il ne sĂąâŹâąagit point prĂ©sentement. Le faux ni le vrai ne sont point dans les choses, comme, par exemple, si le bien Ă©tait le vrai, et le mal, le faux. Ils nĂąâŹâąexistent que dans la pensĂ©e ; encore, les notions simples, la conception des pures essences, ne produisent-elles rien de semblable dans la pensĂ©e. Nous aurons plus tard Ă nous occuper de lĂąâŹâąĂÂȘtre et du non-ĂÂȘtre en tant que vrai et faux. QuĂąâŹâąil nous suffise dĂąâŹâąavoir remarquĂ© que la convenance ou la disconvenance du sujet et de lĂąâŹâąattribut existe dans la pensĂ©e et non dans les choses, et que lĂąâŹâąĂÂȘtre en question nĂąâŹâąa pas dĂąâŹâąexistence propre ; car, ce que la pensĂ©e rĂ©unit au sujet ou en sĂ©pare, peut ĂÂȘtre ou bien lĂąâŹâąessence, ou bien la qualitĂ©, ou bien la quantitĂ©, ou tout autre mode de lĂąâŹâąĂÂȘtre laissons donc de cĂÂŽtĂ© lĂąâŹâąĂÂȘtre en tant que vrai, comme nous avons fait pour lĂąâŹâąĂÂȘtre accidentel. En effet, la cause de celui-ci est indĂ©terminĂ©e ; celle de lĂąâŹâąautre nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune modification de la pensĂ©e. [1028a] LĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre ont pour objets les divers genres de lĂąâŹâąĂÂȘtre, et ils ne manifestent, ni lĂąâŹâąun ni lĂąâŹâąautre, quelque nature particuliĂšre dĂąâŹâąĂÂȘtre. Passons-les donc tous les deux sous silence, et occupons-nous de lĂąâŹâąexamen des causes et des principes de lĂąâŹâąĂÂȘtre lui-mĂÂȘme en tant quĂąâŹâąĂÂȘtre ; et rappelons-nous quĂąâŹâąen dĂ©terminant le sens des termes de la philosophie, nous avons Ă©tabli que lĂąâŹâąĂÂȘtre se prend sous plusieurs acceptions. Livre 7 Chapitre 1 Ce mot dĂąâŹâąĂĆ tre peut recevoir plusieurs acceptions, comme lĂąâŹâąa montrĂ© lĂąâŹâąanalyse que nous en avons faite antĂ©rieurement, en traitant des sens divers de ce mot. ĂĆ tre peut signifier, dĂąâŹâąune part, la substance de la chose et son existence individuelle ; dĂąâŹâąautre part, il signifie quĂąâŹâąelle a telle qualitĂ©, telle quantitĂ©, ou tel autre des diffĂ©rents attributs de cette sorte. Du moment que lĂąâŹâąĂĆ tre peut sĂąâŹâąĂ©noncer sous tant de formes, il est clair que lĂąâŹâąĂĆ tre premier entre tous est celui qui exprime ce quĂąâŹâąest la chose, cĂąâŹâąest-Ă -dire son existence substantielle. Ainsi, quand nous voulons dĂ©signer la qualitĂ© dĂąâŹâąune chose, nous disons quĂąâŹâąelle est bonne ou mauvaise ; et alors nous ne disons pas plus que sa longueur est de trois coudĂ©es que nous ne disons quĂąâŹâąelle est un homme. Tout au contraire, si nous voulons exprimer ce quĂąâŹâąest la chose elle-mĂÂȘme, nous ne disons plus quĂąâŹâąelle est blanche, ou chaude, ou de trois coudĂ©es ; nous disons simplement que cĂąâŹâąest un homme, ou un Dieu. Toutes les autres espĂšces de choses ne sont appelĂ©es des ĂÂȘtres que parce que les unes sont des quantitĂ©s de lĂąâŹâąĂĆ tre ainsi conçu ; les autres, des qualitĂ©s ; celles-ci, des affections ; celles-lĂ , telle autre modification analogue. Aussi, lĂąâŹâąon peut se demander si chacune de ces façons dĂąâŹâąĂÂȘtre, quĂąâŹâąon dĂ©signe par ces mots Marcher, Se bien porter, SĂąâŹâąasseoir, sont bien de lĂąâŹâąĂĆ tre ou nĂąâŹâąen sont pas ; et la mĂÂȘme question se reprĂ©sente pour toutes les autres classes quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąĂ©numĂ©rer. Aucun de ces ĂÂȘtres secondaires nĂąâŹâąexiste naturellement en soi, et ne peut ĂÂȘtre sĂ©parĂ© de la substance individuelle ; et ceci doit paraĂtre dĂąâŹâąautant plus rationnel que lĂąâŹâąĂĆ tre rĂ©el, cĂąâŹâąest ce qui marche, cĂąâŹâąest ce qui se porte bien, cĂąâŹâąest ce qui est assis. Et ce qui fait surtout que ce sont lĂ des ĂÂȘtres, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil y a sous tout cela un ĂÂȘtre dĂ©terminĂ©, qui leur sert de sujet. Ce sujet, cĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment la substance et lĂąâŹâąindividu, qui se montre clairement dans la catĂ©gorie qui y est attribuĂ©e. Sans cette premiĂšre condition, on ne pourrait pas dire que lĂąâŹâąĂÂȘtre est bon, ou quĂąâŹâąil est assis. Ainsi donc, il est bien clair que cĂąâŹâąest uniquement grĂÂące Ă cette catĂ©gorie de la substance, que chacun des autres attributs peut exister. Et par consĂ©quent, lĂąâŹâąĂĆ tre premier, qui nĂąâŹâąest pas de telle ou telle maniĂšre particuliĂšre, mais qui est simplement lĂąâŹâąĂĆ tre, cĂąâŹâąest la substance individuelle. Le mot Premier peut, il est vrai, ĂÂȘtre pris lui-mĂÂȘme en plusieurs sens ; mais la substance nĂąâŹâąen est pas moins le premier sens de lĂąâŹâąĂĆ tre, quĂąâŹâąon le considĂšre dĂąâŹâąailleurs sous quelque rapport que ce soit, la dĂ©finition, la connaissance, le temps, et la nature. Pas un seul des autres attributs de lĂąâŹâąĂĆ tre ne peut exister sĂ©parĂ©ment ; il nĂąâŹâąy a que la substance toute seule qui le puisse. DĂąâŹâąabord, cĂąâŹâąest bien cela quĂąâŹâąest le primitif sous le rapport de la dĂ©finition ; car de toute nĂ©cessitĂ©, dans la dĂ©finition dĂąâŹâąune chose quelconque, la dĂ©finition mĂÂȘme de la substance est toujours implicitement comprise. Ajoutez que, quel que soit lĂąâŹâąĂÂȘtre dont il sĂąâŹâąagit, nous ne croyons le connaĂtre que quand nous savons, par exemple, que cĂąâŹâąest un homme, ou que cĂąâŹâąest du feu. [1028b] Et alors, nous le connaissons bien plus que quand nous savons seulement quĂąâŹâąil a telle qualitĂ©, ou telle quantitĂ©, ou quĂąâŹâąil est dans tel lieu. Pour ces notions mĂÂȘmes, nous les comprenons dĂąâŹâąautant mieux que nous savons quel est lĂąâŹâąĂÂȘtre qui a telle quantitĂ©, ou telle qualitĂ©. On le voit donc cette question agitĂ©e depuis si longtemps, agitĂ©e encore aujourdĂąâŹâąhui, cette question toujours posĂ©e, et toujours douteuse de la nature de lĂąâŹâąĂĆ tre, revient Ă savoir ce quĂąâŹâąest la substance. Les uns prĂ©tendent que lĂąâŹâąĂĆ tre, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąunitĂ© ; pour les autres, cĂąâŹâąest la pluralitĂ© ; pour ceux-ci, les ĂÂȘtres sont limitĂ©s ; pour ceux-lĂ , ils sont infinis. Mais quant Ă nous, notre recherche principale, notre recherche premiĂšre, et nous pourrions presque dire, notre unique recherche, cĂąâŹâąest de savoir ce quĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂĆ tre considĂ©rĂ© sous le point de vue que nous avons indiquĂ©. Chapitre 2 CĂąâŹâąest surtout aux corps que la substance individuelle semble appartenir le plus Ă©videmment. Or, cĂąâŹâąest ainsi que lĂąâŹâąon qualifie de Substances, les animaux, les plantes, leurs diffĂ©rentes parties, et aussi les corps de la nature, tels que le feu, lĂąâŹâąeau, la terre, et tous les autres Ă©lĂ©ments de ce genre, avec tout ce qui en fait partie, ou tout ce qui en est composĂ©, soit quĂąâŹâąon les considĂšre Ă lĂąâŹâąĂ©tat de fraction, soit Ă lĂąâŹâąĂ©tat de totalitĂ© par exemple, le ciel et les parties du ciel, Ă©toiles, lune, soleil. Sont-ce bien lĂ les seules substances ? Y en a-t-il dĂąâŹâąautres encore ? Ou bien ne sont-ce mĂÂȘme pas du tout des substances ? Les vraies substances ne sont-elles pas toutes diffĂ©rentes ? CĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąil faut examiner. Des philosophes ont pensĂ© que les limites du solide, surface, ligne, point, unitĂ©, sont des substances vĂ©ritables, et quĂąâŹâąelles en sont plus rĂ©ellement que le corps lui-mĂÂȘme et le solide. DĂąâŹâąautres ont cru quĂąâŹâąen dehors des choses sensibles, il nĂąâŹâąy a rien quĂąâŹâąon puisse appeler substance ; dĂąâŹâąautres, au contraire, ont supposĂ© quĂąâŹâąil y a en outre bien des substances, et qui le sont mĂÂȘme dĂąâŹâąautant plus quĂąâŹâąelles sont Ă©ternelles. Ainsi, Platon a fait des IdĂ©es et des ĂĆ tres mathĂ©matiques deux substances, et il nĂąâŹâąa placĂ© quĂąâŹâąau troisiĂšme rang la substance des corps sensibles. Speusippe a Ă©galement admis plusieurs substances, en commençant par lĂąâŹâąunitĂ© ; il supposait des principes pour chaque espĂšce de substance, un principe des nombres, un principe des grandeurs, un principe de lĂąâŹâąĂÂąme ; et cĂąâŹâąest de cette façon quĂąâŹâąil multiplie les substances. DĂąâŹâąautres philosophes encore ont soutenu que les IdĂ©es et les nombres sont de mĂÂȘme nature, et que tout le reste ne fait quĂąâŹâąen dĂ©river, les lignes et les sur faces, et mĂÂȘme jusquĂąâŹâąĂ la substance du ciel et jusquĂąâŹâąaux choses sensibles. Pour Ă©claircir toutes ces questions, il nous faut examiner ce quĂąâŹâąil y a dĂąâŹâąexact ou dĂąâŹâąerronĂ© dans ces systĂšmes, quelles sont les vraies substances, sĂąâŹâąil y a ou sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas de substances en dehors des substances sensibles ; et alors, nous nous demanderons ce quĂąâŹâąelles sont. Puis en supposant quĂąâŹâąil existe quelque substance sĂ©parĂ©e, pourquoi et comment elle lĂąâŹâąest. Enfin, nous rechercherons sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a aucune substance possible en dehors des substances que nos sens nous rĂ©vĂšlent. Mais auparavant, il nous faut esquisser ce que cĂąâŹâąest que la substance. Chapitre 3 Le mot Substance peut prĂ©senter tout au moins quatre sens principaux, si ce nĂąâŹâąest davantage. Ainsi, dans chaque chose, la notion de substance semble sĂąâŹâąappliquer Ă lĂąâŹâąessence, qui fait que la chose est ce quĂąâŹâąelle est, Ă lĂąâŹâąuniversel, au genre, et, en quatriĂšme lieu, au sujet. Par Sujet, on doit entendre ce Ă quoi tout le reste est attribuĂ©, sans quĂąâŹâąil soit jamais rĂ©ciproquement lĂąâŹâąattribut dĂąâŹâąune autre chose. CĂąâŹâąest donc du sujet quĂąâŹâąil faut tout dĂąâŹâąabord noua occuper. [1029a] Le sujet, en effet, semble ĂÂȘtre plus particuliĂšrement substance. Sous ce rapport, on lĂąâŹâąappelle dĂąâŹâąabord la matiĂšre ; puis Ă un autre point de vue, on lĂąâŹâąappelle la forme ; et en troisiĂšme et dernier lieu cĂąâŹâąest le composĂ© que constituent, toutes deux rĂ©unies, la forme et la matiĂšre. La matiĂšre, cĂąâŹâąest par exemple lĂąâŹâąairain ; la forme, cĂąâŹâąest la figure que revĂÂȘt la conception de lĂąâŹâąartiste ; et lĂąâŹâąensemble quĂąâŹâąelles produisent en se rĂ©unissant, cĂąâŹâąest, en fin de compte, la statue. Par consĂ©quent si la forme, qui donne lĂąâŹâąespĂšce, est antĂ©rieure Ă la matiĂšre, et si elle est davantage de lĂąâŹâąĂĆ tre, par la mĂÂȘme raison elle doit ĂÂȘtre antĂ©rieure au composĂ©, qui sort de la rĂ©union des deux. Nous avons donc maintenant un aperçu de ce quĂąâŹâąest la substance ; et nous savons quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest jamais lĂąâŹâąattribut de quoi que ce soit, et quĂąâŹâąau contraire cĂąâŹâąest Ă elle que se rapportent tous les attributs divers. Mais nous ne devons pas nous contenter de cette esquisse, qui nĂąâŹâąest pas tout Ă fait suffisante. Elle est dĂąâŹâąabord assez obscure en elle-mĂÂȘme ; et de plus, cĂąâŹâąest alors la matiĂšre qui devient la substance ; car, si la matiĂšre nĂąâŹâąest pas la substance mĂÂȘme, on ne voit plus quelle autre substance il pourrait y avoir. Tout le reste a disparu, et il nĂąâŹâąy a plus rien absolument qui subsiste. Tout le reste, en effet, ne reprĂ©sente que les affections des corps, leurs actions, leurs puissances. Longueur, largeur, profondeur, ce ne sont que des quantitĂ©s ; ce ne sont pas des substances ; car la quantitĂ© et la substance ne se confondent pas ; et, loin de lĂ , la substance est bien plutĂÂŽt le sujet primordial auquel toutes ces modifications appartiennent. Si lĂąâŹâąon retranche successivement longueur, largeur, profondeur, nous ne voyons pas quĂąâŹâąil reste quoi que ce soit, si ce nĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment lĂąâŹâąobjet que limitaient et dĂ©terminaient ces trois dimensions. Ainsi, en se mettant Ă ce point de vue, il nĂąâŹâąy a plus que la matiĂšre toute seule qui puisse ĂÂȘtre prise pour la substance. Mais quand je dis MatiĂšre, cĂąâŹâąest la matiĂšre en soi, celle qui nĂąâŹâąest, ni un objet individuel, ni une quantitĂ©, ni aucun des modes qui servent Ă dĂ©terminer lĂąâŹâąĂĆ tre. Il faut bien quĂąâŹâąil y ait quelque chose Ă quoi sĂąâŹâąappliquent tous ces attributs, et dont la façon dĂąâŹâąĂÂȘtre soit tout Ă fait diffĂ©rente de chacune des catĂ©gories. En effet, tout le reste est attribuĂ© Ă la substance, qui elle-mĂÂȘme est lĂąâŹâąattribut de la matiĂšre ; et par consĂ©quent, ce terme dernier nĂąâŹâąest en soi, ni un individu, ni une quantitĂ©, ni rien de pareil. Ce sont encore moins les nĂ©gations de tout cela ; car les nĂ©gations nĂąâŹâąont quĂąâŹâąune existence indirecte et accidentelle. On voit donc quĂąâŹâąen adoptant ces thĂ©ories, on arrive Ă reconnaĂtre la matiĂšre pour la substance. Mais cette thĂ©orie est insoutenable, puisque le caractĂšre Ă©minent de la substance, cĂąâŹâąest dĂąâŹâąĂÂȘtre sĂ©parĂ©e, et dĂąâŹâąĂÂȘtre quelque chose de distinct et dĂąâŹâąindividuel. Aussi, Ă ce point de vue, la forme et le composĂ© que constituent la forme et la matiĂšre, sembleraient avoir plus de droit que la matiĂšre Ă reprĂ©senter la substance. Cependant, il faut laisser de cĂÂŽtĂ© la substance formĂ©e de ces deux Ă©lĂ©ments, je veux dire, le rĂ©sultat que composent la matiĂšre et la forme combinĂ©es. Cette substance est postĂ©rieure, et elle nĂąâŹâąa rien dĂąâŹâąobscur ; la matiĂšre est Ă peu prĂšs aussi claire ; mais cĂąâŹâąest Ă la troisiĂšme substance, celle de la forme, quĂąâŹâąil faut nous attacher ; car elle est la plus difficile Ă comprendre. Mais, comme on est dĂąâŹâąaccord pour reconnaĂtre que, parmi les choses sensibles, il y en a qui sont des substances, cĂąâŹâąest Ă celles-lĂ que nos recherches vont sĂąâŹâąadresser tout dĂąâŹâąabord. Chapitre 4 [1029b] Au dĂ©but, nous avons indiquĂ© tous les sens oĂÂč le mot Substance peut ĂÂȘtre pris ; et lĂąâŹâąun de ces sens nous a semblĂ© ĂÂȘtre celui oĂÂč Substance veut dire que la chose est ce quĂąâŹâąelle est. CĂąâŹâąest cette derniĂšre question quĂąâŹâąil faut Ă©tudier, en cherchant Ă arriver ensuite Ă quelque chose de plus notoire. La science, en effet, sĂąâŹâąacquiert toujours en partant de notions qui, de leur nature, sont moins notoires, pour sĂąâŹâąĂ©lever Ă des notions qui, par leur nature, le sont davantage. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąil en est de la science comme de la conduite dans la vie pratique, oĂÂč, partant du bien des individus, on doit faire que le bien gĂ©nĂ©ral devienne aussi le bien de chaque particulier. De mĂÂȘme ici, nous partons de notions qui nous sont personnellement plus connues, pour atteindre des notions qui, Ă©tant notoires par leur nature, finissent par le devenir aussi pour nous. Mais les connaissances quĂąâŹâąon a personnellement, et tout dĂąâŹâąabord, sont souvent bien lĂ©gĂšres et bien peu nettes ; elles nĂąâŹâąont que peu ou point de rĂ©alitĂ©. Et cependant, cĂąâŹâąest en partant de ces connaissances si insuffisantes, mais qui nous sont personnelles, quĂąâŹâąon doit tĂÂącher dĂąâŹâąatteindre Ă la connaissance absolue des choses, oĂÂč lĂąâŹâąon ne peut parvenir quĂąâŹâąen prenant le point de dĂ©part que nous venons dĂąâŹâąindiquer. DĂąâŹâąabord, disons quelques mots, Ă un point de vue tout rationnel, pour faire comprendre que lĂąâŹâąessence propre de chaque chose, et ce qui la fait ĂÂȘtre ce quĂąâŹâąelle est, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąelle est dite En soi. Ainsi, vous ĂÂȘtes Ă©clairĂ© et instruit ; mais ce nĂąâŹâąest pas prĂ©cisĂ©ment ĂÂȘtre Vous ; car ce nĂąâŹâąest pas en vous-mĂÂȘme que vous ĂÂȘtes instruit. Ce que vous ĂÂȘtes essentiellement, cĂąâŹâąest en vous seul que vous lĂąâŹâąĂÂȘtes. Mais ceci nĂąâŹâąest pas applicable Ă tous les cas. ĂĆ tre en soi, selon cette acception, ce nĂąâŹâąest pas ĂÂȘtre Ă la maniĂšre que la surface est blanche, puisque lĂąâŹâąĂĆ tre de la surface nĂąâŹâąest pas du tout lĂąâŹâąĂĆ tre du blanc. LĂąâŹâąessence nĂąâŹâąest pas non plus le composĂ© des deux termes rĂ©unis la surface blanche. Et pourquoi ? CĂąâŹâąest que la surface, qui est Ă dĂ©finir, est comprise dans sa dĂ©finition. Ainsi, la dĂ©finition essentielle oĂÂč la chose dĂ©finie elle-mĂÂȘme ne figure pas, cĂąâŹâąest lĂ vraiment la dĂ©finition, qui explique pour chaque chose ce quĂąâŹâąelle est En soi. Si donc ĂÂȘtre une surface blanche Ă©tait la mĂÂȘme chose quĂąâŹâąĂÂȘtre une surface polie, il sĂąâŹâąensuivrait que le Blanc et le Poli seraient absolument identiques, et ne seraient quĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme chose. Mais il y a Ă©galement des composĂ©s dans les autres catĂ©gories ; car, dans chacune, il y a toujours un sujet ; et, par exemple, il y a un sujet pour la qualitĂ©, pour le temps, pour le lieu, pour le mouvement. DĂšs lors, il faut voir si la dĂ©finition de lĂąâŹâąessence, telle quĂąâŹâąon lĂąâŹâąapplique a chacun de ces sujets, se retrouve aussi dans les composĂ©s. Par exemple, si lĂąâŹâąon dĂ©finit lĂąâŹâąHomme blanc, il faut voir sĂąâŹâąil y a une dĂ©finition essentielle de ce composĂ© lĂąâŹâąHomme blanc. ReprĂ©sentons, si nous voulons, cette dĂ©finition, par le mot Manteau. Mais alors quĂąâŹâąest-ce que cĂąâŹâąest que dĂąâŹâąĂÂȘtre un manteau ? Ce composĂ© dĂąâŹâąHomme blanc nĂąâŹâąest pas certainement non plus une de ces choses dont on peut dire quĂąâŹâąelles sont en elles-mĂÂȘmes, et par elles-mĂÂȘmes. Ou bien, lĂąâŹâąexpression de NĂąâŹâąĂÂȘtre pas En soi ne peut-elle pas avoir un double sens ? Dans lĂąâŹâąun, on fait une addition Ă la chose Ă dĂ©finir, tandis que, dans lĂąâŹâąautre, on ne fait pas cette addition. Ici, le dĂ©fini ne sĂąâŹâąĂ©nonce quĂąâŹâąen Ă©tant adjoint Ă une chose autre que lui ; et par exemple, si lĂąâŹâąon avait Ă dĂ©finir le blanc, ce serait commettre cette faute que de donner la dĂ©finition dĂąâŹâąHomme blanc. LĂ au contraire, le dĂ©fini est accompagnĂ© dĂąâŹâąun autre terme, qui est ajoutĂ© ; et si, comme nous venons de le dire, Manteau signifiait Homme blanc, on dĂ©finirait le manteau, comme si lĂąâŹâąon avait simplement le Blanc. LĂąâŹâąHomme blanc est bien quelque chose dans le blanc ; [1030a] mais sa dĂ©finition essentielle nĂąâŹâąest pas dĂąâŹâąĂÂȘtre blanc. LĂąâŹâąessence, dans le cas oĂÂč la dĂ©finition dĂąâŹâąHomme blanc est Manteau, est-elle quelque chose de rĂ©el, quelque chose dĂąâŹâąabsolu ? Ou bien nĂąâŹâąy a-t-il pas la dĂąâŹâąessence ? LĂąâŹâąessence dĂąâŹâąune chose, cĂąâŹâąest dĂąâŹâąĂÂȘtre ce quĂąâŹâąelle est. Mais quand une chose est lĂąâŹâąattribut dĂąâŹâąune autre, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas quelque chose dĂąâŹâąindividuel et dĂąâŹâąindĂ©pendant. Ainsi, lĂąâŹâąHomme blanc nĂąâŹâąest pas une chose individuelle, puisque cette individualitĂ© indĂ©pendante appartient uniquement aux substances. Par consĂ©quent, il nĂąâŹâąy a dĂąâŹâąessence individuelle que pour les choses dont lĂąâŹâąexplication est une dĂ©finition. Or, il nĂąâŹâąy a pas de dĂ©finition par cela seul que le nom de la chose aurait le mĂÂȘme sens quĂąâŹâąelle. Autrement toutes les appellations nominales seraient autant de dĂ©finitions, puisque le nom dĂąâŹâąune chose se confondrait alors avec lĂąâŹâąexplication quĂąâŹâąon en donnerait ; et, Ă ce compte, le mot seul dĂąâŹâąIliade serait une dĂ©finition tout entiĂšre. Mais la dĂ©finition nĂąâŹâąest rĂ©elle que si elle sĂąâŹâąadresse Ă un primitif. Et les primitifs sont toutes les choses quĂąâŹâąon peut dĂ©signer, sans que la chose en question soit attribuĂ©e Ă une autre. Aussi, la dĂ©finition essentielle, exprimant que le primitif est ce quĂąâŹâąil est, nĂąâŹâąappartiendra Ă aucune des espĂšces qui ne font pas partie du genre ; elle nĂąâŹâąappartiendra quĂąâŹâąaux seules espĂšces qui y sont comprises ; car, dans la dĂ©signation de ces espĂšces, on nĂąâŹâąa besoin dĂąâŹâąimpliquer, ni leur participation Ă un autre ĂÂȘtre, ni une modification quelconque, ni une attribution accidentelle. Mais mĂÂȘme, pour chacune des autres catĂ©gories, lĂąâŹâąappellation indiquera ce quĂąâŹâąelles expriment, du moment que le nom indique que telle chose est Ă . telle autre, ou bien, si, Ă la place dĂąâŹâąune appellation simple, il y en a une plus exacte et plus complĂšte. Mais il nĂąâŹâąy aura lĂ , ni dĂ©finition, ni explication, de ce quĂąâŹâąest essentiellement la chose. CĂąâŹâąest que le mot DĂ©finition aussi bien que celui dĂąâŹâąEssence peut avoir plusieurs acceptions. En effet, ce quĂąâŹâąest la chose peut, en un sens, signifier la substance, et aussi tel ou tel objet individuel ; mais, en un autre sens, il exprime indistinctement chacune des attributions quantitĂ©, qualitĂ©, et le reste. De mĂÂȘme que lĂąâŹâąĂĆ tre appartient Ă toutes ces catĂ©gories, sans leur appartenir dĂąâŹâąune maniĂšre semblable, puisquĂąâŹâąil est primitif dans lĂąâŹâąune, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest que consĂ©cutif dans les autres ; de mĂÂȘme ce quĂąâŹâąest la chose, lĂąâŹâąessence, ne sĂąâŹâąapplique dĂąâŹâąune maniĂšre absolue quĂąâŹâąĂ la substance ; mais elle peut aussi, sous certains rapports, sĂąâŹâąappliquer au reste des catĂ©gories. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąen effet on peut aussi demander, pour la qualitĂ©, par exemple, ce quĂąâŹâąelle est ; et la qualitĂ© devient alors de lĂąâŹâąĂĆ tre, sans quĂąâŹâąelle en soit absolument. Et de mĂÂȘme pour le Non-ĂÂȘtre, on dit quelquefois logiquement quĂąâŹâąil Est, sans que ce soit dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, mais seulement en tant que Non-ĂÂȘtre. De mĂÂȘme encore, pour la qualitĂ©. Il faut donc, pour chaque chose, bien voir le nom quĂąâŹâąon doit lui donner ; mais il faut voir, avec non moins dĂąâŹâąattention, ce quĂąâŹâąest rĂ©ellement la chose. Et comme ici ce dont on parle est fort clair, on peut dire que lĂąâŹâąĂĆ tre appartiendra Ă©galement Ă tous ces termes ; mais il appartiendra premiĂšrement et absolument Ă la substance ; et en sous-ordre, il appartiendra au reste, de mĂÂȘme que lĂąâŹâąexistence individuelle appartiendra au reste aussi, non pas dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, mais en tant quĂąâŹâąelle peut appartenir Ă la qualitĂ© et Ă la quantitĂ©. Il faut, en effet, que tout cela, ou ne soit de lĂąâŹâąĂĆ tre que par homonymie, ou bien que ce ne soit de lĂąâŹâąĂĆ tre quĂąâŹâąautant quĂąâŹâąon y ajoute, ou quĂąâŹâąon en retranche quelque chose, de mĂÂȘme que lĂąâŹâąinintelligible est encore de lĂąâŹâąintelligible. Le vrai en ceci est de ne considĂ©rer lĂąâŹâąĂĆ tre de ces choses, ni comme une simple homonymie, ni comme un mĂÂȘme ĂÂȘtre ; mais il faut le prendre comme on le fait pour le mot MĂ©dical, qui se rapporte bien Ă une seule et mĂÂȘme chose, mais qui nĂąâŹâąa pas un seul et mĂÂȘme sens, et quĂąâŹâąon ne confond pas sous une vague homonymie. [1030b] Ainsi, un corps, une opĂ©ration, un instrument, sĂąâŹâąappellent MĂ©dical ; mais ce nĂąâŹâąest pas lĂ une homonymie ; ce nĂąâŹâąest pas lĂ non plus une seule et mĂÂȘme chose ; mais cĂąâŹâąest Ă une seule et mĂÂȘme notion que tout cela se rapporte. Du reste, il nĂąâŹâąy a guĂšre dĂąâŹâąimportance Ă se servir ici de lĂąâŹâąexpression quĂąâŹâąon voudra. Ce quĂąâŹâąil y a dĂąâŹâąĂ©vident, cĂąâŹâąest que la dĂ©finition qui explique la chose dĂąâŹâąune maniĂšre primitive et absolue, et qui dit ce quĂąâŹâąelle est essentiellement, ne sĂąâŹâąadresse quĂąâŹâąaux substances ; et que, si la dĂ©finition sĂąâŹâąapplique aussi aux autres catĂ©gories, ce nĂąâŹâąest pas primitivement. En effet, cela mĂÂȘme Ă©tant admis, il ne sĂąâŹâąensuit pas nĂ©cessairement quĂąâŹâąil y ait dĂ©finition par cela seul que lĂąâŹâąexplication donnĂ©e signifie la mĂÂȘme chose. Il faut encore que ce soit une explication dĂąâŹâąun certain genre ; cĂąâŹâąest-Ă -dire, quĂąâŹâąil faut que lĂąâŹâąexplication sĂąâŹâąapplique Ă une chose qui soit Une, non pas simplement Une en tant que continue, comme lĂąâŹâąest lĂąâŹâąIliade, par exemple, ou comme le sont des choses qui se tiennent entre elles, par un lien commun, mais Ă une chose qui soit Une dans tous les sens oĂÂč lĂąâŹâąUn se comprend ; et lĂąâŹâąUn a autant dĂąâŹâąacceptions que lĂąâŹâąĂĆ tre peut en avoir. Or, lĂąâŹâąĂĆ tre dĂ©signe un objet substantiel ; mais il dĂ©signe encore la quantitĂ©, la qualitĂ©, etc. ; et voilĂ comment on peut tout Ă la fois donner une explication et une dĂ©finition de ce que signifient ces deux mots rĂ©unis, Homme, Blanc ; et quĂąâŹâąĂ un autre point de vue, on peut expliquer et dĂ©finir sĂ©parĂ©ment le Blanc, et la Substance Homme. Chapitre 5 Si lĂąâŹâąon nie que lĂąâŹâąexplication complexe dĂąâŹâąune chose soit une vĂ©ritable dĂ©finition, il est bien difficile de savoir dans quels cas la dĂ©finition est possible, pour les termes qui ne sont pas simples, mais qui sont accouplĂ©s deux Ă deux. Car nĂ©cessairement on doit expliquer la chose avec le dĂ©veloppement quĂąâŹâąon y a joint. Je prends pour exemples le Nez et la Courbure, et le Camus, qui se forme de la combinaison des deux termes Nez et Courbure, puisque Camus est une certaine chose dans une autre chose. Or, la Courbure et le Camus ne sont pas des attributs accidentels du nez ; mais ils se rapportent au nez essentiellement et en soi. lls ne sont pas au nez comme la blancheur est Ă Callias, ou Ă lĂąâŹâąhomme, parce que Callias, qui a pour attribut indirect dĂąâŹâąĂÂȘtre homme, est blanc. Mais ils sont au nez comme la notion de mĂÂąle se rapporte Ă celle dĂąâŹâąAnimal, comme lĂąâŹâąĂ©gal se rapporte Ă la notion de quantitĂ©, et comme sont toutes les attributions dont on dit quĂąâŹâąelles sont essentiellement En soi. Les attributs essentiels sont ceux dans lesquels se trouve comprise lĂąâŹâąexplication, ou le nom, de la chose dont les attributs sont les modes, et quĂąâŹâąon ne peut expliquer sĂ©parĂ©ment de lĂąâŹâąobjet lui-mĂÂȘme. La blancheur peut ĂÂȘtre exprimĂ©e sans lĂąâŹâąidĂ©e dĂąâŹâąhomme, tandis quĂąâŹâąil est bien impossible dĂąâŹâąexprimer lĂąâŹâąidĂ©e de Femelle ou de MĂÂąle sans lĂąâŹâąidĂ©e dĂąâŹâąAnimal. Ainsi, pour ces attributs complexes, ils nĂąâŹâąont, ni essence, ni dĂ©finition ; ou sĂąâŹâąils en ont, cĂąâŹâąest tout autrement, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dit antĂ©rieurement. Mais ici se prĂ©sente une autre difficultĂ©. Si un nez CourbĂ© et un nez Camus sont la mĂÂȘme chose, dĂšs lors Camus et CourbĂ© sont Ă©galement identiques. Mais si lĂąâŹâąon nie cela, parce quĂąâŹâąil est impossible de soutenir que le Camus existe en soi et sans la chose dont il est une affection, et si lĂąâŹâąon soutient, au contraire, que le Camus est la courbure du nez, alors, ou il nĂąâŹâąest pas possible de jamais dire que le nez est Camus ; ou, si on le dit, on sĂąâŹâąexpose Ă rĂ©pĂ©ter deux fois la mĂÂȘme idĂ©e Nez-nez courbĂ©, puisque Nez Camus signifiera Nez-nez courbĂ©. Il est donc absurde de soutenir que ces attributs ont une dĂ©finition essentielle ; et si lĂąâŹâąon suppose quĂąâŹâąils en ont une, ce sera se perdre dans lĂąâŹâąinfini ; car Nez-nez courbĂ© pourra aussi avoir un autre attribut. [1031a] Il faut donc en conclure quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a vraiment de dĂ©finition que pour la substance. SĂąâŹâąil y en a pour les autres catĂ©gories, cĂąâŹâąest uniquement par voie dĂąâŹâąaddition, comme on le voit quand on veut dĂ©finir la qualitĂ© ou lĂąâŹâąimpair. Il est impossible, en effet, de dĂ©finir lĂąâŹâąimpair sans lĂąâŹâąidĂ©e du nombre, pas plus quĂąâŹâąon ne dĂ©finit lĂąâŹâąidĂ©e de femelle sans lĂąâŹâąidĂ©e dĂąâŹâąanimal. Par Voie dĂąâŹâąaddition, jĂąâŹâąentends les cas oĂÂč, comme dans ceux quĂąâŹâąon vient de citer, lĂąâŹâąon rĂ©pĂšte deux fois la mĂÂȘme chose. Si cela est vrai, il nĂąâŹâąy aura pas davantage de dĂ©finition pour les termes accouplĂ©s, comme ils le sont quand on dit le Nombre impair, au lieu de dire simplement lĂąâŹâąImpair. Mais on ne prend pas garde que les expressions dont on se sert sont inexactes. SĂąâŹâąil y a des dĂ©finitions mĂÂȘme pour ces termes combinĂ©s, les conditions en sont du moins toutes diffĂ©rentes. Ou bien, comme nous lĂąâŹâąavons dit, il faut reconnaĂtre que le mot DĂ©finition peut se prendre en plusieurs acceptions, ainsi que le mot dĂąâŹâąEssence. Par consĂ©quent, dans un sens, il nĂąâŹâąy aura de dĂ©finition pour aucun de ces termes, et il nĂąâŹâąy aura de dĂ©finition essentielle absolument que pour les seules substances ; mais dans un autre sens, il pourra y en avoir. En rĂ©sumĂ©, la dĂ©finition est Ă©videmment lĂąâŹâąexplication de lĂąâŹâąessence indiquant que la chose est ce quĂąâŹâąelle est ; et lĂąâŹâąessence ainsi comprise appartient aux substances, ou exclusivement, ou du moins, Ă titre supĂ©rieur, primitivement et absolument. Chapitre 6 LĂąâŹâąessence dĂąâŹâąune chose, lĂąâŹâąessence qui fait que la chose est ce quĂąâŹâąelle est, et la chose elle-mĂÂȘme, sont-elles toujours identiques, ou sont-elles diffĂ©rentes ? CĂąâŹâąest une question que nous avons Ă examiner, et qui nous sera de quelque utilitĂ© dans notre Ă©tude de la substance. Il ne semble pas quĂąâŹâąune chose puisse jamais diffĂ©rer de sa substance propre, et lĂąâŹâąessence qui fait que chaque chose est ce quĂąâŹâąelle est, sĂąâŹâąappelle sa substance. Mais, pour les attributions qui ne sont quĂąâŹâąaccidentelles, on peut croire que la substance et lĂąâŹâąessence sont diffĂ©rentes ; car lĂąâŹâąHomme-blanc, par exemple, est autre chose que lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąhomme qui est blanc. Mais, si Homme et Homme blanc sont la mĂÂȘme chose, lĂąâŹâąĂÂȘtre de lĂąâŹâąHomme et lĂąâŹâąĂÂȘtre de lĂąâŹâąHomme blanc seront la mĂÂȘme chose aussi, puisque, dit-on, Homme se confond avec Homme blanc, de telle sorte quĂąâŹâąĂÂȘtre Homme blanc et ĂÂȘtre Homme sont des choses identiques. Mais ne peut-on pas soutenir quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas du tout nĂ©cessaire que les attributs accidentels soient identiques avec lĂąâŹâąessence ? En effet, les extrĂÂȘmes ne sĂąâŹâąidentifient pas toujours avec lĂąâŹâąessence de la mĂÂȘme façon ; mais on peut croire que, sĂąâŹâąils peuvent sĂąâŹâąidentifier, cĂąâŹâąest au moins dĂąâŹâąune maniĂšre accidentelle ; comme, par exemple, ĂÂȘtre blanc serait la mĂÂȘme chose quĂąâŹâąĂÂȘtre instruit ; or cela nĂąâŹâąest pas soutenable. Mais pour les choses considĂ©rĂ©es en elles-mĂÂȘmes, est-il nĂ©cessaire que lĂąâŹâąessence et la substance soient toujours identiques, en supposant, par exemple, quĂąâŹâąil existe des substances qui soient antĂ©rieures Ă toutes les autres substances et Ă toutes les autres natures, dans le genre de ces substances que quelques philosophes ont appelĂ©es des IdĂ©es ? Si lĂąâŹâąon veut distinguer lĂąâŹâąessence du bien du bien rĂ©el, lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąanimal de lĂąâŹâąanimal rĂ©el, lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąĂĆ tre de lĂąâŹâąĂĆ tre rĂ©el, [1031b] alors il y a dĂąâŹâąautres substances et dĂąâŹâąautres IdĂ©es que celles dont on nous parle ; et ces autres substances seront les premiĂšres, si lĂąâŹâąessence ne sĂąâŹâąapplique vraiment quĂąâŹâąĂ la substance. Si les essences sont distinctes et indĂ©pendantes des substances, alors il nĂąâŹâąy a plus de science possible pour les unes ; et les autres ne sont plus des ĂÂȘtres rĂ©els. Quand je dis IndĂ©pendantes et Distinctes, jĂąâŹâąentends que lĂąâŹâąessence du bien nĂąâŹâąest pas le bien rĂ©el, et que le bien rĂ©el nĂąâŹâąest pas davantage lĂąâŹâąessence du bien. La science dĂąâŹâąun objet quelconque consiste Ă savoir quelle en est lĂąâŹâąessence, qui fait que lĂąâŹâąobjet est ce quĂąâŹâąil est. Le bien et toutes les choses sans exception sont dans le mĂÂȘme cas ; et si le bien en soi nĂąâŹâąest pas le bien, lĂąâŹâąĂĆ tre en soi non plus nĂąâŹâąest plus lĂąâŹâąĂĆ tre, lĂąâŹâąunitĂ© en soi cesse dĂąâŹâąĂÂȘtre lĂąâŹâąunitĂ©. De deux choses lĂąâŹâąune ou toutes les essences sont soumises Ă la mĂÂȘme rĂšgle, ou il nĂąâŹâąy en a pas une qui le soit ; et, par une consĂ©quence forcĂ©e, du moment que lĂąâŹâąĂĆ tre en soi nĂąâŹâąest plus lĂąâŹâąĂĆ tre, tout le reste cesse du mĂÂȘme coup de pouvoir ĂÂȘtre identique. Ajoutez encore que, dans cette supposition, ce qui nĂąâŹâąa pas lĂąâŹâąessence du bien nĂąâŹâąest pas bon. DĂšs lors, il faut nĂ©cessairement que le bien et lĂąâŹâąessence du bien soient une seule et unique chose, que le beau soit identique Ă lĂąâŹâąessence du beau, comme en un mot toutes les choses qui ne peuvent jamais ĂÂȘtre les attributs dĂąâŹâąune autre chose, mais qui sont en soi les premiĂšres. Cette identitĂ© suffit du moment quĂąâŹâąelle existe, quand bien mĂÂȘme il nĂąâŹâąy aurait pas dĂąâŹâąIdĂ©es, et, Ă bien plus forte raison peut-ĂÂȘtre, sĂąâŹâąil y en a. Il nĂąâŹâąest pas moins clair que, sĂąâŹâąil existe des IdĂ©es du genre de celles quĂąâŹâąon suppose, le sujet dĂšs lors cesse dĂąâŹâąĂÂȘtre une substance ; car ce sont les IdĂ©es qui sont nĂ©cessairement les substances, et elles ne sont jamais les attributs dĂąâŹâąun sujet, puisquĂąâŹâąalors elles nĂąâŹâąexisteraient que par simple participation. De toutes ces considĂ©rations, on peut conclure que la chose rĂ©elle et lĂąâŹâąessence de la chose forment une unitĂ© et une identitĂ© qui nĂąâŹâąa rien dĂąâŹâąaccidentel ; et que savoir une chose quelconque, cĂąâŹâąest savoir ce quĂąâŹâąest son essence. LĂąâŹâąexposition que nous venons de faire prouve bien que lĂąâŹâąune et lĂąâŹâąautre ne sont absolument quĂąâŹâąune mĂÂȘme chose. Quant Ă lĂąâŹâąaccidentel, tels, par exemple, que les attributs de Blanc et dĂąâŹâąInstruit, il est impossible de dire avec vĂ©ritĂ© que, dans ce cas, la chose et son essence se confondent et ne font quĂąâŹâąun, parce que le mot dĂąâŹâąAccidentel peut se prendre en un double sens ; car pour le Blanc, par exemple, il y a dĂąâŹâąune part le sujet auquel cet accident est attribuĂ© ; et, dĂąâŹâąautre part, il y a cet accident lui-mĂÂȘme. Par consĂ©quent, ici la chose et son essence sont identiques en un sens ; et en un autre sens, elles ne le sont pas. ĂĆ tre Homme et ĂÂȘtre Homme-blanc ne sont pas des choses identiques, et il nĂąâŹâąy a identitĂ© que par lĂąâŹâąaffection spĂ©ciale du sujet. On verrait dĂąâŹâąailleurs aisĂ©ment combien cette assertion est absurde, si lĂąâŹâąon donnait Ă chacune de ces prĂ©tendues essences, sujet et attribut, un nom particulier ; car, Ă cĂÂŽtĂ© de cette essence-lĂ , il y en aurait une autre ; et, par exemple, sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagissait de lĂąâŹâąessence du cheval, il y en aurait aussi une tout autre. Cependant, qui empĂÂȘche que, dans ce cas aussi, les essences ne soient immĂ©diatement identiques Ă la substance, puisquĂąâŹâąon admet que lĂąâŹâąessence est une substance ? Mais non seulement il y a ici unitĂ© de la substance et de lĂąâŹâąessence ; mais la notion de lĂąâŹâąune et de lĂąâŹâąautre est absolument la mĂÂȘme, comme le fait bien voir ce quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąen dire ; [1032a] car il nĂąâŹâąy a rien dĂąâŹâąaccidentel Ă ce que lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąunitĂ© et lĂąâŹâąunitĂ© soient identiques. Si lĂąâŹâąon supposait une diffĂ©rence entre la substance et lĂąâŹâąessence, ce serait se perdre dans lĂąâŹâąinfini ; car il faudra toujours avoir, dĂąâŹâąune part, lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąunitĂ©, et dĂąâŹâąautre part, lĂąâŹâąunitĂ© ; et par consĂ©quent, pour ces autres termes Ă©galement, le raisonnement serait encore le mĂÂȘme. Il est donc Ă©vident que, quand il sĂąâŹâąagit de primitifs et de choses en soi, lĂąâŹâąessence de la chose et la chose elle-mĂÂȘme sont absolument une seule et unique notion. Les objections sophistiques quĂąâŹâąon peut Ă©lever contre cette thĂšse, se rĂ©futeraient de la mĂÂȘme maniĂšre quĂąâŹâąon dĂ©montre que Socrate et lĂąâŹâąessence de Socrate sont tout-Ă -fait des choses identiques ; car il nĂąâŹâąy a ici aucune diffĂ©rence Ă mettre entre les interrogations que peuvent poser des Sophistes, et les solutions quĂąâŹâąon peut opposer victorieusement Ă devaines objections. En rĂ©sumĂ©, nous avons fait voir dans quel sens on peut dire que lĂąâŹâąessence se confond avec la substance, et en quel sens on peut dire quĂąâŹâąelle ne se confond pas avec elle. Chapitre 7 Parmi les phĂ©nomĂšnes qui viennent Ă se produire, il y en a qui sont produits par la nature ; dĂąâŹâąautres sont le produit de lĂąâŹâąart ; dĂąâŹâąautres enfin sont spontanĂ©s et lĂąâŹâąeffet du hasard. DĂąâŹâąailleurs, tout phĂ©nomĂšne, qui se produit, est nĂ©cessairement produit par quelque chose ; il vient de quelque chose, et il est telle ou telle chose. Quand je dis Quelque chose, ce terme peut sĂąâŹâąappliquer Ă©galement Ă toutes les catĂ©gories ici la substance, lĂ la quantitĂ©, la qualitĂ©, le lieu, etc. Parmi les phĂ©nomĂšnes qui se produisent, ceux quĂąâŹâąon appelle naturels sont prĂ©cisĂ©ment ceux dont la production vient de la nature. Ce dont est faite la chose qui se produit, cĂąâŹâąest ce que nous nommons sa matiĂšre ; la cause par laquelle la chose est produite est un des ĂÂȘtres qui existent dĂ©jĂ naturellement. Un quelconque de ces ĂÂȘtres pris individuellement, cĂąâŹâąest un homme, une plante, ou telle autre chose de ce genre, que nous regardons Ă©minemment comme des substances. Tout ce que produit la nature, ou tout ce que lĂąâŹâąart produit, a une matiĂšre, parce quĂąâŹâąen effet chacun des produits de lĂąâŹâąart et de la nature peut ĂÂȘtre ou nĂąâŹâąĂÂȘtre pas ; et cĂąâŹâąest lĂ prĂ©cisĂ©ment ce quĂąâŹâąest la matiĂšre dans chacun dĂąâŹâąeux. DĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on appelle Ă©galement du nom de Nature, et lĂąâŹâąorigine dĂąâŹâąoĂÂč lĂąâŹâąĂÂȘtre vient Ă sortir, et la forme quĂąâŹâąil revĂÂȘt ; car tout ĂÂȘtre qui se produit a une certaine nature, comme la plante ou lĂąâŹâąanimal ; et la cause par laquelle cet ĂÂȘtre est produit, cĂąâŹâąest sa nature, qui, sous le rapport de lĂąâŹâąespĂšce et de la forme, est identique Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre quĂąâŹâąelle produit ; seulement cette cause est alors dans un autre ĂÂȘtre. CĂąâŹâąest ainsi que lĂąâŹâąhomme engendre et produit lĂąâŹâąhomme. Tels sont donc tous les phĂ©nomĂšnes qui viennent de la nature. Quant aux autres, ce ne sont, Ă vrai dire, que des phĂ©nomĂšnes produits par lĂąâŹâąhomme ; et tous les produits de ce genre viennent de lĂąâŹâąart, ou dĂąâŹâąune certaine facultĂ© que lĂąâŹâąhomme possĂšde, ou de son intelligence. Enfin, il y a des choses qui sont spontanĂ©es et qui viennent du hasard, Ă peu prĂšs comme certains phĂ©nomĂšnes de la nature ; car, dans le domaine de la nature, les mĂÂȘmes ĂÂȘtres naissent dĂąâŹâąun germe, ou naissent sans germe. Mais ce sont lĂ des considĂ©rations que nous aborderons plus tard. [1032b] Les produits de lĂąâŹâąart sont les choses dont la forme est dans lĂąâŹâąesprit de lĂąâŹâąhomme ; et par forme, jĂąâŹâąentends ici lĂąâŹâąessence qui fait de chaque chose quĂąâŹâąelle est ce quĂąâŹâąelle est, et sa substance premiĂšre. Car, Ă un certain point de vue, les contraires eux-mĂÂȘmes ont une forme identique ; la substance opposĂ©e est la substance de la privation ; et, par exemple, la santĂ© est lĂąâŹâąopposĂ© de la maladie ; car lĂąâŹâąabsence de la santĂ© rĂ©vĂšle et constitue la maladie. La santĂ©, cĂąâŹâąest la notion qui est dans lĂąâŹâąesprit du mĂ©decin, et qui est selon la science. La guĂ©rison, qui rend la santĂ©, ne se produit que si le mĂ©decin se dit dĂąâŹâąabord dans sa pensĂ©e Ă PuisquĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit de rendre la santĂ©, il Ă faut nĂ©cessairement que telle chose se fasse pour que la santĂ© soit rendue ; par exemple, il faut rĂ©tablir lĂąâŹâąĂ©quilibre des humeurs, et si je lĂąâŹâąobtiens, je rĂ©tablirai la chaleur. Ă» Et cĂąâŹâąest en allant toujours ainsi de pensĂ©e en pensĂ©e, que le mĂ©decin arrive Ă lĂąâŹâąacte dernier quĂąâŹâąil doit rĂ©aliser lui-mĂÂȘme. Le mouvement qui vient de ces pensĂ©es successives et qui vise Ă guĂ©rir le malade, sĂąâŹâąappelle une opĂ©ration, un produit de lĂąâŹâąart. Ainsi, Ă un certain Ă©gard, on peut dire que la santĂ© vient de la santĂ©, comme la maison vient de la maison, celle qui est matĂ©rielle venant de celle qui ne lĂąâŹâąest pas. CĂąâŹâąest que la mĂ©decine et lĂąâŹâąarchitecture sont lĂąâŹâąidĂ©e et la forme, ici de la santĂ©, et lĂ de la maison. Or, ce que jĂąâŹâąappelle la substance sans matiĂšre, cĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment lĂąâŹâąessence qui fait que la chose est ce quĂąâŹâąelle est. De ces produits et de ces mouvements, lĂąâŹâąun se nomme la pensĂ©e ; lĂąâŹâąautre se nomme lĂąâŹâąexĂ©cution. CĂąâŹâąest du principe et de lĂąâŹâąidĂ©e que part la pensĂ©e ; et le mouvement qui part du point extrĂÂȘme oĂÂč la pensĂ©e peut atteindre, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąexĂ©cution. Cette observation sĂąâŹâąappliquerait Ă©galement Ă tous les autres intermĂ©diaires ; et, par exemple, pour que le malade guĂ©risse, il faut quĂąâŹâąil retrouve lĂąâŹâąĂ©quilibre des humeurs. Mais quĂąâŹâąest-ce que retrouver lĂąâŹâąĂ©quilibre ? CĂąâŹâąest telle ou telle chose ; et le malade arrivera Ă cet Ă©tat, sĂąâŹâąil rĂ©tablit sa chaleur. Et quĂąâŹâąest-ce encore que la chaleur ? CĂąâŹâąest telle ou telle chose. Or, il est possible, dĂąâŹâąune certaine façon, de rĂ©tablir la chaleur ; et voilĂ lĂąâŹâąopĂ©ration derniĂšre qui dĂ©pend du mĂ©decin. Ce qui agit ici et ce qui est le point de dĂ©part du mouvement de guĂ©rison, quand la guĂ©rison vient de lĂąâŹâąart du mĂ©decin, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąidĂ©e quĂąâŹâąil a dans lĂąâŹâąesprit ; et si la guĂ©rison est spontanĂ©e, elle ne peut venir Ă©videmment que de ce qui aurait Ă©tĂ© le principe dĂąâŹâąaction pour le mĂ©decin, agissant selon les rĂšgles de lĂąâŹâąart. Dans lĂąâŹâąexemple de guĂ©rison indiquĂ© par nous, cĂąâŹâąest la chaleur qui peut ĂÂȘtre considĂ©rĂ©e comme le principe ; or, cĂąâŹâąest par la friction quĂąâŹâąon produit la chaleur nĂ©cessaire. Ainsi donc, cĂąâŹâąest la chaleur, rĂ©tablie dans le corps, qui est un Ă©lĂ©ment direct de la santĂ©, ou qui est suivie dĂąâŹâąune succession plus ou moins longue de consĂ©quences heureuses, dont la santĂ© a besoin. CĂąâŹâąest lĂ le terme dernier, celui qui agit, et qui Ă ce titre est une partie, ou de la santĂ©, ou de la maison, comme en font partie les pierres ; ou qui fait partie de toute autre chose. On le voit donc, il est impossible que rien puisse se produire ainsi quĂąâŹâąon lĂąâŹâąa dit, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas quelque chose de prĂ©existant. De toute Ă©vidence, cĂąâŹâąest quelque partie de la chose qui doit prĂ©exister ; or, la matiĂšre est une partie de la chose ; et tout ensemble, elle lui est intrinsĂšque, et cĂąâŹâąest elle qui devient quelque chose. [1033a] Mais la matiĂšre fait-elle partie de la dĂ©finition ? En est-elle un Ă©lĂ©ment ? Si nous avons, je suppose, Ă parler de cercles dĂąâŹâąairain, nous pouvons de deux maniĂšres dire ce quĂąâŹâąils sont. En parlant de leur matiĂšre, nous disons quĂąâŹâąils sont dĂąâŹâąairain ; puis, en parlant de leur forme, nous disons quĂąâŹâąils ont telle ou telle figure ; et cĂąâŹâąest lĂ le genre dans lequel le cercle rentre primitivement. Ainsi, le cercle dĂąâŹâąairain implique nĂ©cessairement la matiĂšre dans sa dĂ©finition. Par rapport Ă ce dont comme matiĂšre vient la chose, cette chose, quand elle se produit, ne prend pas le nom mĂÂȘme de cette matiĂšre, mais on dit quĂąâŹâąelle en est faite ; et, par exemple, on ne dit pas dĂąâŹâąune statue quĂąâŹâąelle est marbre, mais bien, quĂąâŹâąelle est de marbre. De mĂÂȘme, lĂąâŹâąhomme qui guĂ©rit ne reçoit pas le nom de lĂąâŹâąĂ©tat dĂąâŹâąoĂÂč il vient ; et la raison de ceci, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil vient de la nĂ©gation privative, et du sujet mĂÂȘme que nous appelons la matiĂšre. Mais on peut dire tout Ă la fois que cĂąâŹâąest lĂąâŹâąhomme et le malade qui reviennent Ă la santĂ©. Cependant, on dit plutĂÂŽt que cĂąâŹâąest de la privation que vient le guĂ©ri ; cĂąâŹâąest-Ă -dire que le guĂ©ri vient du malade, plutĂÂŽt quĂąâŹâąil ne vient de lĂąâŹâąhomme. Aussi, ne peut-on pas dire du malade quĂąâŹâąil est bien portant ; mais on le dit de lĂąâŹâąhomme et de lĂąâŹâąhomme bien portant. Dans les cas oĂÂč la privation est incertaine et nĂąâŹâąa pas de nom spĂ©cial, comme pour lĂąâŹâąairain, par exemple, quand on ignore la forme quelconque quĂąâŹâąil doit recevoir, ou pour la maison quand on ignore le plan que formeront les pierres et les poutres, dans ces cas-lĂ il semble que les choses se produisent ; comme on vient de dire que la santĂ© se produit en venant de la maladie. Aussi, de mĂÂȘme que, plus haut, la chose ne prenait pas prĂ©cisĂ©ment le nom de celle dĂąâŹâąoĂÂč elle sortait, de mĂÂȘme la statue, par exemple, si elle est en bois, nĂąâŹâąest pas appelĂ©e bois ; mais, par une dĂ©nomination un peu dĂ©tournĂ©e, on dit quĂąâŹâąelle est de bois ; comme on dit quĂąâŹâąelle est dĂąâŹâąairain et non pas quĂąâŹâąelle est airain ; ou encore, quĂąâŹâąelle est de marbre, et non pas quĂąâŹâąelle est marbre ; et pour la maison, quĂąâŹâąelle est de briques, et non pas quĂąâŹâąelle est briques. Mais, si lĂąâŹâąon veut y regarder de prĂšs, on ne peut pas mĂÂȘme dire que la statue est de bois, ou que la maison est de briques ; cĂąâŹâąest lĂ une expression absolue quĂąâŹâąon ne saurait employer, puisquĂąâŹâąil faut que la chose dĂąâŹâąoĂÂč se forme lĂąâŹâąautre chose subisse un changement ; et quĂąâŹâąelle ne peut rester ce quĂąâŹâąelle est. CĂąâŹâąest de lĂ que vient la locution dont on est obligĂ© de se servir. Chapitre 8 Tout ce qui se produit est produit par quelque chose, que jĂąâŹâąappelle le point de dĂ©part et le principe de la production. En mĂÂȘme temps, tout ce qui se produit vient de quelque chose, laquelle chose nĂąâŹâąest pas la privation, mais la matiĂšre, dans le sens que nous avons dĂ©jĂ expliquĂ©. Et enfin, tout ce qui se produit devient une certaine chose, sphĂšre, cercle, ou tel autre objet analogue, quel quĂąâŹâąil puisse ĂÂȘtre. De mĂÂȘme quĂąâŹâąon ne peut pas faire le sujet matĂ©riel qui est lĂąâŹâąairain, de mĂÂȘme on ne fait pas davantage la sphĂšre, si ce nĂąâŹâąest indirectement, et en tant que la sphĂšre dĂąâŹâąairain est en rĂ©alitĂ© une sphĂšre. CĂąâŹâąest que faire une chose particuliĂšre et individuelle, cĂąâŹâąest la faire en la tirant absolument du sujet. Je mĂąâŹâąexplique rendre rond un morceau dĂąâŹâąairain, par exemple, ce nĂąâŹâąest faire, ni la rondeur, ni la sphĂšre ; cĂąâŹâąest faire quelque autre chose ; en dĂąâŹâąautres termes, si lĂąâŹâąon veut, cĂąâŹâąest donner cette forme de sphĂšre Ă il un objet diffĂ©rent. Si lĂąâŹâąon faisait la sphĂšre, on ne pourrait la faire apparemment quĂąâŹâąen la tirant dĂąâŹâąune autre chose Ă©galement. [1033b] Ainsi, dans lĂąâŹâąexemple citĂ©, on se proposait de faire une boule dĂąâŹâąairain, cĂąâŹâąest-Ă -dire de faire de ceci, qui est de lĂąâŹâąairain, cela qui est une sphĂšre. Si donc on faisait aussi la forme, on ne pourrait la faire que de la mĂÂȘme maniĂšre ; et dĂšs lors, la sĂ©rie des productions successives se perdrait nĂ©cessairement dans lĂąâŹâąinfini. Il est donc Ă©vident quĂąâŹâąon ne produit pas et quĂąâŹâąon ne fait pas la forme, ni la figure que revĂÂȘt lĂąâŹâąobjet sensible, quel que soit le nom quĂąâŹâąon doive lui donner. Il nĂąâŹâąy a pas de production possible de la forme, pas plus quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy en a pour lĂąâŹâąessence, qui fait que la chose est ce quĂąâŹâąelle est ; car la forme est ce qui est produit dans une autre chose, que dĂąâŹâąailleurs cette forme provienne, ou de la nature, ou de lĂąâŹâąart, ou de toute autre facultĂ© de lĂąâŹâąhomme. Ici, lĂąâŹâąon fait quĂąâŹâąil existe une sphĂšre dĂąâŹâąairain, cĂąâŹâąest-Ă -dire que lĂąâŹâąon compose cet objet nouveau, et de lĂąâŹâąairain, et de la forme de la sphĂšre. Alors, on fait que telle forme soit donnĂ©e Ă telle chose ; et il se trouve que la chose nouvelle est une sphĂšre dĂąâŹâąairain. Mais si lĂąâŹâąon admet que cĂąâŹâąest une production absolue qui donne naissance Ă la sphĂšre, alors il faudra encore que la chose soit faite dĂąâŹâąune certaine autre chose ; car nĂ©cessairement ce qui se produit devra toujours ĂÂȘtre divisible, et que dĂąâŹâąune part il y ait ceci, et que, dĂąâŹâąautre part, il y ait cela ; je veux dire quĂąâŹâąil faudra quĂąâŹâąil y ait dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ© la matiĂšre, et de lĂąâŹâąautre cĂÂŽtĂ©, quĂąâŹâąil y ait la forme. Si donc la sphĂšre est bien une figure oĂÂč tous les points de la surface sont Ă©galement Ă©loignĂ©s du centre, on pourra y distinguer deux parties, lĂąâŹâąune qui sera ce dans quoi lĂąâŹâąon fait ce quĂąâŹâąon fait, lĂąâŹâąautre qui sera dans la premiĂšre ; et le produit dans sa totalitĂ© sera la sphĂšre dĂąâŹâąairain. Ce quĂąâŹâąon vient de dire fait donc bien voir que ce quĂąâŹâąon appelle la forme, ou la substance, ne se produit pas, Ă proprement parler ; que tout ce qui se produit, cĂąâŹâąest la rencontre des deux Ă©lĂ©ments qui en recevront leur appellation ; que, dans tout phĂ©nomĂšne qui vient Ă se produire, il y a prĂ©alablement de la matiĂšre, et que le rĂ©sultat total se compose, partie de matiĂšre, et partie, de forme. Se peut-il donc quĂąâŹâąil existe une sphĂšre en dehors des sphĂšres que nous voyons, une maison en dehors des matĂ©riaux qui la composent ? Si lĂąâŹâąĂÂȘtre rĂ©el devait exister Ă cette condition, il ne pourrait jamais exister, parce que lĂąâŹâąespĂšce, ou la forme, nĂąâŹâąexprime quĂąâŹâąune qualitĂ©. Elle nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąobjet particulier et dĂ©terminĂ© ; mais de tel objet qui existe, elle fait et produit tel autre objet douĂ© de certaine qualitĂ© ; et, une fois que cet objet a Ă©tĂ© produit, il est douĂ© dĂąâŹâąune qualitĂ© quĂąâŹâąil nĂąâŹâąavait pas auparavant. LĂąâŹâąensemble, ou le Tout composĂ© de la matiĂšre et de la forme, est Callias ou Socrate, tout aussi bien quĂąâŹâąexiste cette sphĂšre dĂąâŹâąairain que nous avons sous les yeux. LĂąâŹâąhomme et lĂąâŹâąanimal sont absolument au mĂÂȘme titre que la sphĂšre dĂąâŹâąairain. Ainsi donc, il est clair que les causes des espĂšces, nom que quelques philosophes appliquent aux IdĂ©es, en admettant mĂÂȘme quĂąâŹâąil puisse y avoir quoi que ce soit en dehors des individus, sont parfaitement inutiles pour expliquer les phĂ©nomĂšnes qui se produisent, et pour expliquer les substances. Il nĂąâŹâąest pas moins clair que les IdĂ©es ne pourraient jamais ĂÂȘtre des substances par elles-mĂÂȘmes et en soi. Dans certains cas, il est tout aussi Ă©vident que lĂąâŹâąĂÂȘtre qui engendre est pareil Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre engendrĂ©, sans cependant quĂąâŹâąils soient numĂ©riquement un seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre. Entre eux, il nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune unitĂ© dĂąâŹâąespĂšce, comme ou le voit pour les ĂÂȘtres que produit la nature ; et cĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąun homme engendre et produit un homme. Ce qui nĂąâŹâąempĂÂȘche pas quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy ait parfois des phĂ©nomĂšnes contre nature par exemple, un cheval produisant un mulet. Et encore, dans ces cas, les choses se passent Ă peu prĂšs de mĂÂȘme ; car le genre le plus proche qui pourrait ĂÂȘtre commun au cheval et Ă lĂąâŹâąĂÂąne, nĂąâŹâąa pas reçu de nom spĂ©cial, et ces deux animaux pourraient bien avoir quelque chose qui tint du mulet. [1034a] En rĂ©sumĂ©, on doit reconnaĂtre quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest nullement besoin de faire de lĂąâŹâąIdĂ©e, ou espĂšce, une sorte de modĂšle et dĂąâŹâąexemplaire. CĂąâŹâąest surtout pour les ĂÂȘtres du genre de ceux quĂąâŹâąon vient de nommer quĂąâŹâąil en faudrait, puisque ce sont eux surtout qui sont des substances. Mais pour eux, il suffit que lĂąâŹâąĂÂȘtre gĂ©nĂ©rateur agisse, et quĂąâŹâąil devienne cause de la forme dĂ©posĂ©e dans la matiĂšre. Le composĂ© total nĂąâŹâąest que telle ou telle forme rĂ©alisĂ©e dans les chairs et les os, qui forment, ou Callias, ou Socrate. Le composĂ© est autre matĂ©riellement, puisque la matiĂšre est autre dans chacun dĂąâŹâąeux ; mais, en espĂšce, le composĂ© est le mĂÂȘme, puisque lĂąâŹâąespĂšce est indivisible. Chapitre 9 CĂąâŹâąest une question de savoir comment il se fait que certaines choses peuvent Ă la fois ĂÂȘtre produites par lĂąâŹâąart, et ĂÂȘtre spontanĂ©es par exemple, la santĂ©, tandis que dĂąâŹâąautres choses ne le peuvent pas par exemple, la maison. En voici la cause. Dans les produits de lĂąâŹâąart, soit que lĂąâŹâąart les fasse, soit simplement quĂąâŹâąil les transforme, la matiĂšre qui domine et commence la production, et qui est toujours une partie intrinsĂšque de la chose, est tantĂÂŽt capable de se mouvoir par elle seule, et tantĂÂŽt nĂąâŹâąen est pas capable. MĂÂȘme la matiĂšre qui se meut peut tantĂÂŽt se donner tel mouvement spĂ©cial, et tantĂÂŽt ne peut pas se le donner. Ainsi, bien des choses qui peuvent se mouvoir spontanĂ©ment ne peuvent pas cependant se donner tel autre mouvement particulier, comme serait de se mouvoir en cadence. De lĂ vient que, toutes les fois que la matiĂšre est de la mĂÂȘme nature que celle des pierres, par exemple, qui forment la maison, il est impossible que les choses aient une certaine espĂšce de mouvement, Ă moins quĂąâŹâąelles ne le reçoivent du dehors. Mais elles peuvent nĂ©anmoins avoir un mouvement dĂąâŹâąune autre espĂšce et se mouvoir, par exemple, comme le feu. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait que certaines choses ne pourraient se produire sans lĂąâŹâąaide de lĂąâŹâąartiste qui les fait, tandis que dĂąâŹâąautres peuvent sĂąâŹâąen passer ; car elles seront mises en mouvement par des ĂÂȘtres qui nĂąâŹâąont pas le moindre rapport avec lĂąâŹâąart, et qui peuvent ĂÂȘtre mus eux-mĂÂȘmes, ou par dĂąâŹâąautres ĂÂȘtres auxquels lĂąâŹâąart est Ă©galement Ă©tranger, ou ĂÂȘtre mus dans une de leurs parties quelconque, si ce nĂąâŹâąest dans leur totalitĂ©. Ce quĂąâŹâąon vient de dire doit nous faire voir quĂąâŹâąen un sens toutes les choses qui se produisent, viennent de choses qui leur sont homonymes, comme cela se passe pour les ĂÂȘtres naturels, ou dĂąâŹâąune partie homonyme, comme la maison vient de la maison, ou de lĂąâŹâąintelligence de lĂąâŹâąartiste, puisque lĂąâŹâąart cĂąâŹâąest la forme, ou dĂąâŹâąune partie quelconque de la chose, ou dĂąâŹâąun ĂÂȘtre qui possĂšde cette partie, Ă moins que les choses ne se produisent accidentellement. La cause premiĂšre de lĂąâŹâąaction de lĂąâŹâąart est toujours une partie essentielle de la chose. Ainsi, la chaleur dĂ©ployĂ©e par le mouvement de friction produit dans le corps la chaleur, qui est elle-mĂÂȘme la santĂ©, ou une partie de la santĂ©, ou qui du moins a pour consĂ©quence une partie de la santĂ©, ou la santĂ© tout entiĂšre. Et voilĂ comment on peut dire que ce qui fait la santĂ© est ce qui a la chaleur pour consĂ©quence, ou pour attribut. Ainsi donc, de mĂÂȘme que, dans les syllogismes, cĂąâŹâąest la dĂ©finition substantielle qui est le principe de tout le reste, puisque les syllogismes doivent toujours partir de lĂąâŹâąessence rĂ©elle des choses, de mĂÂȘme ici toutes les productions de lĂąâŹâąart partent dĂąâŹâąun certain principe. Les ĂÂȘtres que produit la nature sont absolument dans le mĂÂȘme cas. Ainsi, le germe agit dans les choses naturelles tout Ă fait comme lĂąâŹâąartiste dans les choses de lĂąâŹâąart. Le germe renferme en puissance lĂąâŹâąespĂšce ; [1034b] et lĂąâŹâąĂÂȘtre dĂąâŹâąoĂÂč vient le germe lui-mĂÂȘme, est en quelque sorte homonyme Ă celui qui en sort. Si je dis En quelque sorte, cĂąâŹâąest que les choses ne se passent pas toujours comme elles se passent quand un homme vient dĂąâŹâąun homme, puisque dĂąâŹâąun homme peut venir aussi une femme ; et cĂąâŹâąest lĂ ce qui fait quĂąâŹâąun mulet ne peut venir dĂąâŹâąun mulet. Il nĂąâŹâąy a dĂąâŹâąexception que si lĂąâŹâąĂÂȘtre en question est incomplet et infirme. Toutes les choses qui se produisent spontanĂ©ment agissent comme on vient de le voir ; et ce sont toutes celles dont la matiĂšre peut se donner Ă elle-mĂÂȘme un mouvement propre, analogue Ă celui que le germe lui-mĂÂȘme dĂ©termine. Quand les choses ne sont pas dans ce cas, elles ne peuvent jamais ĂÂȘtre produites que par une cause extĂ©rieure Ă elles. Non seulement la discussion que nous venons dĂąâŹâąĂ©tablir, en ce qui regarde la substance, nous dĂ©montre que la forme ne peut pas ĂÂȘtre produite ; mais le mĂÂȘme raisonnement sĂąâŹâąapplique Ă©galement Ă tous les primitifs, je veux dire, la quantitĂ©, la qualitĂ© et toutes les autres catĂ©gories. De mĂÂȘme quĂąâŹâąon produit bien la sphĂšre dĂąâŹâąairain, mais quĂąâŹâąon ne peut produire ni la sphĂšre ni lĂąâŹâąairain, puisque cĂąâŹâąest aprĂšs lĂąâŹâąairain que la sphĂšre est produite, et quĂąâŹâąil faut toujours nĂ©cessairement que la matiĂšre et la forme prĂ©existent, de mĂÂȘme il se passe prĂ©cisĂ©ment quelque chose de pareil pour la substance, pour la qualitĂ©, pour la quantitĂ©, et en un mot pour toutes les catĂ©gories sans exception. En effet, ce nĂąâŹâąest pas prĂ©cisĂ©ment la qualitĂ© qui est produite ; mais cĂąâŹâąest le bois, par exemple, qui reçoit telle qualitĂ©. Ce nĂąâŹâąest pas la quantitĂ© qui est produite davantage ; mais cĂąâŹâąest le bois, ou lĂąâŹâąanimal, qui acquiert tel volume, ou telle quantitĂ©. Seulement, ceci peut faire voir quelle est la condition propre de la substance ; cĂąâŹâąest que toujours il faut nĂ©cessairement quĂąâŹâąil existe, avant elle, une autre substance complĂšte et rĂ©elle, qui la fasse ce quĂąâŹâąelle est, comme lĂąâŹâąanimal fait lĂąâŹâąanimal, si cĂąâŹâąest un animal qui est produit, tandis que cette condition nĂąâŹâąest pas nĂ©cessaire pour la quantitĂ© ou la qualitĂ©, qui nĂąâŹâąont besoin que dĂąâŹâąĂÂȘtre en simple puissance. Chapitre 10 Toute dĂ©finition est une explication dĂąâŹâąune certaine chose, et toute explication a des parties diverses. Mais comme lĂąâŹâąexplication est Ă la chose totale, quĂąâŹâąelle fait connaĂtre, dans le mĂÂȘme rapport quĂąâŹâąune de ses parties est Ă une partie de cette chose, on sĂąâŹâąest demandĂ© sĂąâŹâąil faut nĂ©cessairement que lĂąâŹâąexplication des parties se retrouve dans lĂąâŹâąexplication du Tout, ou sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a lĂ rien de nĂ©cessaire. On peut rĂ©pondre que, pour certains cas, il semble bien que la dĂ©finition des parties est comprise dans la dĂ©finition du Tout ; pour certains autres, cela nĂąâŹâąest pas. Ainsi, la dĂ©finition du cercle ne contient pas celle de ses segments, tandis que la dĂ©finition de la syllabe implique celle des lettres qui la forment. Cependant, le cercle se divise en segments, tout aussi bien que la syllabe se divise en ses lettres. Autre question encore. Si les parties sont antĂ©rieures au Tout, lĂąâŹâąangle aigu, Ă©tant une partie de lĂąâŹâąangle droit, comme le doigt est une partie de lĂąâŹâąanimal, il sĂąâŹâąensuivrait que lĂąâŹâąangle aigu est antĂ©rieur Ă lĂąâŹâąangle droit, dont il est une partie ; et le doigt, antĂ©rieur Ă lĂąâŹâąhomme, Ă qui il appartient. Mais il semble que ce sont au contraire lĂąâŹâąhomme et lĂąâŹâąangle droit qui sont antĂ©rieurs ; car cĂąâŹâąest dĂąâŹâąeux quĂąâŹâąest tirĂ©e lĂąâŹâąexplication de leurs parties ; et les choses sont toujours antĂ©rieures, quand elles nĂąâŹâąont pas rĂ©ciproquement besoin des autres. Mais le mot Partie ne peut-il pas ĂÂȘtre pris en plusieurs sens divers ? La partie, prise en une premiĂšre acception, cĂąâŹâąest ce qui sert Ă mesurer la quantitĂ©. Mais je laisse ce premier sens de cĂÂŽtĂ© ; et je considĂšre plutĂÂŽt ce que sont les parties dont la substance peut se composer. [1035a] Si, dans la substance, on distingue la matiĂšre, puis la forme, et en troisiĂšme lieu, le composĂ© total quĂąâŹâąelles constituent, si la matiĂšre est de la substance, tout aussi bien que le sont la forme et le composĂ© des deux, la matiĂšre est un certain point de vue une partie de la chose ; Ă un autre point de vue, elle ne lĂąâŹâąest pas ; et les parties ne sont que des Ă©lĂ©ments dĂąâŹâąoĂÂč sort la dĂ©finition de la forme. Par exemple, la chair nĂąâŹâąest pas une partie de la dĂ©finition de la courbure ; car elle est prĂ©cisĂ©ment la matiĂšre oĂÂč a lieu cette courbure ; mais elle est une partie de la CamusitĂ© du nez. LĂąâŹâąairain est bien aussi une partie de la statue totale et rĂ©elle ; mais il nĂąâŹâąest pas une partie de la statue considĂ©rĂ©e dans sa forme spĂ©cifique. En effet, cĂąâŹâąest la forme quĂąâŹâąon doit exprimer ; et chaque chose est dĂ©nommĂ©e en tant quĂąâŹâąelle a telle ou telle forme. La matiĂšre, au contraire, ne peut jamais ĂÂȘtre exprimĂ©e en soi. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait que la dĂ©finition du cercle nĂąâŹâąimplique pas celle des segments, tandis que la dĂ©finition de la syllabe implique celle des lettres, parce que les lettres, Ă©lĂ©ment du langage, sont ici des parties de la forme et nĂąâŹâąen sont pas la matiĂšre. Au contraire, les segments sont des parties matĂ©rielles des cercles sur lesquels on les prend, bien quĂąâŹâąils soient plus voisins de la forme que lĂąâŹâąairain ne peut lĂąâŹâąĂÂȘtre, quand la rondeur vient Ă sĂąâŹâąy produire. Il y a des cas nĂ©anmoins oĂÂč les lettres ne feront pas mĂÂȘme toujours partie de la dĂ©finition de la syllabe par exemple, on nĂąâŹâąy pourrait faire entrer les lettres tracĂ©es sur la cire, ni les lettres articulĂ©es dans lĂąâŹâąair. Les lettres alors ne sont des parties de la syllabe que parce quĂąâŹâąelles en sont la matiĂšre sensible. CĂąâŹâąest que la ligne, tout en cessant dĂąâŹâąĂÂȘtre ce quĂąâŹâąelle Ă©tait, si elle est divisĂ©e en deux moitiĂ©s, lĂąâŹâąhomme, en cessant dĂąâŹâąĂÂȘtre homme si on le divise en os, muscles et chairs, ne se composent pas cependant de ces Ă©lĂ©ments divers comme parties intĂ©grantes de leur substance, mais seulement comme parties de leur matiĂšre. Ces Ă©lĂ©ments sont bien des parties du composĂ© que constituent la forme et la matiĂšre rĂ©unies ; mais ce ne sont pas prĂ©cisĂ©ment des parties de la forme et du dĂ©fini ; et cĂąâŹâąest lĂ ce qui fait quĂąâŹâąils nĂąâŹâąentrent pas dans les dĂ©finitions de la forme. Ainsi donc, la dĂ©finition des parties de ce genre entrera quelquefois dans la dĂ©finition de la chose ; dĂąâŹâąautres fois, elle ne devra pas y entrer, lĂ oĂÂč ce nĂąâŹâąest pas la dĂ©finition du composĂ© quĂąâŹâąon donne. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait que certaines choses sont formĂ©es des principes mĂÂȘmes dans lesquels elles se dissolvent, et que certaines autres ne sĂąâŹâąen forment pas. Tous les Ă©lĂ©ments qui, rĂ©unis dans le composĂ©, sont de la forme et de la matiĂšre, comme le Camus, ou la sphĂšre dĂąâŹâąairain, se dissolvent et se perdent dans ces Ă©lĂ©ments mĂÂȘmes ; et la matiĂšre en est une partie. Mais toutes les choses qui ne sont pas impliquĂ©es dans la matiĂšre, et qui sont immatĂ©rielles en tant quĂąâŹâąelles sont les dĂ©finitions de la forme, celles-lĂ ne se rĂ©solvent et ne se perdent jamais dans leurs parties, ou du moins ne sĂąâŹâąy rĂ©solvent pas de cette maniĂšre. Ainsi, pour ces choses, les Ă©lĂ©ments subordonnĂ©s sont des principes et des parties du composĂ© ; mais ils ne peuvent ĂÂȘtre ni principes ni parties de la forme. VoilĂ comment la statue dĂąâŹâąargile se rĂ©sout en argile, la sphĂšre dĂąâŹâąairain se rĂ©sout en airain, et Callias se rĂ©sout en chair et en os. VoilĂ comment encore le cercle se rĂ©sout et disparaĂt dans ses segments, parce quĂąâŹâąil a en lui quelque chose qui est impliquĂ© dans la matiĂšre ; [1035b] car le cercle, soit quĂąâŹâąon le prenne dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, soit quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagisse des cercles considĂ©rĂ©s chacun dans sa rĂ©alitĂ©, est dĂ©nommĂ© par simple homonymie, puisque les cercles particuliers et individuels nĂąâŹâąont pas un nom qui leur soit spĂ©cial. Ce que nous avons dit jusquĂąâŹâąici suffit Ă faire voir le vrai. Cependant nous allons revenir sur nos pas pour rendre ceci encore plus net. Toutes les parties de la dĂ©finition et les Ă©lĂ©ments dans lesquels la dĂ©finition se divise, toutes ces parties, ou du moins quelques-unes, soient antĂ©rieures Ă la forme et au Tout. La dĂ©finition de lĂąâŹâąangle droit ne se divise pas dans la dĂ©finition de lĂąâŹâąangle aigu ; mais cĂąâŹâąest au contraire la notion de lĂąâŹâąangle aigu qui emprunte la notion de lĂąâŹâąangle droit, puisque, pour dĂ©finir lĂąâŹâąangle aigu, il faut nĂ©cessairement employer la dĂ©finition de lĂąâŹâąangle droit, et quĂąâŹâąon dit, en effet, que lĂąâŹâąangle aigu est plus petit que lĂąâŹâąangle droit. CĂąâŹâąest lĂ Ă©galement le rapport du cercle au demi-cercle, le demi-cercle se dĂ©finit par le cercle, comme le doigt se dĂ©finit par le corps total auquel il appartient, puisque le doigt nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune certaine partie de lĂąâŹâąhomme. Par consĂ©quent, tout ce qui fait partie dĂąâŹâąune chose comme matiĂšre, et tous les Ă©lĂ©ments matĂ©riels dans lesquels les choses se divisent, sont autant dĂąâŹâąĂ©lĂ©ments postĂ©rieurs ; mais tout ce qui entre dans la dĂ©finition, et dans la substance que la dĂ©finition dĂ©termine, tout cela ou presque tout cela est ultĂ©rieur. Prenons pour exemple lĂąâŹâąĂÂąme dans les animaux. Elle est lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąĂÂȘtre animĂ© ; et, pour le corps oĂÂč elle rĂ©side, elle est la substance qui entre dans sa dĂ©finition ; elle est la forme du corps, et lĂąâŹâąessence qui fait quĂąâŹâąil est ce quĂąâŹâąil est. De lĂ vient quĂąâŹâąon ne peut pas dĂ©finir convenablement une partie quelconque du corps, sans dĂ©finir aussi la fonction de lĂąâŹâąĂÂąme, qui, dĂąâŹâąailleurs, nĂąâŹâąexiste pas sans la sensibilitĂ©. Ainsi, toutes les parties de lĂąâŹâąĂÂąme, ou du moins quelques-unes, sont antĂ©rieures au composĂ© tout entier, qui est lĂąâŹâąanimal ; et il en est de mĂÂȘme pour tout autre cas. Mais le corps et les parties du corps sont postĂ©rieures Ă la substance de lĂąâŹâąĂÂąme ; et ce nĂąâŹâąest pas du tout cette substance, cĂąâŹâąest le composĂ© de lĂąâŹâąĂÂąme et du corps, qui se divise en ces parties, qui en sont la matiĂšre. Ainsi, en un sens, ces parties matĂ©rielles sont antĂ©rieures au composĂ© ; et, en un autre sens, elles ne le sont point. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąelles ne peuvent pas exister sĂ©parĂ©ment de lui ; car un doigt nĂąâŹâąest pas en tout Ă©tat de cause le doigt dĂąâŹâąun ĂÂȘtre animĂ© ; et, par exemple, le doigt dĂąâŹâąun cadavre nĂąâŹâąest pas un doigt, si ce nĂąâŹâąest par simple homonymie. Il y a nĂ©anmoins des parties qui coexistent avec lĂąâŹâąĂÂąme ; ce sont les parties maĂtresses, et celles oĂÂč rĂ©sident primitivement la dĂ©finition de lĂąâŹâąĂÂȘtre et sa substance. CĂąâŹâąest, par exemple, le coeur et le cerveau, si toutefois ils jouent ce rĂÂŽle, bien quĂąâŹâąil importe peu dĂąâŹâąailleurs que ce soit lĂąâŹâąun ou lĂąâŹâąautre. LĂąâŹâąhomme, le cheval, et toutes les entitĂ©s de mĂÂȘme ordre nĂąâŹâąexistent que dans les individus ; la substance rĂ©elle nĂąâŹâąest pas un universel ; ce qui existe rĂ©ellement, cĂąâŹâąest un Tout qui se compose de telle notion ou de telle matiĂšre, et quĂąâŹâąon prend comme universel. LĂąâŹâąindividu, par exemple Socrate, est formĂ© de lĂąâŹâąextrĂÂȘme matiĂšre ; et tous les individus sont dans le mĂÂȘme cas. Ainsi donc, la forme aussi a des parties, jĂąâŹâąentends la forme considĂ©rĂ©e comme essence, exprimant que la chose est ce quĂąâŹâąelle est. Le Tout rĂ©el, composĂ© de la forme et de la matiĂšre mĂÂȘme, a des parties Ă©galement ; mais il nĂąâŹâąy a que les parties de la forme qui soient des parties de la dĂ©finition et de la notion ; or, la notion sĂąâŹâąapplique Ă lĂąâŹâąuniversel. [1036a] LĂąâŹâąessence du cercle et le cercle, lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąĂÂąme et lĂąâŹâąĂÂąme, sont la mĂÂȘme chose et se confondent. Mais le composĂ©, par exemple, ce cercle individuel et particulier, que jĂąâŹâąai sous les yeux, ce cercle soit rĂ©el et sensible, soit purement intelligible, et par intelligibles jĂąâŹâąentends les cercles mathĂ©matiques, comme par sensibles jĂąâŹâąentends les cercles dĂąâŹâąairain ou de bois, ces composĂ©s rĂ©els et individuels ne sont pas connus par dĂ©finition ; on ne les connaĂt que par la pensĂ©e, ou par le. tĂ©moignage des sens. Une fois que nous sortons de la rĂ©alitĂ© actuelle, nous ne savons plus au juste sĂąâŹâąils existent ou nĂąâŹâąexistent pas ; mais nous pouvons toujours les dĂ©nommer et les connaĂtre, si nous le voulons, par leur notion universelle. En soi, la matiĂšre derniĂšre est inconnue ; mais lĂąâŹâąon peut y distinguer la matiĂšre sensible et la matiĂšre intelligible. La matiĂšre sensible, cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąairain, du bois, en un mot, toute matiĂšre qui peut ĂÂȘtre mue. La matiĂšre intelligible est celle qui se trouve bien dans les objets sensibles, mais non point en tant que sensibles ; et ce sont, par exemple, les entitĂ©s mathĂ©matiques. On vient de voir ce que nous disons des rapports du Tout et de la partie, de ce quĂąâŹâąil y a dĂąâŹâąantĂ©rieur et de postĂ©rieur dans lĂąâŹâąun et dans lĂąâŹâąautre. Si lĂąâŹâąon vient Ă nous demander, pour la ligne droite, pour le cercle, pour lĂąâŹâąanimal, sĂąâŹâąils sont antĂ©rieurs aux parties dans lesquelles ils se divisent et qui les composent, nous rĂ©pondrons quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a ici rien dĂąâŹâąabsolu. Si le mot dĂąâŹâąĂÂąme, en effet, signifie la forme de lĂąâŹâąĂÂȘtre animĂ©, si lĂąâŹâąĂÂąme de chaque individu est la forme de chaque individu, si le cercle est la mĂÂȘme chose que la forme du cercle, si lĂąâŹâąangle droit est la mĂÂȘme chose que la forme de lĂąâŹâąangle droit et la substance de lĂąâŹâąangle droit, il faut rĂ©pondre quĂąâŹâąil y a ici quelque chose de postĂ©rieur ; et il faut dire Ă quoi cĂąâŹâąest postĂ©rieur. Le Tout est postĂ©rieur, par exemple, aux Ă©lĂ©ments de la dĂ©finition et aux Ă©lĂ©ments de tel angle droit matĂ©riel ; car lĂąâŹâąangle droit matĂ©riel, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąangle en airain, lĂąâŹâąangle droit, tout aussi bien que celui qui est formĂ© de lignes particuliĂšres de chaque triangle. Mais lĂąâŹâąangle immatĂ©riel est postĂ©rieur aux Ă©lĂ©ments qui entrent dans la dĂ©finition, tandis quĂąâŹâąil est antĂ©rieur aux parties dont se compose un angle droit particulier ; absolument parlant, il ne lĂąâŹâąest pas. Si, au contraire, lĂąâŹâąĂÂąme est autre chose que lĂąâŹâąĂÂȘtre animĂ© et nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąĂÂȘtre animĂ©, il faut rĂ©pondre alors que quelques-unes de ses parties sont antĂ©rieures Ă lĂąâŹâąanimal, et que dĂąâŹâąautres ne le sont pas, ainsi que nous lĂąâŹâąavons exposĂ©. Chapitre 11 On fait bien de se demander quelles sont ici les parties de la forme, et quelles sont celles qui se rapportent non Ă la forme, mais au composĂ©. Tant que ce point nĂąâŹâąest pas Ă©clairci, il nĂąâŹâąest pas possible de dĂ©finir exactement quoi que ce soit, puisque la dĂ©finition ne sĂąâŹâąadresse quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąuniversel et Ă la forme spĂ©cifique. Il en rĂ©sulte quĂąâŹâąĂ moins de voir clairement quelles parties sont matĂ©rielles et quelles parties ne le sont pas, il est impossible aussi dĂąâŹâąavoir une notion claire de la chose quĂąâŹâąon veut dĂ©finir. Toutes les fois que la forme peut sĂąâŹâąadjoindre Ă des choses dĂąâŹâąespĂšce diffĂ©rente, comme le cercle qui peut sĂąâŹâąadjoindre indiffĂ©remment Ă lĂąâŹâąairain, Ă la pierre ou au bois, la solution est Ă©vidente, attendu que, ni lĂąâŹâąairain, ni la pierre, ne font partie de lĂąâŹâąessence du cercle, puisque le cercle peut en ĂÂȘtre sĂ©parĂ©. MĂÂȘme quand cette sĂ©paration ne serait pas aussi visible que dans ce cas, rien nĂąâŹâąempĂÂȘcherait quĂąâŹâąil nĂąâŹâąen fĂ»t encore tout Ă fait ainsi ; et, par exemple, alors mĂÂȘme que les cercles quĂąâŹâąon verrait seraient tous en airain, [1036b] lĂąâŹâąairain ne ferait pas pour cela partie de la forme. Il est vrai quĂąâŹâąil est difficile Ă notre esprit de faire cette abstraction ; et, par exemple, la forme de lĂąâŹâąhomme se prĂ©sente toujours Ă nous accompagnĂ©e de chairs, dĂąâŹâąos et de parties analogues. Sont-ce lĂ aussi des parties de la forme et de la dĂ©finition de lĂąâŹâąhomme ? Ou ne faut-il pas dire quĂąâŹâąelles nĂąâŹâąen sont pas des parties, mais seulement la matiĂšre, et que, comme ces parties ne sĂąâŹâąappliquent pas Ă un autre ĂÂȘtre que lĂąâŹâąhomme, nous sommes impuissants Ă les en sĂ©parer ? NĂ©anmoins cette sĂ©paration semble possible ; et le seul point obscur, cĂąâŹâąest de savoir dans quels cas elle lĂąâŹâąest. Aussi, il y a des philosophes qui soulĂšvent une objection, et qui prĂ©tendent quĂąâŹâąil ne faut pas dĂ©finir le cercle et le triangle par des lignes et par la continuitĂ© de la surface, mais quĂąâŹâąil faut considĂ©rer tout cela absolument comme on considĂšre les chairs et les os dans lĂąâŹâąhomme ; lĂąâŹâąairain et la pierre, dans le cercle. Ces philosophes rĂ©duisent donc tout Ă des nombres ; et pour eux, la dĂ©finition de la ligne se confond avec celle du nombre Deux. CĂąâŹâąest que, parmi les partisans des IdĂ©es, les uns soutiennent que le nombre Deux reprĂ©sente la ligne en soi ; dĂąâŹâąautres disent seulement que le nombre Deux, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąIdĂ©e de la ligne ; car, selon eux, il y a parfois identitĂ© entre lĂąâŹâąIdĂ©e et lĂąâŹâąobjet de lĂąâŹâąIdĂ©e. Et ici, par exemple, Deux et lĂąâŹâąIdĂ©e de Deux sont la mĂÂȘme chose. Mais ce nĂąâŹâąest plus le cas pour la ligne. Il rĂ©sulte certainement de cette thĂ©orie quĂąâŹâąune multitude de choses, dont lĂąâŹâąespĂšce est Ă©videmment diffĂ©rente, nĂąâŹâąont plus alors quĂąâŹâąune seule IdĂ©e ; et cĂąâŹâąest lĂ aussi lĂąâŹâąerreur des Pythagoriciens. On peut tout aussi bien ne faire quĂąâŹâąune seule IdĂ©e pour toutes choses ; il nĂąâŹâąy a plus dĂąâŹâąIdĂ©es distinctes ; et, grĂÂące Ă ce procĂ©dĂ©, tout finit par se rĂ©duire Ă lĂąâŹâąunitĂ©. Nous avons donc montrĂ© les difficultĂ©s que prĂ©sente la thĂ©orie des dĂ©finitions, et nous en avons exposĂ© la cause. Aussi, nĂąâŹâąavons-nous que faire de rĂ©duire ainsi tous les ĂÂȘtres et de supprimer la matiĂšre. Ăâ°videmment, il y a des choses qui ne sont que des qualitĂ©s dans un sujet ; et dĂąâŹâąautres sont des substances qui existent de telle ou telle façon. La comparaison relative Ă lĂąâŹâąanimal, dont le jeune Socrate se servait habituellement, nĂąâŹâąest pas trĂšs juste. Il dĂ©vie du vrai, et il donne Ă supposer que lĂąâŹâąhomme pourrait exister sans les parties qui le forment, comme le cercle existe sans lĂąâŹâąairain. Mais, pour lĂąâŹâąhomme, le cas nĂąâŹâąest pas du tout pareil. LĂąâŹâąanimal est quelque chose qui tombe sous nos sens ; et il serait bien impossible de le dĂ©finir sans la notion du mouvement, et, par consĂ©quent, sans des parties qui aient une certaine disposition. Ainsi, la main, absolument parlant, nĂąâŹâąest pas une partie de lĂąâŹâąhomme ; elle est uniquement la main en tant quĂąâŹâąelle est animĂ©e, et quĂąâŹâąelle peut remplir la fonction qui lui est propre ; si elle nĂąâŹâąest pas animĂ©e et vivante, ce nĂąâŹâąest plus une partie de lĂąâŹâąhomme. Mais, dans les MathĂ©matiques, pourquoi les dĂ©finitions des parties nĂąâŹâąentrent-elles pas dans la dĂ©finition du Tout ? Et, par exemple, pourquoi les demi-cercles ne sont-ils pas des parties de la dĂ©finition du cercle ? CĂąâŹâąest que les demi-cercles ne sont pas des objets qui tombent sous lĂąâŹâąobservation sensible. Ou bien, nĂąâŹâąest-ce pas lĂ une circonstance indiffĂ©rente ? Car il y a matiĂšre mĂÂȘme pour certaines choses qui ne sont pas perçues par les sens ; [1037a] et, en gĂ©nĂ©ral, tout ce qui nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąessence de la chose en est la matiĂšre. On ne doit pas admettre quĂąâŹâąil y ait des parties pour le cercle pris au sens universel ; il nĂąâŹâąy en a que pour les cercles considĂ©rĂ©s individuellement, ainsi que nous lĂąâŹâąavons antĂ©rieurement indiquĂ©. Car la matiĂšre, avons-nous dit, est sensible ou intelligible. Donc, Ă©videmment aussi, lĂąâŹâąĂÂąme est la substance premiĂšre, et le corps est la matiĂšre. LĂąâŹâąhomme, ou lĂąâŹâąĂÂȘtre composĂ© des deux, cĂąâŹâąest-Ă -dire de lĂąâŹâąĂÂąme et du corps, est universel. Socrate ou Coriscus, si lĂąâŹâąĂÂąme est ce quĂąâŹâąon vient de dire, se prĂ©sente sous un double aspect on peut le considĂ©rer, ou comme une ĂÂąme, ou comme le composĂ© de lĂąâŹâąĂÂąme et du corps. Si on veut le considĂ©rer dĂąâŹâąune maniĂšre absolue et en soi, il y a, dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ© telle ĂÂąme, et, dĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, tel corps, dans la relation de lĂąâŹâąuniversel au particulier. Quant Ă savoir si, en dehors de la matiĂšre de ces substances, il y a encore une substance diffĂ©rente, et sĂąâŹâąil convient de chercher quelle est cette substance autre que celles-lĂ , les nombres, par exemple, ou quelque chose dĂąâŹâąanalogue, cĂąâŹâąest une question quĂąâŹâąon Ă©tudiera plus loin. CĂąâŹâąest pour Ă©claircir cette question que nous essayons de dĂ©finir mĂÂȘme les substances sensibles, bien que, dans une certaine mesure, lĂąâŹâąĂ©tude des substances, telles que nos sens nous les montrent, fasse partie de la Physique et de la Philosophie seconde. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąen effet ce nĂąâŹâąest pas seulement la matiĂšre que le physicien doit Ă©tudier ; cĂąâŹâąest encore, et Ă plus juste titre, la matiĂšre telle que la dĂ©finition nous la donne. Or, pour les dĂ©finitions, il lui importe de savoir comment les Ă©lĂ©ments dont la dĂ©finition se forme, sont des parties de la chose, et comment la dĂ©finition en arrive Ă reprĂ©senter une notion unique. Ăâ°videmment, la chose Ă dĂ©finir elle-mĂÂȘme est Une ; mais ce qui fait quĂąâŹâąelle est Une, tout en ayant des parties, cĂąâŹâąest ce que nous rechercherons plus tard. Ainsi donc, nous avons expliquĂ© ce quĂąâŹâąest lĂąâŹâąessence qui fait que la chose est ce quĂąâŹâąelle est, dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, pour tous les cas ; nous avons Ă©galement montrĂ© ce que cĂąâŹâąest quĂąâŹâąĂÂȘtre En soi et pour soi ; et comment, dans certains cas, la dĂ©finition de lĂąâŹâąessence renferme les parties du dĂ©fini, et comment, dans dĂąâŹâąautres cas, elle ne les renferme pas. Enfin, nous avons Ă©tabli que, dans la dĂ©finition de lĂąâŹâąessence, ne peuvent pas figurer les parties qui y seraient comprises comme matiĂšre ; car alors ce ne sont plus les parties de lĂąâŹâąessence substantielle, mais bien les parties du composĂ© rĂ©sultant de lĂąâŹâąunion de la matiĂšre et de la forme. On peut, pour le composĂ©, soutenir tout Ă la fois quĂąâŹâąil y a, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas, de dĂ©finition. Quand la substance est rĂ©unie Ă la matiĂšre, il nĂąâŹâąy a pas moyen de la dĂ©finir, puisque la matiĂšre est indĂ©terminĂ©e ; mais pour la substance premiĂšre, la dĂ©finition est possible ; et cĂąâŹâąest ainsi que la dĂ©finition de lĂąâŹâąĂÂąme est celle de lĂąâŹâąhomme. La substance est la forme intrinsĂšque qui, en sĂąâŹâąunissant Ă la matiĂšre, produit la substance totale et composĂ©e, comme est, par exemple, la courbure du nez. CĂąâŹâąest, en effet, de cette courbure et du nez que rĂ©sulte le nez camus, et ce quĂąâŹâąon appellerait la CamusitĂ© ; mais lĂąâŹâąidĂ©e de nez se trouve impliquĂ©e deux fois dans cette expression Ă Le nez camus. Ă» Dans la substance combinĂ©e comme est le nez camus, ou comme est Callias, il y a bien aussi de la matiĂšre intĂ©grante ; lĂąâŹâąessence et lĂąâŹâąindividualitĂ© se confondent dans quelques cas, [1037b] comme on le voit pour les substances premiĂšres par exemple, pour la courbure et lĂąâŹâąidĂ©e de la courbure, si toutefois la courbure est une substance premiĂšre. Par substance premiĂšre, jĂąâŹâąentends celle qui nĂąâŹâąest pas appelĂ©e ainsi, parce quĂąâŹâąune autre chose est dans une autre chose, qui est son sujet et sa matiĂšre. Mais toutes les fois que lĂąâŹâąon ne considĂšre que la matiĂšre, ou une combinaison quelconque de la matiĂšre, le composĂ© ne peut ĂÂȘtre identifiĂ© Ă la substance, Ă moins que ce ne soit par une unitĂ© tout accidentelle comme, par exemple, on peut confondre Socrate et la qualitĂ© de savant que Socrate peut avoir ; car il nĂąâŹâąy a lĂ quĂąâŹâąune identitĂ© toute indirecte. Chapitre 12 DĂąâŹâąabord, complĂ©tons ici tout ce que nous avons pu omettre dans les Analytiques, en ce qui concerne la dĂ©finition, et rĂ©parons nos lacunes. La question, que nous avons discutĂ©e dans cet ouvrage, intĂ©resse de trĂšs prĂšs nos Ă©tudes sur la substance je veux dire, cette question qui consiste Ă rechercher comment il se peut que le dĂ©fini, dont lĂąâŹâąexplication nous est fournie par la dĂ©finition, forme une unitĂ©. Prenons, par exemple, la dĂ©finition de lĂąâŹâąhomme, et supposons que cette dĂ©finition soit Ă Animal bipĂšde Ă». Comment cette expression est-elle Une ? Et comment ne se dĂ©double-t-elle pas en animal et en bipĂšde ? Quand on parle dĂąâŹâąHomme et de Blancheur, il y a lĂ une pluralitĂ©, si lĂąâŹâąun de ces termes nĂąâŹâąest pas Ă lĂąâŹâąautre ; mais il y a une unitĂ© du moment que lĂąâŹâąun est Ă lĂąâŹâąautre, et que le sujet Homme reçoit une modification quelconque En ce cas, lĂąâŹâąunitĂ© sĂąâŹâąaccomplit, et lĂąâŹâąon dit Ă LĂąâŹâąhomme blanc Ă». Mais ici au contraire, lĂąâŹâąun des deux termes ne participe pas de lĂąâŹâąautre ; car le genre ne peut pas participer jamais aux diffĂ©rences, puisque, si cela Ă©tait, le mĂÂȘme objet recevrait Ă la fois les contraires, les diffĂ©rences qui affectent le genre Ă©tant contraires entre elles. Mais en supposant mĂÂȘme que le genre pĂ»t participer aux diffĂ©rences, la question resterait toujours la mĂÂȘme, du moment que les diffĂ©rences sont multiples, comme celles-ci terrestre, bipĂšde, sans ailes. Comment tous ces Termes peuvent-ils former une unitĂ©, et non une pluralitĂ© ? Ce nĂąâŹâąest certes pas parce quĂąâŹâąils sont des attributs de lĂąâŹâąĂÂȘtre en question ; car Ă ce compte tous les termes accumulĂ©s, quels quĂąâŹâąils fussent, constitueraient une unitĂ©. Mais il nĂąâŹâąen faut pas moins que tout ce qui entre dans la dĂ©finition forme un tout unique, puisque la dĂ©finition est une explication qui est Une et qui exprime une substance. Par consĂ©quent, cette explication ne doit sĂąâŹâąappliquer quĂąâŹâąĂ un seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre, puisque la substance, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dit, dĂ©signe une seule chose et une chose individuelle. Occupons-nous dĂąâŹâąabord des dĂ©finitions qui procĂšdent par divisions successives. Il nĂąâŹâąy a dans la dĂ©finition absolument rien autre que le genre primordial dont il sĂąâŹâąagit, et que ses diffĂ©rences ; les autres termes ne sont que des genres subordonnĂ©s, composĂ©s du genre premier avec les diffĂ©rences quĂąâŹâąon y adjoint. Supposons que le genre premier soit lĂąâŹâąanimal ; le second genre Ă la suite, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąanimal bipĂšde ; puis lĂąâŹâąanimal bipĂšde, sans ailes. Et ainsi de suite, en multipliant les genres tant quĂąâŹâąon voudra. [1038a] Au fond, le nombre des termes nĂąâŹâąimporte guĂšre, que ce nombre soit grand ou petit, ou bien seulement quĂąâŹâąils se rĂ©duisent Ă deux. De ces deux termes, lĂąâŹâąun sera le genre, lĂąâŹâąautre sera la diffĂ©rence ; et ainsi, dans Animal BipĂšde, Animal sera le genre ; BipĂšde sera la diffĂ©rence, qui y est jointe. Si donc le genre ne peut point absolument exister en dehors des espĂšces dans lesquelles il se divise, ou mĂÂȘme sĂąâŹâąil existe en dehors dĂąâŹâąelles, mais uniquement comme leur matiĂšre ; car, par exemple, le langage est tout ensemble genre et matiĂšre, et ses diffĂ©rences forment ses espĂšces diverses et les Ă©lĂ©ments divers qui le composent, il est clair que la dĂ©finition nĂąâŹâąest que lĂąâŹâąexplication qui ressort des diffĂ©rences. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąil faut diviser, avec le mĂÂȘme soin, la diffĂ©rence de la diffĂ©rence ; et par exemple, en supposant quĂąâŹâąune diffĂ©rence de lĂąâŹâąanimal soit quĂąâŹâąil est Ă Pourvu de pieds Ă», il faut bien voir, en outre, quelle est la diffĂ©rence de lĂąâŹâąanimal Pourvu de pieds, en tant que pourvu de pieds. Par consĂ©quent, il ne faudrait pas dire que la diffĂ©rence de lĂąâŹâąanimal pourvu de pieds, cĂąâŹâąest dĂąâŹâąavoir des ailes ou de ne pas avoir dĂąâŹâąailes, distinction qui est exacte sans doute, mais quĂąâŹâąon ne fait cependant que par simple incapacitĂ© de faire autrement. Ce que lĂąâŹâąon recherchera, cĂąâŹâąest si lĂąâŹâąanimal Pourvu de pieds a le pied divisĂ©, ou sĂąâŹâąil est solipĂšde ; car ce sont lĂ les diffĂ©rences du pied, puisque la division du pied est une maniĂšre dĂąâŹâąĂÂȘtre que les pieds peuvent prĂ©senter. Il faut donc continuer toujours Ă procĂ©der de cette façon jusquĂąâŹâąĂ ce quĂąâŹâąon arrive Ă ne plus trouver de diffĂ©rences. Alors les espĂšces du pied sont aussi nombreuses que le sont les diffĂ©rences elles mĂÂȘmes ; et le nombre des espĂšces dĂąâŹâąanimaux pourvus de pieds est Ă©gal Ă celui des diffĂ©rences trouvĂ©es. Si tout cela est bien exact, on doit voir que la derniĂšre diffĂ©rence sera bien lĂąâŹâąessence de la chose et sa dĂ©finition. En dĂ©finissant, il faut prendre garde aux rĂ©pĂ©titions quĂąâŹâąon peut commettre et qui seraient fort inutiles. CĂąâŹâąest cependant ce qui arrive quelquefois ; et quand on dit, par exemple, que lĂąâŹâąanimal Pourvu de pieds est bipĂšde, cela revient tout Ă fait Ă dire que lĂąâŹâąanimal qui a des pieds a deux pieds ; et, quoique la division soit dans ce cas fort exacte, on se rĂ©pĂšte plusieurs fois, et autant de fois quĂąâŹâąil y a de diffĂ©rences. SĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune seule diffĂ©rence de la diffĂ©rence, cĂąâŹâąest la derniĂšre qui est lĂąâŹâąespĂšce et lĂąâŹâąessence de la chose. Mais si lĂąâŹâąon fait des divisions avec de purs accidents, et quĂąâŹâąon divise, par exemple, lĂąâŹâąanimal Pourvu de pieds en blanc et en noir, alors il y a autant de diffĂ©rences que de sections diverses. On peut donc conclure que la dĂ©finition dĂąâŹâąune chose est la notion de cette chose tirĂ©e de ses diffĂ©rences ; et parmi ces diffĂ©rences, cĂąâŹâąest la notion tirĂ©e de la derniĂšre, en supposant toujours quĂąâŹâąon suive la ligne directe. CĂąâŹâąest ce dont on se convaincrait, en essayant dĂąâŹâąintervertir lĂąâŹâąordre oĂÂč se succĂšdent ces dĂ©finitions, et quĂąâŹâąon dit, par exemple, que la dĂ©finition de lĂąâŹâąhomme cĂąâŹâąest Animal Ă deux pieds, pourvu de pieds. LĂąâŹâąindication de Pourvu de pieds serait bien superflue aprĂšs quĂąâŹâąon aurait dĂ©jĂ dit A deux pieds. DĂąâŹâąailleurs, dans la substance, il nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąordre ; car comment imaginer en elle que telle partie est postĂ©rieure, et telle autre antĂ©rieure ? Nous bornons ici les premiĂšres considĂ©rations que nous voulions exposer sur les dĂ©finitions par divisions successives. Chapitre 13 [1038b] Puisque nous nous proposons dĂąâŹâąĂ©tudier la substance, reprenons les choses dĂąâŹâąun peu plus haut. De mĂÂȘme que le sujet est appelĂ© du nom de substance, de mĂÂȘme ce nom dĂ©signe encore lĂąâŹâąessence, qui fait que la chose est ce quĂąâŹâąelle est ; il dĂ©signe aussi le composĂ© rĂ©sultant de la matiĂšre et de la forme, et enfin, lĂąâŹâąuniversel. DĂ©jĂ nous avons expliquĂ© les deux premiers de ces termes, lĂąâŹâąessence et le sujet ; et nous avons dit que le sujet peut ĂÂȘtre considĂ©rĂ© sous deux points de vue, ou comme tel ĂÂȘtre individuel, par exemple, lĂąâŹâąĂÂȘtre animĂ©, qui est le sujet des modifications quĂąâŹâąil subit ; ou comme la matiĂšre, qui est dans la rĂ©alitĂ© actuelle et complĂšte que la chose reprĂ©sente. Pour quelques philosophes, cĂąâŹâąest surtout lĂąâŹâąuniversel qui a le caractĂšre de cause ; et, Ă leurs yeux, lĂąâŹâąuniversel est le vĂ©ritable principe. Occupons-nous donc aussi de lĂąâŹâąuniversel. Selon nous, il est impossible quĂąâŹâąaucun universel puisse jamais ĂÂȘtre une substance. En effet, la substance premiĂšre de tout ĂÂȘtre, quel quĂąâŹâąil soit, est celle qui ne peut appartenir Ă aucun autre que lui, tandis que lĂąâŹâąuniversel est au contraire un terme commun, puisquĂąâŹâąon appelle prĂ©cisĂ©ment Universel ce qui, de sa nature, peut appartenir Ă plusieurs. De quoi donc lĂąâŹâąuniversel pourrait-il ĂÂȘtre la substance ? Il ne peut ĂÂȘtre que la substance de tous les ĂÂȘtres subordonnĂ©s, ou nĂąâŹâąĂÂȘtre la substance dĂąâŹâąaucun. De tous, ce nĂąâŹâąest pas possible ; et sĂąâŹâąil lĂąâŹâąest dĂąâŹâąun seul, tout le reste sera ce mĂÂȘme ĂÂȘtre Ă©galement, puisque les ĂÂȘtres dont la substance est Une et dont lĂąâŹâąessence est Une, sont aussi un seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre. DĂąâŹâąautre part, on a dĂ©fini la substance Ă Ce qui nĂąâŹâąest jamais lĂąâŹâąattribut dĂąâŹâąun sujet Ă» ; mais lĂąâŹâąuniversel est toujours lĂąâŹâąattribut dĂąâŹâąun sujet. Il ne peut pas ĂÂȘtre dans lĂąâŹâąobjet comme y est lĂąâŹâąessence ; mais il peut y ĂÂȘtre impliquĂ© comme lĂąâŹâąanimal est implicitement compris dans lĂąâŹâąhomme, dans le cheval, etc. Par consĂ©quent, on doit voir quĂąâŹâąil aura pour lĂąâŹâąuniversel une sorte de dĂ©finition. Peu importe, dĂąâŹâąailleurs, que lĂąâŹâąon ne mentionne pas tous les Ă©lĂ©ments qui entrent dans la substance. Animal nĂąâŹâąen sera pas moins la substance de quelque chose, comme lĂąâŹâąhomme est la substance de cet homme individuel dans lequel il se trouve. Cela revient donc tout Ă fait au mĂÂȘme, lĂąâŹâąuniversel sera substance ; et comme lĂąâŹâąAnimal, il sera la substance de lĂąâŹâąespĂšce dans laquelle il se trouve, en tant quĂąâŹâąil lui appartient en propre. Il est, en outre, impossible et absurde quĂąâŹâąune chose qui est tel ĂÂȘtre individuel et telle substance, si elle se compose de certains Ă©lĂ©ments, ne vienne pas de substances, ou quĂąâŹâąelle vienne non pas de la catĂ©gorie de lĂąâŹâąessence, mais de la catĂ©gorie de la qualitĂ© ; car alors la qualitĂ©, qui nĂąâŹâąest pas substance, serait antĂ©rieure Ă la substance, et Ă lĂąâŹâąindividuel. Or, cela est bien impossible, puisque, ni en notion, ni en temps, ni en production, il ne se peut pas que les modes soient antĂ©rieurs Ă la substance qui les Ă©prouve ; autrement, les modes seraient sĂ©parables du sujet. Autre argument. Dans Socrate, par exemple, qui est dĂ©jĂ une substance, il y aurait une autre substance, de telle sorte quĂąâŹâąil serait la substance de deux ĂÂȘtres Ă la fois. Si lĂąâŹâąHomme est une substance, et si tous les termes employĂ©s comme celui-lĂ sont des substances, il en rĂ©sulte quĂąâŹâąaucun des Ă©lĂ©ments qui entrent dans la dĂ©finition, ne peut plus ĂÂȘtre substance de quoi que ce soit, ni exister en dehors des individus, ni se trouver dans un autre ĂÂȘtre que les individus. Je veux dire, par exemple, quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąAnimal en dehors des animaux individuels, pas plus que nĂąâŹâąexiste sĂ©parĂ©ment aucun des Ă©lĂ©ments qui font partie des dĂ©finitions. En se plaçant Ă ce point de vue, on doit reconnaĂtre quĂąâŹâąaucun des termes pris universellement nĂąâŹâąest de la substance, quĂąâŹâąaucun attribut commun ne reprĂ©sente telle chose particuliĂšre, [1039a] et quĂąâŹâąil ne reprĂ©sente que telle qualitĂ©. Sinon, cĂąâŹâąest soulever une foule dĂąâŹâąobjections, et spĂ©cialement lĂąâŹâąobjection du TroisiĂšme homme. Voici encore un argument qui prouve bien ce que nous disons. Il est impossible quĂąâŹâąune substance se compose de substances qui seraient en elle Ă lĂąâŹâąĂ©tat dĂąâŹâąactualitĂ© complĂšte, Ă lĂąâŹâąĂ©tat dĂąâŹâąEntĂ©lĂ©chie. Ainsi, deux choses, qui actuellement sont complĂštement rĂ©elles, ne peuvent jamais ĂÂȘtre une seule et mĂÂȘme chose effectivement et actuellement. Mais si elles ne sont deux quĂąâŹâąen puissance, elles pourront ĂÂȘtre une seule et mĂÂȘme chose ; par exemple, le double se compose bien de deux moitiĂ©s ; mais cĂąâŹâąest seulement en puissance, puisque lĂąâŹâąactualitĂ© rĂ©elle et complĂšte des moitiĂ©s les isolerait dans des ĂÂȘtres diffĂ©rents. Il en rĂ©sulte que, si la substance est Une, elle ne peut se composer de substances qui seraient en elle ; et cĂąâŹâąest en ce sens que DĂ©mocrite a parfaitement raison de soutenir quĂąâŹâąil est impossible que jamais deux choses deviennent une seule chose, ni quĂąâŹâąune seule chose en devienne deux, puisque, dans son systĂšme, ce sont les grandeurs indivisibles, les atomes, qui sont les substances. Il est de toute Ă©vidence quĂąâŹâąil en sera de mĂÂȘme encore pour le nombre, si le nombre, comme le prĂ©tendent quelques philosophes, nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune collection dĂąâŹâąunitĂ©s ; car, ou bien Deux nĂąâŹâąest pas Un, ou bien Un nĂąâŹâąest pas actuellement et rĂ©ellement dans Deux. Mais cette conclusion mĂÂȘme ne laisse pas que de prĂ©senter des difficultĂ©s. Si, en effet, il est impossible que la substance se compose jamais dĂąâŹâąuniversaux, parce que les universaux nĂąâŹâąexpriment quĂąâŹâąune qualitĂ© et non point une chose particuliĂšre et individuelle, et si jamais non plus une substance ne peut ĂÂȘtre composĂ©e de substances rĂ©elles et effectives, il sĂąâŹâąensuit que toute substance est indĂ©composable, et que, par suite, il ne peut y avoir non plus de dĂ©finition pour une substance quelconque. Tout le monde convient cependant, et il y a bien longtemps quĂąâŹâąon lĂąâŹâąa dit, que la dĂ©finition ne sĂąâŹâąadresse quĂąâŹâąĂ la substance seule, ou, tout au moins, sĂąâŹâąadresse surtout Ă la substance. Et voilĂ maintenant quĂąâŹâąon dĂ©montre que ce nĂąâŹâąest pas mĂÂȘme Ă la substance que la dĂ©finition sĂąâŹâąapplique ; avec cette thĂ©orie, il nĂąâŹâąy aurait plus dĂ©finition de rien. Ou bien ne doit-on pas plutĂÂŽt dire quĂąâŹâąil y aura dĂ©finition de la substance en un sens, et quĂąâŹâąen un autre sens il nĂąâŹâąy en aura pas ? CĂąâŹâąest ce qui sĂąâŹâąĂ©claircira davantage par ce qui va suivre. Chapitre 14 Toute la discussion prĂ©cĂ©dente fait voir clairement oĂÂč en arrivent les philosophes qui, prenant les IdĂ©es pour les substances, les regardent comme sĂ©parĂ©es des choses, et qui en mĂÂȘme temps cependant soutiennent que lĂąâŹâąespĂšce vient du genre et des diffĂ©rences. Si, en effet, les IdĂ©es existent, et, si lĂąâŹâąanimal, par exemple, est dans lĂąâŹâąhomme et dans le cheval, de deux choses lĂąâŹâąune ou lĂąâŹâąanimal est, dans lĂąâŹâąun et dans lĂąâŹâąautre, Cheval et Homme, une seule et mĂÂȘme chose numĂ©riquement, ou cĂąâŹâąest une chose diffĂ©rente. Mais la dĂ©finition de ces deux ĂÂȘtres prouve clairement que cĂąâŹâąest une seule et mĂÂȘme chose, puisquĂąâŹâąen expliquant lĂąâŹâąanimal, soit dans le cheval, soit dans lĂąâŹâąhomme, on en donne absolument la mĂÂȘme explication. Si donc il y a un homme qui existe en soi et Ă lĂąâŹâąĂ©tat de sĂ©paration absolue, il faut nĂ©cessairement aussi que les deux Ă©lĂ©ments dont il se compose, Animal et BipĂšde, expriment un ĂÂȘtre rĂ©el, quĂąâŹâąils soient Ă©galement sĂ©parĂ©s, et quĂąâŹâąils soient des substances. Il sĂąâŹâąensuit que lĂąâŹâąAnimal sera aussi une substance. Si lĂąâŹâąAnimal est identique dans le cheval et dans lĂąâŹâąhomme, identique de cette identitĂ© que vous avez de vous-mĂÂȘme Ă vous-mĂÂȘme, comment alors lĂąâŹâąanimal sera-t-il Un dans des ĂÂȘtres absolument sĂ©parĂ©s ? [1039b] Et comment cet animal ne sera-t-il pas sĂ©parĂ© aussi de lui-mĂÂȘme ? DĂąâŹâąautre part, si lĂąâŹâąanimal est du genre bipĂšde et polypĂšde, il en rĂ©sulte une consĂ©quence insoutenable cĂąâŹâąest quĂąâŹâąalors il aura simultanĂ©ment les contraires, tout en restant un seul et mĂÂȘme ĂÂȘtre. Si lĂąâŹâąanimal ne participe pas du bipĂšde, comment alors comprend-on quĂąâŹâąon puisse dire de lui quĂąâŹâąil est bipĂšde ou terrestre ? Si lĂąâŹâąon prĂ©tend que tout cela se combine, que tout cela se touche et se confond, on peut affirmer que ce sont lĂ autant dĂąâŹâąimpossibilitĂ©s manifestes. Peut-ĂÂȘtre, dira-t-on encore, que lĂąâŹâąanimal est diffĂ©rent dans chaque individu. Alors, il sĂąâŹâąensuit quĂąâŹâąil y aura, sans exagĂ©ration, un nombre infini dĂąâŹâąĂÂȘtres dont lĂąâŹâąanimal sera la substance, puisque ce nĂąâŹâąest pas indirectement et par accident que lĂąâŹâąhomme se compose de lĂąâŹâąanimal. DĂšs lors, lĂąâŹâąanimal en soi serait une foule dĂąâŹâąĂÂȘtres ; car lĂąâŹâąanimal qui est dans chaque individu serait une substance, puisque lĂąâŹâąindividu nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąattribut dĂąâŹâąun autre. Si cela nĂąâŹâąest pas, lĂąâŹâąhomme alors viendrait de cet autre ĂÂȘtre, et cet autre ĂÂȘtre serait le genre de lĂąâŹâąhomme. Par suite aussi, tous les Ă©lĂ©ments dont lĂąâŹâąhomme se compose seraient autant dĂąâŹâąIdĂ©es ; mais il est bien impossible dĂąâŹâąĂÂȘtre Ă la fois lĂąâŹâąIdĂ©e de tel ĂÂȘtre, et la substance de tel autre ĂÂȘtre. Ainsi, lĂąâŹâąanimal en soi sera chaque animal contenu dans les animaux particuliers. Mais alors dĂąâŹâąoĂÂč viendront ces animaux particuliers, et comment pourront-ils venir de lĂąâŹâąanimal en soi ? Comment comprendre que ce mĂÂȘme animal, qui sera substance particuliĂšre, pourra exister en dehors de lĂąâŹâąanimal en soi ? Toutes ces difficultĂ©s se reprĂ©sentent pour les choses sensibles ; et mĂÂȘme, elles y sont encore bien plus grandes. Si donc il est impossible quĂąâŹâąil en soit ainsi, il est clair quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas, pour les choses que nos sens perçoivent, une IdĂ©e, Ă la façon que supposent certains philosophes. Chapitre 15 La substance se prĂ©sente sous deux aspects diffĂ©rents le composĂ© qui la constitue, et la notion qui lĂąâŹâąexplique. JĂąâŹâąentends par lĂ quĂąâŹâąil y a, dĂąâŹâąune part, la substance qui est la notion mĂÂȘme de lĂąâŹâąobjet combinĂ©e avec la matiĂšre ; et, dĂąâŹâąautre part, cette notion seule, prise dĂąâŹâąune maniĂšre absolue. Toutes les substances du premier genre sont sujettes Ă pĂ©rir, parce quĂąâŹâąelles se produisent Ă un certain moment ; mais la pure et simple notion ne peut jamais ĂÂȘtre dĂ©truite, par la raison quĂąâŹâąelle ne se produit jamais dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale et essentielle. Ainsi, la maison ne se produit pas ; ce qui se produit, cĂąâŹâąest une maison particuliĂšre. Les substances de cette espĂšce sont, ou ne sont pas, sans quĂąâŹâąil y ait pour elles ni production ni destruction. Ainsi quĂąâŹâąon lĂąâŹâąa dĂ©montrĂ©, personne ne les engendre, ni ne les fait. CĂąâŹâąest lĂ encore ce qui explique comment, pour les substances sensibles et individuelles, il nĂąâŹâąy a ni dĂ©finition ni dĂ©monstration possible, attendu quĂąâŹâąelles renferment une matiĂšre dont la nature propre est de pouvoir ĂÂȘtre ou nĂąâŹâąĂÂȘtre pas. Aussi, toutes les choses individuelles et particuliĂšres sont-elles pĂ©rissables. Si donc la dĂ©monstration ne sĂąâŹâąadresse quĂąâŹâąĂ des choses nĂ©cessaires, si la dĂ©finition doit toujours ĂÂȘtre scientifique. Il en rĂ©sulte que, de mĂÂȘme que la science ne peut pas ĂÂȘtre tantĂÂŽt science et tantĂÂŽt ignorance, et que cĂąâŹâąest la simple opinion qui peut seule prĂ©senter de telle alternatives, et que, de mĂÂȘme quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a ni science ni dĂ©finition, mais uniquement opinion de ce qui peut ĂÂȘtre autrement quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest ; [1040a] de mĂÂȘme Ă©videmment, il nĂąâŹâąy a ni dĂ©finition ni dĂ©monstration pour les substances sensibles. La raison en est que, du moment oĂÂč les objets qui pĂ©rissent viennent Ă Ă©chapper Ă la sensation, ils restent parfaitement inconnus de ceux mĂÂȘmes qui en ont la science ; et les notions qui les concernent ont beau rester les mĂÂȘmes dans lĂąâŹâąesprit, il nĂąâŹâąy a plus moyen, ni de les dĂ©finir, ni de les dĂ©montrer. Aussi, faut-il bien se dire, quand on veut dĂ©finir un objet individuel, que la dĂ©finition quĂąâŹâąon en essaie peut toujours ĂÂȘtre contestĂ©e, parce quĂąâŹâąil est impossible de le dĂ©finir. Certes, on ne peut pas non plus dĂ©finir aucune IdĂ©e. LĂąâŹâąIdĂ©e, prĂ©tend-on, est chose individuelle, et elle est sĂ©parĂ©e. Pour elle aussi, il est nĂ©cessaire que la notion quĂąâŹâąon en donne se compose de mots. Or ces mots ne sont pas lĂąâŹâąoeuvre de celui qui fait la dĂ©finition ; car alors ils seraient inintelligibles. Les mots reçus sont des termes communs Ă tous les ĂÂȘtres quĂąâŹâąils dĂ©signent ; et, nĂ©cessairement, ils sĂąâŹâąappliquent Ă dĂąâŹâąautres ĂÂȘtres quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąĂÂȘtre en question. Par exemple, si, pour vous dĂ©finir, on allait dire que vous ĂÂȘtes maigre, que vous ĂÂȘtes blanc ou que vous ĂÂȘtes de telle ou telle façon, tout cela pourrait tout aussi bien sĂąâŹâąappliquer Ă un autre quĂąâŹâąĂ vous. Que si lĂąâŹâąon objecte que tous ces attributs, pris sĂ©parĂ©ment, peuvent bien sĂąâŹâąappliquer Ă plusieurs ĂÂȘtres diffĂ©rents, mais que, rĂ©unis, ils ne sĂąâŹâąappliquent quĂąâŹâąĂ tel ĂÂȘtre seul, on peut rĂ©pondre dĂąâŹâąabord quĂąâŹâąil y en a toujours au moins deux auxquels ils peuvent sĂąâŹâąappliquer, et que, par exemple, Animal bipĂšde sĂąâŹâąapplique Ă la fois aux deux ĂÂȘtres, Ă lĂąâŹâąAnimal dĂąâŹâąabord, et ensuite au BipĂšde. Mais il en est Ă©galement ainsi des IdĂ©es, quĂąâŹâąon fait Ă©ternelles, et mĂÂȘme il y a nĂ©cessitĂ© que, pour elles, il en soit ainsi, puisquĂąâŹâąelles sont antĂ©rieures au composĂ© total, et quĂąâŹâąelles en font partie. Bien plus, elles en sont sĂ©parĂ©es, si lĂąâŹâąon admet que lĂąâŹâąHomme est sĂ©parĂ© aussi. Ou bien aucun des deux termes nĂąâŹâąest sĂ©parĂ©, ou bien ils le sont tous les deux. Si aucun nĂąâŹâąest sĂ©parĂ©, il nĂąâŹâąy aura plus de genre en dehors des espĂšces ; et, sĂąâŹâąils sont sĂ©parĂ©s, la diffĂ©rence le sera comme eux. En outre, les IdĂ©es Ă©ternelles sont antĂ©rieures en existence, et elles ne disparaissent pas en mĂÂȘme temps que les ĂÂȘtres pĂ©rissables. On peut dire encore quĂąâŹâąil y aura des IdĂ©es venant dĂąâŹâąautres IdĂ©es ; et comme celles dĂąâŹâąoĂÂč sortent les premiĂšres sont les plus simples, il faudra que les termes dĂąâŹâąoĂÂč vient lĂąâŹâąIdĂ©e puissent ĂÂȘtre les attributs dĂąâŹâąune foule de choses ; par exemple, Animal et BipĂšde seront de ces attributs. Autrement, comment les ĂÂȘtres seront-ils connus ? Et alors, on arrivera Ă une IdĂ©e qui ne pourra plus ĂÂȘtre lĂąâŹâąattribut que dĂąâŹâąun seul ĂÂȘtre. Mais ce nĂąâŹâąest pas lĂ du tout la thĂ©orie ; et, tout au contraire, nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąIdĂ©e qui ne se communique. RĂ©pĂ©tons-le donc lĂąâŹâąerreur vient de ce quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas de dĂ©finition possible, quand il sĂąâŹâąagit de choses Ă©ternelles, surtout de celles qui sont uniques en leur genre le soleil et la lune, par exemple. En ceci on se trompe de deux maniĂšres dĂąâŹâąabord, en ajoutant, Ă la dĂ©finition du soleil, des Ă©pithĂštes qui peuvent ĂÂȘtre omises sans que le soleil cesse, pour cela, dĂąâŹâąĂÂȘtre ce quĂąâŹâąil est, comme lorsquĂąâŹâąon dit de lui Ă quĂąâŹâąil fait le tour de dĂąâŹâąune terre Ă» ou Ă quĂąâŹâąil se cache pendant la nuit Ă». Car, dĂąâŹâąaprĂšs cette thĂ©orie, il nĂąâŹâąy aurait donc plus de soleil, si le soleil venait Ă sĂąâŹâąarrĂÂȘter, ou Ă resplendir pendant la nuit. Or, cĂąâŹâąest une conception absurde de croire quĂąâŹâąil ne puisse plus y avoir de soleil, puisque le mot Soleil exprime une substance. En second lieu, on se trompe encore en prenant des attributs qui peuvent sĂąâŹâąappliquer aussi Ă un corps autre que le soleil ; car, sĂąâŹâąil y avait un autre soleil que le nĂÂŽtre, qui eĂ»t les mĂÂȘmes attributs, il serait Ă©videmment aussi un soleil. La dĂ©finition serait donc commune Ă plusieurs ĂÂȘtres Ă la fois ; [1040b] or le soleil Ă©tait supposĂ© un ĂÂȘtre individuel, tout aussi bien que le sont ClĂ©on ou Socrate. Mais pourquoi, parmi les partisans des IdĂ©es, nĂąâŹâąen est-il pas un qui se hasarde Ă donner la dĂ©finition de lĂąâŹâąIdĂ©e ? SĂąâŹâąils tentaient de le faire, ils sentiraient bien vite la vĂ©ritĂ© de ce que nous venons de dire. Chapitre 16 On doit voir aussi que, de toutes ces prĂ©tendues substances, la plupart nĂąâŹâąexistent guĂšre quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąĂ©tat de simples possibilitĂ©s, comme sont, par exemple, les parties des animaux, qui ne peuvent jamais exister sĂ©parĂ©ment de lĂąâŹâąanimal entier. Que si on les en sĂ©pare, elles nĂąâŹâąexistent plus dĂšs lors que comme matiĂšre, terre, feu, air, etc.. Aucune de ces parties ne forme Ă elle seule un tout, et cĂąâŹâąest absolument comme est un tas de minerai avant quĂąâŹâąil ne soit fondu, et avant quĂąâŹâąil ne se forme une unitĂ© de tous les fragments qui le composent. Ce seraient surtout les parties des ĂÂȘtres animĂ©s, et les parties de lĂąâŹâąĂÂąme, qui pourraient sembler tout prĂšs dĂąâŹâąĂÂȘtre Ă la fois, et en rĂ©alitĂ© actuelle, et en puissance, quand elles ont en elles les principes du mouvement partant dĂąâŹâąun certain point de leurs flexions ; et lĂąâŹâąon sait quĂąâŹâąil y a des animaux qui vivent encore aprĂšs quĂąâŹâąon les a divisĂ©s. Mais cependant toutes ces parties ne sont encore quĂąâŹâąen puissance, quand elles appartiennent Ă un Tout, qui est naturellement Un et continu, et sans que cette unitĂ© soit le rĂ©sultat dĂąâŹâąune violence ou dĂąâŹâąune connexion factice ; car alors cette contrainte nĂąâŹâąest plus quĂąâŹâąune sorte de mutilation. Mais comme lĂąâŹâąUn se confond absolument avec lĂąâŹâąĂĆ tre, et comme la substance de lĂąâŹâąun est Une aussi, et que les choses dont la substance est numĂ©riquement Une forment une unitĂ© numĂ©rique, il sĂąâŹâąensuit Ă©videmment que ni lĂąâŹâąUn ni lĂąâŹâąĂĆ tre ne peuvent ĂÂȘtre la substance des choses, de mĂÂȘme quĂąâŹâąils ne peuvent pas ĂÂȘtre davantage, ni un Ă©lĂ©ment ni un principe. Or, ce que nous voulons dans nos recherches, cĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment de remonter jusquĂąâŹâąĂ ce principe, afin de le ramener Ă quelque chose de plus connu. Toutefois, lĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn seraient la substance des choses plutĂÂŽt encore quĂąâŹâąils ne seraient leur principe, leur Ă©lĂ©ment et leur cause. Mais lĂąâŹâąUn et lĂąâŹâąĂĆ tre ne peuvent pas ĂÂȘtre la substance, par cette autre raison que la substance ne peut jamais ĂÂȘtre rien de commun. La substance nĂąâŹâąappartient Ă quoi que ce soit, si ce nĂąâŹâąest Ă elle-mĂÂȘme, et Ă ce qui la possĂšde, en tant quĂąâŹâąelle en est la substance. Ajoutez que lĂąâŹâąUn, sĂąâŹâąil est en plusieurs lieux, ne peut pas du moins y ĂÂȘtre simultanĂ©ment, tandis que ce qui est commun peut ĂÂȘtre Ă tous dans une foule de lieux Ă la fois. Ceci dĂ©montre donc clairement quĂąâŹâąaucun des universaux ne peut exister sĂ©parĂ©ment des individus, et que les partisans des IdĂ©es ont en partie raison, quand ils les font sĂ©parĂ©es, attendu que ce sont des substances, et quĂąâŹâąen partie ils ont tort, quand ils soutiennent que lĂąâŹâąUn est lĂąâŹâąIdĂ©e dans une pluralitĂ©. Leur erreur vient de ce quĂąâŹâąils ne sont pas en Ă©tat dĂąâŹâąexpliquer ce que sont leurs substances impĂ©rissables, en dehors des substances sensibles et particuliĂšres. Sous le rapport de lĂąâŹâąespĂšce, ils les font absolument pareilles aux ĂÂȘtres pĂ©rissables, aux substances que nous connaissons, et quand ils disent Ă LĂąâŹâąhomme mĂÂȘme, le cheval mĂÂȘmeĂąâŹÂŠ Ă», ils ne font quĂąâŹâąajouter ce mot mĂÂȘme aux ĂÂȘtres que la sensation nous fait connaĂtre. Cependant, quand bien mĂÂȘme nous nĂąâŹâąaurions pas vu les Astres, [1041a] je me figure quĂąâŹâąils nĂąâŹâąen seraient pas moins des substances Ă©ternelles, indĂ©pendamment de celles que nous aurions connues. Par consĂ©quent, ici non plus nous nĂąâŹâąavons pas besoin de savoir ce que sont les Astres pour affirmer quĂąâŹâąil est absolument nĂ©cessaire quĂąâŹâąil en existe. En rĂ©sumĂ©, on voit clairement quĂąâŹâąaucun terme universel ne peut ĂÂȘtre une substance, et quĂąâŹâąil est impossible quĂąâŹâąune substance, qui est Une, puisse se composer dĂąâŹâąautres substances. Chapitre 17 Essayons maintenant de prendre en quelque sorte un point de vue nouveau, et faisons comprendre comment on doit exprimer la substance et expliquer ce quĂąâŹâąelle est. Peut-ĂÂȘtre ce que nous disons Ă©claircira- aussi ce quĂąâŹâąon doit penser de cette substance spĂ©ciale, qui est sĂ©parĂ©e des substances sensibles. La substance Ă©tant un principe et une cause, ce sera lĂ notre point de dĂ©part. Quand on cherche le pourquoi des choses, on le cherche toujours sous cette forme de savoir pourquoi telle chose est Ă telle autre chose. Si, en effet, on se demandait pourquoi lĂąâŹâąhomme instruit est un homme instruit, ce serait, ou rechercher prĂ©cisĂ©ment ce quĂąâŹâąon vient de dire, pourquoi lĂąâŹâąhomme est instruit, ou est telle autre chose. Chercher pourquoi la chose elle-mĂÂȘme est ce quĂąâŹâąelle est, cĂąâŹâąest une bien vaine recherche, puisquĂąâŹâąil faut toujours prĂ©alablement connaĂtre avec pleine Ă©vidence ce quĂąâŹâąest la chose, et quĂąâŹâąelle est. Et, par exemple, il faut savoir tout dĂąâŹâąabord quĂąâŹâąil y a une Ă©clipse de lune. Or, pour lĂąâŹâąĂ©clipse mĂÂȘme, il nĂąâŹâąy a de possible quĂąâŹâąun simple Ă©noncĂ© affirmant quĂąâŹâąelle est ce quĂąâŹâąelle est, et une seule cause applicable Ă tous les cas ; par exemple, on dit que lĂąâŹâąhomme est homme, et que lĂąâŹâąinstruit est instruit. CĂąâŹâąest que toute chose, on peut dire, est indivisible par rapport Ă elle-mĂÂȘme ; et cĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment ce que nous entendions quand nous disions quĂąâŹâąelle est Une. Il est vrai que cette rĂ©ponse peut sĂąâŹâąappliquer Ă tout, et elle est par trop concise. Mais ce quĂąâŹâąon peut justement se demander, cĂąâŹâąest pourquoi lĂąâŹâąhomme est telle espĂšce dĂąâŹâąĂÂȘtre. Ăâ°videmment, si lĂąâŹâąon ne peut pas rechercher pourquoi cet homme est homme, on peut rechercher pourquoi telle chose est Ă telle autre chose. Quant au fait mĂÂȘme que la chose est Ă telle chose, il doit ĂÂȘtre Ă©vident ; et sans cette condition, il nĂąâŹâąy a pas de recherche possible. Ainsi, lĂąâŹâąon se demande Ă Pourquoi tonne-t-il ? Ă» et lĂąâŹâąon rĂ©pond Ă Parce quĂąâŹâąil y a du bruit dans les nuages. Ă» Et, de cette façon, ce quĂąâŹâąon cherche, cĂąâŹâąest une chose attribuĂ©e Ă une autre chose ; et lĂąâŹâąon dit pourquoi des objets tels que des poutres et des pierres deviennent une maison. Il est Ă©vident que ce quĂąâŹâąon cherche alors, cĂąâŹâąest la cause ; en dĂąâŹâąautres termes, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąessence, pour parler comme le veut la raison. Dans certains cas, la cause quĂąâŹâąon cherche, cĂąâŹâąest la fin, ou le but, en vue duquel la chose est faite, comme on peut se le demander pour une maison, pour un lit ; dans dĂąâŹâąautres cas, la cause est le principe initial du mouvement ; car ce principe peut ĂÂȘtre aussi une cause. Ce dernier genre de cause est celui quĂąâŹâąon cherche, surtout quand il sĂąâŹâąagit de la production et de la destruction des choses, tandis que lĂąâŹâąautre sĂąâŹâąapplique aussi Ă leur existence. La recherche est surtout obscure, quand ce ne sont pas des termes dont lĂąâŹâąun est lĂąâŹâąattribut de lĂąâŹâąautre ; par exemple, si lĂąâŹâąon se demande [1041b] Ă QuĂąâŹâąest-ce que lĂąâŹâąhomme ? Ă», parce quĂąâŹâąalors lĂąâŹâąĂ©nonciation est absolue, et quĂąâŹâąon nĂąâŹâąajoute pas que lĂąâŹâąhomme est telle ou telle chose. Mais il faut rectifier et prĂ©ciser la question ; ou sinon, cĂąâŹâąest ne rien rechercher que de rechercher dans ces conditions ce que devient la chose. Comme on doit connaĂtre lĂąâŹâąexistence de la chose, qui est une condition prĂ©alable, il est clair que lĂąâŹâąon cherche uniquement pourquoi la matiĂšre est faite de telle ou telle façon. On se demande, par exemple, pourquoi telles ou telles choses forment une maison. Pourquoi est-ce lĂ une maison ? CĂąâŹâąest parce que la chose a tout ce qui constitue essentiellement une maison. Pourquoi est-ce un homme ? Parce quĂąâŹâąil a le corps constituĂ© de telle maniĂšre. Ainsi, cela revient Ă rechercher la cause de la matiĂšre, cĂąâŹâąest-Ă -dire, la forme qui fait que la chose est ce quĂąâŹâąelle est, en dĂąâŹâąautres termes, lĂąâŹâąessence. Il sĂąâŹâąensuit que, pour les ĂÂȘtres pris au sens absolu, il nĂąâŹâąy a rien Ă rechercher, ni rien Ă apprendre ; mais quĂąâŹâąil y a une tout autre voie pour arriver Ă les connaĂtre. LĂąâŹâąĂÂȘtre est ici composĂ© de telle maniĂšre que le tout forme une complĂšte unitĂ©, non pas comme le tas de minerai en forme une, mais Ă la façon de la syllabe ; car la syllabe nĂąâŹâąest pas seulement les lettres qui la forment ; BA ne se confond pas avec les lettres B et A, qui la composent, non plus que la chair ne se confond pas avec le feu et la terre, qui la constituent. Ce qui le prouve bien, cĂąâŹâąest que, quand les composĂ©s viennent Ă se dissoudre, il y a des choses qui cessent dĂąâŹâąĂÂȘtre, par exemple, la chair et la syllabe, tandis que les lettres, le feu et la terre, subsistent toujours. La syllabe est donc quelque chose de spĂ©cial ; elle nĂąâŹâąest pas seulement les lettres, voyelle et consonne ; mais elle est autre chose encore. La chair nĂąâŹâąest pas uniquement le feu et la terre, le chaud et le froid combinĂ©s ; elle est quelque chose de plus. Si lĂąâŹâąon admet quĂąâŹâąil faut nĂ©cessairement que ce quelque chose lui-mĂÂȘme soit, ou un Ă©lĂ©ment, ou un composĂ© dĂąâŹâąĂ©lĂ©ments, on voit quĂąâŹâąen le supposant dĂąâŹâąabord un Ă©lĂ©ment, le raisonnement quĂąâŹâąon vient de faire reste le mĂÂȘme ; et, par suite, la chair se formera de ce quelque chose, plus, du feu et de la terre, et encore de quelque autre Ă©lĂ©ment ; et lĂąâŹâąon irait ainsi Ă lĂąâŹâąinfini. Que si, au lieu dĂąâŹâąĂÂȘtre un Ă©lĂ©ment, ce quelque chose vient dĂąâŹâąun Ă©lĂ©ment, il est clair quĂąâŹâąil ne vient pas dĂąâŹâąun seul Ă©lĂ©ment, mais dĂąâŹâąun plus grand nombre dĂąâŹâąĂ©lĂ©ments que nĂąâŹâąen a la chose en question ; et lĂąâŹâąon ferait alors le mĂÂȘme raisonnement que nous venons de faire sur la chair et sur la syllabe. Il semblerait donc quĂąâŹâąil y a quelque chose de ce genre, qui nĂąâŹâąest pas un Ă©lĂ©ment, mais qui est cause quĂąâŹâąici cĂąâŹâąest de la chair qui se forme, et lĂ une syllabe ; et de mĂÂȘme ainsi pour tout autre objet. Or, cĂąâŹâąest lĂ prĂ©cisĂ©ment la substance pour chaque chose ; cĂąâŹâąest la premiĂšre cause de son ĂÂȘtre. Mais comme, parmi les choses, les unes ne sont pas des substances, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a de vraies substances que celles que la nature forme et constitue selon ses lois, on pourrait bien croire, avec quelques philosophes, que cĂąâŹâąest la nature mĂÂȘme de la chose qui en est la substance, et que la substance nĂąâŹâąest pas un Ă©lĂ©ment, mais un principe. Quant Ă lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment, cĂąâŹâąest la matiĂšre intrinsĂšque dans laquelle la chose se dissout, comme A et B sont les Ă©lĂ©ments de la syllabe BA. Livre 8 Chapitre 1[modifier] [1042a] Maintenant, il faut tirer les consĂ©quences de tout ce que nous avons exposĂ©, et, aprĂšs en avoir rĂ©sumĂ© les parties principales, mettre fin Ă cette Ă©tude. LĂąâŹâąobjet de nos investigations, avons-nous dit, ce sont les causes, les principes et les Ă©lĂ©ments des substances. Parmi les substances il en est sur lĂąâŹâąexistence desquelles tout le monde est dĂąâŹâąaccord ; il en est dĂąâŹâąautres, au contraire, qui ne figurent que dans quelques systĂšmes particuliers. Les substances que tout le monde admet, ce sont les substances naturelles, telles que le feu, la terre, lĂąâŹâąeau et les autres corps simples ; puis, les plantes et leurs parties ; puis encore, les animaux et les parties des animaux ; et enfin, le ciel et les parties du ciel. Les substances simples, que quelques philosophes reconnaissent, ce sont les IdĂ©es et les entitĂ©s mathĂ©matiques ; mais, Ă ne consulter que la raison, il y a encore certainement dĂąâŹâąautres substances, qui sont lĂąâŹâąessence et le sujet. CĂąâŹâąest aussi, en se plaçant Ă un autre point de vue, que le genre peut sembler ĂÂȘtre plus substance que les espĂšces, et lĂąâŹâąuniversel lĂąâŹâąĂÂȘtre plus que les individus. Or, les IdĂ©es elles-mĂÂȘmes rentrent dans lĂąâŹâąuniversel et dans le genre ; car cĂąâŹâąest au mĂÂȘme titre quĂąâŹâąon peut les prendre pour des substances. Mais comme lĂąâŹâąessence, qui fait que la chose est ce quĂąâŹâąelle est, peut en ĂÂȘtre regardĂ©e comme la substance, et que lĂąâŹâąexplication de lĂąâŹâąessence, cĂąâŹâąest la dĂ©finition, nous avons dĂ», pour ce motif, Ă©tudier la dĂ©finition et analyser ce que veut dire ĂÂȘtre En soi. Puis, comme la dĂ©finition nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune explication, et que toute explication a des parties, il nous a Ă©tĂ© Ă©galement nĂ©cessaire dĂąâŹâąexaminer ce que cĂąâŹâąest que la partie, et quelles parties doivent entrer dans la substance, quelles parties nĂąâŹâąy entrent pas ; et si les parties qui sont dans la substance doivent se retrouver Ă©galement dans la dĂ©finition. CĂąâŹâąest Ă la suite que nous avons dĂ©montrĂ© que, ni lĂąâŹâąuniversel, ni le genre, ne sont de la substance. Quant aux IdĂ©es et aux entitĂ©s mathĂ©matiques, cĂąâŹâąest plus tard que nous nous en occuperons, puisquĂąâŹâąil y a des philosophes qui soutiennent quĂąâŹâąelles existent en dehors des substances sensibles. Pour le moment, nous nĂąâŹâąĂ©tudierons que les substances qui ne sont contestĂ©es par personne. Ce sont les substances sensibles ; et toutes les substances sensibles ont de la matiĂšre. La substance, cĂąâŹâąest le sujet, le support des qualitĂ©s. A un point de vue, cĂąâŹâąest la matiĂšre ; et Ă un autre point de vue. cĂąâŹâąest la notion. Quand je dis la MatiĂšre, jĂąâŹâąentends cette partie des ĂÂȘtres qui, nĂąâŹâąĂ©tant pas actuellement telle chose individuelle et dĂ©terminĂ©e, lĂąâŹâąest cependant en puissance. Et dĂąâŹâąautre part, la notion de lĂąâŹâąobjet, et sa forme, cĂąâŹâąest ce qui, Ă©tant une rĂ©alitĂ© particuliĂšre, est sĂ©parable pour la raison. En troisiĂšme lieu, il faut distinguer le Tout, que compose la rĂ©union de la matiĂšre et de la forme ; il nĂąâŹâąy a que lui qui soit susceptible de production et de destruction, et qui soit absolument sĂ©parable ; car, parmi les substances que la raison conçoit, les unes sont sĂ©parables, et les autres ne le sont pas. Il est Ă©vident que la matiĂšre est de la substance, puisque, dans tous les changements opposĂ©s les uns aux autres, il faut toujours un sujet qui supporte ces changements. Par exemple, sĂąâŹâąagit-il du changement de lieu, il faut un sujet, qui soit tantĂÂŽt ici, et tantĂÂŽt ailleurs, et en un autre point. SĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąun changement dĂąâŹâąaccroissement, il faut un sujet qui ait, tantĂÂŽt telle dimension, et qui ensuite devienne, ou plus petit, ou plus grand. SĂąâŹâąagit-il dĂąâŹâąun changement par altĂ©ration, il faut un sujet qui puisse ĂÂȘtre actuellement en santĂ©, et, plus tard, ĂÂȘtre malade. [1042b] Enfin, la mĂÂȘme observation sĂąâŹâąapplique Ă la substance ; il y faut un sujet qui maintenant se produise et qui plus tard disparaisse, un sujet qui soit actuellement sujet en tant quĂąâŹâąĂÂȘtre rĂ©el et spĂ©cial, et qui, plus tard, soit sujet par privation. Les autres changements sont la suite de ce dernier genre de changement ; mais celui-lĂ nĂąâŹâąest la consĂ©quence, ni dĂąâŹâąun seul, ni de deux des autres changements ; car il nĂąâŹâąy a pas de nĂ©cessitĂ©, parce quĂąâŹâąun objet a une matiĂšre qui change de lieu, quĂąâŹâąil ait aussi, et par cela seul, une matiĂšre qui puisse, et se produire, et pĂ©rir. CĂąâŹâąest du reste dans la Physique quĂąâŹâąa Ă©tĂ© expliquĂ©e la diffĂ©rence dĂąâŹâąune production absolue Ă une production qui nĂąâŹâąest pas absolue. Chapitre 2[modifier] PuisquĂąâŹâąon est dĂąâŹâąaccord pour reconnaĂtre quĂąâŹâąune certaine substance est sujet et matiĂšre ; et que cette substance nĂąâŹâąexiste quĂąâŹâąen puissance, nous nĂąâŹâąavons plus quĂąâŹâąĂ exposer ce quĂąâŹâąest la substance effective et rĂ©elle des choses sensibles. DĂ©mocrite semble croire quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a que trois diffĂ©rences possibles dans les choses. Selon lui, en effet, le corps, qui est le sujet, est, sous le rapport de la matiĂšre, un et identique ; mais les diffĂ©rences que le corps prĂ©sente sont lĂąâŹâąArrangement, en dĂąâŹâąautres termes, la forme ; la Tournure, en dĂąâŹâąautres termes, la position ; et enfin, le Contact, en dĂąâŹâąautres termes, lĂąâŹâąordre. Quant Ă nous, il nous semble quĂąâŹâąil y a, bien dĂąâŹâąautres diffĂ©rences que celles-lĂ . Ainsi, les choses se distinguent, tantĂÂŽt par la combinaison de la matiĂšre, comme toutes celles qui viennent dĂąâŹâąun mĂ©lange, ainsi quĂąâŹâąen vient lĂąâŹâąhydromel ; tantĂÂŽt par une jointure, comme pour un coffre ; tantĂÂŽt par un lien, comme pour le faisceau ; tantĂÂŽt par un collage, comme pour le livre ; tantĂÂŽt les choses diffĂšrent par plusieurs de ces conditions rĂ©unies. Quelquefois, cĂąâŹâąest la position seule qui les distingue, comme le seuil de la porte et son chevet, qui nĂąâŹâąont absolument que la position de diffĂ©rente. DĂąâŹâąautres fois, cĂąâŹâąest le temps qui est diffĂ©rent, comme il lĂąâŹâąest pour le dĂner et pour le dĂ©jeuner. DĂąâŹâąautres fois encore, cĂąâŹâąest le lieu, comme pour les vents qui soufflent de diffĂ©rents points. Les choses diffĂšrent aussi par certaines modifications que subissent les objets sensibles duretĂ©, mollesse ; densitĂ©, raretĂ© ; sĂ©cheresse, humiditĂ©. Les unes nĂąâŹâąont entre elles quĂąâŹâąun petit nombre de ces diffĂ©rences ; les autres les ont toutes. Les unes les ont en excĂšs ; les autres les ont en dĂ©faut. Par suite, il est Ă©vident que lĂąâŹâąexistence, ou lĂąâŹâąĂĆ tre, sĂąâŹâąexprime sous autant dĂąâŹâąaspects divers. En effet, telle pierre est un seuil, parce quĂąâŹâąelle est posĂ©e Ă telle place ; et pour elle, ĂĆ tre signifie simplement quĂąâŹâąelle est placĂ©e de telle maniĂšre ; ĂĆ tre de la glace, ce nĂąâŹâąest quĂąâŹâąavoir telle densitĂ©. Pour certaines choses, leur ĂÂȘtre est dĂ©terminĂ© par toutes ces diffĂ©rences, quand ces choses sont, ou mĂ©langĂ©es, ou combinĂ©es, ou reliĂ©es entre elles, ou solidifiĂ©es, ou quĂąâŹâąelles se distinguent mutuellement par les autres diffĂ©rences quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąĂ©numĂ©rer, comme se distinguent la main et le pied. Il faut donc bien saisir les genres divers des diffĂ©rences ; car ce sont elles qui deviennent les principes de lĂąâŹâąĂĆ tre. Ainsi, les choses qui se distinguent par le plus et le moins, par les qualitĂ©s de dense et de rare, et par toutes les autres conditions analogues, ne sont toutes en dĂ©finitive quĂąâŹâąexcĂšs ou dĂ©faut. Si une chose se distingue par sa forme, par sa surface, qui peut ĂÂȘtre rude ou polie, toutes ces conditions spĂ©ciales se rapportent au droit ou au courbe. Pour dĂąâŹâąautres choses, lĂąâŹâąĂĆ tre ne consistera que dans le mĂ©lange ; et alors, le Non-ĂÂȘtre consistera pour elles dans un Ă©tat opposĂ© Ă celui-lĂ . [1043a] Il ressort clairement de ceci que, la substance Ă©tant, pour chaque chose, la cause qui fait quĂąâŹâąelle existe, cĂąâŹâąest dans ces diffĂ©rences quĂąâŹâąil faut chercher quelle est la cause qui donne Ă chaque chose sa façon dĂąâŹâąĂÂȘtre. La substance nĂąâŹâąest proprement aucune de ces diffĂ©rences, ni mĂÂȘme la rĂ©union de deux ou de plusieurs. Cependant il y a, dans chacune dĂąâŹâąelles, quelque chose qui correspond Ă la substance. Et de mĂÂȘme que, dans les substances particuliĂšres, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąattribut qui dĂ©termine la matiĂšre qui est lĂąâŹâąacte mĂÂȘme de la chose, sa rĂ©alitĂ© actuelle, de mĂÂȘme, et Ă plus forte raison, en est-il ainsi dans les autres dĂ©finitions. Par exemple, si cĂąâŹâąest un seuil de porte quĂąâŹâąon veuille dĂ©finir, on dira que cĂąâŹâąest du bois ou de la pierre posĂ©s de telle façon ; si cĂąâŹâąest une maison, on dira que ce sont des briques et des bois disposĂ©s selon tel arrangement. Mais ne dĂ©finit-on pas aussi certaines choses par le but auquel elles doivent servir ? Si cĂąâŹâąest de la glace quĂąâŹâąon dĂ©finit, on dit quĂąâŹâąelle est de lĂąâŹâąeau prise, ou solidifiĂ©e, de telle maniĂšre ; sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąun accord musical, on dit que cĂąâŹâąest une certaine combinai son de lĂąâŹâąaigu et du grave. MĂÂȘme remarque pour toute autre dĂ©finition. Ceci montre bien Ă©videmment que, pour une matiĂšre diffĂ©rente, lĂąâŹâąacte est diffĂ©rent aussi, de mĂÂȘme que la dĂ©finition. Ici combinaison, lĂ mĂ©lange, ou telle autre des diffĂ©rences dont il vient dĂąâŹâąĂÂȘtre parlĂ©. Aussi, lorsque, voulant dĂ©finir ce quĂąâŹâąest une maison, on dit que ce sont des pierres, des briques, des bois, on ne fait lĂ que parler de la maison en puissance, puisque tout cela nĂąâŹâąest que de la matiĂšre ; mais quand on dĂ©finit la maison en disant quĂąâŹâąelle est un abri destinĂ© Ă couvrir les choses et les personnes, ou en ajoutant tel autre dĂ©tail analogue, on dĂ©finit lĂąâŹâąacte mĂÂŽme de la maison, son existence actuelle. Si lĂąâŹâąon rĂ©unit les deux dĂ©finitions, cĂąâŹâąest-Ă -dire lĂąâŹâąacte et la matiĂšre, on dĂ©finit la troisiĂšme substance composĂ©e de lĂąâŹâąunion de lĂąâŹâąun et de lĂąâŹâąautre. La dĂ©finition qui procĂšde ainsi par les diffĂ©rences, semble donc la dĂ©finition de la forme et de lĂąâŹâąacte ; celle qui procĂšde, au contraire, par lĂąâŹâąĂ©numĂ©ration des Ă©lĂ©ments intrinsĂšques de la chose, est plutĂÂŽt la dĂ©finition de la matiĂšre. Telles Ă©taient les dĂ©finitions quĂąâŹâąapprouvait Archytas ; cĂąâŹâąest-Ă -dire, celles qui se composent des deux procĂ©dĂ©s rĂ©unis. Par exemple, quĂąâŹâąest-ce quĂąâŹâąun temps serein ? CĂąâŹâąest le calme dans la masse de lĂąâŹâąair. DĂąâŹâąune part, lĂąâŹâąair est la matiĂšre ; et dĂąâŹâąautre part, le calme est lĂąâŹâąacte et lĂąâŹâąĂ©tat substantiel. QuĂąâŹâąest ce que la bonace ? CĂąâŹâąest la tranquillitĂ© de la mer tout unie. Le sujet en tant que matiĂšre, cĂąâŹâąest la mer ; lĂąâŹâąacte et la forme, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ©galitĂ© du niveau des eaux. On doit voir, dĂąâŹâąaprĂšs ce qui prĂ©cĂšde, ce que cĂąâŹâąest que la substance sensible, et de quelle façon elle existe ici la matiĂšre ; et lĂ , la forme, quand il sĂąâŹâąagit de lĂąâŹâąacte de la chose ; enfin, la troisiĂšme substance, qui est le composĂ© des deux premiĂšres, Ă savoir de la forme et de la matiĂšre. Chapitre 3[modifier] Il faut prendre garde que, dans quelques cas, on ne voit pas bien si le nom de la chose exprime la substance composĂ©e de la forme et de la matiĂšre, ou sĂąâŹâąil exprime lĂąâŹâąacte et la forme. Par exemple, on ne voit pas si le mot Maison signifie, en commun et tout ensemble, un abri formĂ© de briques, de bois et de pierres, arrangĂ©s dans telle disposition ; ou si ce mot signifie seulement lĂąâŹâąacte et la forme, cĂąâŹâąest-Ă -dire que la maison est un abri. Pour la ligne, il y aurait de mĂÂȘme Ă savoir si ce mot reprĂ©sente Deux en longueur, ou sĂąâŹâąil reprĂ©sente simplement Deux. Enfin, pour le mot dĂąâŹâąAnimal, il faut savoir sĂąâŹâąil doit signifier une ĂÂąme dans un corps, ou simplement une ĂÂąme ; car cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂÂąme qui est la substance et lĂąâŹâąacte dĂąâŹâąun corps. Le mot dĂąâŹâąAnimal peut sĂąâŹâąappliquer Ă©galement aux deux, non pas comme exprimant une seule notion, mais comme se rapportant Ă une seule et mĂÂȘme chose. Ces distinctions peuvent, Ă dĂąâŹâąautres points de vue, nĂąâŹâąĂÂȘtre pas sans importance. Mais elles nĂąâŹâąont aucun intĂ©rĂÂȘt pour notre Ă©tude sur la substance sensible ; [1043b] car lĂąâŹâąessence, qui fait que la chose est ce quĂąâŹâąelle est, ne consiste que dans la forme et dans lĂąâŹâąacte. En effet, lĂąâŹâąĂÂąme et lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąĂÂąme, cĂąâŹâąest la mĂÂȘme chose ; mais lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąhomme et lĂąâŹâąhomme ne sont pas identiques, Ă moins quĂąâŹâąon ne veuille donner Ă lĂąâŹâąĂÂąme le nom dĂąâŹâąhomme ; et alors lĂąâŹâąidentitĂ© serait vraie Ă certain Ă©gard ; et Ă certain autre, elle ne le serait pas. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąĂ y regarder de prĂšs, on ne peut pas trouver que la syllabe se compose seulement de lettres et dĂąâŹâąune combinaison de lettres, de mĂÂȘme que la maison nĂąâŹâąest pas seulement un nombre de briques et un certain arrangement de ces briques. Et lĂąâŹâąon a raison de penser ainsi ; car la combinaison elle-mĂÂȘme et le mĂ©lange lui-mĂÂȘme ne sont pas formĂ©s des matĂ©riaux dont on fait la combinaison ou le mĂ©lange. Il en est absolument de mĂÂȘme pour tous les autres cas, oĂÂč les choses ne se confondent pas davantage. Ainsi, un seuil de porte est ce quĂąâŹâąil est par sa position ; mais la position ne vient pas du seuil ; cĂąâŹâąest bien plutĂÂŽt le seuil qui vient dĂąâŹâąelle. LĂąâŹâąhomme nĂąâŹâąest pas non plus lĂąâŹâąAnimal et le BipĂšde ; mais comme ce nĂąâŹâąest lĂ que de la matiĂšre, il doit y avoir encore quelque autre chose en dehors de tout cela, qui ne soit pas un Ă©lĂ©ment, et qui ne vienne pas non plus dĂąâŹâąun Ă©lĂ©ment quelconque. CĂąâŹâąest lĂ prĂ©cisĂ©ment la substance, et lĂąâŹâąon dĂ©signe ce quelque chose quand on retranche la matiĂšre. Si donc cĂąâŹâąest lĂ rĂ©ellement la cause de lĂąâŹâąĂĆ tre et que ce soit bien sa substance, il faut que nos philosophes appellent du nom de substance ce quelque chose. Cette substance doit ĂÂȘtre Ă©ternelle, ou du moins elle doit ĂÂȘtre pĂ©rissable sans pĂ©rir, et se produire sans ĂÂȘtre produite. Ailleurs, nous avons dĂ©montrĂ© que lĂąâŹâąon ne peut jamais crĂ©er lĂąâŹâąespĂšce, que lĂąâŹâąespĂšce nĂąâŹâąest pas engendrĂ©e, mais quĂąâŹâąelle est mise dans telle ou telle chose ; et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a de production vĂ©ritable que pour le Tout, qui est composĂ© de lĂąâŹâąunion de la matiĂšre et de la forme. Quant Ă savoir si les substances des ĂÂȘtres pĂ©rissables peuvent en ĂÂȘtre sĂ©parĂ©es, cĂąâŹâąest une question qui demeure encore obscure. Tout ce quĂąâŹâąon peut affirmer clairement, cĂąâŹâąest que cet isolement est impossible pour certaines IdĂ©es, et, par exemple, pour toutes celles qui ne peuvent exister en dehors des ĂÂȘtres particuliers, comme est une maison, comme est un vase. Mais peut-ĂÂȘtre doit-on dire aussi que ce ne sont pas lĂ des substances, et que ces deux objets nĂąâŹâąen sont pas plus que toutes les choses que la nature ne fait pas ; car la nature seule, on peut le soutenir avec vĂ©ritĂ©, est vraiment la substance dans les choses pĂ©rissables. De lĂ , on peut tirer une rĂ©ponse dĂ©cisive Ă la question que soulevaient les disciples dĂąâŹâąAntisthĂšne, et des esprits aussi peu Ă©clairĂ©s que les leurs, quand ils prĂ©tendaient quĂąâŹâąil est impossible de dĂ©finir lĂąâŹâąessence des choses, parce que la dĂ©finition nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune dĂ©nomination un peu plus longue, et quĂąâŹâąon ne peut tout au plus quĂąâŹâąindiquer la qualitĂ© de la chose. CĂąâŹâąest ainsi, par exemple, quĂąâŹâąon dĂ©finit lĂąâŹâąargent en disant ce quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas, et en lĂąâŹâąassimilant au plomb. Il y a donc une substance quĂąâŹâąon peut dĂ©finir et dĂ©terminer ; cĂąâŹâąest la substance composĂ©e et concrĂšte, quĂąâŹâąelle soit dĂąâŹâąailleurs sensible ou rationnelle. Mais il nĂąâŹâąest pas possible de dĂ©finir les primitifs dont cette substance est formĂ©e, puisque lĂąâŹâąĂ©noncĂ© de la dĂ©finition exprime toujours que telle chose est attribuĂ©e Ă telle chose ; et que, par suite, il faut que, dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ©, il y ait la matiĂšre, et que de lĂąâŹâąautre cĂÂŽtĂ©, il y ait la forme. Ceci nous montre encore comment, si les substances sont des nombres, elles ne peuvent lĂąâŹâąĂÂȘtre que de cette façon, et non comme des collections dĂąâŹâąunitĂ©s, ainsi que le prĂ©tendent certains philosophes. La dĂ©finition, en effet, est un nombre, si lĂąâŹâąon veut, puisquĂąâŹâąelle est divisible, et quĂąâŹâąelle se rĂ©duit en Ă©lĂ©ments indivisibles, les explications ne pouvant pas ĂÂȘtre infinies ; le nombre est aussi dans ces conditions. On peut dire encore que, de mĂÂȘme que, si lĂąâŹâąon retranche, ou si lĂąâŹâąon ajoute, la parcelle la plus petite possible aux Ă©lĂ©ments dont le nombre est formĂ©, le nombre cesse aussitĂÂŽt dĂąâŹâąĂÂȘtre ce quĂąâŹâąil Ă©tait, pour devenir autre ; [1044a] de mĂÂȘme, la dĂ©finition et lĂąâŹâąessence cessent Ă©galement dĂąâŹâąĂÂȘtre ce quĂąâŹâąelles Ă©taient, pour peu quĂąâŹâąon leur enlĂšve, ou quĂąâŹâąon leur ajoute, quoi que ce soit. Il faut, en outre, quĂąâŹâąil y ait, dans le nombre, quelque chose qui lui donne son unitĂ© ; mais on ne nous dit pas ce qui donne cette unitĂ© au nombre, bien quĂąâŹâąon la lui reconnaisse. Ou, en effet, le nombre nĂąâŹâąa pas dĂąâŹâąunitĂ©, ou il nĂąâŹâąen a que comme en a un monceau dĂąâŹâąobjets rĂ©unis ; or si le nombre a de lĂąâŹâąunitĂ©, il faut nous dire la cause qui, de cette pluralitĂ©, fait une unitĂ©. De mĂÂȘme aussi, la dĂ©finition est Une ; mais nos philosophes ne nous disent pas davantage pour elle ce qui constitue son unitĂ© incontestable. Du reste, on conçoit sans peine leur embarras ; car cĂąâŹâąest par la mĂÂȘme raison que, pour le nombre ; et la substance est Une aussi de la mĂÂȘme maniĂšre. Mais elle nĂąâŹâąest pas, ainsi quĂąâŹâąils le prĂ©tendent, une sorte de monade ou de point ; loin de lĂ , son unitĂ© consiste en ce quĂąâŹâąelle est une rĂ©alitĂ© complĂšte et une nature individuelle. Et de mĂÂȘme encore que le nombre nĂąâŹâąest, ni plus, ni moins, ce quĂąâŹâąil est, de mĂÂȘme non plus la substance, considĂ©rĂ©e dans sa forme, nĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąelle est, ni plus, ni moins ; et si elle a du moins et du plus, ce nĂąâŹâąest que quand elle est mĂÂȘlĂ©e Ă la matiĂšre. Pour le moment, nous nous bornerons Ă ce que nous venons de dire sur la production et la destruction de ce quĂąâŹâąon appelle les substances, nous contentant dĂąâŹâąavoir montrĂ© comment la production et la destruction sont, ou ne sont pas, possibles, et quels sont les rapports du nombre et de la dĂ©finition. Chapitre 4[modifier] Pour ce qui regarde la substance matĂ©rielle, il faut bien remarquer que, mĂÂȘme en supposant que tout vienne dĂąâŹâąun mĂÂȘme Ă©lĂ©ment primitif, ou des mĂÂȘmes Ă©lĂ©ments considĂ©rĂ©s comme primitifs, et quĂąâŹâąune mĂÂȘme matiĂšre soit le principe de tous les phĂ©nomĂšnes qui se produisent, nĂ©anmoins chaque chose a sa matiĂšre propre. Par exemple, la matiĂšre premiĂšre du phlegme, ce sont les particules douces ou grasses ; la matiĂšre premiĂšre de la bile, ce sont les particules amĂšres, ou telles autres particules de ce genre. Mais il se peut aussi que ces Ă©lĂ©ments divers viennent dĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme source. Il peut y avoir, pour un seul et mĂÂȘme objet, plus dĂąâŹâąune matiĂšre, Ă condition que lĂąâŹâąune des deux matiĂšres vienne de lĂąâŹâąautre. Par exemple, le phlegme pourrait venir du doux et du graisseux, si la graisse elle-mĂÂȘme vient du doux ; mais lĂąâŹâąon ne dit du phlegme quĂąâŹâąil vient de la bile, que si le phlegme peut se rĂ©soudre dans la bile, comme en sa matiĂšre premiĂšre. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąen effet, quand on dit quĂąâŹâąune chose vient dĂąâŹâąune autre, cette expression peut avoir deux sens et signifier, ou que la chose vient immĂ©diatement de lĂąâŹâąautre, ou quĂąâŹâąelle en vient seulement aprĂšs que cette seconde chose a Ă©tĂ© dissoute en son principe. Il est possible encore que, la matiĂšre restant une et la mĂÂȘme, les choses deviennent tout autres sous lĂąâŹâąinfluence de la cause qui les met en mouvement ainsi, dĂąâŹâąun morceau de bois, on peut faire un lit ou un coffre. Pour certaines choses, la matiĂšre est nĂ©cessairement autre, parce que les choses sont autres aussi. Par exemple, une scie ne peut jamais ĂÂȘtre faite de bois, et la cause motrice qui fait la scie y serait bien impuissante ; car jamais avec de la laine, ou du bois, on ne pourra faire une scie qui coupe. Si donc on peut faire la mĂÂȘme chose avec une matiĂšre autre, il est clair que lĂąâŹâąart ou le principe qui crĂ©e alors le mouvement doit ĂÂȘtre aussi le mĂÂȘme ; car si la matiĂšre est diffĂ©rente, ainsi que le moteur, il faut que le produit soit Ă©galement diffĂ©rent. Quand on recherche la cause dĂąâŹâąune chose, comme le mot Cause a plusieurs acceptions diverses, il faut Ă©numĂ©rer toutes les causes qui peuvent ĂÂȘtre celles de lĂąâŹâąobjet en question. Par exemple, quelle est la cause qui, en tant que matiĂšre, produit lĂąâŹâąhomme ? Ce sont les flux mensuels de la mĂšre. Quelle cause, en tant que cause motrice, produit lĂąâŹâąhomme ? CĂąâŹâąest la semence du pĂšre. Quelle cause, en tant que cause formelle ? CĂąâŹâąest sa forme et son espĂšce. Quelle cause, en tant que cause finale ? CĂąâŹâąest son but. Il est possible, dĂąâŹâąailleurs, que ces deux derniĂšres causes se rĂ©unissent et nĂąâŹâąen fassent quĂąâŹâąune. [1044b] Il ne faut en outre recourir quĂąâŹâąaux causes les plus prochaines. Si lĂąâŹâąon demande quelle est la matiĂšre de lĂąâŹâąhomme, il ne faut pas rĂ©pondre la terre ou le feu ; mais il faut indiquer la matiĂšre propre et spĂ©ciale Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre dont on sĂąâŹâąoccupe. VoilĂ donc bien la mĂ©thode quĂąâŹâąil faut suivre, en ce qui concerne les substances qui sont naturelles, et celles qui sont produites, si lĂąâŹâąon veut procĂ©der rĂ©guliĂšrement, puisque ce sont lĂ les diverses espĂšces de causes, et que toujours ce sont les causes quĂąâŹâąil nous faut connaĂtre. Mais quand les substances, tout en Ă©tant naturelles, sont Ă©ternelles aussi, la question est toute diffĂ©rente. Il y a, en effet, de ces ĂÂȘtres qui probablement nĂąâŹâąont pas de matiĂšre, ou dont la matiĂšre nĂąâŹâąest pas comme celle que nous voyons, mais est simplement soumise au mouvement dans lĂąâŹâąespace. Les phĂ©nomĂšnes qui, tout en Ă©tant produits par la nature, nĂąâŹâąont pas cependant de substance, nĂąâŹâąont pas non plus de matiĂšre ; ou plutĂÂŽt, dans ces phĂ©nomĂšnes, cĂąâŹâąest le sujet mĂÂȘme du phĂ©nomĂšne qui en est la substance. Par exemple, en cherchant la cause de lĂąâŹâąĂ©clipse, on demande quelle est sa matiĂšre ? Mais lĂ , il nĂąâŹâąy a pas de matiĂšre ; il nĂąâŹâąy a lĂ que la lune subissant ce phĂ©nomĂšne. La cause qui met ici la lumiĂšre en mouvement et qui la dĂ©robe, cĂąâŹâąest la terre ; et quant au pourquoi du phĂ©nomĂšne, il nĂąâŹâąy en a peut-ĂÂȘtre pas. Enfin, en ce qui concerne la cause formelle, cĂąâŹâąest la dĂ©finition de lĂąâŹâąobjet qui la donne. Mais cette dĂ©finition elle-mĂÂȘme reste obscure, tant quĂąâŹâąon nĂąâŹâąy joint pas lĂąâŹâąindication prĂ©cise de la cause. QuĂąâŹâąest-ce donc que lĂąâŹâąĂ©clipse ? CĂąâŹâąest la disparition de la lumiĂšre. Si lĂąâŹâąon ajoute que cette occultation vient de lĂąâŹâąinterposition de la terre entre le soleil et la lune, cette explication alors renferme la cause du phĂ©nomĂšne quĂąâŹâąon Ă©tudie. On ignore, dans le phĂ©nomĂšne du sommeil ; quelle est la partie qui est primitivement affectĂ©e. Sans doute, on sait bien ce que cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąanimal qui lĂąâŹâąĂ©prouve ; soit ; mais lĂąâŹâąanimal, dans laquelle de ses parties est-il affectĂ© ? Quelle est cette partie qui est affectĂ©e la premiĂšre ? Est-ce le cĂ âur, ou un autre organe ? Mais encore, par quoi cet organe est-il affectĂ© ? Puis, quelle est lĂąâŹâąaffection propre de cet organe, qui nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąaffection de lĂąâŹâąanimal tout entier ? Dira-t-on que le sommeil est une immobilitĂ© dĂąâŹâąun certain genre ? CĂąâŹâąest vrai ; mais cette immobilitĂ© mĂÂȘme nĂąâŹâąa lieu quĂąâŹâąautant que la partie premiĂšre souffre elle-mĂÂȘme une certaine affection. Chapitre 5[modifier] On a vu quĂąâŹâąil y a des choses qui sont ou qui ne sont pas, sans quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy ait cependant pour elles, ni production, ni destruction tels sont, par exemple, les points mathĂ©matiques, si toutefois on peut dire que les points existent. DĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les espĂšces et les formes sont dans le mĂÂȘme cas, puisquĂąâŹâąen effet ce nĂąâŹâąest pas le Blanc lui-mĂÂȘme qui devient, mais que cĂąâŹâąest le bois qui devient blanc. Or, comme tout ce qui devient vient de quelque chose et devient quelque chose, il sĂąâŹâąensuit que tous les contraires ne peuvent pas sans exception venir les uns des autres. Et ainsi, cĂąâŹâąest dĂąâŹâąune façon toute diffĂ©rente que de noir lĂąâŹâąhomme devient blanc, et que le blanc vient du noir. Il nĂąâŹâąy a pas non plus de matiĂšre pour toute espĂšce de choses ; mais il nĂąâŹâąy en a que pour les choses qui peuvent se produire et se changer les unes dans les autres, tandis que, pour celles qui sont, ou ne sont pas, sans Ă©prouver de changement, il nĂąâŹâąy a pas de matiĂšre. En ceci, une question assez difficile se prĂ©sente cĂąâŹâąest de savoir comment, en ce qui regarde les contraires, se comporte la matiĂšre de chaque objet. Par exemple, si le corps se porte bien en puissance et que la maladie soit le contraire de la santĂ©, est-ce que les deux, santĂ© et maladie, sont en puissance dans le corps ? Est-ce que lĂąâŹâąeau est en puissance vinaigre et vin ? Ou bien, lĂąâŹâąeau est-elle la matiĂšre de lĂąâŹâąun, selon son Ă©tat naturel et sa forme spĂ©cifique, tandis quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest la matiĂšre de lĂąâŹâąautre que par privation, et par destruction contre nature ? Mais on peut se demander aussi pourquoi le vin nĂąâŹâąest pas la matiĂšre du vinaigre, ni mĂÂȘme le vinaigre en puissance, bien que ce soit du vin que vienne le vinaigre. Peut-on dire encore que le vivant soit un mort en puissance ? Ou bien ne lĂąâŹâąest-il pas ? Mais les destructions ne sont-elles pas toujours accidentelles ? [1045a] La matiĂšre de lĂąâŹâąĂÂȘtre vivant devient-elle, par la destruction, la puissance et la matiĂšre du mort, comme lĂąâŹâąeau devient celle du vinaigre ? Car lĂąâŹâąun vient de lĂąâŹâąautre, comme du jour vient la nuit. Toutes les choses qui se changent ainsi les unes dans les autres doivent revenir Ă leur matiĂšre ; et, par exemple, si le vivant vient du mort, il faut dĂąâŹâąabord que le mort retourne Ă sa matiĂšre pour devenir ensuite un ĂÂȘtre animĂ© ; et le vinaigre doit se changer en eau, qui, Ă son tour, devient du vin. Chapitre 6[modifier] Mais, pour revenir Ă la question que nous avons soulevĂ©e sur les dĂ©finitions et sur les nombres, Ă quelle cause tient leur unitĂ© ? En effet, pour toutes les choses composĂ©es de plusieurs parties, et oĂÂč le Tout quĂąâŹâąelles forment nĂąâŹâąest pas simplement un amas, mais oĂÂč il y a un total qui est quelque chose indĂ©pendamment des parties, il faut bien quĂąâŹâąil y ait une cause Ă lĂąâŹâąunitĂ© quĂąâŹâąelles prĂ©sentent. Ainsi, dans les corps, cĂąâŹâąest tantĂÂŽt le contact qui fait leur unitĂ© ; tantĂÂŽt, cĂąâŹâąest leur viscositĂ©, ou telle autre condition analogue. Quant Ă la dĂ©finition, lĂąâŹâąunitĂ© de lĂąâŹâąexplication quĂąâŹâąelle fournit ne consiste pas dans lĂąâŹâąenchaĂnement fies parties, comme y consiste lĂąâŹâąIliade ; mais cette explication est une, parce quĂąâŹâąelle sĂąâŹâąadresse Ă un seul et unique objet. Quelle est, par exemple, la cause qui fait lĂąâŹâąunitĂ© de lĂąâŹâąhomme, qui fait quĂąâŹâąil est un et non plusieurs, comme le seraient lĂąâŹâąAnimal et le BipĂšde ? Question qui peut surtout se poser, sĂąâŹâąil est vrai, comme le prĂ©tendent quelques philosophes, quĂąâŹâąil y ait un Animal en soi, et un BipĂšde en soi. Pourquoi, en effet, lĂąâŹâąhomme ne serait-il pas ces deux choses Ă la fois, puisque les individus hommes doivent lĂąâŹâąĂÂȘtre aussi par participation ? Et pourquoi ne viendrait-il pas, non dĂąâŹâąun seul ĂÂȘtre en soi, mais de deux, lĂąâŹâąAnimal en soi et le bipĂšde en soi ? LĂąâŹâąhomme alors ne serait plus un ; mais il serait plusieurs, bipĂšde et animal tout ensemble. Il est donc clair quĂąâŹâąavec cette mĂ©thode, habituelle Ă nos philosophes, de dĂ©finir les choses et de les exprimer, il nĂąâŹâąest pas possible de rĂ©pondre Ă la question et de la rĂ©soudre. Mais sĂąâŹâąil faut distinguer, comme nous le soutenons, la matiĂšre et la forme dĂąâŹâąune part, et dĂąâŹâąautre part la puissance et lĂąâŹâąactualitĂ©, la question que nous cherchions Ă rĂ©soudre nĂąâŹâąoffre plus de difficultĂ© sĂ©rieuse. En effet, la difficultĂ© est absolument la mĂÂȘme que si lĂąâŹâąon allait dĂ©finir un vĂÂȘtement en disant que cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąairain arrondi, puisque le nom mĂÂȘme reprĂ©senterait la dĂ©finition de la chose ; et que la question serait Ă©galement de savoir ce que serait lĂąâŹâąunitĂ© de la rondeur et de lĂąâŹâąairain. Mais il nĂąâŹâąy a plus de difficultĂ© quand on dit que lĂąâŹâąun est la matiĂšre, et que lĂąâŹâąautre est la forme. Quelle est donc la cause qui fait que ce qui Ă©tait en puissance passe Ă lĂąâŹâąacte, si ce nĂąâŹâąest lĂąâŹâąagent qui a rĂ©alisĂ© la chose, dans les cas oĂÂč la production est possible ? Il nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąautre cause ici que celle qui fait que la sphĂšre qui est en puissance devient une sphĂšre en acte, une sphĂšre rĂ©elle ; et cĂąâŹâąest lĂ uniquement, comme nous lĂąâŹâąavons vu, lĂąâŹâąessence propre de lĂąâŹâąun et de lĂąâŹâąautre, de lĂąâŹâąhomme et de la sphĂšre. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąen fait de matiĂšre, il faut distinguer la matiĂšre intelligible et la matiĂšre sensible ; et dans toute dĂ©finition, il y a dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ© la matiĂšre, et, de lĂąâŹâąautre cĂÂŽtĂ©, il y a lĂąâŹâąacte, comme dans cette dĂ©finition Ă Le cercle est une figure plane, etc. Ă» Mais pour les choses qui nĂąâŹâąont pas de matiĂšre, ni intelligible ni sensible, on a immĂ©diatement lĂąâŹâąunitĂ© que chacune dĂąâŹâąelles reprĂ©sente essentiellement, [1045b] cĂąâŹâąest-Ă -dire, un ĂÂȘtre substantiel et particulier, une qualitĂ©, une quantitĂ©. Et voilĂ comment on ne fait jamais entrer dans les dĂ©finitions, ni lĂąâŹâąĂĆ tre, ni lĂąâŹâąUn. On y donne immĂ©diatement lĂąâŹâąessence de la chose, qui la fait ĂÂȘtre ce quĂąâŹâąelle est ; et lĂąâŹâąon y fait entrer son unitĂ© tout aussi bien que son existence rĂ©elle. Il nĂąâŹâąy a donc, pour toutes ces choses, aucune autre cause qui en constitue lĂąâŹâąunitĂ©, ni aucune autre qui leur confĂšre lĂąâŹâąexistence ; chacune dĂąâŹâąelles est immĂ©diatement un ĂÂȘtre rĂ©el et une unitĂ©, sans que, pour elles, lĂąâŹâąexistence et lĂąâŹâąunitĂ© consistent seulement dans le genre, et sans quĂąâŹâąelles soient sĂ©parĂ©es et indĂ©pendantes des individus. Pour rĂ©soudre cette mĂÂȘme question, il y a des philosophes qui nous parlent de participation, sans dĂąâŹâąailleurs nous expliquer la cause de cette participation, ni mĂÂȘme nous dire ce quĂąâŹâąils entendent par ce mot. DĂąâŹâąautres nous parlent de lĂąâŹâąassociation de lĂąâŹâąĂÂąme, comme Lycophron, qui nous dit que la science est lĂąâŹâąassociation du savoir et de lĂąâŹâąĂÂąme ; comme dĂąâŹâąautres nous assurent que la vie est la combinaison et lĂąâŹâąenchaĂnement de lĂąâŹâąĂÂąme avec le corps. La mĂÂȘme explication pourrait sĂąâŹâąappliquer ĂÂą tout ; et, par exemple, se bien porter serait lĂąâŹâąassociation, ou lĂąâŹâąenchaĂnement, ou la combinaison, de lĂąâŹâąĂÂąme et de la santĂ© ; un triangle dĂąâŹâąairain serait la combinaison de lĂąâŹâąairain et du triangle ; un objet blanc serait la combinaison de la surface et de la blancheur. Ce qui produit cette erreur, cĂąâŹâąest que nos philosophes veulent trouver une dĂ©finition qui unifie la puissance et lĂąâŹâąacte, et quĂąâŹâąils cherchent en mĂÂȘme temps une diffĂ©rence entre les deux. Mais, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dit, la matiĂšre derniĂšre et la forme des choses se confondent ; seulement, lĂąâŹâąune est en puissance, et lĂąâŹâąautre est en acte. CĂąâŹâąest tout Ă fait la mĂÂȘme recherche que de demander la cause de lĂąâŹâąĂÂȘtre qui est Un, et de demander la cause qui le fait ĂÂȘtre Un. Toute chose est Une ; et, Ă un certain point de vue, lĂąâŹâąĂÂȘtre en puissance et lĂąâŹâąĂÂȘtre en acte nĂąâŹâąen font Ă©galement quĂąâŹâąun. En rĂ©sumĂ©, il nĂąâŹâąy a donc pas dĂąâŹâąautre cause de lĂąâŹâąunitĂ© que la cause motrice, qui fait passer lĂąâŹâąĂÂȘtre de la puissance Ă lĂąâŹâąacte. Mais pour toutes les choses qui nĂąâŹâąont pas de matiĂšre, elles sont toujours absolument et simplement ce quĂąâŹâąelles sont. Livre 9 Chapitre 1[modifier] [1045b] Nous avons antĂ©rieurement traitĂ© de lĂąâŹâąĂĆ tre compris au sens primordial de ce mot, cĂąâŹâąest-Ă -dire de la substance, Ă laquelle se rapportent toutes les autres catĂ©gories de lĂąâŹâąĂĆ tre. CĂąâŹâąest, en effet, par leur rapport Ă la substance que toutes les autres espĂšces dĂąâŹâąĂÂȘtres, quantitĂ©, qualitĂ© et tous les modes dĂ©nommĂ©s de la mĂÂȘme maniĂšre, sont appelĂ©s aussi du nom dĂąâŹâąĂĆ tres. Tous ils impliquent la notion de la substance, ainsi que nous lĂąâŹâąavons Ă©tabli dans nos premiĂšres Ă©tudes. Mais comme lĂąâŹâąĂĆ tre est, dĂąâŹâąune part, tantĂÂŽt un objet individuel, tantĂÂŽt une qualitĂ© ou une quantitĂ©, et que, dĂąâŹâąautre part, lĂąâŹâąĂĆ tre peut exister aussi, ou en simple puissance, ou en rĂ©alitĂ© complĂšte et actuelle, il nous faut analyser ce que cĂąâŹâąest que la puissance et la parfaite rĂ©alitĂ©, ou EntĂ©lĂ©chie. Nous nous occuperons dĂąâŹâąabord de cette sorte de puissance qui mĂ©rite Ă©minemment ce nom, bien quĂąâŹâąen ce moment, il ne soit peut-ĂÂȘtre pas trĂšs utile de lĂąâŹâąĂ©tudier pour le but que nous nous proposons ; [1046a] car la puissance et lĂąâŹâąacte sĂąâŹâąĂ©tendent fort au-delĂ de ces ĂÂȘtres qui ne sont considĂ©rĂ©s que comme soumis au mouvement. Mais en traitant de cette espĂšce de puissance dans les dĂ©finitions que nous allons donner de lĂąâŹâąactualitĂ©, nous nous expliquerons aussi sur les autres espĂšces de puissance. Nous avons dĂ©jĂ montrĂ© ailleurs que les mots de Puissance et de Pouvoir se prennent en plusieurs sens ; mais nous laisserons ici Ă cĂÂŽtĂ© toutes ces puissances qui ne sont ainsi animĂ©es que par pure homonymie ; car il y en a qui ne reçoivent cette dĂ©nomination que par suite dĂąâŹâąune certaine ressemblance par exemple, les Puissances en gĂ©omĂ©trie ; et lĂąâŹâąon dit en parlant des choses quĂąâŹâąelles sont, gĂ©omĂ©triquement, possibles ou impossibles, par cela seul quĂąâŹâąelles sont ou ne sont pas dĂąâŹâąune certaine façon. Mais toutes les puissances qui se rapportent Ă la mĂÂȘme espĂšce sont toutes aussi des principes ; et leur dĂ©nomination se rattache Ă une seule notion premiĂšre de puissance qui peut ĂÂȘtre dĂ©finie Ă Le principe du changement dans un autre en tant quĂąâŹâąautre. Ă» Ainsi, dĂąâŹâąune part, la puissance de souffrir quelque chose est celle qui, dans lĂąâŹâąĂÂȘtre mĂÂȘme qui souffre, est le principe du changement quĂąâŹâąun autre lui fait subir en tant quĂąâŹâąautre. Mais dĂąâŹâąautre part, il y a aussi, dans lĂąâŹâąĂÂȘtre, un Ă©tat dĂąâŹâąimpossibilitĂ© qui fait quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest point altĂ©rĂ© en pire, et nĂąâŹâąest pas dĂ©truit par un autre en tant quĂąâŹâąautre, qui agit sur lui comme principe du changement. On voit quĂąâŹâąen effet, dans toutes ces dĂ©finitions, se trouve impliquĂ©e la notion de la puissance, au sens premier de ce mot. DĂąâŹâąailleurs, ces puissances mĂÂȘmes sont ainsi dĂ©nommĂ©es, soit parce que lĂąâŹâąĂÂȘtre fait simplement quelque chose ou souffre quelque chose, soit parce que cĂąâŹâąest en bien quĂąâŹâąil agit ou quĂąâŹâąil souffre lĂąâŹâąaction. Par consĂ©quent, dans la notion de ces derniĂšres puissances, se trouve, on peut dire, implicitement comprises les notions des puissances antĂ©rieures. Il est donc Ă©vident que, en un sens, ce nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune seule et unique puissance que celle dĂąâŹâąagir et de souffrir ; car on peut dire dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est douĂ©e de puissance, soit quĂąâŹâąelle puisse elle-mĂÂȘme souffrir une action, soit quĂąâŹâąelle puisse agir sur une autre, en lui faisant souffrir une action quelconque. Mais, en un autre sens, on peut dire aussi que cette puissance dĂąâŹâąagir et de souffrir est diffĂ©rente. LĂąâŹâąune de ces puissances, en effet, est dans lĂąâŹâąĂÂȘtre qui souffre ; car cet ĂÂȘtre souffre ce quĂąâŹâąil souffre, soit parce quĂąâŹâąil a en lui un certain principe, soit parce que sa matiĂšre mĂÂȘme est un certain principe de sujĂ©tion ; de plus, il souffre diffĂ©remment selon les ĂÂȘtres diffĂ©rents qui agissent sur lui. Ainsi, la graisse mĂÂȘme peut devenir inflammable, et une matiĂšre molle peut ĂÂȘtre Ă©crasĂ©e ; et lĂąâŹâąon pourrait citer de ces exemples en foule. LĂąâŹâąautre puissance est dans lĂąâŹâąagent ; et, par exemple, la chaleur est dans ce qui Ă©chauffe ; lĂąâŹâąart de la construction est dans lĂąâŹâąartiste qui construit. Aussi, jamais un ĂÂȘtre, tant quĂąâŹâąil reste dans la nature qui lui est propre, ne peut rien souffrir lui-mĂÂȘme de lui-mĂÂȘme, attendu quĂąâŹâąil est Un nĂ©cessairement, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas autre. LĂąâŹâąImpuissance et lĂąâŹâąImpuissant, cĂąâŹâąest la privation, qui est le contraire de la puissance, telle que nous venons de lĂąâŹâąanalyser ; et par suite, la puissance et lĂąâŹâąimpuissance se disent toujours de la mĂÂȘme chose et sous le mĂÂȘme rapport. DĂąâŹâąailleurs, la privation se prend en plusieurs acceptions diverses. Elle sĂąâŹâąapplique Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre qui nĂąâŹâąa pas une certaine qualitĂ© ; Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre qui ne lĂąâŹâąa pas lorsque par nature il devrait lĂąâŹâąavoir, qui ne lĂąâŹâąa pas du tout, ou ne lĂąâŹâąa pas au temps oĂÂč sa nature devrait la lui assurer, ou qui ne lĂąâŹâąa pas dĂąâŹâąune certaine maniĂšre ; et, par exemple, qui ne lĂąâŹâąa pas du tout, ou qui ne lĂąâŹâąa que dĂąâŹâąune façon insuffisante, Ă quelque degrĂ© que ce soit. Enfin, dans certains cas, on dit aussi que les ĂÂȘtres Ă©prouvent une privation, quand cĂąâŹâąest une force majeure qui leur ravit les propriĂ©tĂ©s que naturellement ils devraient avoir. Chapitre 2[modifier] Comme, parmi les principes du genre de ceux dont nous venons de parler, les uns se trouvent dans des ĂÂȘtres sans vie, et que les autres se trouvent dans des ĂÂȘtres animĂ©s, en leur ĂÂąme, et dans cette partie de lĂąâŹâąĂÂąme qui possĂšde la raison, [1046b] il sĂąâŹâąensuit Ă©videmment que, parmi les puissances aussi, les unes sont irraisonnables, et que les autres sont douĂ©es de raison. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait quĂąâŹâąon appelle puissances, ou facultĂ©s, tous les arts et toutes les sciences qui produisent quelque chose ; car ce sont lĂ aussi des principes qui dĂ©terminent le changement dans un autre en tant quĂąâŹâąautre. Les puissances douĂ©es de raison restent toutes identiquement les mĂÂȘmes par rapport aux deux contraires. Mais les puissances irrationnelles nĂąâŹâąen produisent absolument chacune quĂąâŹâąun seul ; ainsi la chaleur ne fait quĂąâŹâąĂ©chauffer, tandis que lĂąâŹâąart de la mĂ©decine peut sĂąâŹâąappliquer tout Ă la fois Ă la maladie et Ă la santĂ©. La cause en est que la science est une notion rationnelle, et que cĂąâŹâąest la mĂÂȘme notion qui nous fait connaĂtre, et la chose, et sa privation. Seulement ce nĂąâŹâąest pas tout Ă fait sous le mĂÂȘme aspect. En un sens, la notion sĂąâŹâąapplique aux deux Ă la fois ; mais, en un autre sens aussi, elle sĂąâŹâąapplique davantage Ă ce qui est son objet propre. Il en rĂ©sulte nĂ©cessairement que ces sortes de sciences font Ă©galement connaĂtre les deux contraires ; mais elles sĂąâŹâąappliquent en soi et directement Ă lĂąâŹâąun des deux, tandis que ce nĂąâŹâąest pas en soi quĂąâŹâąelles se rapportent Ă lĂąâŹâąautre. Ici donc, on a la notion essentielle de lĂąâŹâąun des contraires, tandis que, pour lĂąâŹâąautre, la notion nĂąâŹâąest en quelque sorte quĂąâŹâąaccidentelle et indirecte- CĂąâŹâąest par nĂ©gation et par ablation quĂąâŹâąalors la science nous montre le contraire, puisque la privation primordiale, cĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment le contraire de la chose ; cĂąâŹâąest-Ă -dire, lĂąâŹâąablation et la disparition de lĂąâŹâąautre contraire. CĂąâŹâąest que les contraires ne peuvent jamais coexister dans le mĂÂȘme objet, tandis que la science est une puissance, parce quĂąâŹâąelle a la raison en partage, et que lĂąâŹâąĂÂąme a le principe du mouvement. Loin de lĂ un objet sain, par exemple, ne produit exclusivement que la santĂ© ; le chaud ne produit exclusivement que la chaleur ; le froid ne produit que le refroidissement. Mais, quand on sait les choses, on produit Ă son grĂ© lĂąâŹâąun ou lĂąâŹâąautre contraire. La notion des deux se trouve dans lĂąâŹâąĂÂąme, qui a lĂąâŹâąinitiative du mouvement, bien quĂąâŹâąelle ne sĂąâŹâąy trouve pas de la mĂÂȘme maniĂšre. Par suite, lĂąâŹâąĂÂąme, en rĂ©unissant les deux contraires dans le mĂÂȘme centre, les mettra lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre en mouvement, par la vertu du mĂÂȘme principe. VoilĂ comment les puissances qui agissent par raison, font tout lĂąâŹâąopposĂ© des puissances irrationnelles, parce que les contraires sont alors contenus dans un seul principe, qui est la raison. Il est Ă©galement Ă©vident que la puissance de faire bien, suppose toujours la puissance simple de faire, ou de souffrir, tandis que cette derniĂšre ne suppose pas toujours lĂąâŹâąautre ; car nĂ©cessairement pour faire bien, il faut aussi, tout dĂąâŹâąabord, faire ; tandis que, quand on fait simplement, il nĂąâŹâąy a pas de nĂ©cessitĂ© absolue quĂąâŹâąon fasse bien. Chapitre 3[modifier] Il y a quelques philosophes qui prĂ©tendent, comme les MĂ©gariques, que lĂąâŹâąon nĂąâŹâąa de puissance absolument quĂąâŹâąau moment oĂÂč lĂąâŹâąon agit ; et que lĂ oĂÂč lĂąâŹâąon nĂąâŹâąagit pas, on nĂąâŹâąa pas non plus de puissance. Ils soutiennent, par exemple, que celui qui ne construit pas ne peut pas construire, mais que celui qui construit est le seul qui ait la puissance de construire, au moment oĂÂč il construit. Et de mĂÂȘme, pour tout le reste. Il nĂąâŹâąest pas difficile de voir toutes les consĂ©quences insoutenables de cette thĂ©orie. En effet, il sĂąâŹâąensuivrait Ă©videmment quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a plus de constructeur, du moment que le constructeur ne construit pas. Et cependant, on entend toujours par Constructeur celui qui est en Ă©tat de pouvoir construire. La mĂÂȘme remarque sĂąâŹâąappliquerait Ă©galement Ă tout autre art. Si donc il est impossible de possĂ©der les arts de ce genre quand on ne les a pas appris, de soi-mĂÂȘme ou de quelquĂąâŹâąun, [1047a] et sĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas moins impossible de ne plus les possĂ©der sans quĂąâŹâąon ne les ait perdus, ou par un simple oubli, ou par une affection quelconque, ou par lĂąâŹâąeffet du temps, car ce nĂąâŹâąest pas que la chose elle-mĂÂȘme ait disparu puisque lĂąâŹâąart subsiste toujours, il faudrait en conclure que, dĂšs que lĂąâŹâąartiste cesserait de pratiquer lĂąâŹâąart, il ne le possĂ©derait plus. Mais alors, par quelle acquisition soudaine peut-il tout Ă coup se mettre Ă travailler et Ă construire ? MĂÂȘme objection pour ce qui regarde les choses inanimĂ©es. Par exemple, Ă ce compte, ni le froid, ni le chaud, ni le doux, en un mot aucun objet sensible, nĂąâŹâąexisteraient plus du moment que nous ne les sentirions plus. Ainsi, cĂąâŹâąest au systĂšme de Protagoras quĂąâŹâąen reviennent nos philosophes. Par la mĂÂȘme raison, aucun ĂÂȘtre sensible nĂąâŹâąaura la facultĂ© de sentir, quand il ne sent pas, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąagit pas actuellement. Mais si lĂąâŹâąon appelle aveugle lĂąâŹâąĂÂȘtre qui nĂąâŹâąa pas la vue, dont la nature a douĂ© sa race, et qui ne lĂąâŹâąa pas Ă . lĂąâŹâąĂ©poque oĂÂč la nature voudrait quĂąâŹâąil lĂąâŹâąeĂ»t, il sĂąâŹâąensuivra, dĂąâŹâąaprĂšs cette thĂ©orie, que les mĂÂȘmes hommes pourront plusieurs fois par jour ĂÂȘtre aveugles ou sourds. Autre objection. Si lĂąâŹâąon entend par Impossible ce qui a Ă©tĂ© privĂ© de sa puissance, il en rĂ©sulte que ce qui nĂąâŹâąa pas Ă©tĂ© produit sera impuissant Ă se produire jamais. Mais dire que ce qui ne peut pas se produire est ou sera, cĂąâŹâąest une Ă©norme erreur, puisque le mot dĂąâŹâąImpossible ne signifiait que cette impossibilitĂ©. Par consĂ©quent, ces thĂ©ories suppriment le mouvement et la production des choses. Par exemple, ce qui a Ă©tĂ© assis restera toujours assis ; 2 ne se relĂšvera plus une fois quĂąâŹâąil se sera assis, attendu que ce qui ne peut actuellement se relever est dans lĂąâŹâąimpuissance de se relever jamais. Mais si ce sont lĂ des doctrines quĂąâŹâąon ne peut dĂ©fendre, il est clair que la puissance et lĂąâŹâąacte sont des choses trĂšs diffĂ©rentes, tandis que ces systĂšmes les identifient et les confondent. Ce nĂąâŹâąest pas une distinction de petite importance quĂąâŹâąils risquent ainsi dĂąâŹâąeffacer. Ce qui est trĂšs concevable, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąune chose, qui peut ĂÂȘtre, ne soit pas, et quĂąâŹâąune chose, qui peut ne pas ĂÂȘtre, soit cependant. De mĂÂȘme encore, dans toutes les autres catĂ©gories ; et, par exemple, un ĂÂȘtre qui est capable de marcher peut ne marcher pas, et un ĂÂȘtre qui est capable de ne pas marcher peut, au contraire, marcher fort bien. Or, lĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąun ĂÂȘtre quĂąâŹâąil a une certaine puissance, ou facultĂ©, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pour lui aucune impossibilitĂ© dĂąâŹâąagir, quand la puissance quĂąâŹâąon lui attribue doit passer rĂ©ellement Ă lĂąâŹâąacte. Voici ce que je veux dire cĂąâŹâąest que, si, par exemple, quelquĂąâŹâąun a la facultĂ© de sĂąâŹâąasseoir, et sĂąâŹâąil a lĂąâŹâąoccasion de le faire, il nĂąâŹâąy ait pour lui aucune impossibilitĂ© Ă sĂąâŹâąasseoir effectivement. MĂÂȘme remarque, sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąĂÂȘtre mĂ» ou de mouvoir, de se tenir debout ou de mettre quelque chose debout, dĂąâŹâąĂÂȘtre ou de nĂąâŹâąĂÂȘtre pas, de se produire ou de ne pas se produire. Le mot dĂąâŹâąActe, appliquĂ© Ă la rĂ©alisation complĂšte dĂąâŹâąune chose, a Ă©tĂ© empruntĂ© surtout des mouvements, pour ĂÂȘtre transportĂ© de lĂ Ă tout le reste, attendu que cĂąâŹâąest surtout le mouvement qui paraĂt ĂÂȘtre un acte rĂ©el. VoilĂ pourquoi on nĂąâŹâąattribue jamais le mouvement aux choses qui ne sont pas, bien quĂąâŹâąon leur attribue dĂąâŹâąautres catĂ©gories. Ainsi, lĂąâŹâąon dit bien, des choses qui ne sont pas, quĂąâŹâąelles sont intelligibles, ou quĂąâŹâąelles sont dĂ©sirables ; mais on ne dit jamais dĂąâŹâąelles quĂąâŹâąelles sont en mouvement ; et cela, parce que, nĂąâŹâąexistant pas en fait, elles seraient en fait de cette maniĂšre. CĂąâŹâąest que, parmi les choses qui ne sont pas, quelques-unes sont en puissance ; [1047b] mais on ne peut pas dire quĂąâŹâąelles sont, parce quĂąâŹâąelles ne sont pas complĂštement en acte, en EntĂ©lĂ©chie. Chapitre 4[modifier] Si donc le possible, tel que nous lĂąâŹâąentendons, nĂąâŹâąest possible quĂąâŹâąen tant que, par la suite, il pourrait se rĂ©aliser, il est Ă©vident quĂąâŹâąon ne peut pas dire avec vĂ©ritĂ© dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąon regarde comme possible, quĂąâŹâąelle ne se rĂ©alisera jamais, puisque alors la notion vĂ©ritable de lĂąâŹâąimpossible nous Ă©chapperait. Je cite un exemple, et je dis que cĂąâŹâąest comme si lĂąâŹâąon soutenait que la diagonale peut ĂÂȘtre mesurĂ©e, mais que cependant elle ne le sera pas ; et quĂąâŹâąon pensĂÂąt quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien dĂąâŹâąimpossible en cela, attendu que rien nĂąâŹâąempĂÂȘche, en effet, quĂąâŹâąune chose qui peut ĂÂȘtre, ou qui peut se produire, ne soit point, ou ne se produise jamais. Or des donnĂ©es que nous venons de poser, cĂąâŹâąest-Ă -dire en admettant cette hypothĂšse quĂąâŹâąune chose qui nĂąâŹâąest pas mais peut ĂÂȘtre, est, en effet, ou sĂąâŹâąest produite, il nĂąâŹâąen rĂ©sulte pas nĂ©cessairement la moindre impossibilitĂ©. Mais Ă©videmment il est de toute impossibilitĂ© de prĂ©tendre que la diagonale est commensurable, puisque mesurer la diagonale est chose absolument impossible. LĂąâŹâąexplication de ceci, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil ne faut pas confondre lĂąâŹâąerreur et lĂąâŹâąimpossibilitĂ©. Si je dis, en effet, que vous vous tenez actuellement debout, ce peut bien ĂÂȘtre une erreur ; mais il nĂąâŹâąy a lĂ rien dĂąâŹâąimpossible. On voit non moins clairement que, si A Ă©tant, B doit nĂ©cessairement ĂÂȘtre, du moment oĂÂč A est possible, B doit nĂ©cessairement ĂÂȘtre possible aussi ; car sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy avait pas nĂ©cessitĂ© quĂąâŹâąil fĂ»t possible, rien nĂąâŹâąempĂÂȘcherait quĂąâŹâąil fĂ»t impossible. Soit donc A possible. DĂšs quĂąâŹâąil est possible que A existe, si lĂąâŹâąon admet que A est en effet, il nĂąâŹâąen rĂ©sulte aucune impossibilitĂ©. Mais il faut alors nĂ©cessairement que B existe aussi ; or, on le supposait impossible. Admettons, puisquĂąâŹâąon le veut, quĂąâŹâąil soit impossible. Si B est impossible, A doit lĂąâŹâąĂÂȘtre nĂ©cessairement ; et il est nĂ©cessaire Ă©galement que B le soit. Mais A Ă©tait supposĂ© possible ; et, par consĂ©quent, B lĂąâŹâąĂ©tait ainsi que lui. Si donc A est possible, B ne peut pas manquer de lĂąâŹâąĂÂȘtre, puisque A et B Ă©taient dans cette relation que, A Ă©tant, B devait ĂÂȘtre nĂ©cessairement. Si A et B ont ce rapport entre eux, il est impossible que B soit comme on le dit. Il sĂąâŹâąensuit que A et B ne se rapportent pas non plus lĂąâŹâąun Ă lĂąâŹâąautre de la maniĂšre quĂąâŹâąon le prĂ©tendait. Et si A Ă©tant possible, il sĂąâŹâąensuit que B doit nĂ©cessairement lĂąâŹâąĂÂȘtre comme lui, du moment que A existe, il faut nĂ©cessairement que B existe pareillement. En effet, ce quĂąâŹâąon voulait dire en affirmant quĂąâŹâąil y avait nĂ©cessitĂ© que B fĂ»t possible du moment que A Ă©tait possible, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil suffit que A soit possible, quĂąâŹâąil le soit Ă . un certain moment et dĂąâŹâąune certaine maniĂšre, pour que B le soit nĂ©cessairement aussi, au mĂÂȘme moment et de la mĂÂȘme maniĂšre que lĂąâŹâąest A. Chapitre 5[modifier] De toutes les puissances, ou facultĂ©s, que nous pouvons possĂ©der, les unes sont naturelles et innĂ©es, comme les facultĂ©s des sens ; les autres viennent de lĂąâŹâąexercice et de lĂąâŹâąhabitude, comme le talent du joueur de flĂ»te ; dĂąâŹâąautres encore rĂ©sultent dĂąâŹâąun apprentissage, comme les arts quĂąâŹâąon acquiert par lĂąâŹâąĂ©tude. Pour les facultĂ©s qui sont le fruit de lĂąâŹâąhabitude et de la rĂ©flexion, il faut nĂ©cessairement, pour les acquĂ©rir, que les ĂÂȘtres aient Ă©tĂ© antĂ©rieurement en acte. Mais pour celles qui ne viennent pas de cette source, comme pour celles qui ne sont pas passives, cette disposition antĂ©rieure nĂąâŹâąest pas nĂ©cessaire. [1048a] Le possible est toujours possible relativement Ă une certaine chose, dans un certain moment, dĂąâŹâąune certaine façon, cĂąâŹâąest-Ă -dire, avec toutes les circonstances que comporte sa dĂ©finition entiĂšre. Or, il y a des ĂÂȘtres douĂ©s de raison qui ont lĂąâŹâąinitiative du mouvement ; et les facultĂ©s de ceux-lĂ sĂąâŹâąexercent rationnellement. Mais il y a aussi des ĂÂȘtres privĂ©s de raison ; et leurs facultĂ©s, ou puissances, sĂąâŹâąexercent sans que la raison intervienne. Les premiĂšres de ces facultĂ©s sont de toute nĂ©cessitĂ© dans un ĂÂȘtre animĂ© ; les autres peuvent exister Ă la fois, soit dans les ĂÂȘtres animĂ©s, soit dans les ĂÂȘtres sans vie. Pour les ĂÂȘtres sans vie, il y a nĂ©cessitĂ©, du moment que le patient et lĂąâŹâąagent se rencontrent, comme ils le peuvent, que lĂąâŹâąun agisse et que lĂąâŹâąautre souffre. Mais pour les facultĂ©s rationnelles, ce nĂąâŹâąest pas une condition nĂ©cessaire. En effet, toutes les facultĂ©s irraisonnables ne sont faites que pour produire, chacune, lĂąâŹâąaction unique qui leur est propre, tandis que les facultĂ©s rationnelles sont capables des contraires. Cependant, on ne peut pas dire que, par suite, ces facultĂ©s iront jusquĂąâŹâąĂ produire les deux contraires Ă la fois, puisque cĂąâŹâąest dĂąâŹâąune absolue impossibilitĂ©. Mais il y aura toujours nĂ©cessairement un des principes qui lĂąâŹâąemportera, et qui restera le maĂtre je veux dire que ce sera, ou le dĂ©sir, ou la prĂ©fĂ©rence rĂ©flĂ©chie. Quel que soit donc lĂąâŹâąobjet du dĂ©sir, on le satisfera toujours souverainement, quand on sera en mesure de le pouvoir, et quĂąâŹâąon sera Ă portĂ©e du patient qui doit souffrir lĂąâŹâąaction. Par consĂ©quent, pour tout ĂÂȘtre qui peut agir rationnellement, il y a nĂ©cessitĂ© quĂąâŹâąil fasse la chose quĂąâŹâąil dĂ©sire, du moment quĂąâŹâąil a la puissance de la faire, et quĂąâŹâąil la fasse dans la mesure oĂÂč il a cette puissance. Or, on a la puissance dĂąâŹâąagir, dĂšs que le patient est prĂ©sent, et quĂąâŹâąil est dans les conditions voulues. Si toutes ces conditions ne se rencontrent pas. on ne pourra point faire la chose. Il est bien entendu, dĂąâŹâąailleurs, sans quĂąâŹâąon ait besoin de lĂąâŹâąajouter, quĂąâŹâąil faut aussi quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy ait aucun empĂÂȘchement extĂ©rieur ; car lĂąâŹâąĂÂȘtre a la puissance de faire dans la mesure mĂÂȘme oĂÂč cette puissance existe. Ce nĂąâŹâąest pas un pouvoir absolu quĂąâŹâąil possĂšde ; mais ce pouvoir dĂ©pend de certaines circonstances, parmi lesquelles sont compris aussi les obstacles que le dehors peut opposer, puisque ces obstacles suppriment, pour la chose, quelques-unes des conditions essentielles de sa dĂ©finition. Aussi, on aurait beau vouloir tout Ă la fois les deux choses et dĂ©sirer les faire, on nĂąâŹâąen fera pas deux simultanĂ©ment, pas plus quĂąâŹâąon ne fera les contraires ; car ce nĂąâŹâąest pas de cette façon quĂąâŹâąon en a la puissance simultanĂ©e ; il nĂąâŹâąexiste pas de puissance qui soit en Ă©tat de les faire toutes deux Ă la fois, puisquĂąâŹâąon ne fait jamais les choses que comme on a la puissance de les faire. Chapitre 6[modifier] AprĂšs avoir Ă©tudiĂ© la puissance qui est relative au mouvement, analysons lĂąâŹâąacte lui-mĂÂȘme ; et montrons ce que nous entendons par lĂąâŹâąActe, et ce quĂąâŹâąil est dans ses modifications diverses. Ces divisions,, en effet, ; nous feront voir clairement, et du mime coup, que le possible nĂąâŹâąest pas simplement, pour nous, ce qui naturellement peut mouvoir une autre chose ou ĂÂȘtre mĂ» par elle, soit absolument, soit clans une certaine mesure, mais aussi que le mot Possible a, selon nous, une seconde signification. Aussi bien, dans nos Ă©tudes, avons-nous dĂ©jĂ touchĂ© ces sujets. LĂąâŹâąacte dĂąâŹâąune chose veut dire quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas dans cet Ă©tat oĂÂč nous disons dĂąâŹâąelle quĂąâŹâąelle est en simple puissance. Or, nous disons dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est en puissance, quand nous disons, par exemple, que la statue dĂąâŹâąun HermĂšs est dans le bois, comme la moitiĂ© dĂąâŹâąune ligne est dans la ligne entiĂšre, parce quĂąâŹâąelle pourrait en ĂÂȘtre tirĂ©e. On dit de mĂÂȘme de quelquĂąâŹâąun quĂąâŹâąil est savant, mĂÂȘme lorsquĂąâŹâąil ne pratique pas actuellement la science, mais parce quĂąâŹâąil pourrait la pratiquer Ă un certain moment. Le sens que nous voulons donner au mot dĂąâŹâąActe deviendra manifeste par lĂąâŹâąinduction appliquĂ©e aux exemples particuliers, sans, dĂąâŹâąailleurs, quĂąâŹâąon puisse prĂ©tendre arriver en tout cela Ă une dĂ©finition trĂšs spĂ©ciale, et sans vouloir plus que des analogies gĂ©nĂ©rales. LĂąâŹâąacte, cĂąâŹâąest, par exemple, le rapport de lĂąâŹâąouvrier qui construit effectivement Ă celui qui peut construire ; [1048b] le rapport de lĂąâŹâąhomme qui est Ă©veillĂ© Ă celui qui dort ; le rapport de lĂąâŹâąhomme qui regarde Ă celui qui ferme les yeux, tout en ayant le sens de la vue. CĂąâŹâąest encore le rapport de lĂąâŹâąobjet tirĂ© de la matiĂšre Ă la matiĂšre elle-mĂÂȘme ; enfin, cĂąâŹâąest le rapport de ce qui est travaillĂ© Ă ce qui ne lĂąâŹâąest pas. Des deux membres de cette diffĂ©rence, que lĂąâŹâąun soit, pour nous, lĂąâŹâąActe tel que nous le dĂ©finissons, et que lĂąâŹâąautre soit simplement le Possible. Du reste, toutes choses ne sont pas en acte de la mĂÂȘme maniĂšre, et elles ne le sont quelquefois que proportionnellement, comme lorsquĂąâŹâąon dit que, de mĂÂȘme que telle chose est dans telle chose ou relativement Ă telle chose, de mĂÂȘme une seconde chose est dans telle autre, ou relativement Ă telle autre. Car tantĂÂŽt lĂąâŹâąacte, cĂąâŹâąest le mouvement selon la puissance ; tantĂÂŽt, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąexistence, par rapport Ă une matiĂšre quelconque. Quant Ă lĂąâŹâąinfini et au vide, et aux choses de cet ordre, on leur applique les mots dĂąâŹâąActe et de Puissance Dans un autre sens quĂąâŹâąĂ la plupart des ĂÂȘtres, quand, par exemple, on dit dĂąâŹâąun ĂÂȘtre quĂąâŹâąil voit, ou quĂąâŹâąil marche, ou quĂąâŹâąil est vu. Ces choses, en effet, peuvent ĂÂȘtre vraies, ou dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, ou seulement Ă un moment donnĂ©. On dit dĂąâŹâąune chose, tantĂÂŽt quĂąâŹâąelle est visible, parce quĂąâŹâąelle est vue effectivement ; et tantĂÂŽt, on le dit parce quĂąâŹâąelle pourrait ĂÂȘtre vue. Mais on ne dit pas de lĂąâŹâąinfini quĂąâŹâąil est en puissance parce quĂąâŹâąil pourrait avoir effectivement une existence sĂ©parĂ©e et individuelle, mais seulement parce quĂąâŹâąil peut ĂÂȘtre conçu comme tel par la pensĂ©e. En effet, cĂąâŹâąest parce que la division de lĂąâŹâąinfini ne peut jamais sĂąâŹâąarrĂÂȘter quĂąâŹâąon admet quĂąâŹâąun acte de ce genre est en puissance ; mais ce nĂąâŹâąest pas parce quĂąâŹâąil est sĂ©parĂ© rĂ©ellement. Jamais les actions qui ont une limite ne sont elles-mĂÂȘmes un but ; elles sont seulement des moyens pour arriver au but poursuivi. Par exemple, quand on cherche Ă se faire maigrir, cĂąâŹâąest la maigreur qui est le but. Mais, si les choses qui font maigrir sont bien alors dans une sorte de mouvement, elles ne sont pas cependant la fin que le mouvement doit atteindre ; cette tendance Ă la maigreur nĂąâŹâąest pas une action ; ou du moins, ce nĂąâŹâąest pas une action complĂšte, parce que cette action nĂąâŹâąest pas le but. Le but vĂ©ritable, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąaction oĂÂč est implicitement comprise la fin quĂąâŹâąon se propose. LĂąâŹâąaction est complĂšte, par exemple, quand on dit Ă Il voit, ou il a vu Ă» ; elle lĂąâŹâąest aussi quand on dit Ă Il rĂ©flĂ©chit, il pense, il a pensĂ©. Ă» Elle ne lĂąâŹâąest pas quand on dit Ă Il apprend, ou il a appris, Ă» pas plus quĂąâŹâąelle ne lĂąâŹâąest quand on dit Ă Il se guĂ©rit, ou il sĂąâŹâąest guĂ©ri ; il est heureux, ou il a Ă©tĂ© heureux ; il est bien, ou il a Ă©tĂ© bien. Ă» SĂąâŹâąil nĂąâŹâąen Ă©tait pas ainsi, il faudrait quĂąâŹâąon cessĂÂąt dĂąâŹâąĂÂȘtre ce quĂąâŹâąon est, comme cela a lieu quand on maigrit. Mais ici ce changement ne se produit pas ; on vit actuellement heureux, et lĂąâŹâąon a vĂ©cu heureux antĂ©rieurement. Aussi faut-il appeler ces phĂ©nomĂšnes, les uns des mouvements, les autres des actes. Tout mouvement est incomplet, comme le sont lĂąâŹâąamaigrissement, lĂąâŹâąĂ©tude, la marche, la construction. Ce sont lĂ nĂ©anmoins autant de mouvements ; mais ces mouvements sont incomplets ; car ce nĂąâŹâąest pas dans un seul et mĂÂȘme moment quĂąâŹâąon marche et quĂąâŹâąon a marchĂ©, quĂąâŹâąon bĂÂątit et quĂąâŹâąon a bĂÂąti, quĂąâŹâąon devient quelque chose et quĂąâŹâąon est devenu, quĂąâŹâąon meut ou quĂąâŹâąon a mĂ» soi-mĂÂȘme. Ăâ°videmment, cĂąâŹâąest un autre ĂÂȘtre qui meut, et un autre qui est mĂ». Au contraire, cĂąâŹâąest la mĂÂȘme chose quĂąâŹâąon peut tout Ă la fois voir et avoir vue, quĂąâŹâąon pense et quĂąâŹâąon a pensĂ©e. Ici, cĂąâŹâąest ce que jĂąâŹâąappelle un acte ; et lĂ , ce que jĂąâŹâąappelle un mouvement. DĂąâŹâąaprĂšs tout ce que nous venons de dire, et ce quĂąâŹâąon pourrait encore y ajouter, on doit se rendre assez bien compte de ce que cĂąâŹâąest que dĂąâŹâąĂÂȘtre en acte, dĂąâŹâąĂÂȘtre actuellement. Chapitre 7[modifier] Essayons de prĂ©ciser les cas oĂÂč lĂąâŹâąon peut dire dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est en puissance, et les cas oĂÂč elle nĂąâŹâąy est pas ; car elle ne peut pas y ĂÂȘtre Ă un moment quelconque indiffĂ©remment. [1049a] Par exemple, lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment de la terre est-il ou nĂąâŹâąest-il pas en puissance un homme ? La question pourrait surtout ĂÂȘtre faite quand lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment de la terre est changĂ© dĂ©jĂ en liqueur prolifique ; mais, mĂÂȘme dans ce cas, on ne saurait nier quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy ait tel moment oĂÂč cette transformation ne puisse pas encore avoir lieu. Il en est en ceci comme en mĂ©decine. Tout ĂÂȘtre sans exception ne peut pas ĂÂȘtre guĂ©ri par le mĂ©decin, pas plus quĂąâŹâąil ne lĂąâŹâąest au hasard ; mais il y a tel ĂÂȘtre qui peut guĂ©rir, et lĂąâŹâąon dit alors que cet ĂÂȘtre est guĂ©ri en puissance. Pour tout ce que la pensĂ©e peut faire passer de la simple puissance Ă la rĂ©alitĂ© actuelle et complĂšte, on peut dire quĂąâŹâąil suffit de le vouloir, pourvu toutefois quĂąâŹâąaucun obstacle extĂ©rieur ne sĂąâŹâąy oppose. Mais ici, pour reprendre lĂąâŹâąexemple de lĂąâŹâąĂÂȘtre qui est guĂ©ri, il faut que ce soit en lui quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy ait absolument rien qui sĂąâŹâąoppose Ă sa guĂ©rison. MĂÂȘme remarque quand on dit dĂąâŹâąune maison quĂąâŹâąelle est en puissance. Cela signifie quĂąâŹâąelle se rĂ©alisera, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien, dans celui qui lĂąâŹâąa conçue, ni dans la matiĂšre dont elle sera faite, qui sĂąâŹâąoppose Ă ce que la maison se produise ; et sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien, ni Ă ajouter, ni Ă retrancher, ni Ă changer, pour que la maison soit en puissance. On peut en dire encore autant de toutes les choses qui ont en dehors dĂąâŹâąelles-mĂÂȘmes le principe de leur production, et Ă©galement de celles qui, ayant ce principe intĂ©rieurement en elles, se rĂ©alisent, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąobstacle extĂ©rieur qui les en empĂÂȘche. Ainsi, la liqueur prolifique nĂąâŹâąest pas encore en puissance, puisque auparavant il faut quĂąâŹâąelle soit dĂ©posĂ©e dans un autre ĂÂȘtre, et quĂąâŹâąelle y subisse un changement. CĂąâŹâąest seulement lorsque, tout en conservant le mĂÂȘme principe, elle est dans le lieu oĂÂč elle doit ĂÂȘtre, quĂąâŹâąelle est alors rĂ©ellement en puissance ; et, pour quĂąâŹâąil en soit ainsi, il est besoin pour elle dĂąâŹâąun autre principe. On peut Ă©galement dire de la terre quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas encore la statue en puissance, puisquĂąâŹâąil faut que prĂ©alablement elle se change en airain. LĂąâŹâąobjet que nous dĂ©nommons nĂąâŹâąest pas, on peut dire, la chose mĂÂȘme ; mais il est fait de cette chose ; et, par exemple, le coffre nĂąâŹâąest pas bois, mais il est de bois ; de mĂÂȘme le bois nĂąâŹâąest pas terre, mais il est de terre. Si la terre Ă son tour nĂąâŹâąest pas, au mĂÂȘme titre, un objet diffĂ©rent, et si elle est elle-mĂÂȘme dĂ©nommĂ©e dĂąâŹâąaprĂšs un objet dĂąâŹâąoĂÂč elle sort, cĂąâŹâąest toujours cet objet ultĂ©rieur qui est absolument en puissance. Ainsi, le coffre nĂąâŹâąest pas en terre ; il nĂąâŹâąest pas terre non plus ; mais il est en bois. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąen effet le bois est coffre, en puissance ; il est la matiĂšre absolue du coffre pris lui-mĂÂȘme absolument ; de mĂÂȘme aussi que tel bois particulier est la matiĂšre de tel coffre particulier. SĂąâŹâąil y a un terme primitif, qui ne soit plus dĂ©nommĂ© par dĂ©rivation dĂąâŹâąaprĂšs une autre chose, et qui ne soit plus fait en cette chose, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąon est arrivĂ© Ă la matiĂšre premiĂšre. Si, par exemple, on dit que la terre est dĂąâŹâąair, et que lĂąâŹâąair ne soit pas le feu, mais quĂąâŹâąil soit fait de feu, le feu est alors la matiĂšre premiĂšre, en tant quĂąâŹâąil est tel objet individuel et telle substance. PrĂ©cisĂ©ment, ce qui fait la diffĂ©rence entre lĂąâŹâąuniversel et le sujet, cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąun est un objet particulier, et que lĂąâŹâąautre ne lĂąâŹâąest pas. Ainsi, par exemple, le sujet qui subit les modifications, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąhomme, son corps, son ĂÂąme ; et la modification, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąinstruction, la blancheur, etc. LĂąâŹâąinstruction pĂ©nĂ©trant dans le sujet, on ne dit pas que le sujet est lĂąâŹâąinstruction, mais on dit quĂąâŹâąil est instruit. On ne dit pas davantage que lĂąâŹâąhomme est la blancheur ; on dit quĂąâŹâąil est blanc ; pas plus quĂąâŹâąon ne dit quĂąâŹâąil est la marche et le mouvement ; mais on dit quĂąâŹâąil marche et quĂąâŹâąil se meut, comme on disait tout Ă lĂąâŹâąheure que lĂąâŹâąobjet est de telle ou telle chose. Dans tous les cas de ce genre, le terme dernier, cĂąâŹâąest la substance ; dans tous ceux qui ne sont pas de la substance, mais oĂÂč il sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąune certaine forme, et oĂÂč il y a un attribut spĂ©cial, le terme dernier est la matiĂšre et la substance matĂ©rielle. CĂąâŹâąest que lĂąâŹâąon a bien raison de dĂ©terminer lĂąâŹâąobjet, dont on dit quĂąâŹâąil est fait de telle chose, par la matiĂšre qui le compose et par les qualitĂ©s quĂąâŹâąil a ; car la matiĂšre et les qualitĂ©s quĂąâŹâąelle peut avoir [1049b] sont indĂ©terminĂ©es. En rĂ©sumĂ©, nous avons exposĂ© dans quels cas il faut dire quĂąâŹâąune chose est en puissance, et dans quels cas elle nĂąâŹâąy est pas. Chapitre 8[modifier] DĂąâŹâąaprĂšs ce que nous avons dit plus haut, sur les acceptions diverses du mot dĂąâŹâąAntĂ©rieur, on doit bien voir que lĂąâŹâąacte est antĂ©rieur Ă la puissance. Et quand je dis Puissance, je nĂąâŹâąentends pas parler uniquement de cette puissance dĂ©terminĂ©e que nous avons appelĂ©e le principe du changement dans un autre en tant quĂąâŹâąautre ; mais je veux parler, en gĂ©nĂ©ral, de tout principe quelconque de mouvement, ou dĂąâŹâąinertie. La nature en est aussi au mĂÂȘme point ; car elle appartient au mĂÂȘme genre que la puissance ; et elle aussi est un principe de mouvement. Seulement, ce nĂąâŹâąest pas dans un autre ; cĂąâŹâąest dans lĂąâŹâąĂÂȘtre lui-mĂÂȘme, en tant quĂąâŹâąil est ce quĂąâŹâąil est. Pour toute puissance ainsi entendue, lĂąâŹâąacte est antĂ©rieur, Ă la fois, pour la raison et substantiellement. Sous le rapport du temps, lĂąâŹâąacte est tantĂÂŽt antĂ©rieur, et tantĂÂŽt, il ne lĂąâŹâąest pas. Il est facile de voir que, au point de vue de la raison, lĂąâŹâąacte est antĂ©rieur Ă la puissance ; car lĂąâŹâąidĂ©e premiĂšre de puissance sĂąâŹâąattache exclusivement Ă ce qui est en Ă©tat de passer Ă lĂąâŹâąacte. En effet, on nĂąâŹâąappelle Constructeur que celui qui est en Ă©tat de pouvoir construire ; on nĂąâŹâąappelle Voyant que celui qui peut voir ; Visible, que ce qui peut ĂÂȘtre vu ; et ainsi de mĂÂȘme pour tout le reste. Par consĂ©quent, la notion rationnelle de lĂąâŹâąacte est nĂ©cessairement antĂ©rieure Ă celle de puissance ; et la connaissance de lĂąâŹâąacte est nĂ©cessairement aussi antĂ©rieure Ă la connaissance du possible. Sous le rapport du temps, voici comment lĂąâŹâąacte est antĂ©rieur Ă la puissance ; cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąĂÂȘtre qui produit un autre ĂÂȘtre, identique en espĂšce, si ce nĂąâŹâąest numĂ©riquement, est antĂ©rieur Ă cet ĂÂȘtre. Je veux dire que, relativement Ă cet homme individuel qui existe actuellement, relativement Ă ce pain que jĂąâŹâąai sous les yeux, relativement Ă ce cheval, relativement Ă cet ĂÂȘtre qui voit, la matiĂšre, le blĂ© et lĂąâŹâąĂÂȘtre capable de voir sont chronologiquement antĂ©rieurs. Les Ă©lĂ©ments qui, en puissance, sont dĂ©jĂ lĂąâŹâąhomme, le pain et lĂąâŹâąĂÂȘtre voyant, nĂąâŹâąexistent pas encore en acte et en fait. Mais il y a dĂąâŹâąautres ĂÂȘtres actuels dĂąâŹâąoĂÂč ils sont sortis et qui, sous le rapport du temps, doivent les avoir prĂ©cĂ©dĂ©s ; car, si toujours cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąĂÂȘtre en puissance que vient lĂąâŹâąĂÂȘtre en acte, ce nĂąâŹâąest que grĂÂące Ă lĂąâŹâąinfluence prĂ©alable dĂąâŹâąun ĂÂȘtre qui lui-mĂÂȘme est en acte Ă©galement. Ainsi, un homme vient dĂąâŹâąun homme, le musicien vient du musicien, quelque agent primitif Ă©tant toujours la cause du mouvement, et le moteur devant toujours exister antĂ©rieurement en acte. Dans nos Ă©tudes sur la substance, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que tout phĂ©nomĂšne, qui se produit, vient de quelque chose sous lĂąâŹâąaction de quelque chose, et que la chose produite doit ĂÂȘtre dĂąâŹâąune espĂšce identique Ă la cause dĂąâŹâąoĂÂč elle sort. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait quĂąâŹâąil semble impossible dĂąâŹâąĂÂȘtre constructeur, si lĂąâŹâąon nĂąâŹâąa dĂ©jĂ rien construit, dĂąâŹâąĂÂȘtre joueur de lyre, si lĂąâŹâąon nĂąâŹâąa dĂ©jĂ jouĂ© de la lyre, puisque celui qui apprend Ă jouer de la lyre apprend Ă en jouer en en jouant. Et de mĂÂȘme pour tous les artistes. De lĂ , est venue cette assertion sophistique, Ă savoir quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas besoin de possĂ©der une science pour faire tout ce que cette science doit enseigner ; car, dit-on, celui qui apprend une chose ne la possĂšde point. Sans doute ; mais comme, pour tout phĂ©nomĂšne qui se produit, il faut un phĂ©nomĂšne qui lĂąâŹâąait prĂ©cĂ©dĂ©, et comme, pour tout ce qui se meut, en gĂ©nĂ©ral il y a un mouvement antĂ©rieur, principe qui a Ă©tĂ© prouvĂ© dans notre TraitĂ© du Mouvement, [1050a] il sĂąâŹâąensuit que, mĂÂȘme lorsquĂąâŹâąon apprend une chose, on la sait dĂ©jĂ en partie nĂ©cessairement. Ainsi donc, ces considĂ©rations nous montrent encore quĂąâŹâąĂ ce point de vue lĂąâŹâąacte est antĂ©rieur Ă la puissance, sous le rapport de la gĂ©nĂ©ration et du temps. Mais il ne lĂąâŹâąest pas moins sous le rapport de la substance. DĂąâŹâąabord, on peut remarquer que les ĂÂȘtres qui sont postĂ©rieurs en gĂ©nĂ©ration sont, au contraire, antĂ©rieurs par lĂąâŹâąespĂšce et par la substance. Ainsi, lĂąâŹâąhomme fait est antĂ©rieur Ă lĂąâŹâąenfant ; lĂąâŹâąhomme est antĂ©rieur au germe dĂąâŹâąoĂÂč il vient ; car lĂąâŹâąun a la forme, que lĂąâŹâąautre nĂąâŹâąa pas encore. CĂąâŹâąest que tout phĂ©nomĂšne qui se produit tend, et se dirige, vers un principe et vers une fin. Le principe, cĂąâŹâąest le pourquoi de la chose, et la production nĂąâŹâąa lieu quĂąâŹâąen vue de la fin poursuivie. Or, cette fin, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąacte ; et la puissance nĂąâŹâąest comprĂ©hensible quĂąâŹâąen vue de lĂąâŹâąacte. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąen effet ce nĂąâŹâąest pas pour avoir la vue que les animaux voient ; mais, au contraire, ils ont la vue afin de voir. De mĂÂȘme, on ne possĂšde la facultĂ© de construire que pour construire effectivement ; on nĂąâŹâąa la facultĂ© de spĂ©culer scientifiquement que pour se livrer Ă la spĂ©culation ; mais on ne spĂ©cule pas la facultĂ© de spĂ©culer, Ă moins quĂąâŹâąon nĂąâŹâąen soit encore Ă sĂąâŹâąexercer. Or, de ceux mĂÂȘme qui sĂąâŹâąexercent Ă la spĂ©culation scientifique, on ne peut pas dire encore quĂąâŹâąils spĂ©culent, si ce nĂąâŹâąest dĂąâŹâąune certaine façon ; et ils nĂąâŹâąont pas mĂÂȘme besoin de spĂ©culer pour se livrer Ă leur Ă©tude. Quant Ă la matiĂšre, elle est aussi en puissance, puisquĂąâŹâąelle peut arriver Ă la forme ; mais lorsquĂąâŹâąelle est en acte, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąelle est dĂ©jĂ douĂ©e de la forme quĂąâŹâąelle doit avoir. De mĂÂȘme encore pour toutes les autres choses, mĂÂȘme pour celles dont la fin propre est un mouvement. Aussi, la nature agit-elle absolument comme ces maĂtres qui, aprĂšs sĂąâŹâąĂÂȘtre assurĂ©s que leurs Ă©lĂšves sont effectivement savants, pensent avoir atteint leur but. Si les choses, en effet, ne se passaient point ainsi, on retrouverait ici lĂąâŹâąHermĂšs de Pauson ; et pas plus pour la science que pour cette statue, on ne saurait si elle est dedans ou dehors. CĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ âuvre qui est ici la fin ; et lĂąâŹâąacte, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ âuvre mĂÂȘme, lĂąâŹâąĂ âuvre actuelle. VoilĂ comment le mot mĂÂȘme dĂąâŹâąActe est tirĂ© de lĂąâŹâąaction qui exĂ©cute lĂąâŹâąĂ âuvre, et quĂąâŹâąil exprime la tendance Ă la rĂ©alisation complĂšte de la chose. Il y a des cas oĂÂč la fin derniĂšre est lĂąâŹâąusage ; et cĂąâŹâąest ainsi que la fin de la vue, cĂąâŹâąest la vision, lĂąâŹâąorgane de la vue nĂąâŹâąayant pas dĂąâŹâąautre fonction possible que la vision mĂÂȘme. Dans dĂąâŹâąautres cas, il y a quelque chose de produit en dehors de lĂąâŹâąacte ; ainsi, pour la facultĂ© de construire, il se produit la maison, outre lĂąâŹâąacte mĂÂȘme qui la construit. Dans le cas de la vision, il nĂąâŹâąy en a pas moins une fin ; mais dans le cas de la maison Ă©difiĂ©e, la fin est plus marquĂ©e que la puissance. Ainsi, lĂąâŹâąaction de construire se manifeste dans la chose construite ; cette action se produit, et elle existe, en mĂÂȘme temps que la maison. Donc, toutes les fois quĂąâŹâąil se produit quelque rĂ©alitĂ©, en dehors mĂÂȘme de lĂąâŹâąusage de la facultĂ©, lĂąâŹâąacte se montre dans la chose qui a Ă©tĂ© faite, comme lĂąâŹâąacte de bĂÂątir se montre dans le bĂÂątiment, comme le tissage se montre dans le tissu. Il en est de mĂÂȘme pour une foule dĂąâŹâąautres choses, et lĂąâŹâąon peut dire, dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, que le mouvement se montre dans le mobile qui est mĂ». Mais, pour les choses oĂÂč il ne se produit pas une oeuvre qui subsiste en dehors de lĂąâŹâąacte mĂÂȘme, lĂąâŹâąacte est tout entier dans les ĂÂȘtres exclusivement. CĂąâŹâąest ainsi que la vision est dans celui qui voit ; la spĂ©culation est dans lĂąâŹâąesprit de celui qui spĂ©cule, comme la vie est dans PĂ»mes On peut mĂÂȘme en dire autant du bonheur ; [1050b] car il est aussi une vie, et une vie dĂąâŹâąun certain genre. Par consĂ©quent, il est de toute Ă©vidence que la substance et la forme sont une sorte dĂąâŹâąacte. Mais ce quĂąâŹâąil faut conclure non moins clairement de ces considĂ©rations, cĂąâŹâąest que substantiellement lĂąâŹâąacte est antĂ©rieur Ă la puissance, et quĂąâŹâąainsi que nous lĂąâŹâąavons dĂ©montrĂ©, il y a toujours un acte qui chronologiquement est antĂ©rieur Ă un autre, jusquĂąâŹâąĂ ce quĂąâŹâąon arrive enfin Ă lĂąâŹâąacte mĂÂȘme du moteur premier et Ă©ternel. Ce qui prouve peut-ĂÂȘtre encore mieux la vĂ©ritĂ© de ce que nous disons sur la supĂ©rioritĂ© de lĂąâŹâąacte, cĂąâŹâąest que les choses Ă©ternelles sont, sous le rapport de la substance, antĂ©rieures aux choses pĂ©rissables, et que rien de ce qui est Ă©ternel nĂąâŹâąest en puissance. Et en voici la raison. Toute puissance comprend Ă la fois les deux termes de la contradiction ; car ce qui ne peut pas ĂÂȘtre ne saurait appartenir Ă quoi que ce soit. Mais tout ce qui est possible peut aussi nĂąâŹâąĂÂȘtre pas en acte. Donc, ce qui est simplement possible peut ĂÂȘtre ou nĂąâŹâąĂÂȘtre pas ; et, de cette maniĂšre, une mĂÂȘme chose peut ĂÂȘtre et ne pas ĂÂȘtre. DĂšs lors, il est trĂšs possible que ce qui peut ne pas ĂÂȘtre ne soit point. Or, ce qui peut nĂąâŹâąĂÂȘtre point est pĂ©rissable, ou dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, ou de cette façon oĂÂč nous disons de lui quĂąâŹâąil peut ne pas ĂÂȘtre, ou relativement au lieu, ou Ă la quantitĂ©, ou Ă la qualitĂ©. Mais il est pĂ©rissable absolument lorsquĂąâŹâąil est pĂ©rissable dans sa substance mĂÂȘme. Ainsi, il nĂąâŹâąy a jamais de chose absolument impĂ©rissable qui puisse ĂÂȘtre absolument en puissance ; mais rien ne sĂąâŹâąoppose Ă ce quĂąâŹâąelle soit en puissance Ă certains Ă©gards, par exemple, sous le rapport de la qualitĂ© ou du lieu. Toutes les choses Ă©ternelles sont donc actuelles. Quant aux choses nĂ©cessaires, elles ne peuvent pas non plus ĂÂȘtre en puissance, puisque ce sont lĂ les principes premiers, et que si les principes nĂąâŹâąexistaient pas, rien ne pourrait exister sans eux. A plus forte raison, le mouvement nĂąâŹâąa-t-il pas la puissance dĂąâŹâąĂÂȘtre ou de nĂąâŹâąĂÂȘtre pas, sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąun mouvement Ă©ternel ; et sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąun mobile qui soit Ă©ternellement mĂ», ce nĂąâŹâąest pas non plus en puissance quĂąâŹâąil est mĂ», si ce nĂąâŹâąest pour le point dĂąâŹâąoĂÂč il part, et pour celui oĂÂč il se dirige. Rien nĂąâŹâąempĂÂȘche dĂąâŹâąailleurs que sa matiĂšre ne soit en puissance. CĂąâŹâąest ainsi que le soleil, les astres et le ciel entier sont toujours en acte ; et il nĂąâŹâąest pas Ă craindre que ce mouvement doive sĂąâŹâąarrĂÂȘter jamais, comme le redoutent les philosophes de la nature. Ces grands corps ne se fatiguent pas de leur action ; car, pour eux, le mouvement nĂąâŹâąest pas, comme pour les ĂÂȘtres pĂ©rissables, subordonnĂ© Ă la possibilitĂ© de la contradiction, qui pourrait leur rendre fatigante la continuitĂ© de leur mouvement. CĂąâŹâąest, en effet, quand la substance dĂąâŹâąune chose est matiĂšre et puissance, et quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas en acte, que cette dĂ©faillance peut avoir lieu. Mais les corps mĂÂȘme qui sont sujets au changement, comme la terre et le feu, se rapprochent des corps impĂ©rissables, et ils les imitent. En effet la terre et le feu sont toujours en acte, parce quĂąâŹâąils ont en soi, et par eux-mĂÂȘmes, le mouvement qui les anime. Quant aux autres puissances, elles supposent toutes, dĂąâŹâąaprĂšs ce que nous en avons dit, lĂąâŹâąalternative des contraires ; car ce qui peut produire telle sorte de mouvement peut aussi ne pas le produire. CĂąâŹâąest lĂ ce qui se passe dans les cas oĂÂč la raison peut intervenir ; mais, quant aux puissances irrationnelles, il faut quĂąâŹâąelles soient prĂ©sentes, ou ne le soient pas, pour dĂ©terminer lĂąâŹâąun ou lĂąâŹâąautre contraire, tout en restant les mĂÂȘmes. Si donc il y avait des natures, ou des substances, du genre de celles quĂąâŹâąimaginent les partisans par trop logiques des IdĂ©es, il y aurait un ĂÂȘtre possĂ©dant la science plutĂÂŽt quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy aurait de science en soi ; il existerait un ĂÂȘtre qui serait mĂ» plutĂÂŽt quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy aurait de mouvement en soi ; car ces ĂÂȘtres seraient alors bien davantage des actes et des rĂ©alitĂ©s, [1051a] tandis que la science et le mouvement nĂąâŹâąen seraient que des puissances. Concluons donc que lĂąâŹâąacte est Ă©videmment antĂ©rieur Ă la puissance, et Ă tout principe qui peut produire un changement quelconque. Chapitre 9[modifier] LĂąâŹâąacte dĂąâŹâąune puissance louable et bonne est toujours meilleur et plus louable quĂąâŹâąelle ; voici ce qui le prouve. Tout ce qui nĂąâŹâąest quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąĂ©tat de simple puissance peut rĂ©aliser Ă©garement les contraires. Ainsi, lĂąâŹâąĂÂȘtre dont on dit quĂąâŹâąil peut ĂÂȘtre en santĂ©, est aussi le mĂÂȘme ĂÂȘtre qui peut ĂÂȘtre malade ; et il a ces deux possibilitĂ©s Ă la fois ; car cĂąâŹâąest une seule et mĂÂȘme puissance que celle de se bien porter ou dĂąâŹâąĂÂȘtre malade, dĂąâŹâąĂÂȘtre en repos ou en mouvement, de bĂÂątir la maison ou de lĂąâŹâąabattre, dĂąâŹâąĂÂȘtre bĂÂątie ou dĂąâŹâąĂÂȘtre abattue. Ainsi, la facultĂ© de pouvoir les contraires est simultanĂ©e. Mais ce qui est impossible, cĂąâŹâąest que les contraires eux-mĂÂȘmes le soient. Les actes ne peuvent pas coexister davantage, attendu quĂąâŹâąon ne peut pas, par exemple, ĂÂȘtre tout Ă la fois malade et bien portant. Il y a donc nĂ©cessitĂ© que lĂąâŹâąun de ces contraires soit le bien ; mais la puissance sĂąâŹâąapplique indiffĂ©remment aux deux Ă la fois, ou ne sĂąâŹâąapplique mĂÂȘme Ă aucun des deux. LĂąâŹâąacte est donc au-dessus de la puissance. Par une suite nĂ©cessaire, quand il sĂąâŹâąagit du mal, lĂąâŹâąaccomplissement de la chose et lĂąâŹâąacte valent moins que la simple puissance ; car le pouvoir comprend Ă la fois les deux contraires. Le mal nĂąâŹâąexiste donc pas indĂ©pendamment des choses rĂ©elles ; car le mal est par sa nature postĂ©rieure Ă la puissance. Aussi, dans les choses de principes comme dans les choses Ă©ternelles, nĂąâŹâąy a-t-il point de mal, point de faute, point de corruption ; car la corruption fait certainement partie du mal. CĂąâŹâąest aussi par lĂąâŹâąactualitĂ© et la rĂ©alisation quĂąâŹâąon trouve les propriĂ©tĂ©s des figures gĂ©omĂ©triques, puisque cĂąâŹâąest en divisant ces figures quĂąâŹâąon arrive Ă comprendre leurs propriĂ©tĂ©s. Si elles Ă©taient toujours dĂ©composĂ©es, elles seraient toujours dĂąâŹâąune pleine Ă©vidence ; mais, quand elles ne sont pas dĂ©composĂ©es, elles ne sont Ă©videntes quĂąâŹâąen puissance. Par exemple, pourquoi le triangle a-t-il ses angles Ă©gaux Ă deux droits ? CĂąâŹâąest que tous les angles faits dĂąâŹâąun seul cĂÂŽtĂ© dĂąâŹâąune mĂÂȘme ligne Ă©quivalent Ă deux droits. Si lĂąâŹâąon Ă©lĂšve une droite sur un cĂÂŽtĂ© du triangle, il suffit dĂąâŹâąun coup dĂąâŹâąĂ âil pour que sur-le-champ la dĂ©monstration soit de toute Ă©vidence. Pourquoi lĂąâŹâąangle inscrit dans le demi-cercle est-il toujours un angle droit ? CĂąâŹâąest que, dĂšs quĂąâŹâąon remarque que les trois lignes sont Ă©gales, deux qui sont la base et une perpendiculaire Ă©levĂ©e du centre, on voit immĂ©diatement la solution, pour peu quĂąâŹâąon sache de gĂ©omĂ©trie. Par consĂ©quent, il est de toute Ă©vidence que cĂąâŹâąest en rĂ©alisant les choses qui ne sont quĂąâŹâąen puissance, quĂąâŹâąon arrive Ă les comprendre ; et cela tient Ă ce que la pensĂ©e est un acte de rĂ©alisation. Donc, en rĂ©sumĂ©, la puissance vient de lĂąâŹâąacte ; et cĂąâŹâąest pour cela quĂąâŹâąon connaĂt les choses en les faisant. LĂąâŹâąacte considĂ©rĂ© numĂ©riquement est, dĂąâŹâąailleurs, postĂ©rieur Ă la puissance, sous le point de vue de la production. Chapitre 10[modifier] Parmi les acceptions diverses oĂÂč lĂąâŹâąon prend lĂąâŹâąĂĆ tre et le Non-ĂÂȘtre, exprimĂ©s, tantĂÂŽt selon les formes des catĂ©gories, et tantĂÂŽt selon la puissance ou lĂąâŹâąacte de ces formes, ou selon les contraires, [1051b] lĂąâŹâąĂĆ tre, pris dans son acception Ă©minente, cĂąâŹâąest le vrai ou le faux. Or, la vĂ©ritĂ©, ou lĂąâŹâąerreur, pour les choses ne consiste quĂąâŹâąĂ les rĂ©unir, ou Ă les diviser. On est dans le vrai, si lĂąâŹâąon pense que de qui est divisĂ© est divisĂ©, que ce qui est rĂ©uni est rĂ©uni ; on est dans le faux, quand on a une pensĂ©e qui est le contraire de ce que les choses sont, ou ne sont pas ; et ce quĂąâŹâąon dit alors est vrai ou faux. Expliquons ce que nous entendons par lĂ . Ce nĂąâŹâąest pas, parce que nous croyons sincĂšrement que vous ĂÂȘtes blanc, que vous lĂąâŹâąĂÂȘtes ; au contraire, parce que vous ĂÂȘtes rĂ©ellement blanc, en lĂąâŹâąaffirmant nous sommes dans le vrai. Comme il y a Ă©videmment des choses qui sont toujours rĂ©unies et ne peuvent ĂÂȘtre sĂ©parĂ©es, que dĂąâŹâąautres sont toujours sĂ©parĂ©es et ne peuvent ĂÂȘtre rĂ©unies, que dĂąâŹâąautres encore peuvent ĂÂȘtre les deux contraires, ĂĆ tre, cĂąâŹâąest ĂÂȘtre composĂ© et ĂÂȘtre Un ; NĂąâŹâąĂÂȘtre pas, cĂąâŹâąest ne pas ĂÂȘtre composĂ© et ĂÂȘtre plusieurs. Il sĂąâŹâąensuit que, pour les choses qui peuvent ĂÂȘtre, ou ne pas ĂÂȘtre, le mĂÂȘme jugement devient vrai ou faux ; la mĂÂȘme Ă©nonciation le devient Ă©galement ; et Ă cet Ă©gard, on est indiffĂ©remment, tantĂÂŽt dans le vrai, tantĂÂŽt dans le faux. Mais pour les choses qui ne peuvent ĂÂȘtre autrement quĂąâŹâąelles ne sont, il nĂąâŹâąy a pas, tantĂÂŽt vĂ©ritĂ©, tantĂÂŽt erreur ; les jugements concernant ces choses-lĂ sont toujours vrais et toujours faux. Quant Ă celles qui ne sont pas combinĂ©es, quĂąâŹâąentend-on pour elles par ĂÂȘtre, ou nĂąâŹâąĂÂȘtre pas ? Pour elles, quĂąâŹâąest-ce que le vrai et le faux ? Le composĂ© nĂąâŹâąexistant pas, il nĂąâŹâąest plus possible de dire que la chose est, quand il y a combinaison, et quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas, quand il y a sĂ©paration, comme on dit que le bois est blanc, ou que le diamĂštre est incommensurable. CĂąâŹâąest que, pour les choses de ce genre, le vrai et le faux ne sont plus ce quĂąâŹâąils sont pour les autres. Mais ne peut-on pas croire que, de mĂÂȘme que la vĂ©ritĂ© est diffĂ©rente pour ses choses, lĂąâŹâąĂĆ tre varie Ă©galement ? Il nĂąâŹâąen est pas moins certain que lĂ aussi, dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ© est le vrai, et de lĂąâŹâąautre cĂÂŽtĂ©, est le faux. Mais percevoir ces choses et les Ă©noncer, voilĂ le vrai dans ce cas ; car il ne faut pas confondre lĂąâŹâąaffirmation et la simple Ă©nonciation ; et ne pas les percevoir, cĂąâŹâąest les ignorer. ici, il ne peut pas y avoir dĂąâŹâąerreur sur lĂąâŹâąexistence de la chose, si ce nĂąâŹâąest indirectement. Il en est absolument de mĂÂȘme pour les substances non combinĂ©es ; Ă leur Ă©gard, il nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąerreur possible, puisquĂąâŹâąelles sont toutes en acte et non pas en puissance. Autrement, elles pourraient se produire et se dĂ©truire ; mais, en ce moment, lĂąâŹâąĂÂȘtre mĂÂȘme ne se produit pas et il ne pĂ©rit pas non plus, parce que alors il devrait venir de quelque autre ĂÂȘtre. Ainsi, pour les choses qui existent individuellement et actuellement, il nĂąâŹâąy a pas de chance possible dĂąâŹâąerreur. Seulement, on les pense, ou on ne les pense pas ; pour elles, on examine uniquement ce quĂąâŹâąelles sont, cĂąâŹâąest-Ă -dire si elles sont, ou ne sont pas, telles ou telles choses. Quand lĂąâŹâąĂĆ tre est pris pour le vrai et que le Non-ĂÂȘtre est pris pour le faux, il y a, dĂąâŹâąune part, vĂ©ritĂ©, si lĂąâŹâąon rĂ©unit convenablement les choses ; il y a erreur, si on ne les rĂ©unit pas convenablement. Mais quant Ă lĂąâŹâąĂÂȘtre Un, sĂąâŹâąil est, il est telle chose ; ou sĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas telle chose, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas du tout. [1052a] La vĂ©ritĂ©, cĂąâŹâąest la pensĂ©e quĂąâŹâąon en a ; mais le faux nĂąâŹâąest pas possible non plus que lĂąâŹâąerreur ; cĂąâŹâąest une pure ignorance, qui ne ressemble pas dĂąâŹâąailleurs Ă la cĂ©citĂ© ; car, pour que ce fĂ»t de la cĂ©citĂ©, il faudrait quĂąâŹâąon ne possĂ©dĂÂąt mĂÂȘme pas la facultĂ© de lĂąâŹâąentendement. Il est encore Ă©vident que, pour les choses qui sont immobiles, il ne peut jamais y avoir une erreur de temps, du moment quĂąâŹâąon admet leur immobilitĂ©. Ainsi, on ne sĂąâŹâąimaginera jamais, Ă moins quĂąâŹâąon ne suppose au triangle la possibilitĂ© de changer, que tantĂÂŽt il a, et tantĂÂŽt nĂąâŹâąa pas, ses angles Ă©gaux Ă deux droits, puisque alors il faudrait quĂąâŹâąil changeĂÂąt. Tout ce quĂąâŹâąon peut croire de la chose immobile, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąelle est ou quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas. Par exemple, on croira que jamais aucun nombre pair ne peut ĂÂȘtre premier ; ou bien, on croira que tels nombres pairs sont premiers, et que tels autres ne le sont pas. Mais cette incertitude nĂąâŹâąest pas mĂÂȘme possible pour lĂąâŹâąĂÂȘtre qui est Un numĂ©riquement, puisque ici lĂąâŹâąon ne peut plus penser quĂąâŹâąune partie existe, et que lĂąâŹâąautre partie nĂąâŹâąexiste pas. On sera seulement, ou dans le vrai, ou dans le faux, dĂšs quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąune chose qui reste toujours ce quĂąâŹâąelle est. Livre 10 Chapitre 1[modifier] Dans ce que nous avons dit plus haut des acceptions diverses de certains mots, nous avons Ă©tabli que le mot dĂąâŹâąUnitĂ© a des significations multiples. Parmi ces significations diverses, il est quatre nuances que nous avons particuliĂšrement distinguĂ©es, comme exprimant lĂąâŹâąunitĂ© dĂąâŹâąune maniĂšre primordiale et essentielle, et non dĂąâŹâąune façon accidentelle et indirecte. Ainsi, lĂąâŹâąon appelle Un tout ce qui est continu, ou dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, ou qui du moins lĂąâŹâąest Ă©minemment par sa nature propre, et non point seulement par un simple contact ou par un simple lien. Parmi les continus eux-mĂÂȘmes, celui-lĂ est plus Un et est antĂ©rieur aux autres continus, dont le mouvement est le plus indivisible et le moins complexe. On appelle encore Un, et Ă plus juste titre, ce qui compose un tout, et prĂ©sente une certaine forme et une certaine figure, surtout si lĂąâŹâąĂÂȘtre a cette totalitĂ© par sa nature particuliĂšre, et quĂąâŹâąil ne lĂąâŹâąait pas forcĂ©ment, comme le ferait un collage, un clou, un nĂ âud, mais quĂąâŹâąil porte en lui-mĂÂȘme la cause de sa continuitĂ©. Pour quĂąâŹâąil en soit ainsi, il faut que le mouvement de ce continu soit unique et indivisible, dans lĂąâŹâąespace et dans le temps. Par consĂ©quent, quand un objet a naturellement en lui-mĂÂȘme la cause premiĂšre de son mouvement premier, par exemple, en fait de translation, la cause dĂąâŹâąun mouvement circulaire, il est clair que cet objet-lĂ est une grandeur Une, dans lĂąâŹâąacception primordiale de ce mot. Ainsi donc, il y a des choses qui sont Unes Ă la façon dont nous venons de parler, ou comme continu, ou comme tout ; mais il y a aussi des choses qui sont Unes, parce quĂąâŹâąelles reçoivent une seule et mĂÂȘme dĂ©finition. Or, les choses qui ont une dĂ©finition identique sont celles dont la notion rationnelle est Une, cĂąâŹâąest-Ă -dire, dont la notion est indivisible ; et il nĂąâŹâąy a de notion indivisible que pour ce qui est indivisible en espĂšce ou en nombre. LĂąâŹâąindivisible numĂ©rique est lĂąâŹâąĂÂȘtre particulier individuel ; lĂąâŹâąindivisible en espĂšce est ce qui est indivisible dans lĂąâŹâąobjet connu, et pour la science qui le connaĂt. Donc, lĂąâŹâąunitĂ© premiĂšre peut se dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment Ce qui, dans les ĂÂȘtres substantiels, est cause de lĂąâŹâąunitĂ© quĂąâŹâąils prĂ©sentent. VoilĂ donc les acceptions principales du mot dĂąâŹâąUnitĂ©. CĂąâŹâąest dĂąâŹâąabord le continu, qui lĂąâŹâąest par sa nature propre ; puis, cĂąâŹâąest le Tout ; puis encore, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąindividu, et enfin lĂąâŹâąuniversel. Pour que toutes ces unitĂ©s soient bien des unitĂ©s, il faut, pour les unes, que leur mouvement soit indivisible, et, pour les autres, que ce soit leur notion, ou leur dĂ©finition, qui ne puisse pas ĂÂȘtre divisĂ©e. [1052b] On remarquera, dĂąâŹâąailleurs, quĂąâŹâąon ne doit jamais confondre les objets quĂąâŹâąon appelle Uns avec lĂąâŹâąessence mĂÂȘme de lĂąâŹâąunitĂ© et sa dĂ©finition. LĂąâŹâąUn a toutes les acceptions que nous avons Ă©numĂ©rĂ©es ; et tout ĂÂȘtre est appelĂ© Un, du moment quĂąâŹâąon peut lui appliquer une de ces nuances. Mais lĂąâŹâąessence, ou dĂ©finition, de lĂąâŹâąunitĂ© sĂąâŹâąapplique, tantĂÂŽt Ă une des nuances Ă©numĂ©rĂ©es plus haut, tantĂÂŽt Ă tout autre objet qui se rapprocherait encore davantage du mot dĂąâŹâąUnitĂ©, tandis que les autres ne sont Uns quĂąâŹâąen puissance. Il en est ici comme des mots dĂąâŹâąĂâ°lĂ©ment et de Cause, selon quĂąâŹâąon sĂąâŹâąĂ©tudie, soit Ă dĂ©finir les choses rĂ©elles qui sont des causes ou des Ă©lĂ©ments, soit, Ă dĂ©finir simplement ces deux noms. Ainsi, en un sens le feu est un Ă©lĂ©ment ; et peut-ĂÂȘtre lĂąâŹâąinfini, ou quelque chose dĂąâŹâąanalogue, est-il aussi lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment en soi ; mais, en un autre sens, le feu nĂąâŹâąest pas lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment. En effet, lĂąâŹâąessence du feu et lĂąâŹâąessence de lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment ne sont pas identiques. Le feu est un Ă©lĂ©ment, en tant quĂąâŹâąil est une certaine chose rĂ©elle et une certaine nature ; mais le nom mĂÂȘme dĂąâŹâąĂâ°lĂ©ment signifie que le feu reçoit cet attribut, parce que le feu en est composĂ©, comme de son primitif intrinsĂšque. MĂÂȘme observation pour les mots de Cause, dĂąâŹâąUnitĂ©, et tous autres mots analogues. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait quĂąâŹâąon peut dire quĂąâŹâąĂÂȘtre essentiellement Un, cĂąâŹâąest ĂÂȘtre indivisible, cĂąâŹâąest ĂÂȘtre un objet rĂ©el, insĂ©parable, soit Ă lĂąâŹâąĂ©gard du lieu, soit Ă lĂąâŹâąĂ©gard de la forme, soit par la pensĂ©e, soit mĂÂȘme comme formant un tout et un ĂÂȘtre dĂ©fini. Mais, par-dessus tout, lĂąâŹâąUnitĂ© est ce qui constitue la mesure premiĂšre des choses en chaque genre, et Ă©minemment, dans le genre de la quantitĂ© ; car cĂąâŹâąest de lĂ que la notion dĂąâŹâąUnitĂ© sĂąâŹâąest Ă©tendue Ă tout le reste, puisque cĂąâŹâąest par la mesure que la quantitĂ© se rĂ©vĂšle. La quantitĂ©, en tant que quantitĂ©, se fait connaĂtre, soit par lĂąâŹâąunitĂ©, soit par le nombre ; et cĂąâŹâąest par lĂąâŹâąunitĂ© quĂąâŹâąun nombre quelconque est connu. Par consĂ©quent, toute quantitĂ©, en tant que quantitĂ©, est apprĂ©ciĂ©e au moyen de lĂąâŹâąunitĂ© ; et le primitif qui fait connaĂtre la quantitĂ© est prĂ©cisĂ©ment lĂąâŹâąunitĂ© mĂÂȘme. VoilĂ pourquoi cĂąâŹâąest lĂąâŹâąunitĂ© qui est le principe du nombre, en tant que nombre. De lĂ vient aussi que, dans toutes les autres choses, on appelle mesure ce qui les fait primitivement connaĂtre ; et la mesure de chaque chose en particulier est lĂąâŹâąunitĂ©, soit en longueur, soit en largeur, en profondeur, en poids, en vitesse. Le poids et la vitesse sĂąâŹâąappliquent indiffĂ©remment aux contraires, attendu que chacun de ces termes peut avoir deux sens. Pesant, par exemple, signifie tout Ă la fois, et ce qui a de la pesanteur dĂąâŹâąune façon gĂ©nĂ©rale, et ce qui a une plus grande pesanteur. De mĂÂȘme aussi, la vitesse est appliquĂ©e Ă ce qui a un mouvement de vitesse quelconque, et Ă ce qui a un mouvement de plus grande vitesse. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąen effet le corps qui a un mouvement plus lent a encore quelque vitesse, et que le plus lĂ©ger des corps a nĂ©anmoins aussi quelque pesanteur. Dans tout cela, la mesure, ou le principe, est toujours quelque chose qui est Un et indivisible. Et, par exemple, dans les mesures linĂ©aires, cĂąâŹâąest le pied qui est considĂ©rĂ© comme insĂ©cable, parce quĂąâŹâąen toutes espĂšces de choses, la mesure quĂąâŹâąon cherche est une chose Une et indivisible ; en dĂąâŹâąautres termes, une chose simple et absolue, soit en qualitĂ©, soit en quantitĂ©. La mesure Ă laquelle il paraĂt quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien Ă enlever, rien Ă ajouter, voilĂ la mesure exacte. Aussi est-ce particuliĂšrement la mesure du nombre qui est de la plus grande exactitude, [1053a] puisquĂąâŹâąon admet que lĂąâŹâąunitĂ© numĂ©rique est absolument indivisible Ă tous les points de vue ; et que, dans tout le reste, on ne fait guĂšre quĂąâŹâąimiter et reproduire lĂąâŹâąunitĂ© de nombre. En effet, sur la longueur dĂąâŹâąun stade, sur le poids dĂąâŹâąun talent, et gĂ©nĂ©ralement sur une quantitĂ© plus grande, une addition ou un retranchement peuvent se dissimuler bien mieux que sur une quantitĂ© moindre. Ainsi, lĂąâŹâąon prend toujours pour mesure ce Ă quoi on ne peut primitivement, ni rien ĂÂŽter, ni rien ajouter, sans quĂąâŹâąaussitĂÂŽt les sens ne sĂąâŹâąen aperçoivent, soit pour les matiĂšres liquides, soit pour les matiĂšres sĂšches, soit pour les poids, soit pour les Ă©tendues ; et lĂąâŹâąon ne croit connaĂtre la quantitĂ© dĂąâŹâąune chose que quand ou la connaĂt par cette mesure Ă©vidente. Il en est encore de mĂÂȘme pour le mouvement. On le mesure par le mouvement absolu, cĂąâŹâąest-Ă -dire, celui qui est le plus rapide possible, attendu que cĂąâŹâąest ce mouvement qui a la moindre durĂ©e. Aussi, en astronomie, cette unitĂ© est-elle le principe et la mesure quĂąâŹâąon emploie. On y suppose que le mouvement du ciel est uniforme, et quĂąâŹâąil est le plus rapide de tous les mouvements ; et cĂąâŹâąest dĂąâŹâąaprĂšs celui-lĂ quĂąâŹâąon juge ensuite tous les autres. En musique, cĂąâŹâąest le diĂšse qui est la mesure, parce que cĂąâŹâąest le plus petit intervalle possible ; et dans les mots du langage, cĂąâŹâąest la lettre. Dans tous ces cas, lĂąâŹâąunitĂ© nĂąâŹâąest pas quelque terme commun Ă tous ; mais cĂąâŹâąest lĂąâŹâąunitĂ© telle que nous lĂąâŹâąavons expliquĂ©e. Cependant, la mesure nĂąâŹâąest pas toujours une unitĂ© numĂ©rique ; elle est parfois multiple. Par exemple, deux diĂšses sont la mesure en musique, non pas quĂąâŹâąon puisse les entendre ; mais ils sont nĂ©cessaires en thĂ©orie ; de mĂÂȘme, dans le langage, il faut plusieurs sons qui nous servent de mesure. Le diamĂštre, le cĂÂŽtĂ©, et toutes les grandeurs se mesurent Ă©galement par deux. LĂąâŹâąunitĂ© est donc la mesure de toutes choses, parce que nous connaissons de quoi se compose la substance en la divisant, en quantitĂ©, ou en espĂšce. Ce qui rend lĂąâŹâąunitĂ© indivisible, cĂąâŹâąest que le primitif est indivisible en toutes choses. Mais tout ce qui est indivisible ne lĂąâŹâąest pas de la mĂÂȘme maniĂšre, tĂ©moin le pied et la monade. Ainsi, la monade est absolument indivisible, tandis que le pied se partage en indivisibles, qui finissent par Ă©chapper Ă notre perception, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dĂ©jĂ expliquĂ© ; car on peut dire que tout continu est divisible. DĂąâŹâąailleurs, la mesure est toujours du mĂÂȘme genre que les objets quĂąâŹâąelle sert Ă mesurer. CĂąâŹâąest une grandeur qui mesure les grandeurs ; et, si lĂąâŹâąon veut descendre dans le dĂ©tail, une largeur est la mesure de la largeur, une longueur de la longueur, un son des sons, un poids du poids, une monade des monades. CĂąâŹâąest bien de cette façon quĂąâŹâąil faut entendre les choses, et il ne faudrait pas croire que ce soit un nombre qui est la mesure des nombres. Cependant, on semblerait pouvoir le dire, du moment que la mesure est semblable Ă lĂąâŹâąobjet mesurĂ©. Mais au fond la ressemblance nĂąâŹâąexiste pas ici ; et ce serait se tromper, autant que si lĂąâŹâąon allait prĂ©tendre que ce sont des monades, et non pas la monade, qui sont la mesure des monades, puisque le nombre lui-mĂÂȘme est dĂ©jĂ une somme de monades. CĂąâŹâąest par la mĂÂȘme mĂ©prise que nous disons que la science et la sensation sont la mesure des choses. Il est bien vrai que nous connaissons les choses par leur intermĂ©diaire ; mais la sensation et la science sont mesurĂ©es plutĂÂŽt quĂąâŹâąelles ne mesurent. En ceci, il nous arrive prĂ©cisĂ©ment de savoir les choses comme nous savons quelle est la taille que nous avons, lorsquĂąâŹâąune autre personne venant nous mesurer, elle a portĂ© tant de fois la coudĂ©e sur notre corps. CĂąâŹâąest Protagoras qui prĂ©tend que lĂąâŹâąhomme est la mesure universelle des choses ; mais quand il dit lĂąâŹâąhomme, cela revient Ă dire lĂąâŹâąhomme qui sait, lĂąâŹâąhomme qui sent ; [1053b] et il les dĂ©signe tous deux, parce que lĂąâŹâąun a la science, et lĂąâŹâąautre, la sensation, que nous prenons pour la mesure des objets. En ne disant rien au fond, il semble cependant que ce soit lĂ Ă©noncer quelque vĂ©ritĂ© extrĂÂȘmement merveilleuse. En rĂ©sumĂ©, on peut voir clairement que lĂąâŹâąunitĂ©, si lĂąâŹâąon se borne Ă considĂ©rer le nom qui la dĂ©finit, est surtout une sorte de mesure, et que cette mesure sĂąâŹâąapplique Ă©minemment Ă la quantitĂ©, et ensuite Ă la qualitĂ©. Pour remplir ce rĂÂŽle, la mesure doit ĂÂȘtre indivisible, ici en quantitĂ©, et lĂ en qualitĂ©. LĂąâŹâąunitĂ© est donc indivisible, soit dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, soit tout au moins en tant quĂąâŹâąelle est lĂąâŹâąunitĂ©. Chapitre 2[modifier] Quant Ă lĂąâŹâąessence et Ă la nature de lĂąâŹâąunitĂ©, il nous faut reprendre la recherche que nous avons effleurĂ©e plus haut dans nos Questions, et nous demander ce quĂąâŹâąest lĂąâŹâąunitĂ© en elle-mĂÂȘme, et quelle est lĂąâŹâąidĂ©e que nous devons nous en faire. LĂąâŹâąunitĂ© est-elle par elle-mĂÂȘme une substance rĂ©elle, comme lĂąâŹâąont cru les Pythagoriciens dĂąâŹâąabord, et comme Platon le crut aprĂšs eux ? Ou bien plutĂÂŽt, nĂąâŹâąy a-t-il pas une nature servant de support Ă lĂąâŹâąunitĂ© ? Et ne faut-il pas, pour parler plus clairement de lĂąâŹâąunitĂ©, se rapprocher davantage des philosophes physiciens, pour qui lĂąâŹâąunitĂ© est tantĂÂŽt lĂąâŹâąAmour, tantĂÂŽt lĂąâŹâąAir, et tantĂÂŽt lĂąâŹâąInfini ? SĂąâŹâąil est impossible que jamais un universel quelconque soit une substance rĂ©elle, ainsi que nous lĂąâŹâąavons dĂ©montrĂ© dans nos Ă©tudes sur la Substance et sur lĂąâŹâąĂĆ tre ; sĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas possible non plus que lĂąâŹâąuniversel soit une substance, en ce sens quĂąâŹâąil formerait une sorte dĂąâŹâąunitĂ© en dehors de la pluralitĂ©, puisque lĂąâŹâąuniversel nĂąâŹâąest quĂąâŹâąun terme commun ; et si, enfin, il nĂąâŹâąest quĂąâŹâąun simple attribut, il est tout aussi clair que lĂąâŹâąunitĂ© ne peut pas ĂÂȘtre non plus une substance ; car lĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn sont, de tous les attributs, ceux qui sont les plus gĂ©nĂ©raux. Il sĂąâŹâąensuit que les genres ne sauraient ĂÂȘtre des natures, et des substances sĂ©parĂ©es de tout le reste, et que lĂąâŹâąunitĂ© ne peut pas davantage ĂÂȘtre un genre ; et cela, par les mĂÂȘmes raisons qui font que lĂąâŹâąĂĆ tre, non plus que la substance universelle, nĂąâŹâąen est pas un davantage. On peut ajouter que ceci doit sĂąâŹâąappliquer de mĂÂȘme Ă tout nĂ©cessairement. LĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn ont autant dĂąâŹâąacceptions diverses lĂąâŹâąun que lĂąâŹâąautre ; et de mĂÂȘme que, dans lĂąâŹâąordre des qualitĂ©s, tout aussi bien que dans lĂąâŹâąordre des quantitĂ©s. lĂąâŹâąUn est une certaine chose, et quĂąâŹâąil y a en outre une certaine nature, il est Ă©vident aussi quĂąâŹâąil faut, dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, Ă©tudier lĂąâŹâąUn comme on Ă©tudie lĂąâŹâąĂĆ tre, sans se contenter de dire, dĂąâŹâąune maniĂšre insuffisante, que la nature de lĂąâŹâąUn est dĂąâŹâąĂÂȘtre ce quĂąâŹâąelle est. Certainement, pour les couleurs, lĂąâŹâąUn est une couleur ; et, par exemple, cĂąâŹâąest le blanc, si lĂąâŹâąon admet que cĂąâŹâąest du blanc et du noir que se forment toutes les autres couleurs, le noir Ă©tant la privation du blanc, comme lĂąâŹâąobscuritĂ© est la privation de la lumiĂšre ; car lĂąâŹâąobscuritĂ© nĂąâŹâąest que cela. Par exemple, si les ĂÂȘtres Ă©taient des couleurs, les ĂÂȘtres formeraient aussi un certain nombre. Mais un nombre de quoi ? Ăâ°videmment un nombre de couleurs ; et lĂąâŹâąunitĂ© serait alors une unitĂ© de certaine espĂšce ; ce serait, par exemple, le blanc. De mĂÂȘme encore, si les ĂÂȘtres Ă©taient des sons, ils seraient toujours un nombre ; mais ce serait un nombre de diĂšses ou dĂąâŹâąintervalles musicaux, et leur essence ne serait pas le nombre. LĂąâŹâąunitĂ© serait, dans ce cas, quelque chose dont lĂąâŹâąessence ne serait pas dĂąâŹâąĂÂȘtre une unitĂ©, mais dĂąâŹâąĂÂȘtre un diĂšse. [1054a] De mĂÂȘme encore, si les articulations du langage Ă©taient les Ă©lĂ©ments des choses, les ĂÂȘtres seraient encore un nombre de sons, et lĂąâŹâąunitĂ© serait une lettre, une voyelle ou une consonne. Si cĂąâŹâąĂ©taient des figures rectilignes qui formassent les ĂÂȘtres, lĂąâŹâąĂÂȘtre serait un nombre de figures, et lĂąâŹâąUn serait le triangle. MĂÂȘme raisonnement pour tous les autres genres. On le voit donc quoique, dans les modifications que les choses peuvent offrir, qualitĂ©s, quantitĂ©s, mouvement, il y ait des nombres, et que, dans toutes aussi, il y ait une certaine unitĂ©, on y distingue cependant leur nombre et lĂąâŹâąunitĂ© de chacune dĂąâŹâąelles, sans que dĂąâŹâąailleurs ce nombre soit la substance de la chose. Il en rĂ©sulte quĂąâŹâąil doit en ĂÂȘtre absolument de mĂÂȘme pour la catĂ©gorie des substances, puisque cĂąâŹâąest lĂ une condition qui sĂąâŹâąĂ©tend Ă tout. Ainsi, dans tout genre quelconque, lĂąâŹâąunitĂ© est bien une nature dĂąâŹâąune certaine espĂšce, sans que cependant lĂąâŹâąunitĂ© soit jamais Ă elle seule la nature de quoi que ce soit. Mais, de mĂÂȘme que, dans lĂąâŹâąordre des couleurs, lĂąâŹâąunitĂ© quĂąâŹâąon y peut chercher est aussi une couleur, qui est Une et particuliĂšre, de mĂÂȘme aussi, pour lĂąâŹâąordre de la substance, on ne peut chercher dans la substance quĂąâŹâąune substance Une aussi, et individuelle ; et cĂąâŹâąest lĂ toute lĂąâŹâąunitĂ© elle-mĂÂȘme. Ce qui prouve bien quĂąâŹâąĂ certains Ă©gards lĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn se confondent, cĂąâŹâąest dĂąâŹâąabord que lĂąâŹâąunitĂ© accompagne et suit, toujours les catĂ©gories diverses tout comme lĂąâŹâąĂĆ tre, et quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest cependant non plus dans aucune, ni dans la catĂ©gorie qui exprime ce quĂąâŹâąest substantiellement la chose, ni dans celle qui exprime sa qualitĂ©, mais que lĂąâŹâąUn y est absolument comme y est lĂąâŹâąĂĆ tre. En second lieu, ce qui prouve lĂąâŹâąidentitĂ© de lĂąâŹâąĂĆ tre et de lĂąâŹâąUn, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąon nĂąâŹâąajoute absolument aucun attribut de plus Ă lĂąâŹâąhomme en disant Un homme, de mĂÂȘme que le mot ĂĆ tre nĂąâŹâąajoute rien Ă la substance, Ă la qualitĂ©, Ă la quantitĂ© ; et que ĂÂȘtre Un revient tout Ă fait Ă dire que lĂąâŹâąĂĆ tre est particulier et individuel. Chapitre 3[modifier] Il y a plusieurs nuances dĂąâŹâąopposition entre lĂąâŹâąunitĂ© et la pluralitĂ© ; et lĂąâŹâąune de ces nuances est celle oĂÂč lĂąâŹâąunitĂ© et la pluralitĂ© sont opposĂ©es lĂąâŹâąune Ă lĂąâŹâąautre., comme le sont lĂąâŹâąindivisible et le divisible ; et cĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon appelle pluralitĂ© ce qui est divisĂ© ou est divisible, tandis quĂąâŹâąon appelle unitĂ© ce qui est indivisible ou nĂąâŹâąest pas divisĂ©. Or, les oppositions Ă©tant au nombre de quatre, et lĂąâŹâąUnitĂ© et la PluralitĂ© ne pouvant ĂÂȘtre considĂ©rĂ©es comme privation lĂąâŹâąune de lĂąâŹâąautre, lĂąâŹâąunitĂ© et la pluralitĂ© ne peuvent ĂÂȘtre contraires entre elles, ni comme la contradiction, ni comme les termes appelĂ©s Relatifs. Mais lĂąâŹâąunitĂ© sĂąâŹâąexprime et se dĂ©montre par son contraire, lĂąâŹâąindivisible par le divisible, attendu que la pluralitĂ© est plus accessible Ă nos sens, comme le divisible lĂąâŹâąest plus aussi que lĂąâŹâąindivisible. Par suite, la pluralitĂ© est, par sa notion, antĂ©rieure Ă lĂąâŹâąindivisible, Ă cause de la perception que nous en avons. Quant Ă lĂąâŹâąunitĂ©, ses caractĂšres sont, ainsi que nous les avons dĂ©crits dans la Classification des Contraires, lĂąâŹâąĂ©galitĂ©, la similitude et lĂąâŹâąidentitĂ© ; ceux de la pluralitĂ© sont, la diversitĂ©, la dissemblance et lĂąâŹâąinĂ©galitĂ©. Le mot dĂąâŹâąIdentitĂ© peut prĂ©senter plusieurs nuances ; et la premiĂšre de de ces nuances, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąidentitĂ© numĂ©rique, comme nous la nommons quelquefois. Puis, il y a lĂąâŹâąidentitĂ© de ce qui est Un, Ă la fois sous le rapport de la notion et du nombre. Et cĂąâŹâąest ainsi, par exemple, que vous ĂÂȘtes Un et identique Ă vous-mĂÂȘme ; cĂąâŹâąest lĂąâŹâąidentitĂ© de ce qui est Un spĂ©cifiquement et matĂ©riellement. En troisiĂšme lieu, les choses sont identiques encore quand la dĂ©finition de leur substance premiĂšre est Une et la mĂÂȘme. [1054b] Par exemple, toutes les lignes droites Ă©gales sont appelĂ©es identiques, de mĂÂȘme que le sont entre eux les quadrangles Ă©gaux, Ă angles Ă©gaux, quoique dĂąâŹâąailleurs ils puissent ĂÂȘtre aussi nombreux quĂąâŹâąon le voudra. Dans tous ces cas, cĂąâŹâąest leur Ă©galitĂ© qui constitue leur unitĂ©. On appelle Semblables les choses qui, sans ĂÂȘtre identiquement les mĂÂȘmes, et tout en ayant entre elles une diffĂ©rence quant Ă leur substance constitutive, sont de la mĂÂȘme espĂšce. Par exemple, un quadrangle plus grand est semblable Ă un plus petit ; et les droites inĂ©gales sont semblables entre elles ; mais si elles sont semblables, elles ne sont pas cependant tout Ă fait identiques et les mĂÂȘmes. On nomme encore Semblables les choses dĂąâŹâąespĂšce identique, et qui, susceptibles de plus et de moins, ne prĂ©sentent cependant ni de moins ni de plus. Les choses sont encore appelĂ©es Semblables quand elles ont une mĂÂȘme qualitĂ©, et quĂąâŹâąelles sont en outre dĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme espĂšce. Par exemple, de deux objets dont lĂąâŹâąun est trĂšs blanc et lĂąâŹâąautre moins blanc, on dit quĂąâŹâąils sont semblables par cela seul que lĂąâŹâąespĂšce de leur couleur est Une et mĂÂȘme. On appelle encore Semblables des choses qui ont plus de points dĂąâŹâąidentitĂ© que de diffĂ©rence, soit dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, soit du moins dans lĂąâŹâąapparence quĂąâŹâąon a sous les yeux. Ainsi, lĂąâŹâąon dit que lĂąâŹâąĂ©tain est semblable Ă lĂąâŹâąargent, et que lĂąâŹâąor ressemble au feu, par sa couleur jaune et rougeĂÂątre. Par une consĂ©quence Ă©vidente, les expressions dĂąâŹâąAutre et de Dissemblable ont Ă©galement plusieurs acceptions. LĂąâŹâąAutre est opposĂ© au MĂÂȘme, parce que tout relativement Ă tout est, ou le mĂÂȘme, ou autre. LĂąâŹâąexpression dĂąâŹâąAutre sĂąâŹâąemploie encore lorsque entre deux choses la matiĂšre nĂąâŹâąest pas la mĂÂȘme, mais que la dĂ©finition est pareille. CĂąâŹâąest ainsi que vous ĂÂȘtes Autre que votre voisin, et que votre voisin est Autre que vous. Il y a de plus une troisiĂšme acception du mot Autre Ă lĂąâŹâąusage des MathĂ©matiques. Ainsi, toutes les fois quĂąâŹâąon peut appliquer lĂąâŹâąappellation dĂąâŹâąUn et dĂąâŹâąĂĆ tre, on peut appliquer de la mĂÂȘme maniĂšre lĂąâŹâąappellation dĂąâŹâąAutre ou dĂąâŹâąIdentique, pour tout dans son rapport avec tout. Car il nĂąâŹâąy a pas prĂ©cisĂ©ment de contradiction entre MĂÂȘme et Autre. Aussi cette expression dĂąâŹâąAutre ne peut-elle pas sĂąâŹâąappliquer Ă des choses qui ne sont pas, et quĂąâŹâąon nie, puisque de celle-lĂ on dit seulement quĂąâŹâąelles ne sont pas les mĂÂȘmes. Mais le mot dĂąâŹâąAutre sĂąâŹâąapplique toujours Ă ce qui est, parce que lĂąâŹâąUn et lĂąâŹâąĂĆ tre ne peuvent de leur nature quĂąâŹâąĂÂȘtre Un, ou nĂąâŹâąĂÂȘtre pas Un. VoilĂ donc comment les expressions dĂąâŹâąAutre et de MĂÂȘme peuvent ĂÂȘtre opposĂ©es entre elles. Il ne faut pas dĂąâŹâąailleurs confondre DiffĂ©rent et Autre. LĂąâŹâąAutre et lĂąâŹâąobjet relativement auquel il est autre, ne sont nĂ©cessairement Autres quĂąâŹâąen un seul point particulier, puisque lĂąâŹâąobjet est dans tout ce quĂąâŹâąil est Autre ou Identique. Au contraire, un objet qui est DiffĂ©rent de quelque autre objet en diffĂšre Ă un certain Ă©gard ; et il y a, par consĂ©quent, un certain mĂÂȘme point relativement auquel les deux objets offrent de la diffĂ©rence. Ce point dĂąâŹâąidentitĂ© est, ou le genre, ou lĂąâŹâąespĂšce. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąen effet ce qui est diffĂ©rent ne peut jamais diffĂ©rer que par le genre ou lĂąâŹâąespĂšce par le genre, quand les deux objets nĂąâŹâąont pas une matiĂšre commune, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas entre eux possibilitĂ© de gĂ©nĂ©ration rĂ©ciproque de lĂąâŹâąun par lĂąâŹâąautre ; comme, par exemple, tous les objets qui appartiennent Ă une autre classe de catĂ©gorie ; par lĂąâŹâąespĂšce, pour les objets qui ont le mĂÂȘme genre. On entend ici par le genre ce en quoi les objets qui diffĂšrent, reçoivent, sous le rapport de la substance, la mĂÂȘme appellation. Les contraires sont diffĂ©rents, et lĂąâŹâąopposition par contraires nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune sorte de diffĂ©rence. Que tout ce que nous venons dĂąâŹâąexposer soit exact, cĂąâŹâąest ce dont on peut se convaincre par lĂąâŹâąinduction. Toutes les choses qui sont diffĂ©rentes entre elles paraissent aussi ĂÂȘtre les mĂÂȘmes Ă certains Ă©gards ; et non seulement elles sont Autres dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, mais tantĂÂŽt elles sont Autres par le genre, tantĂÂŽt elles sont dans la mĂÂȘme classe de catĂ©gorie, [1055a] de telle sorte quĂąâŹâąelles sont Ă la fois Autres dans le mĂÂȘme genre et les MĂÂȘmes par le genre. Mais nous avons expliquĂ© ailleurs Ă quelles conditions les choses sont dĂąâŹâąun mĂÂȘme genre, ou dĂąâŹâąun genre Autre. Chapitre 4[modifier] Comme les choses qui diffĂšrent entre elles peuvent offrir plus ou moins de diffĂ©rence, il doit dĂšs lors y avoir une diffĂ©rence qui soit la plus grande diffĂ©rence possible. Celle-lĂ , je lĂąâŹâąappelle la ContrariĂ©tĂ©, lĂąâŹâąopposition des contraires. On peut sĂąâŹâąassurer par lĂąâŹâąinduction que cĂąâŹâąest bien lĂ , en effet, la plus grande de toutes les diffĂ©rences possibles. CĂąâŹâąest que les choses qui sont de genre diffĂ©rent nĂąâŹâąont pas moyen de marcher les unes vers les autres ; elles ont toujours de plus en plus de distance entre elles, et elles ne sont jamais susceptibles de se rencontrer. Mais, quand les choses ne diffĂšrent quĂąâŹâąen espĂšces, elles peuvent naĂtre et venir des contraires, qui sont les points extrĂÂȘmes. Or, la distance des extrĂÂȘmes est la plus grande quĂąâŹâąon puisse imaginer ; et cĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment celle que les contraires nous prĂ©sentent. Ce quĂąâŹâąil y a de plus grand dans chaque genre peut ĂÂȘtre regardĂ© comme parfait et fini. Car le plus grand est ce qui ne peut ĂÂȘtre surpassĂ© ; et le parfait, le fini, cĂąâŹâąest ce en dehors de quoi il nĂąâŹâąy a plus rien Ă concevoir. La diffĂ©rence parfaite et finie atteint une fin, de mĂÂȘme que lĂąâŹâąon dit, de tout ce qui atteint sa fin, quĂąâŹâąil est fini et parfait. En dehors de la fin, il nĂąâŹâąy a plus rien ; car en toute chose, la fin est le dernier ternie ; elle comprend et renferme tout le reste. Aussi, nĂąâŹâąy a-t-il plus rien en dehors de la fin ; et le fini, le parfait, nĂąâŹâąa-t-il plus besoin de quoi que ce soit. Ceci donc montre bien que la contrariĂ©tĂ© est une diffĂ©rence finie et parfaite. Mais, comme le mot Contraires peut ĂÂȘtre entendu dans plusieurs acceptions diverses, la diffĂ©rence sera consĂ©quemment parfaite dans la mesure oĂÂč le sont les contraires eux-mĂÂȘmes. Ceci posĂ©, il est Ă©vident quĂąâŹâąun seul et unique contraire ne peut avoir plusieurs contraires. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąen effet il nĂąâŹâąest pas possible quĂąâŹâąil y ait quelque chose de plus extrĂÂȘme que lĂąâŹâąextrĂÂȘme. Il nĂąâŹâąest pas davantage possible quĂąâŹâąune seule et unique distance ait plus de deux extrĂ©mitĂ©s. DĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, si la contrariĂ©tĂ© est une diffĂ©rence, comme toute diffĂ©rence ne peut avoir que deux ternies, il sĂąâŹâąensuit que la diffĂ©rence parfaite et finie doit Ă©galement nĂąâŹâąen avoir que deux. Il faut, en outre, que toutes les autres dĂ©finitions des contraires sĂąâŹâąappliquent aussi avec vĂ©ritĂ© Ă cette diffĂ©rence, puisque la diffĂ©rence parfaite et finie est celle qui diffĂšre le plus. Or, il ne peut pas y avoir dĂąâŹâąautres diffĂ©rences que celles du genre et de lĂąâŹâąespĂšce, puisquĂąâŹâąil a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas de diffĂ©rence possible pour des choses qui sont hors du genre. Ainsi, la diffĂ©rence la plus grande possible est prĂ©cisĂ©ment dans le genre ; et les termes qui, dans un mĂÂȘme genre, diffĂšrent le plus, ce sont les contraires ; leur plus grande diffĂ©rence est la diffĂ©rence parfaite et finie. Les choses qui, dans un mĂÂȘme sujet capable de les recevoir, diffĂšrent le plus, sont contraires entre elles ; car les contraires ont une seule et mĂÂȘme matiĂšre. On appelle encore contraires les choses qui diffĂšrent le plus dans la mĂÂȘme puissance, dans la mĂÂȘme possibilitĂ© dĂąâŹâąĂÂȘtre ; car il nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune seule et unique science pour un seul et unique genre, dans les choses oĂÂč la diffĂ©rence parfaite est la plus grande possible. La premiĂšre des ContrariĂ©tĂ©s, cĂąâŹâąest celle de la possession et de la privation. Mais il ne faut pas entendre ici toute privation sans exception ; car ce mot a bien des sens ; il ne faut comprendre que la privation parfaite et finie. CĂąâŹâąest de ces deux contraires, privation et possession, que tous les autres tirent leur appellation les uns, parce quĂąâŹâąils possĂšdent telle ou telle qualitĂ© ; les autres, parce quĂąâŹâąils agissent ou tendent Ă agir ; dĂąâŹâąautres enfin, parce quĂąâŹâąils acquiĂšrent, ou perdent, les contraires en question, ou des contraires diffĂ©rents. Si lĂąâŹâąon comprend sous le nom dĂąâŹâąOpposĂ©s, la contradiction, la privation, la contrariĂ©tĂ© et les relatifs, [1055b] la premiĂšre de toutes ces oppositions, cĂąâŹâąest la contradiction ; car il nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąintermĂ©diaire possible pour la contradiction, tandis quĂąâŹâąil put y en avoir pour les contraires ; et cĂąâŹâąest par lĂ Ă©videmment que la contradiction doit ĂÂȘtre distinguĂ©e des contraires. Quant Ă la privation, elle est bien une sorte de contradiction ; car, lorsquĂąâŹâąun objet ne peut jamais avoir une certaine qualitĂ©, ou quĂąâŹâąĂ©tant fait naturellement pour lĂąâŹâąavoir, il ne lĂąâŹâąa pas, il en est privĂ©, soit dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, soit dĂąâŹâąune certaine maniĂšre, qui limite la privation quĂąâŹâąil subit. Ici aussi, les acceptions du mot Privation sont nombreuses, comme nous lĂąâŹâąavons dĂ©montrĂ© ailleurs. Par consĂ©quent, la privation est une contradiction, ou une impuissance, de certaine espĂšce dĂ©terminĂ©e, ou impliquĂ©e dans le sujet mĂÂȘme qui la subit. Il nĂąâŹâąy a donc pas de moyen terme dans la contradiction. Loin de lĂ , il est possible quĂąâŹâąil y en ait dans certains cas de privation. Ainsi, tout est Ă©gal, ou nĂąâŹâąest pas Ă©gal ; mais tout nĂąâŹâąest pas Ă©gal ou inĂ©gal, lĂąâŹâąĂ©galitĂ© ou lĂąâŹâąinĂ©galitĂ© nĂąâŹâąayant lieu que dans lĂąâŹâąobjet qui est dĂąâŹâąabord susceptible dĂąâŹâąĂ©galitĂ©. Si donc les productions matĂ©rielles des choses viennent des contraires, et si elles viennent toujours, soit de lĂąâŹâąespĂšce et de la possession effective de lĂąâŹâąespĂšce, soit dĂąâŹâąune certaine privation de lĂąâŹâąespĂšce et de la forme, il en rĂ©sulte Ă©videmment que toute ContrariĂ©tĂ© est bien une sorte de privation, mais que cependant toute privation nĂąâŹâąest pas absolument une ContrariĂ©tĂ©. Cette distinction tient Ă ce que le mot PrivĂ©, appliquĂ© Ă un objet, peut avoir de nombreuses acceptions. Les termes extrĂÂȘmes dĂąâŹâąoĂÂč viennent les changements sont des contraires proprement dits ; et cĂąâŹâąest ce dont on peut sĂąâŹâąassurer par lĂąâŹâąinduction. Toute opposition par contraires prĂ©sente la privation de lĂąâŹâąun des deux contraires ; mais tous les cas ne sont pas identiques. Ainsi, lĂąâŹâąinĂ©galitĂ© est la privation de lĂąâŹâąĂ©galitĂ© ; la ressemblance est la privation de la dissemblance, comme le vice est la privation de la vertu. Mais voici la diffĂ©rence, que nous avons dĂ©jĂ signalĂ©e. Tel objet est simplement et absolument privĂ© de telle ou telle qualitĂ© ; tel autre nĂąâŹâąen est privĂ© quĂąâŹâąĂ un certain moment, et Ă un certain Ă©gard, par exemple, Ă un certain ĂÂąge, ou dans une partie maĂtresse, ou dans toutes les parties. VoilĂ comment, dans certains cas, il y a des intermĂ©diaires possibles lĂąâŹâąhomme, par exemple, pouvant nĂąâŹâąĂÂȘtre, ni bon, ni mauvais ; et comment, dans certains cas, il ne peut pas y avoir aucun intermĂ©diaire par exemple, il faut nĂ©cessairement quĂąâŹâąun nombre soit pair, ou impair. Enfin, il y a aussi des contraires qui ont un sujet dĂ©terminĂ©, et dĂąâŹâąautres qui nĂąâŹâąen ont pas. En rĂ©sumĂ©, on voit que toujours lĂąâŹâąun des deux contraires est Ă©noncĂ© sous forme de privation de lĂąâŹâąautre. Cela suffit quand il sĂąâŹâąagit des primitifs et des genres des contraires, tels que sont lĂąâŹâąunitĂ© et la pluralitĂ© ; et cĂąâŹâąest Ă ceux-lĂ que se ramĂšnent dĂ©finitivement tous les autres. Chapitre 5[modifier] Comme cĂąâŹâąest toujours un seul contraire qui est opposĂ© Ă un seul contraire, on peut se demander comment lĂąâŹâąunitĂ© peut ĂÂȘtre opposĂ©e Ă la pluralitĂ©, et comment lĂąâŹâąĂ©gal est opposĂ© au grand et au petit. Dans une opposition, on Ă©nonce toujours laquelle des deux qualitĂ©s la chose possĂšde par exemple, on dit que la chose est blanche, ou noire ; quĂąâŹâąelle est blanche, ou quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest pas blanche. Mais nous ne disons pas que lĂąâŹâąobjet est un homme, ou quĂąâŹâąil est blanc, Ă moins que nous ne le disions dans une hypothĂšse particuliĂšre, comme, par exemple, quand on demande si ClĂ©on est venu, ou si cĂąâŹâąest Socrate. Cette derniĂšre forme dĂąâŹâąinterrogation nĂąâŹâąest nĂ©cessaire dans aucun genre dĂąâŹâąopposition ; mais voici dĂąâŹâąoĂÂč elle est venue. Il nĂąâŹâąy a que les opposĂ©s qui ne puissent pas coexister ; et cĂąâŹâąest lĂ ce quĂąâŹâąon admet aussi dans la forme dĂąâŹâąexpression quĂąâŹâąon emploie, quand on demande lequel des deux est venu ; [1056a] car sĂąâŹâąil se pouvait quĂąâŹâąils vinssent tous les deux Ă la fois, la question ne serait que ridicule. Mais si effectivement ils ont pu venir tous deux en mĂÂȘme temps, ou, retombe alors Ă©galement dans lĂąâŹâąantithĂšse de lĂąâŹâąunitĂ© et de la pluralitĂ©, et lĂąâŹâąon demande par exemple Ă Sont-ils venus tous les deux ? Ou est-ce un seul des deux qui est venu ? Ă» Ainsi, dans les opposĂ©s, il sĂąâŹâąagit toujours dĂąâŹâąune alternative quĂąâŹâąon examine entre deux termes ; mais ce terme cherchĂ© peut ĂÂȘtre plus grand, ou plus petit, ou Ă©gal. Ceci admis, quelle est la nature de lĂąâŹâąopposition de lĂąâŹâąĂâ°gal relativement aux deux termes de plus Grand et de plus Petit ? LĂąâŹâąĂ©gal ne peut pas ĂÂȘtre contraire Ă lĂąâŹâąun des deux seulement, et il ne peut pas lĂąâŹâąĂÂȘtre davantage aux deux Ă la fois. Pourquoi, en effet, serait-il contraire plutĂÂŽt au plus grand, ou plutĂÂŽt au plus petit ? Mais, en outre, lĂąâŹâąĂ©gal est encore contraire Ă lĂąâŹâąinĂ©gal ; de telle sorte quĂąâŹâąil aurait de cette façon plusieurs contraires, au lieu dĂąâŹâąun seul. Mais si lĂąâŹâąinĂ©gal a le mĂÂȘme sens Ă la fois par rapport aux deux, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil est opposĂ© aussi aux deux. Cette solution alors vient Ă lĂąâŹâąappui des philosophes qui prĂ©tendent que lĂąâŹâąinĂ©gal est le nombre Deux. Mais il en rĂ©sulte que, de cette façon, une seule et unique chose serait contraire Ă deux choses, ce qui est impossible. DĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, on pourrait croire que lĂąâŹâąĂ©gal est lĂąâŹâąintermĂ©diaire du grand et du petit. Mais une contrariĂ©tĂ© ne peut Ă©videmment jamais ĂÂȘtre un intermĂ©diaire, et il suffit pour sĂąâŹâąen convaincre de consulter la dĂ©finition. En effet, la contrariĂ©tĂ© ne saurait ĂÂȘtre parfaite et finie, si elle est lĂąâŹâąintermĂ©diaire entre deux choses ; et cĂąâŹâąest plutĂÂŽt elle-mĂÂȘme qui contiendrait un intermĂ©diaire. Reste donc Ă dire que cette opposition de lĂąâŹâąĂ©galitĂ© est, ou une nĂ©gation, ou une privation. Il est clair que cette opposition ne peut avoir lieu relativement Ă lĂąâŹâąun des deux seulement ; car pourquoi serait-elle applicable plutĂÂŽt au grand quĂąâŹâąau petit ? Elle est donc la nĂ©gation privative des deux Ă la fois. VoilĂ pourquoi lĂąâŹâąalternative doit toujours ĂÂȘtre posĂ©e pour les deux, et jamais pour lĂąâŹâąun des deux sĂ©parĂ©ment. Et par exemple, on ne dira pas LĂąâŹâąobjet est-il plus grand, ou est-il Ă©gal ? Est-il Ă©gal, ou est-il plus petit ? Mais il faudra toujours Ă©noncer les trois termes. Toutefois, ce nĂąâŹâąest pas lĂ une privation absolument nĂ©cessaire ; car ce qui nĂąâŹâąest, ni plus grand, ni plus petit, nĂąâŹâąest pas toujours Ă©gal ; mais cette Ă©galitĂ© nĂąâŹâąa lieu que dans les choses qui sont capables par leur nature dĂąâŹâąĂÂȘtre grandes ou petites. Ainsi, lĂąâŹâąĂ©gal est ce qui nĂąâŹâąest, ni grand, ni petit, lorsque naturellement il devrait ĂÂȘtre lĂąâŹâąun ou lĂąâŹâąautre ; et cĂąâŹâąest alors quĂąâŹâąil est opposĂ© aux deux, comme leur nĂ©gation privative. De lĂ vient aussi quĂąâŹâąil est bien un intermĂ©diaire, comme ce qui nĂąâŹâąest, ni bon, ni mauvais, est lĂąâŹâąintermĂ©diaire du mauvais et du bon ; mais on nĂąâŹâąa pas créé lĂ de nom spĂ©cial. CĂąâŹâąest que chacun des deux termes a plusieurs acceptions diffĂ©rentes, et que le sujet qui les reçoit nĂąâŹâąest pas Un. On dit bien plutĂÂŽt alors que le sujet nĂąâŹâąest, ni blanc, ni noir. MĂÂȘme en ceci, il nĂąâŹâąy a pas un intermĂ©diaire unique ; mais les couleurs auxquelles sĂąâŹâąapplique privativement cette nĂ©gation, sont, Ă certains Ă©gards, dĂ©terminĂ©es, puisque nĂ©cessairement la couleur est brune, jaune, ou de telle autre nuance de ce genre, dĂ©terminĂ©e prĂ©cisĂ©ment. Par consĂ©quent, ce nĂąâŹâąest pas une objection sĂ©rieuse que de dire que, Ă ce compte, tout pourrait Ă©galement ĂÂȘtre qualifiĂ© dĂąâŹâąintermĂ©diaire, et quĂąâŹâąainsi on pourrait soutenir, par exemple, quĂąâŹâąentre une chaussure et une main, il y a un intermĂ©diaire qui nĂąâŹâąest, ni main, ni chaussure, de mĂÂȘme que ce qui nĂąâŹâąest, ni bon, ni mauvais, est lĂąâŹâąintermĂ©diaire du bien et du mal ; et lĂąâŹâąon en conclurait que tout peut avoir, de la mĂÂȘme façon, un intermĂ©diaire quelconque. Mais cette consĂ©quence nĂąâŹâąa rien de nĂ©cessaire, puisque la nĂ©gation simultanĂ©e des opposĂ©s nĂąâŹâąa lieu que pour les choses oĂÂč il y a un intermĂ©diaire vĂ©ritable, et un certain intervalle naturel. [1056b] Or il nĂąâŹâąy a pas cette diffĂ©rence entre une main et une chaussure ; les deux objets dont on fait ici des nĂ©gations simultanĂ©es, sont dans des genres diffĂ©rents ; et, par suite, ils nĂąâŹâąont pas un seul et mĂÂȘme sujet. Chapitre 6[modifier] On peut se poser les mĂÂȘmes questions en ce qui concerne lĂąâŹâąunitĂ© et la pluralitĂ© ; car si lĂąâŹâąon admet que la pluralitĂ© soit opposĂ©e Ă lĂąâŹâąunitĂ© dĂąâŹâąune façon absolue, on sĂąâŹâąexpose Ă quelques difficultĂ©s insurmontables. Alors lĂąâŹâąunitĂ© deviendrait le Peu, ou le petit nombre, puisque la pluralitĂ© est opposĂ©e aussi au petit nombre. Puis, le nombre Deux deviendrait une pluralitĂ©, puisque le double est plusieurs fois lĂąâŹâąUn ; et que cĂąâŹâąest lĂ ce qui fait que lĂąâŹâąon dit que Deux est le double. Ainsi, lĂąâŹâąunitĂ© devient le Peu ; car relativement Ă quoi, si ce nĂąâŹâąest relativement Ă lĂąâŹâąUn et au Peu, le nombre Deux serait-il une pluralitĂ© ? Pourrait-il lĂąâŹâąĂÂȘtre relativement Ă autre chose, puisquĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien de plus petit que Un et Deux ? De plus, si le rapport du long et du court, dans les Ă©tendues, est le mĂÂȘme que le rapport du Beaucoup et du Peu, dans les nombres, ce qui est Beaucoup est Ă©galement un grand nombre, de mĂÂȘme quĂąâŹâąun grand nombre est pareillement du Beaucoup. Si donc on laisse de cĂÂŽtĂ© la diffĂ©rence que peut prĂ©senter un continu indĂ©terminĂ©, on doit dire que le Peu deviendra comme une sorte de pluralitĂ©. Par consĂ©quent, lĂąâŹâąunitĂ© deviendrait aussi une pluralitĂ© dĂąâŹâąun certain genre, puisquĂąâŹâąelle aussi est du Peu. CĂąâŹâąest lĂ une consĂ©quence nĂ©cessaire, du moment que Deux est considĂ©rĂ© comme une pluralitĂ©. Mais il se peut fort bien que parfois lĂąâŹâąon confonde le grand nombre et le Beaucoup, et que parfois aussi on les distingue par exemple, en parlant de lĂąâŹâąeau, on peut dire quĂąâŹâąil y en a beaucoup ; mais on ne peut pas dire quĂąâŹâąelle est en grand nombre. Dans toutes ces choses, quand elles sont divisibles, on dit, en un premier sens, quĂąâŹâąelles sont Beaucoup, sĂąâŹâąil y en a une quantitĂ© plus considĂ©rable, soit absolument parlant, soit dĂąâŹâąune maniĂšre relative ; et de mĂÂȘme, le Peu dĂ©signe, dans les mĂÂȘmes conditions une quantitĂ©, qui est moindre. Mais en un second sens, le Beaucoup est numĂ©rique, et alors le Beaucoup nĂąâŹâąest jamais opposĂ© quĂąâŹâąĂ lĂąâŹâąunitĂ©. CĂąâŹâąest que nous Ă©tablissons entre lĂąâŹâąunitĂ© et la pluralitĂ© le mĂÂȘme rapport quĂąâŹâąon Ă©tablit entre lĂąâŹâąunitĂ© et les choses Unes, entre le blanc et les choses blanches, les objets mesurĂ©s, ou mesurables, et la mesure quĂąâŹâąon leur applique. De cette mĂÂȘme façon, on peut dire du multiple quĂąâŹâąil est une pluralitĂ© ; car tout nombre quelconque est une pluralitĂ© aussi, parce quĂąâŹâąil est composĂ© dĂąâŹâąunitĂ©s ; et que, tout nombre ayant lĂąâŹâąunitĂ© pour mesure, on doit le considĂ©rer comme lĂąâŹâąopposĂ© de lĂąâŹâąunitĂ©, et non pas comme lĂąâŹâąopposĂ© du Peu. CĂąâŹâąest donc encore de la mĂÂȘme maniĂšre que Deux est une pluralitĂ© ; mais il nĂąâŹâąest pas pluralitĂ© en tant quĂąâŹâąil serait une quantitĂ© supĂ©rieure, soit relativement, soit absolument ; seulement Deux est la premiĂšre pluralitĂ©. Absolument parlant, Deux est Peu, cĂąâŹâąest Ă dire un petit nombre, puisque cĂąâŹâąest la premiĂšre pluralitĂ© qui est la moindre pluralitĂ© possible. Aussi, Anaxagore sĂąâŹâąĂ©carte-t-il de la vĂ©ritĂ© quand il dit que Ă Toutes choses Ă©taient confondues, infinies en nombre, infinies en petitesse Ă». Au lieu de dire Ă Infinies en petitesse Ă», il aurait dĂ» dire ĂEn nombre infiniment petit ;Ă» car alors les choses ne sont pas infinies, puisque le Peu, le petit nombre, ne sĂąâŹâąentend pas de lĂąâŹâąunitĂ©, comme on lĂąâŹâąaffirme quelquefois, mais du nombre Deux. LĂąâŹâąunitĂ© et la pluralitĂ© dans les nombres, lĂąâŹâąunitĂ© et la multiplicitĂ©, sĂąâŹâąopposent lĂąâŹâąun Ă lĂąâŹâąautre comme la mesure sĂąâŹâąoppose Ă lĂąâŹâąobjet mesurable ; et leur opposition est comme celle des relatifs, qui ne sont pas des relatifs en soi et essentiellement. Nous avons exposĂ©, ailleurs, que les relatifs peuvent ĂÂȘtre relatifs de deux maniĂšres dĂąâŹâąabord, ils peuvent ĂÂȘtre pris comme contraires ; puis, ils peuvent ĂÂȘtre dans le mĂÂȘme rapport que la science soutient avec lĂąâŹâąobjet su, cĂąâŹâąest-Ă -dire, parce quĂąâŹâąune autre chose tire son appellation du rapport quĂąâŹâąelle a avec eux. [1057a] Mais rien ne sĂąâŹâąoppose Ă ce que lĂąâŹâąunitĂ© ne soit plus petite que quelque autre chose, par exemple, que le nombre Deux ; car une chose, pour ĂÂȘtre plus petite quĂąâŹâąune autre, nĂąâŹâąest pas Peu par cela seul. La multiplicitĂ© est comme le genre du nombre, puisque le nombre nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune multiplicitĂ©, dont lĂąâŹâąunitĂ© est la mesure. En un sens, lĂąâŹâąunitĂ© et le nombre sont opposĂ©s, non pas Ă la façon des contraires, mais Ă la façon que nous venons dĂąâŹâąexposer pour certains relatifs ; ils sont opposĂ©s en tant que lĂąâŹâąun est la mesure, et que lĂąâŹâąautre est le mesurable. CĂąâŹâąest lĂ ce qui fait que tout ce qui peut ĂÂȘtre Un nĂąâŹâąest pas nombre pourtant par exemple, sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit de quelque chose dĂąâŹâąindivisible. Toutefois, le rapport de la science Ă lĂąâŹâąobjet su, dont on vient de parler, ne rĂ©pond pas tout Ă fait Ă celui de lĂąâŹâąunitĂ© et de la pluralitĂ© ; car la science peut sembler une mesure, et lĂąâŹâąobjet su peut reprĂ©senter lĂąâŹâąobjet mesurĂ©. Mais si toute science Ă©videmment est lĂąâŹâąobjet su, tout objet su nĂąâŹâąest pas rĂ©ciproquement la science, attendu que, en un certain sens, la science est mesurĂ©e par lĂąâŹâąobjet su. Mais quant Ă la pluralitĂ©, elle nĂąâŹâąest pas le contraire de Peu ; car le contraire de Peu, cĂąâŹâąest Beaucoup, comme une pluralitĂ© qui en surpasse une autre, est le contraire de la pluralitĂ© surpassĂ©e. La pluralitĂ© nĂąâŹâąest pas non plus absolument le contraire de lĂąâŹâąunitĂ© ; seulement, la pluralitĂ© sĂąâŹâąoppose Ă lĂąâŹâąunitĂ©, ainsi quĂąâŹâąon lĂąâŹâąa dĂ©jĂ dit, parce quĂąâŹâąelle est divisible, tandis que lĂąâŹâąunitĂ© est indivisible ; et la pluralitĂ© est le relatif de lĂąâŹâąunitĂ©, comme la science est le relatif de lĂąâŹâąobjet su, quand on la considĂšre comme un nombre ; mais cĂąâŹâąest lĂąâŹâąobjet su qui est lĂąâŹâąunitĂ© et la mesure. Chapitre 7[modifier] Comme il peut y avoir un intermĂ©diaire entre les contraires, et quĂąâŹâąil y en a rĂ©ellement pour quelques-uns, il faut nĂ©cessairement que les intermĂ©diaires viennent des contraires, puisque, toujours, les intermĂ©diaires et les choses dont ils sont les intermĂ©diaires sont dans le mĂÂȘme genre. Par intermĂ©diaires, nous entendons toutes les modifications par lesquelles doit, de toute nĂ©cessitĂ©, passer dĂąâŹâąabord le changement de ce qui change. Ainsi, par exemple, quand on veut monter de la note la plus basse Ă la plus haute, quelque peu de temps quĂąâŹâąon y mette, il faut passer dĂąâŹâąabord par les sons intermĂ©diaires. Il en est de mĂÂȘme sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit des couleurs, ou, pour aller du blanc au noir, il faut prĂ©alablement passer par le rouge brun et le gris, avant dĂąâŹâąarriver au noir. MĂÂȘme observation pour tous les autres intermĂ©diaires. On ne pourrait pas, dĂąâŹâąailleurs, changer dĂąâŹâąun genre Ă un autre, si ce nĂąâŹâąest dĂąâŹâąune maniĂšre indirecte ; et, par exemple, changer du genre de la couleur au genre de la figure. Il sĂąâŹâąensuit quĂąâŹâąil faut que les intermĂ©diaires soient dans le mĂÂȘme genre les uns que les autres, et dans le mĂÂȘme genre que les choses dont ils sont les intermĂ©diaires. Ceci nĂąâŹâąempĂÂȘche pas que les intermĂ©diaires ne soient toujours intermĂ©diaires entre certains termes opposĂ©s ; car cĂąâŹâąest seulement entre des opposĂ©s que le changement, pris en soi, peut avoir lieu. Il nĂąâŹâąest donc pas possible quĂąâŹâąil y ait des intermĂ©diaires sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas dĂąâŹâąopposĂ©s, puisquĂąâŹâąalors il y aurait un changement qui ne viendrait pas dĂąâŹâąopposĂ©s. Or, parmi les opposĂ©s, la contradiction nĂąâŹâąa pas dĂąâŹâąintermĂ©diaires possibles ; car la contradiction nĂąâŹâąest pas autre chose quĂąâŹâąune antithĂšse, ou opposition, dont lĂąâŹâąune des deux parties sĂąâŹâąapplique nĂ©cessairement Ă lĂąâŹâąobjet quelconque dont il sĂąâŹâąagit, sans quĂąâŹâąil y ait aucun intermĂ©diaire possible entre les deux, puisque lĂąâŹâąune dit Oui, et que lĂąâŹâąautre dit Non. Quant aux autres OpposĂ©s, ce sont, ou les relatifs, ou les privatifs, ou les contraires. Les relatifs, quand ils ne sont pas des contraires entre eux, nĂąâŹâąont pas dĂąâŹâąintermĂ©diaires non plus ; et le motif, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąils ne sont pas alors dans le mĂÂȘme genre. [1057b] En effet, quel intermĂ©diaire pourrait-on dĂ©couvrir entre la science et lĂąâŹâąobjet su ? Mais il y a des intermĂ©diaires entre le grand et le petit. Que si les IntermĂ©diaires sont dans un seul et mĂÂȘme genre, comme nous lĂąâŹâąavons Ă©tabli, et sĂąâŹâąils sont placĂ©s entre des contraires, il faut nĂ©cessairement aussi quĂąâŹâąils soient composĂ©s de ces mĂÂȘmes contraires. En effet, ou les contraires relĂšveront dĂąâŹâąun genre supĂ©rieur, ou il nĂąâŹâąy a pas de genre au-dessus dĂąâŹâąeux. SĂąâŹâąil existe un genre qui soit tel quĂąâŹâąil y ait quelque chose dĂąâŹâąantĂ©rieur aux contraires, les diffĂ©rences contraires antĂ©rieures seront celles qui auront formĂ© les contraires comme espĂšces du genre, puisque les espĂšces viennent du genre et des diffĂ©rences. Supposons, par exemple, que les contraires soient le blanc et le noir. Le blanc est la couleur qui fait discerner les objets ; le noir est celle qui les fait confondre ; donc ces diffĂ©rences, de faire discerner ou de faire confondre les objets, seront les premiĂšres de toutes ; et ce seront lĂ aussi les premiers de tous les contraires, opposĂ©s les uns aux autres. DĂąâŹâąailleurs, les contraires qui diffĂšrent ainsi entre eux, sont les plus contraires de tous. Quant aux autres contraires et aux intermĂ©diaires, ils se composeront du genre et des diffĂ©rences. Ainsi, pour reprendre lĂąâŹâąexemple des couleurs, toutes celles qui sont intermĂ©diaires entre le blanc et le noir, doivent tirer leur appellation du genre, qui est ici le genre Couleur, et de certaines diffĂ©rences. Mais ces nouvelles diffĂ©rences ne seront pas les premiers contraires. Autrement, chaque couleur intermĂ©diaire ne serait que, ou blanche, ou noire. Donc, ces diffĂ©rences sont autres ; et elles seront intermĂ©diaires entre les premiers contraires. Or, ici les premiĂšres diffĂ©rences sont, ou la propriĂ©tĂ© de faire discerner les objets, ou la propriĂ©tĂ© de les faire confondre. Ainsi, il faut rechercher, entre ces premiers contraires, qui ne sont pas contraires en genre, de quel genre est celui dĂąâŹâąentre eux dĂąâŹâąoĂÂč viennent leurs intermĂ©diaires. CĂąâŹâąest que, en effet, il faut nĂ©cessairement que les choses comprises dans le mĂÂȘme genre, soient formĂ©es de parties qui ne peuvent se composer gĂ©nĂ©riquement des contraires, ou quĂąâŹâąelles ne puissent elles-mĂÂȘmes en ĂÂȘtre composĂ©es. Or, les contraires ne peuvent jamais se composer les uns des autres rĂ©ciproquement ; et, cĂąâŹâąest lĂ ce qui en fait des principes. Quant aux intermĂ©diaires, ou ils sont tous hors dĂąâŹâąĂ©tat de se composer les uns des autres, ou ils peuvent tous sĂąâŹâąen composer. Mais il peut sortir des contraires quelque Ă©lĂ©ment nouveau ; et, par consĂ©quent, le changement passera par ce quelque chose dĂąâŹâąintermĂ©diaire, avant dĂąâŹâąarriver aux contraires. Ce quelque chose tiendra plus ou moins de lĂąâŹâąun des deux contraires quelconque ; et cĂąâŹâąest lĂ ce qui eu fera aussi lĂąâŹâąintermĂ©diaire obligĂ© de ces contraires. Donc, tous les intermĂ©diaires subsĂ©quents seront composĂ©s des contraires aussi ; car ce qui est plus lĂąâŹâąun, ce qui est moins lĂąâŹâąautre, doit ĂÂȘtre composĂ© jusquĂąâŹâąĂ certain point des Ă©lĂ©ments mĂÂȘmes dont on dit quĂąâŹâąil participe plus on moins. En rĂ©sumĂ©, comme, dans un mĂÂȘme genre, il nĂąâŹâąy a point de termes qui puissent ĂÂȘtre antĂ©rieurs aux contraires, il en rĂ©sulte que toujours les intermĂ©diaires doivent provenir des contraires. Par consĂ©quent, tous les termes infĂ©rieurs, les contraires aussi bien que les intermĂ©diaires, descendent des contraires primordiaux. Donc, on doit voir que les intermĂ©diaires sont toujours dans le mĂÂȘme genre, quĂąâŹâąils sont des intermĂ©diaires de contraires, et que tous ils sont composĂ©s des contraires sans exception. Chapitre 8[modifier] LĂąâŹâąĂÂȘtre qui est autre en espĂšce lĂąâŹâąest relativement Ă un certain ĂÂȘtre, dans une certaine relation ; et cette relation doit ĂÂȘtre commune aux deux ĂÂȘtres comparĂ©s. Par exemple, sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit dĂąâŹâąun animal qui soit autre en espĂšce, il faut que les deux ĂÂȘtres soient des animaux. Ainsi, il y a nĂ©cessitĂ© que les ĂÂȘtres qui diffĂšrent en espĂšce soient dans le mĂÂȘme genre. Ce que je nomme Genre est prĂ©cisĂ©ment ce qui fait quĂąâŹâąon appelle dĂąâŹâąun nom identique les deux ĂÂȘtres que lĂąâŹâąon compare cĂąâŹâąest ce qui reçoit la diffĂ©rence essentiellement et non par accident, [1058a] soit quĂąâŹâąon le considĂšre comme matiĂšre, soit quĂąâŹâąon le considĂšre de toute autre façon. DĂąâŹâąailleurs, il ne faut pas seulement que le caractĂšre commun se retrouve dans les deux ĂÂȘtres, et que, par exemple, ils soient tous deux des animaux ; il faut en outre, que, dans chacun dĂąâŹâąeux, ce mĂÂȘme animal, tout en restant ce quĂąâŹâąil est, soit autre ; par exemple, dĂąâŹâąune part le cheval, et dĂąâŹâąautre part, lĂąâŹâąhomme. CĂąâŹâąest grĂÂące Ă cette qualitĂ© commune que les deux ĂÂȘtres diffĂ©reront lĂąâŹâąun de lĂąâŹâąautre, sous le rapport de lĂąâŹâąespĂšce ; pris en soi, lĂąâŹâąun sera tel animal, et lĂąâŹâąautre, tel animal aussi ; et je le rĂ©pĂšte, dĂąâŹâąun cĂÂŽtĂ© le cheval, de lĂąâŹâąautre cĂÂŽtĂ© lĂąâŹâąhomme. Ce sera donc nĂ©cessairement cette diffĂ©rence qui constituera la variĂ©tĂ© autre du genre ; et je donne Ă cette diffĂ©rence du genre le nom de VariĂ©tĂ©, parce que cĂąâŹâąest elle qui fait que ce mĂÂȘme genre varie et quĂąâŹâąil est autre. Cette diffĂ©rence est donc une contrariĂ©tĂ©, une opposition par contraires ; et lĂąâŹâąon peut sĂąâŹâąen convaincre au moyen de lĂąâŹâąinduction. Toutes les choses, en effet, se divisent en des termes opposĂ©s ; et il a Ă©tĂ© Ă©galement dĂ©montrĂ© que les contraires sont dans le mĂÂȘme genre, puisque nous avons dit que la contrariĂ©tĂ© est !a diffĂ©rence parfaite et finie. Or, la diffĂ©rence spĂ©cifique est toujours la relation dĂąâŹâąune chose Ă une autre, de telle sorte que cette mĂÂȘme relation de diffĂ©rence et le genre se retrouvent dans les deux ĂÂȘtres. De lĂ vient que les contraires sont toujours dans la mĂÂȘme classe de catĂ©gorie, parce que, diffĂ©rents en espĂšce, mais non en genre, ils sont Ă©loignĂ©s le plus possible lĂąâŹâąun de lĂąâŹâąautre ; leur diffĂ©rence est parfaite, et elle ne peut appartenir simultanĂ©ment Ă lĂąâŹâąun et Ă lĂąâŹâąautre. Donc, la diffĂ©rence est une contrariĂ©tĂ© ; car ĂÂȘtre autre en espĂšce veut dire simplement que des espĂšces individuelles, qui sont dans le mĂÂȘme genre, sont Ă titre de contraires opposĂ©es entre elles, Mais lĂąâŹâąon dit que deux ĂÂȘtres sont dĂąâŹâąespĂšce identique, lorsque, pris individuellement, ils nĂąâŹâąont pas entre eux dĂąâŹâąopposition Ă titre de contraires. En effet, les oppositions par contraires se produisent dans la division et dans les intermĂ©diaires, avant dĂąâŹâąen arriver aux individus. Par suite, il est Ă©vident que, relativement Ă ce quĂąâŹâąon appelle le genre, aucune des espĂšces qui conviennent en genre, ne peuvent, ni lui ĂÂȘtre identiques, ni diffĂ©rer de lui spĂ©cifiquement. La matiĂšre, en effet, est exprimĂ©e par la nĂ©gation ; mais le genre est la matiĂšre de la chose dont on dit quĂąâŹâąil est le genre, non pas genre au sens de race, comme on le dit en parlant des HĂ©raclides, mais comme ce qui fait partie de la nature de la chose. Il ne peut non plus y avoir, ni identitĂ©, ni diffĂ©rence dĂąâŹâąespĂšce, pour les choses qui ne sont pas dans le mĂÂȘme genre ; elles sont alors dans un genre diffĂ©rent. Or ce sont les choses de genre identique qui peuvent diffĂ©rer en espĂšce ; car il faut nĂ©cessairement que la diffĂ©rence soit une contrariĂ©tĂ© relativement Ă ce qui diffĂšre dĂąâŹâąespĂšce ; et cette diffĂ©rence ne se trouve jamais que dans les choses comprises sous le mĂÂȘme genre. Chapitre 9[modifier] On pourrait se demander comment il se fait que la femme ne diffĂšre pas spĂ©cifiquement de lĂąâŹâąhomme, bien que cependant le fĂ©minin et le masculin soient contraires, et que la diffĂ©rence ici soit une contrariĂ©tĂ©. On peut aussi se demander, dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, pourquoi, dans les animaux, le mĂÂąle et la femelle ne sont pas diffĂ©rents dĂąâŹâąespĂšce, quoique cette diffĂ©rence de sexe soit essentielle dans lĂąâŹâąanimal, et quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąy soit pas accidentelle, comme la couleur noire ou blanche, mais que ce soit en tant quĂąâŹâąanimal que lĂąâŹâąanimal est mĂÂąle ou femelle. Cette question revient Ă peu prĂšs Ă celle-ci Comment se fait-il que telle contrariĂ©tĂ© produise pour les ĂÂȘtres une diffĂ©rence dĂąâŹâąespĂšce, et que telle autre contrariĂ©tĂ© nĂąâŹâąen produise pas ? Ainsi, lĂąâŹâąanimal qui marche sur terre, et lĂąâŹâąanimal qui vole, sont autres en espĂšce, tandis que la couleur blanche ou noire ne constitue pas une espĂšce diffĂ©rente. Cela vient-il de ce que, dans un cas, il sĂąâŹâąagit des modifications propres du genre, tandis que, dans lĂąâŹâąautre cas, ces modifications y sont beaucoup moins intĂ©ressĂ©es ? Puis, comme il faut distinguer, dĂąâŹâąune part, la dĂ©finition de la chose, et dĂąâŹâąautre part, sa matiĂšre, [1058b] ne pourrait-on pas dire que les contrariĂ©tĂ©s qui sont comprises dans la dĂ©finition, produisent une diffĂ©rence dĂąâŹâąespĂšce, et que celles qui ne sont comprises que dans lĂąâŹâąensemble matĂ©riel, nĂąâŹâąen produisent pas ? Aussi, la couleur blanche, ou la couleur noire, de lĂąâŹâąhomme ne produit-elle pas une diffĂ©rence spĂ©cifique ; et il nĂąâŹâąy attrait pas de diffĂ©rence dĂąâŹâąespĂšce de lĂąâŹâąhomme blanc Ă lĂąâŹâąhomme noir, quand bien mĂÂȘme on donnerait Ă chacun dĂąâŹâąeux un nom sĂ©parĂ©. En effet, la matiĂšre ici, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąhomme ; mais la matiĂšre ne produit pas de diffĂ©rence ; car les hommes individuels ne sont pas des espĂšces de lĂąâŹâąhomme. CĂąâŹâąest que les chairs et les os qui forment tel ou tel individu ont beau ĂÂȘtre diffĂ©rents, le composĂ© est autre sans doute, mais ce nĂąâŹâąest pas en espĂšce quĂąâŹâąil est autre, attendu que, dans la dĂ©finition des individus, il nĂąâŹâąy a point de contrariĂ©tĂ© ; cĂąâŹâąest seulement un autre individu. Le nom de Callias est lĂąâŹâąappellation attribuĂ©e Ă la matiĂšre ; et si lĂąâŹâąon dit de lĂąâŹâąhomme quĂąâŹâąil est blanc, cĂąâŹâąest parce que Callias est blanc. Donc lĂąâŹâąhomme nĂąâŹâąest blanc quĂąâŹâąaccidentellement. De mĂÂȘme encore, un cercle en airain et un triangle en bois, non plus quĂąâŹâąun triangle en airain et un cercle en bois, ne diffĂšrent pas dĂąâŹâąespĂšce Ă cause de leur matiĂšre ; mais ils diffĂšrent entre eux, parce quĂąâŹâąil y a une contrariĂ©tĂ© dans leur dĂ©finition essentielle. Mais nĂąâŹâąest-ce pas la matiĂšre, qui, Ă certains Ă©gards Ă©tant autre, tantĂÂŽt ne fait pas que les ĂÂȘtres aussi soient autres en espĂšce, et qui tantĂÂŽt le fait ? Pourquoi tel cheval est-il dĂąâŹâąune espĂšce diffĂ©rente que tel homme ? Cependant, de part et dĂąâŹâąautre, la matiĂšre est Ă©galement comprise dans les dĂ©finitions de ces ĂÂȘtres. Est-ce parce quĂąâŹâąil y a contrariĂ©tĂ© dans leur dĂ©finition ? Car il est bien vrai quĂąâŹâąil y a une contrariĂ©tĂ© entre lĂąâŹâąhomme blanc et le cheval noir. Mais la vĂ©ritable contrariĂ©tĂ© est dans lĂąâŹâąespĂšce de tous deux, et non pas parce que lĂąâŹâąun est blanc et que lĂąâŹâąautre est noir ; car, fussent-ils blancs lĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre, ils nĂąâŹâąen seraient pas moins certainement dĂąâŹâąespĂšce diffĂ©rente. Quant au sexe, mĂÂąle ou femelle, ce sont lĂ des affections propres de lĂąâŹâąanimal ; mais ces affections ne touchent pas lĂąâŹâąessence ; elles ne sont que dans la matiĂšre et dans le corps. Le mĂÂȘme germe produit les deux sexes ; et cĂąâŹâąest une simple modification qui, de tel ĂÂȘtre, fait un mĂÂąle, et de tel autre, une femelle. En rĂ©sumĂ©, nous avons exposĂ© ce que cĂąâŹâąest quĂąâŹâąĂÂȘtre dĂąâŹâąune autre espĂšce, et comment tels ĂÂȘtres diffĂšrent dĂąâŹâąespĂšce, et comment tels autres ĂÂȘtres ne prĂ©sentent pas cette diffĂ©rence. Chapitre 10[modifier] Comme les contraires sont autres en espĂšce, et comme le pĂ©rissable et lĂąâŹâąimpĂ©rissable sont des contraires, puisque la privation est une impuissance dĂ©finie, il faut nĂ©cessairement que le pĂ©rissable et lĂąâŹâąimpĂ©rissable soient de genres diffĂ©rents. Nous ne les avons considĂ©rĂ©s jusquĂąâŹâąĂ prĂ©sent que comme des appellations universelles ; et dĂšs lors, il pourrait sembler que ce nĂąâŹâąest pas une nĂ©cessitĂ© que tout impĂ©rissable et que tout pĂ©rissable soient spĂ©cifiquement autres, pas plus quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest nĂ©cessaire que le blanc et le noir soient dĂąâŹâąespĂšces diffĂ©rentes. Le mĂÂȘme ĂÂȘtre, en effet, peut Ă la fois ĂÂȘtre fun et lĂąâŹâąautre, tant quĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit de termes universels ; et, par exemple, lĂąâŹâąhomme peut ĂÂȘtre tout ensemble blanc et noir ; et mĂÂȘme pour ce qui concerne les individus, un seul et mĂÂȘme homme peut ĂÂȘtre, mais non pas Ă la fois, noir et blanc. Le blanc et le noir nĂąâŹâąen sont pas moins contraires lĂąâŹâąun Ă lĂąâŹâąautre. Or, parmi les contraires, les uns nĂąâŹâąappartiennent quĂąâŹâąaccidentellement Ă certains ĂÂȘtres, comme les contraires dont nous venons de parler, et bon nombre dĂąâŹâąautres. Mais il en est dĂąâŹâąautres aussi qui ne peuvent pas ĂÂȘtre de simples accidents ; et cĂąâŹâąest de ceux-lĂ que font partie le pĂ©rissable et lĂąâŹâąimpĂ©rissable. [1059a] Rien, en effet, nĂąâŹâąest pĂ©rissable par simple accident, attendu que lĂąâŹâąaccident peut Ă©galement ĂÂȘtre, ou ne pas ĂÂȘtre, tandis que la qualitĂ© de pĂ©rissable est un attribut absolument nĂ©cessaire de toutes les choses auxquelles cette qualitĂ© est attribuĂ©e. Autrement, le mĂÂȘme ĂÂȘtre serait pĂ©rissable et impĂ©rissable, si le pĂ©rissable peut aussi ne pas lui ĂÂȘtre attribuĂ©. Ainsi, le pĂ©rissable, dans chacun des ĂÂȘtres qui doivent pĂ©rir, est lĂąâŹâąessence de ces ĂÂȘtres, ou fait nĂ©cessairement partie de leur essence. MĂÂȘme raisonnement pour lĂąâŹâąimpĂ©rissable. LĂąâŹâąun et lĂąâŹâąautre sont des nĂ©cessitĂ©s au mĂÂȘme titre ; et par suite, en tant que primitifs, le pĂ©rissable et lĂąâŹâąimpĂ©rissable offrent lĂąâŹâąantithĂšse quĂąâŹâąon signale entre eux. Il faut donc absolument quĂąâŹâąils soient de genres diffĂ©rents. Une consĂ©quence non moins claire de ceci, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas possible dĂąâŹâąadmettre les idĂ©es, ou espĂšces, au sens oĂÂč les admettent quelques philosophes ; car alors, dĂąâŹâąune part, lĂąâŹâąhomme serait pĂ©rissable, et de lĂąâŹâąautre, lĂąâŹâąhomme serait impĂ©rissable. Pourtant, on soutient que les IdĂ©es, ou espĂšces, sont spĂ©cifiquement identiques aux individus, et quĂąâŹâąelles ne sont pas simplement homonymes avec eux. Mais la diffĂ©rence de genre sĂ©pare les ĂÂȘtres plus que la diffĂ©rence dĂąâŹâąespĂšce. Livre 11 Chapitre 1[modifier] Que la philosophie soit prĂ©cisĂ©ment la science des principes, cĂąâŹâąest une vĂ©ritĂ© qui ressort de ce que nous avons dit, en discutant les thĂ©ories relatives aux principes que dĂąâŹâąautres philosophes ont exposĂ©es. Mais on peut se demander si la philosophie est une science unique, ou si plutĂÂŽt elle ne se forme pas de plusieurs sciences. Si elle ne forme quĂąâŹâąune seule science, on doit se rappeler quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a jamais quĂąâŹâąune seule et unique science pour les contraires. Or, les principes ne sont pas contraires entre eux. DĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, si la philosophie ne forme pas une seule et unique science, quelles sont les sciences dont elle se compose ? Une autre question, cĂąâŹâąest de savoir si cĂąâŹâąest Ă une seule science, ou Ă plusieurs sciences, quĂąâŹâąil appartient dĂąâŹâąĂ©tudier les principes de la dĂ©monstration. Si cĂąâŹâąest lĂąâŹâąaffaire dĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme science, pourquoi celle-ci plutĂÂŽt que toute autre ? Si cĂąâŹâąest le fait de plusieurs, quelles sont ces sciences diverses ? Autre question encore Cette unique science sĂąâŹâąadresse-t-elle Ă toutes les substances, ou ne sĂąâŹâąy adresse-t-elle pas ? Si ce nĂąâŹâąest pas Ă toutes quĂąâŹâąelle sĂąâŹâąadresse, il est bien difficile de dĂ©terminer celles auxquelles elle sĂąâŹâąadresse particuliĂšrement. DĂąâŹâąautre part, si, Ă©tant unique, elle sĂąâŹâąapplique Ă toutes les substances, on a peine Ă comprendre comment une seule et mĂÂȘme science pourrait sĂąâŹâąappliquer Ă des substances si multiples. En outre, on peut se demander si cette science se borne aux substances mĂÂȘmes, ou si elle sĂąâŹâąĂ©tend jusquĂąâŹâąĂ leurs accidents ; car, sĂąâŹâąil y a dĂ©monstration pour les accidents, il nĂąâŹâąy en a pas pour les substances. SĂąâŹâąil y a lĂ deux sciences diffĂ©rentes, quĂąâŹâąest-ce que chacune dĂąâŹâąelles ? Et laquelle des deux est la philosophie ? La philosophie dĂ©monstrative est celle qui sĂąâŹâąoccupe des accidents, tandis que la philosophie des principes sĂąâŹâąoccupe des substances. Mais ce nĂąâŹâąest pas non plus, sur les causes Ă©numĂ©rĂ©es par nous dans la Physique, que devra porter la science que nous cherchons ici. Ainsi, elle ne considĂšre pas le pourquoi des choses. Ce pourquoi, cĂąâŹâąest le bien ; et on ne trouve manifestement le bien que dans les choses pratiques, et dans les ĂÂȘtres douĂ©s de mouvement. CĂąâŹâąest le bien qui est le premier moteur. CĂąâŹâąest ainsi prĂ©cisĂ©ment quĂąâŹâąagit la fin ; et le premier moteur ne peut pas se rencontrer dans les immobiles. En un mot, il sĂąâŹâąagit de voir si la science que nous cherchons sĂąâŹâąapplique, ou ne sĂąâŹâąapplique pas, aux substances sensibles, et Ă quelles autres elle pourrait sĂąâŹâąappliquer. [1059b] Si cĂąâŹâąest Ă dĂąâŹâąautres substances quĂąâŹâąelle sĂąâŹâąapplique, ce ne peut ĂÂȘtre quĂąâŹâąĂ des IdĂ©es, ou Ă des ĂÂȘtres mathĂ©matiques. Mais il est de toute Ă©vidence que les IdĂ©es nĂąâŹâąexistent point ; et si, par hasard, on veut en admettre lĂąâŹâąexistence, on nĂąâŹâąen a pas moins Ă rechercher comment il nĂąâŹâąen est pas des autres choses, pour lesquelles il y a des IdĂ©es, comme il en est pour les entitĂ©s mathĂ©matiques. Je veux dire que lĂąâŹâąon place les ĂÂȘtres mathĂ©matiques entre les IdĂ©es et les choses sensibles, et quĂąâŹâąon en fait une sorte de troisiĂšme ordre dĂąâŹâąĂÂȘtres, entre les IdĂ©es et les choses qui frappent ici-bas nos sens. Mais le troisiĂšme homme nĂąâŹâąexiste pas ; le troisiĂšme cheval nĂąâŹâąexiste pas, outre lĂąâŹâąIdĂ©e du cheval en soi et outre les individus chevaux que nous voyons. Mais sĂąâŹâąil nĂąâŹâąen est pas Ă cet Ă©gard ainsi quĂąâŹâąon le prĂ©tend, Ă quel objet sĂąâŹâąadressent alors les Ă©tudes du mathĂ©maticien ? Certes ce nĂąâŹâąest pas aux choses sensibles ; car aucune des choses perceptibles Ă nos sens nĂąâŹâąest comme celles dont sĂąâŹâąoccupent les sciences mathĂ©matiques. On ne peut pas dire davantage que la science cherchĂ©e par nous sĂąâŹâąoccupe des ĂÂȘtres mathĂ©matiques, puisque pas un de ces ĂÂȘtres nĂąâŹâąest isolĂ© de la matiĂšre. Mais elle ne sĂąâŹâąoccupe pas non plus des substances sensibles, puisquĂąâŹâąelles sont pĂ©rissables. DĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on peut se demander Ă quelle science il appartient de rechercher quelle est la matiĂšre des choses mathĂ©matiques. Ce nĂąâŹâąest pas Ă la Physique, puisque toutes les recherches du Physicien se bornent Ă Ă©tudier les ĂÂȘtres qui ont en eux le principe de leur mouvement, ou de leur inertie. Ce nĂąâŹâąest pas davantage lĂąâŹâąobjet de la science qui Ă©tudie la dĂ©monstration et la thĂ©orie de la science, puisque ce sont lĂ exclusivement les matiĂšres dont elle sĂąâŹâąoccupe. Reste donc que ce soit la philosophie telle que nous lĂąâŹâąentendons, qui Ă©tudie la matiĂšre des MathĂ©matiques. Une question quĂąâŹâąon peut Ă©galement soulever, cĂąâŹâąest de savoir si la science ici cherchĂ©e, en sĂąâŹâąoccupant des principes, sĂąâŹâąoccupe aussi de ce que quelques philosophes appellent les Ă©lĂ©ments ; et tous les philosophes admettent que les Ă©lĂ©ments se trouvent dans les composĂ©s quĂąâŹâąils forment. Ce qui paraĂt le plus probable, cĂąâŹâąest que notre science est la science des universaux ; car toute dĂ©finition, toute science, repose sur des termes universaux, et ne descend pas jusquĂąâŹâąaux termes derniers. A ce point de vue, notre science sĂąâŹâąappliquerait donc aux genres primordiaux. Or, ces genres ce sont lĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn. CĂąâŹâąest que, en effet, ce sont ces deux genres primordiaux quĂąâŹâąon peut surtout regarder comme embrassant tous les ĂÂȘtres, et comme reprĂ©sentant surtout des principes, puisque, par leur nature, ils sont les primitifs. Eux une fois dĂ©truits, tout le reste disparaĂt en mĂÂȘme temps quĂąâŹâąeux, puisque tout, sans exception, est ĂĆ tre et est Un. Mais si lĂąâŹâąon en fait des genres, il y a nĂ©cessitĂ© que les diffĂ©rences doivent en participer aussi ; or, il nĂąâŹâąest pas de diffĂ©rence qui puisse participer du genre ; et, considĂ©rĂ©s de cette façon, lĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn ne peuvent plus du tout passer pour des genres, ni pour des principes. Ajoutez que ce qui est plus simple est plus principe que ce qui est moins simple ; et les derniers termes, dans chaque genre, sont plus simples que les genres mĂÂȘmes, attendu que ces termes derniers sont des individus, et que les genres se divisent toujours en espĂšces multiples et diffĂ©rentes. Il semblerait donc que les espĂšces sont des principes plutĂÂŽt que les genres. Mais, en tant que les espĂšces disparaissent Ă la suite des genres, ce sont les genres qui devraient plutĂÂŽt ĂÂȘtre considĂ©rĂ©s comme des principes ; car on doit regarder comme principe ce qui entraĂne avec soi la perte de tout le reste. [1060a] VoilĂ les questions quĂąâŹâąon peut se poser, sans en compter encore bien dĂąâŹâąautres, qui sont analogues Ă celles-lĂ . Chapitre 2[modifier] Une question quĂąâŹâąon doit agiter aussi, cĂąâŹâąest de savoir sĂąâŹâąil y a, ou sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas, dĂąâŹâąautres ĂÂȘtres que les individus, et si cĂąâŹâąest des individus que sĂąâŹâąoccupe la science que nous cherchons ici. Mais les individus sont en nombre infini. En dehors dĂąâŹâąeux, il nĂąâŹâąy a plus que les genres et les espĂšces. Or, les espĂšces et les genres ne constituent, ni les uns, ni les autres, la science que nous demandons ; et nous avons dĂ©jĂ dit pourquoi il est impossible quĂąâŹâąils soient lĂąâŹâąobjet de cette science. CĂąâŹâąest que, en effet, nous avons Ă nous demander si, Ă cĂÂŽtĂ© et en dehors des substances que nous rĂ©vĂšlent nos sens, il existe une substance isolĂ©e de toutes celles que nous voyons ; ou bien, si ce ne sont pas plutĂÂŽt les substances sensibles qui sont seules des rĂ©alitĂ©s, et les objets de la philosophie. Nous semblons bien, en effet, chercher une autre substance que les choses sensibles ; et le but que nous nous proposons, cĂąâŹâąest de voir sĂąâŹâąil nĂąâŹâąexiste pas quelque chose qui soit essentiellement sĂ©parĂ© des choses sensibles, et nĂąâŹâąappartienne Ă aucune dĂąâŹâąelles. Mais si, Ă cĂÂŽtĂ© des substances perceptibles Ă nos sens, il existe quelque substance diffĂ©rente de celles-lĂ , il reste Ă savoir en dehors de quelles substances sensibles il faut la placer. Pourquoi, par exemple, faudrait-il la supposer en dehors des hommes plutĂÂŽt quĂąâŹâąen dehors des chevaux, ou de tels autres animaux, ou mĂÂȘme en dehors de telles choses sans vie ? Certes, admettre quĂąâŹâąĂ cĂÂŽtĂ© des substances sensibles et pĂ©rissables, il y ait dĂąâŹâąautres substances, qui sont en nombre Ă©gal et qui sont Ă©ternelles, cĂąâŹâąest tomber dans une erreur qui brave toute raison. Mais si, dĂąâŹâąautre part, le principe que nous cherchons Ă cette heure nĂąâŹâąest pas isolĂ© des corps, quel autre principe mĂ©riterait dĂąâŹâąĂÂȘtre adoptĂ© mieux que la matiĂšre ? La matiĂšre, en effet, nĂąâŹâąexiste pas en acte ; elle nĂąâŹâąexiste quĂąâŹâąen puissance. Il est bien vrai aussi que lĂąâŹâąespĂšce et la forme sembleraient ĂÂȘtre un principe plus particuliĂšrement encore que la matiĂšre ; mais lĂąâŹâąespĂšce et la forme peuvent pĂ©rir. Donc, il semblerait quĂąâŹâąil ne se peut pas absolument quĂąâŹâąil y ait une substance Ă©ternelle qui soit isolĂ©e, et qui existe en soi. Mais cĂąâŹâąest une impossibilitĂ© quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy en ait pas ; car tout le monde, y compris mĂÂȘme les philosophes les plus distinguĂ©s, admet quĂąâŹâąil y a un principe et une substance de ce genre. Et comment y aurait-il un ordre quelconque dans les choses, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy avait pas quelque chose dĂąâŹâąĂ©ternel, de sĂ©parĂ© et de permanent ? DĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, sĂąâŹâąil existe une substance et un principe qui ait la nature que nous signalons ici, et que ce principe unique sĂąâŹâąapplique Ă tout, aux choses pĂ©rissables aussi bien quĂąâŹâąaux choses Ă©ternelles, il sĂąâŹâąagit de comprendre comment, ce principe universel, Ă©tant identique pour tout, il se peut que, parmi les choses placĂ©es sous le mĂÂȘme principe, les unes soient Ă©ternelles et les autres ne le soient pas. CĂąâŹâąest lĂ quelque chose dĂąâŹâąincomprĂ©hensible. Mais sĂąâŹâąil y a un principe diffĂ©rent pour les choses pĂ©rissables, et un principe diffĂ©rent pour les choses Ă©ternelles, nous pouvons nous demander, avec un Ă©gal embarras, si le principe des ĂÂȘtres pĂ©rissables est Ă©ternel comme lĂąâŹâąautre. Comment, en effet, le principe mĂÂȘme nĂąâŹâąĂ©tant pas Ă©ternel, les ĂÂȘtres qui relĂšvent de ce principe pourraient-ils ĂÂȘtre Ă©ternels ? Si le principe est pĂ©rissable, il y a dĂšs lors un autre principe, puis un troisiĂšme aprĂšs ce second, et ainsi de suite Ă lĂąâŹâąinfini. DĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, si lĂąâŹâąon admet pour principes ceux qui semblent ĂÂȘtre plus particuliĂšrement des principes immobiles, je veux dire lĂąâŹâąUn et lĂąâŹâąĂĆ tre, on peut se demander dĂąâŹâąabord [1060b] comment, si chacun dĂąâŹâąeux nĂąâŹâąest pas un ĂÂȘtre dĂ©terminĂ© et une substance, ces principes pourront ĂÂȘtre sĂ©parĂ©s et exister en soi. Or, ce sont prĂ©cisĂ©ment des principes de ce genre, Ă©ternels et premiers, que nous cherchons. Mais si lĂąâŹâąUn et lĂąâŹâąĂĆ tre expriment tous les deux quelque individualitĂ© et une substance, alors tous les ĂÂȘtres sans exception sont des substances, puisque lĂąâŹâąĂĆ tre est un attribut de tous, et que lĂąâŹâąUn est lĂąâŹâąattribut dĂąâŹâąun certain nombre. Mais prĂ©tendre que tous les ĂÂȘtres sont des substances, cĂąâŹâąest une erreur. DĂąâŹâąautre part, quand on prend lĂąâŹâąunitĂ© pour le premier principe, qui est alors une substance, et quand, de lĂąâŹâąunitĂ© et de la matiĂšre, on fait dĂąâŹâąabord sortir le nombre, auquel on accorde dĂąâŹâąĂÂȘtre la substance des choses, comment peut-on sĂąâŹâąimaginer que cette thĂ©orie soit vraie ? Comment concevoir que lĂąâŹâąunitĂ© soit dans la Dyade, et dans chacun des nombres composĂ©s ? Sur ce point difficile, on se tait ; et il faut convenir quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas aisĂ© dĂąâŹâąen dire quelque chose. Que si lĂąâŹâąon prend pour principes les lignes et ce qui dĂ©rive des lignes, je veux dire les surfaces les plus simples quĂąâŹâąelles forment, on sĂąâŹâąexpose Ă cette objection, que les lignes ne sont pas des substances isolĂ©es, que ce sont des sections et des divisions, les lignes Ă©tant des divisions de surfaces, les surfaces des divisions de corps, comme les points sont des divisions de lignes ; ce sont en outre des limites de toutes ces mĂÂȘmes choses, corps, surfaces, etc. Mais tout cela est dans dĂąâŹâąautres ĂÂȘtres, et il nĂąâŹâąy a jamais lĂ de substances sĂ©parĂ©es. Et puis, comment concevoir lĂąâŹâąunitĂ© et le point Ă lĂąâŹâąĂ©tat de substances ? Pour toute substance, il y a gĂ©nĂ©ration et devenir ; pour le point, il nĂąâŹâąy en a pas, puisque le point nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune division. Une autre cause de doute, cĂąâŹâąest que toujours la science sĂąâŹâąappuie sur des universaux et sur telle qualitĂ© prĂ©cise, tandis que la substance nĂąâŹâąest pas un universel, et quĂąâŹâąelle est bien plutĂÂŽt quelque chose dĂąâŹâąindividuel et de sĂ©parĂ©. Par consĂ©quent, sĂąâŹâąil est vrai que la science sĂąâŹâąapplique aux principes, comment le principe peut-il ĂÂȘtre substance ? On peut demander encore Existe-t-il, ou nĂąâŹâąexiste-t-il pas, quelque chose en dehors de lĂąâŹâąensemble du composĂ© matĂ©riel ? Par Ensemble, jĂąâŹâąentends la matiĂšre et ce qui lĂąâŹâąaccompagne. SĂąâŹâąil nĂąâŹâąy arien en dehors de lĂąâŹâąensemble, alors tous les ĂÂȘtres qui sont matĂ©riels sont destinĂ©s Ă pĂ©rir ; et sĂąâŹâąil y a quelque chose qui subsiste, ce ne peut ĂÂȘtre que lĂąâŹâąespĂšce et la forme. Pour quels ĂÂȘtres cette sĂ©paration est-elle possible, pour quels ĂÂȘtres ne lĂąâŹâąest-elle pas, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąil est bien difficile de dĂ©terminer ; car il y a des choses oĂÂč manifestement la forme ne peut pas ĂÂȘtre sĂ©parĂ©e par exemple, sĂąâŹâąil sĂąâŹâąagit de la forme dĂąâŹâąune maison. Autre question encore Les principes sont-ils les mĂÂȘmes en espĂšce et en nombre ? SĂąâŹâąils se rĂ©duisent Ă un seul en nombre, alors tous les ĂÂȘtres sont identiques entre eux. Chapitre 3[modifier] La science quĂąâŹâąĂ©tudie le philosophe est donc la science de lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, de lĂąâŹâąĂĆ tre entendu dans toute sa gĂ©nĂ©ralitĂ©, et non pas partiellement. Or, le mot dĂąâŹâąĂĆ tre a bien des sens divers, et il ne se prend pas en une seule acception. Si cĂąâŹâąest une simple homonymie, et sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a point quelque qualitĂ© commune, alors lĂąâŹâąĂĆ tre ne peut se ranger sous une seule et mĂÂȘme notion scientifique ; car il nĂąâŹâąy a point, dans ce cas, de genre unique pour des ĂÂȘtres ainsi rapprochĂ©s ; mais ils sont lĂąâŹâąobjet dĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme science, si lĂąâŹâąappellation dĂąâŹâąĂĆ tre sĂąâŹâąapplique Ă quelque chose de commun. Il en est, ce semble, des acceptions diverses du mot ĂĆ tre comme de celles des mots MĂ©dical et HygiĂ©nique. Chacun de ces termes a des nuances trĂšs diverses. [1061a] Tous deux on les emploie, tantĂÂŽt pour exprimer quelque chose qui est relatif Ă la mĂ©decine ou Ă lĂąâŹâąhygiĂšne, tantĂÂŽt pour un autre point de vue, Mais chacun dĂąâŹâąeux se rapporte toujours Ă la mĂÂȘme chose. Ainsi, lĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąun argument quĂąâŹâąil est mĂ©dical, comme on le dit dĂąâŹâąun bistouri, parce que lĂąâŹâąun est tirĂ© de la science de la mĂ©decine, et que lĂąâŹâąautre lui est utile. MĂÂȘme remarque sur le mot dĂąâŹâąHygiĂ©nique, qui signifie, tantĂÂŽt ce qui manifeste la santĂ©, tantĂÂŽt ce qui la procure. Il en est aussi de mĂÂȘme pour tous les autres mots ; et le mot dĂąâŹâąĂĆ tre sĂąâŹâąapplique Ă©galement Ă tout, avec les nuances quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąindiquer. Ainsi, il suffit quĂąâŹâąune chose quelconque soit une affection, une qualitĂ©, une disposition, un mouvement, ou tout autre attribut analogue, de lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, pour quĂąâŹâąon dise do cette chose quĂąâŹâąelle Est, et pour quĂąâŹâąon lĂąâŹâąappelle ĂĆ tre. De mĂÂȘme que, pour toutes ces espĂšces dĂąâŹâąĂĆ tre, les dĂ©nominations diverses peuvent se ramener Ă une seule acception commune, de mĂÂȘme toutes les contrariĂ©tĂ©s se ramĂšneront aux diffĂ©rences primordiales et aux oppositions de lĂąâŹâąĂĆ tre, soit quĂąâŹâąon prenne le nombre et lĂąâŹâąunitĂ©, soit quĂąâŹâąon prenne la ressemblance et la dissemblance, pour les diffĂ©rences fondamentales de lĂąâŹâąĂĆ tre, soit quĂąâŹâąon en choisisse encore dĂąâŹâąautres. Admettons que ce soient les diffĂ©rences qui ont Ă©tĂ© indiquĂ©es par nous. Il importe peu, dĂąâŹâąailleurs, que lĂąâŹâąon ramĂšne toutes ces nuances de ce qui est, Ă lĂąâŹâąĂĆ tre ou Ă lĂąâŹâąUn, puisque lĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn, sĂąâŹâąils ne sont pas identiques et sĂąâŹâąils sont autres, peuvent du moins se prendre rĂ©ciproquement lĂąâŹâąun pour lĂąâŹâąautre. LĂąâŹâąĂĆ tre, en effet, est Un Ă certains Ă©gards, et lĂąâŹâąUn est aussi lĂąâŹâąĂĆ tre. Comme il nĂąâŹâąy a toujours quĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme science pour comprendre les contraires, il sĂąâŹâąensuit que lĂąâŹâąappellation de chacun dĂąâŹâąeux se fait par privation. Cela nĂąâŹâąempĂÂȘche pas, dĂąâŹâąailleurs, que lĂąâŹâąon se demande avec raison comment la privation est possible, pour certains contraires qui ont des intermĂ©diaires par exemple, pour lĂąâŹâąinjuste et le juste. CĂąâŹâąest que, pour tous les contraires de ce genre, il ne faut pas appliquer la privation Ă la notion tout entiĂšre, mais seulement Ă la derniĂšre espĂšce. Par exemple, si lĂąâŹâąhomme juste est celui qui est disposĂ© Ă obĂ©ir docilement aux lois, lĂąâŹâąinjuste ne sera pas absolument privĂ© de la notion totale de justice ; mais, comme il ne manquera aux lois quĂąâŹâąĂ certains Ă©gards, cĂąâŹâąest aussi dans cette mesure que la privation lui sera applicable. Le raisonnement serait le mĂÂȘme pour tout autre cas. CĂąâŹâąest comme le mathĂ©maticien, qui ne considĂšre, dans ses thĂ©ories, que des abstractions, puisque cĂąâŹâąest en retranchant toutes les conditions sensibles quĂąâŹâąil Ă©tudie les choses. Ainsi, il ne tient compte, ni de la lĂ©gĂšretĂ©, ni de la duretĂ© des corps, ni des qualitĂ©s contraires Ă celles-lĂ ; il nĂ©glige Ă©galement la chaleur, le froid, et les autres oppositions que nos sens perçoivent. Il ne conserve que la quantitĂ© et le continu, ici en une seule dimension, lĂ en deux, ailleurs en trois, et les affections propres de ces entitĂ©s, en tant quĂąâŹâąelles sont quantitatives et continues ; il ne regarde absolument rien dĂąâŹâąautre. TantĂÂŽt, il compare les natures et les positions respectives de ces choses, les unes Ă lĂąâŹâąĂ©gard des autres, et leurs attributs spĂ©ciaux ; [1061b] tantĂÂŽt, il en Ă©tudie la commensurabilitĂ© et lĂąâŹâąincommensurabilitĂ© ; tantĂÂŽt, il considĂšre leurs rapports proportionnels. Nous nĂąâŹâąen disons pas moins que la gĂ©omĂ©trie est la seule et unique science qui sĂąâŹâąoccupe de toutes ces diverses questions. Nous en faisons tout autant pour lĂąâŹâąĂĆ tre. En Ă©tudier les accidents en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, Ă©tudier les oppositions quĂąâŹâąil peut prĂ©senter en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, cĂąâŹâąest le fait dĂąâŹâąune seule science, qui nĂąâŹâąest pas autre que la philosophie. Ainsi, lĂąâŹâąon peut affirmer que les Ă©tudes de la Physique ne sĂąâŹâąappliquent pas aux choses en tant quĂąâŹâąelles existent, mais bien plutĂÂŽt en tant quĂąâŹâąelles sont soumises au mouvement. De mĂÂȘme encore, la Dialectique et la Sophistique sĂąâŹâąoccupent bien de certains accidents des choses et des ĂÂȘtres, mais non pas en tant quĂąâŹâąĂÂȘtres, et elles nĂąâŹâąĂ©tudient pas lĂąâŹâąĂĆ tre lui-mĂÂȘme en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, 2 nĂąâŹâąy a donc en rĂ©sumĂ© que le philosophe qui considĂšre les choses, que nous venons de dire, en tant quĂąâŹâąelles sont. Par consĂ©quent, lĂąâŹâąĂĆ tre, quelque multiples que soient ses acceptions, sĂąâŹâąapplique toujours Ă quelque chose dĂąâŹâąUn et de commun, comme sĂąâŹâąy appliquent Ă©galement les contraires, puisquĂąâŹâąils se rĂ©duisent toujours aux premiĂšres oppositions et aux premiĂšres diffĂ©rences de lĂąâŹâąĂĆ tre. Ainsi, il est possible de comprendre toutes ces notions sous une seule science ; et de cette façon, se trouve rĂ©solue la question que nous avions soulevĂ©e dĂšs le principe, cĂąâŹâąest-Ă -dire, la question de savoir comment une seule et unique science pouvait comprendre tant de choses si nombreuses et de genres si diffĂ©rents. Chapitre 4[modifier] Comme on le voit, le mathĂ©maticien se sert des notions communes, pour son point de vue particulier ; mais le rĂÂŽle de la Philosophie premiĂšre, cĂąâŹâąest de remonter jusquĂąâŹâąaux principes de ces notions. En effet, quand on dit que, si de quantitĂ©s Ă©gales on retranche une quantitĂ© Ă©gale, les restes sont encore Ă©gaux, cĂąâŹâąest lĂ un axiome qui sĂąâŹâąapplique Ă toutes les quantitĂ©s sans exception. Mais les MathĂ©matiques admettent, cet axiome sans examen ; et elles y appuient leurs thĂ©ories, concernant une partie quelconque de la matiĂšre qui leur est propre et, par exemple, les lignes, les angles, les nombres, ou telles autres quantitĂ©s de ce genre. Ce nĂąâŹâąest pas en tant quĂąâŹâąĂÂȘtres que la science mathĂ©matique les Ă©tudie, mais cĂąâŹâąest en tant que chacune dĂąâŹâąelles est continue, dans une, deux ou trois dimensions. Quant Ă la Philosophie, elle ne considĂšre pas les nuances particuliĂšres de lĂąâŹâąĂĆ tre, ni les accidents qui sĂąâŹâąy rapportent ; elle ne considĂšre, dans chacune de ces entitĂ©s, que lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre. La Physique en est absolument au mĂÂȘme point que la science mathĂ©matique ; si elle Ă©tudie les affections et les principes des ĂÂȘtres, cĂąâŹâąest en tant quĂąâŹâąils se meuvent, et non pas en tant quĂąâŹâąils sont des ĂÂȘtres. Mais nous avons dit que la science premiĂšre des ĂÂȘtres est celle qui les Ă©tudie en tant quĂąâŹâąĂÂȘtres et substances, et non pas en tant quĂąâŹâąils sont encore autre chose. Par consĂ©quent, la Physique et les MathĂ©matiques ne sont que des parties de la Philosophie. Chapitre 5[modifier] Il y a, dans les choses, un principe sur lequel on ne peut se tromper jamais, et qui nĂ©cessairement fait toujours le contraire, cĂąâŹâąest-Ă -dire, qui est toujours essentiellement vrai. Ce principe, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąune seule et mĂÂȘme chose ne peut jamais, en un seul et mĂÂȘme moment donnĂ©, ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas ; [1062a] et cette vĂ©ritĂ© sĂąâŹâąapplique Ă tout ce qui prĂ©sente des oppositions de cette forme. Pour les axiomes de cet ordre, il nĂąâŹâąy a pas absolument de dĂ©monstration possible, si ce nĂąâŹâąest pour rĂ©futer celui qui les nie ; car il ne serait pas possible de faire remonter le raisonnement Ă un principe plus certain que celui-lĂ . Il le faudrait, cependant, pour que lĂąâŹâąon fĂt une dĂ©monstration vĂ©ritable et absolue. Mais, pour rĂ©futer celui qui soutient que les deux membres de la contradiction sont Ă©galement vrais, et pour lui dĂ©montrer quĂąâŹâąil se trompe, il faudra prendre une proposition qui, au fond, sera identique Ă celle-ci, que la mĂÂȘme chose ne peut pas dans le mĂÂȘme temps ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre point, et choisir cette seconde proposition, de maniĂšre quĂąâŹâąelle ne paraisse pas tout dĂąâŹâąabord ĂÂȘtre identique. CĂąâŹâąest seulement ainsi quĂąâŹâąon pourra rĂ©futer celui qui soutiendrait que les deux termes de la contradiction sont Ă©galement vrais dĂąâŹâąun seul et mĂÂȘme objet. Or, quand on cherche Ă tomber dĂąâŹâąaccord sur quelque raisonnement commun, il faut bien quĂąâŹâąon se comprenne mutuellement en un certain point ; car, sans cette condition, comment serait-il possible de se communiquer rĂ©ciproquement ce quĂąâŹâąon pense ? Ainsi, il faut dĂąâŹâąabord que chacun des mots dont on se sert ait un sens connu, que ce mot exprime une seule et unique chose, et non plusieurs Ă la fois, au lieu dĂąâŹâąune seule, et que, sĂąâŹâąil a par hasard plusieurs sens, on sache prĂ©cisĂ©ment celui dont on entend se servir. Or, celui qui soutient que telle chose est et nĂąâŹâąest pas tout Ă . la fois, celui-lĂ nie prĂ©cisĂ©ment ce quĂąâŹâąil affirme ; et, par consĂ©quent, il nie que le mot quĂąâŹâąil emploie signifie ce quĂąâŹâąil signifie ; ce qui est complĂštement impossible et absurde. Ainsi, puisque dire que telle chose est Cela signifie quelque chose, il est de toute impossibilitĂ© que la contradiction puisse ĂÂȘtre vraie de cette mĂÂȘme chose. Bien plus, si le mot a un sens et que lĂąâŹâąassertion soit vraie, il faut nĂ©cessairement que la chose existe aussi. Or, quand une chose est nĂ©cessaire, elle ne peut plus nĂąâŹâąĂÂȘtre point. Donc, les affirmations et les nĂ©gations opposĂ©es ne peuvent pas ĂÂȘtre vraies de la mĂÂȘme chose. Ajoutez que, si lĂąâŹâąaffirmation nĂąâŹâąest pas plus vraie que la nĂ©gation, on nĂąâŹâąest pas plus dans le vrai quand on dit que tel ĂÂȘtre est un homme, que quand on dit quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas un homme. On ne paraĂt pas mĂÂȘme ĂÂȘtre, ni plus, ni moins dans la vĂ©ritĂ©, quand on dit que lĂąâŹâąhomme nĂąâŹâąest pas un cheval, que quand on dit quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas un homme. Par consĂ©quent, on dira Ă©galement la vĂ©ritĂ© en soutenant que le cheval est identique Ă lĂąâŹâąhomme, du moment que lĂąâŹâąon a admis que les propositions opposĂ©es sont Ă©galement vraies. Il en rĂ©sulte que le mĂÂȘme ĂÂȘtre est homme et cheval Ă la fois, ou tel autre animal quelconque. On peut donc affirmer quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas de dĂ©monstration absolue contre de telles propositions, bien quĂąâŹâąon puisse faire une dĂ©monstration contre celui qui soutient de telles doctrines. En interrogeant HĂ©raclite lui-mĂÂȘme par cette mĂ©thode, on lĂąâŹâąaurait bien vite rĂ©duit Ă avouer que jamais les propositions opposĂ©es ne peuvent ĂÂȘtre vraies Ă la fois des mĂÂȘmes choses ; et cĂąâŹâąest parce quĂąâŹâąil ne comprenait pas trĂšs bien ses propres assertions quĂąâŹâąil avait adoptĂ© cette opinion Ă©trange. Mais si la maxime quĂąâŹâąil soutenait est vraie, lĂąâŹâąopinion mĂÂȘme quĂąâŹâąil dĂ©fendait ne peut plus lĂąâŹâąĂÂȘtre [1062b] Ă savoir que la mĂÂȘme chose peut, dans un seul et mĂÂȘme moment, ĂÂȘtre et nĂąâŹâąĂÂȘtre pas. En effet, de mĂÂȘme que, en divisant les propositions, lĂąâŹâąaffirmation nĂąâŹâąest pas plus vraie que la nĂ©gation, de mĂÂȘme, pour les deux propositions rĂ©unies et assemblĂ©es, de maniĂšre Ă ce que le composĂ© ne fasse en quelque sorte quĂąâŹâąune seule affirmation, la nĂ©gation nĂąâŹâąest pas plus vraie que lĂąâŹâąensemble mis sous forme affirmative. Enfin, si lĂąâŹâąon ne peut rien affirmer avec vĂ©ritĂ©, cĂąâŹâąest une erreur manifeste dĂąâŹâąaffirmer quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas possible de faire une seule affirmation vraie. Si cela est exact, cĂąâŹâąest une maniĂšre de rĂ©soudre la difficultĂ© que soulĂšvent ceux qui font de telles objections, et qui rendraient toute discussion absolument impossible. Chapitre 6[modifier] Le systĂšme de Protagoras ne sĂąâŹâąĂ©loigne pas beaucoup de celui quĂąâŹâąon vient de rĂ©futer, quand il soutient que lĂąâŹâąhomme est la mesure de toutes choses ; car ceci revient Ă dire que les choses sont rĂ©ellement ce quĂąâŹâąelles paraissent Ă chacun de nous. SĂąâŹâąil en est ainsi, cĂąâŹâąest dire, sous une autre forme, que les mĂÂȘmes choses sont et ne sont pas, quĂąâŹâąelles sont Ă la fois bonnes et mauvaises, et que, Ă tous Ă©gards, les affirmations les plus opposĂ©es sont identiques, puisque bien souvent ce qui paraĂt bon Ă ceux-ci paraĂt mauvais Ă ceux-lĂ , et que la mesure des choses est, dit-on, le jugement individuel de chacun de nous. Il serait facile de rĂ©soudre cette difficultĂ© en remontant Ă lĂąâŹâąorigine mĂÂȘme dĂąâŹâąune pareille doctrine. TantĂÂŽt, on a cru quĂąâŹâąelle venait de celle des philosophes Naturalistes ; tantĂÂŽt, on en a trouvĂ© la source dans cette observation, Ă savoir, que tout le monde ne sent pas les choses de la mĂÂȘme maniĂšre, et que, par exemple, telle chose est douce au goĂ»t des uns, et est tout le contraire au goĂ»t des autres. Il est certain, en effet, quĂąâŹâąune opinion commune Ă presque tous les philosophes Naturalistes, cĂąâŹâąest que rien ne vient de rien, et que tout vient de quelque chose qui existe dĂ©jĂ . Ainsi donc, une chose ne devient pas blanche si elle est dĂ©jĂ complĂštement blanche, et si elle nĂąâŹâąa rien du tout qui ne soit blanc. Mais quand nous voyons quĂąâŹâąun objet est devenu blanc, il doit, selon eux, venir de ce qui nĂąâŹâąest pas blanc, pour pouvoir devenir blanc. Par consĂ©quent, selon ces philosophes, il viendrait quelque chose du Non ĂĆ tre, si lĂąâŹâąon nĂąâŹâąadmettait pas que le Blanc et le Non-blanc sont une seule et mĂÂȘme chose. Il nĂąâŹâąest pas trĂšs difficile de rĂ©pondre Ă cette objection. En se reportant Ă ce qui a Ă©tĂ© dit dans la Physique, on peut voir comment toutes les choses qui se produisent viennent du Non-ĂÂȘtre, et comment elles viennent de lĂąâŹâąĂĆ tre. Ce serait une naĂÂŻvetĂ© de prĂÂȘter une Ă©gale attention aux deux opinions, et aux arguments quĂąâŹâąenfante lĂąâŹâąimagination des uns et des autres, dans ces discussions. Il est dĂąâŹâąabord de toute Ă©vidence que les uns, ou les autres, doivent ĂÂȘtre dans lĂąâŹâąerreur nĂ©cessairement. Et il suffit pour sĂąâŹâąen convaincre dĂąâŹâąobserver les faits qui frappent nos sens. Jamais, en effet, la mĂÂȘme chose ne saurait paraĂtre, telle Ă ceux-ci, et le contraire Ă ceux-lĂ , [1063a] que quand, chez les uns ou chez les autres, lĂąâŹâąorgane qui perçoit les saveurs quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąindiquer, a subi quelque altĂ©ration, ou est atteint de quelque infirmitĂ©. SĂąâŹâąil en est ainsi, il faut bien admettre que les uns sont alors la mesure des choses, et que les autres ne sauraient lĂąâŹâąĂÂȘtre. JĂąâŹâąen dis tout autant du bien et du mal, du beau et du laid, et de toutes les notions de mĂÂȘme ordre. Il en est de ceci comme il en est lorsquĂąâŹâąon se met le doigt sous le globe de lĂąâŹâąoeil, et que, au lieu dĂąâŹâąun seul objet, on en voit deux, Il y a donc deux objets, puisquĂąâŹâąil en paraĂt deux, en effet, ; mais, lĂąâŹâąinstant dĂąâŹâąaprĂšs, il nĂąâŹâąy en a plus quĂąâŹâąun, puisquĂąâŹâąen rĂ©alitĂ©, si lĂąâŹâąon ne presse pas lĂąâŹâąorgane, lĂąâŹâąobjet paraĂt unique, comme il lĂąâŹâąest effectivement. DĂąâŹâąailleurs, il est souverainement absurde de prĂ©tendre fonder le jugement de la vĂ©ritĂ© sur des objets qui sont soumis Ă un changement perpĂ©tuel, sous nos regards, et qui ne demeurent jamais un seul instant dans le mĂÂȘme Ă©tat. On ne doit chercher Ă trouver la vĂ©ritĂ© que dans les choses qui sont Ă©ternellement les mĂÂȘmes, et qui ne subissent jamais le moindre changement. Tels sont, par exemple, les corps cĂ©lestes. Ils ne sont pas, tantĂÂŽt dĂąâŹâąune façon, et tantĂÂŽt dĂąâŹâąun aspect diffĂ©rent et variable ; ils sont Ă©ternellement les mĂÂȘmes, et ils ne subissent jamais la loi du changement. DĂąâŹâąautre part, si le mouvement existe, et si le mobile qui est mĂ» doit passer toujours dĂąâŹâąun point, dĂąâŹâąoĂÂč il part, Ă un point oĂÂč il arrive, il faudrait, dĂąâŹâąaprĂšs ces doctrines, que le mobile fĂ»t encore dans le point dĂąâŹâąoĂÂč il se meut, et quĂąâŹâąen mĂÂȘme temps il nĂąâŹâąy fĂ»t plus ; il faudrait quĂąâŹâąil se mĂ»t vers un point, et quĂąâŹâąen mĂÂȘme temps il y fĂ»t dĂ©jĂ arrivĂ©. Mais ces philosophes eux-mĂÂȘmes doivent reconnaĂtre que les deux parties de la contradiction ne peuvent pas ĂÂȘtre vraies Ă la fois ; et si les choses de ce monde sont dans un flux perpĂ©tuel, et dans un mouvement incessant, sous le rapport de la quantitĂ©, et quĂąâŹâąon admette ce systĂšme tout faux quĂąâŹâąil est, pourquoi les choses ne seraient-elles pas immobiles sous le rapport de la qualitĂ© ? En effet, leur argument principal pour affirmer que les deux parties de la contradiction peuvent sĂąâŹâąappliquer Ă©galement Ă la mĂÂȘme chose, est tirĂ© de cette supposition que la quantitĂ© nĂąâŹâąest pas permanente dans les corps, et quĂąâŹâąun mĂÂȘme corps peut avoir quatre coudĂ©es, et, ensuite, ne les avoir plus. Mais la substance des choses se rapporte Ă leur qualitĂ©, qui est dĂąâŹâąune nature dĂ©finie, tandis que la quantitĂ© est indĂ©terminĂ©e de sa nature, Autre objection. Pourquoi, quand le mĂ©decin leur prescrit tel aliment, le prennent-ils volontiers ? Car, selon eux, oĂÂč serait la raison de croire que ce soit du pain, plutĂÂŽt que de croire le contraire ? Par suite, il leur devrait ĂÂȘtre indiffĂ©rent de manger, ou de ne pas manger. Et cependant, ils prennent bien la nourriture que le mĂ©decin leur prescrit, parce quĂąâŹâąils croient quĂąâŹâąils sont dans le vrai, quoiquĂąâŹâąils dussent se garder de le faire, si, comme ils le prĂ©tendent, il nĂąâŹâąy a pas dans les choses sensibles une nature qui persiste absolument, et si elles sont toutes livrĂ©es Ă un mouvement et Ă un flux perpĂ©tuels. DĂąâŹâąailleurs, si nous-mĂÂȘmes nous changeons sans cesse, et si nous ne restons jamais les mĂÂȘmes un seul instant, pourquoi sĂąâŹâąĂ©tonner que les choses ne nous semblent jamais les mĂÂȘmes, ainsi quĂąâŹâąelles ne le semblent pas non plus aux malades ? [1063b] Quand on est malade, comme la disposition, oĂÂč lĂąâŹâąon est varie sans cesse, avec lĂąâŹâąĂ©tat de la santĂ©, les objets que perçoit la sensibilitĂ© nĂąâŹâąapparaissent plus de la mĂÂȘme maniĂšre. Pourtant, ce nĂąâŹâąest pas un motif pour que les objets eux-mĂÂȘmes Ă©prouvent le plus lĂ©ger changement ; seulement, ils causent aux malades des sensations diffĂ©rentes, et qui ne sont plus du tout les mĂÂȘmes. Il en est peut-ĂÂȘtre nĂ©cessairement encore ainsi, pour le mouvement dont nous parlons ici, quand nous le ressentons. Mais si nous ne changions pas personnellement et si nous restions les mĂÂȘmes, il y aurait dĂšs lors quelque chose de permanent pour nous. Quant aux philosophes qui soulĂšvent, dĂąâŹâąune façon toute gratuite, ces difficiles questions, on ne peut guĂšre les rĂ©futer du moment quĂąâŹâąils ne posent pas un principe, dont ils ne demandent plus la raison ; car cĂąâŹâąest Ă cette seule condition quĂąâŹâąil peut y avoir raisonnement et dĂ©monstration. En ne posant aucun principe, comme ils le font, on empĂÂȘche toute discussion et tout raisonnement quelconque. Il nĂąâŹâąy a donc point Ă raisonner avec de tels adversaires. Mais quant Ă ceux qui Ă©lĂšvent des doutes sĂ©rieux, il est assez aisĂ© de rĂ©pondre aux difficultĂ©s qui causent lĂąâŹâąincertitude dans leur esprit. On peut tirer la rĂ©ponse Ă leur faire de ce que nous avons dĂ©jĂ dit ; car ce qui rĂ©sulte clairement de nos explications antĂ©rieures, cĂąâŹâąest que jamais les affirmations opposĂ©es ne peuvent ĂÂȘtre vraies dĂąâŹâąune mĂÂȘme chose, dans un seul et mĂÂȘme moment, non plus que les contraires, puisquĂąâŹâąils sĂąâŹâąexpriment sous forme privative. CĂąâŹâąest ce qui est de toute Ă©vidence, quand on prend la peine dĂąâŹâąanalyser Ă fond la thĂ©orie des contraires. Par la mĂÂȘme raison, il ne se peut pas que jamais les intermĂ©diaires puissent nĂąâŹâąĂÂȘtre appliquĂ©s quĂąâŹâąĂ un seul et mĂÂȘme terme. Par exemple, si lĂąâŹâąobjet est blanc, et que nous disions quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest, ni blanc, ni noir, nous sommes dans le faux ; car il en rĂ©sulterait que le mĂÂȘme objet serait blanc, et quĂąâŹâąil ne le serait pas. Il nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune seule des deux assertions accouplĂ©es qui soit vraie de lĂąâŹâąobjet ; et cĂąâŹâąest la contradiction du blanc. Ainsi, il est Ă©galement impossible dĂąâŹâąĂÂȘtre dans le vrai, soit quĂąâŹâąon suive HĂ©raclite, soit quĂąâŹâąon suive Anaxagore. Si lĂąâŹâąon sĂąâŹâąen tient Ă leur doctrine, on est amenĂ© Ă attribuer les contraires Ă un seul et mĂÂȘme objet. Quand on dit, en effet, que tout est dans tout, en partie du moins, on nĂąâŹâąaffirme pas plus dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est douce que lĂąâŹâąon nĂąâŹâąaffirme quĂąâŹâąelle est amĂšre, ou quĂąâŹâąon ne lui prĂÂȘte telle autre qualitĂ© contraire, de quelque ordre que ce soit. La consĂ©quence est inĂ©vitable, du moment que tout est dans tout, non pas seulement en puissance, mais en rĂ©alitĂ© actuelle et parfaitement distincte. Par la mĂÂȘme raison, il nĂąâŹâąest pas possible que toutes les assertions soient fausses, ni quĂąâŹâąelles soient toutes vraies. DĂąâŹâąabord, on vient de voir toutes les difficultĂ©s quĂąâŹâąentraĂne cette doctrine, et que nous avons Ă©numĂ©rĂ©es. Ensuite, si toutes les assertions sont fausses sans exception, cette assertion elle-mĂÂȘme quĂąâŹâąon Ă©nonce nĂąâŹâąest pas plus vraie que les autres ; et enfin, si toutes les assertions sont vraies, celui qui dit quĂąâŹâąelles sont toutes fausses ne peut pas non plus ĂÂȘtre dans le faux. Chapitre 7[modifier] Toute science sĂąâŹâąapplique Ă rechercher des principes et des causes, en ce qui concerne les objets qui rentrent dans son domaine. [1064a] CĂąâŹâąest ce que font la mĂ©decine, la gymnastique, et toutes les autres sciences, soit les sciences productrices, soit les sciences mathĂ©matiques. Chacune dĂąâŹâąelles sans exception, aprĂšs sĂąâŹâąĂÂȘtre tracĂ© un cadre relatif Ă un certain genre dĂąâŹâąobjets, sĂąâŹâąoccupe de son objet propre, en admettant que cet objet existe, et quĂąâŹâąil est rĂ©el. Mais elle ne lĂąâŹâąĂ©tudie pas en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, attendu quĂąâŹâąil y a une science spĂ©ciale qui, en dehors des autres sciences, sĂąâŹâąoccupe de cette question. Chacune des sciences quĂąâŹâąon vient dĂąâŹâąindiquer, acceptant Ă un certain point de vue lĂąâŹâąexistence de son objet, dans chaque genre particulier, essaie ensuite de montrer, avec plus ou moins dĂąâŹâąexactitude, toutes les autres conditions de cet objet. Les unes acceptent lĂąâŹâąexistence de lĂąâŹâąobjet, en sĂąâŹâąen rapportant au tĂ©moignage des sens ; les autres supposent cette existence dĂąâŹâąaprĂšs certaines hypothĂšses ; et cette simple induction suffit pour faire voir quĂąâŹâąelles ne donnent point de vĂ©ritable dĂ©monstration, ni de la substance, ni de lĂąâŹâąexistence rĂ©elle. Quant Ă la science de la nature, on reconnaĂt Ă©videmment quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest, ni une science pratique, ni une science qui arrive Ă produire telles ou telles choses. Pour la science qui produit quelque chose, le principe du mouvement est dans lĂąâŹâąagent producteur, et non dans le rĂ©sultat produit ; et alors, cĂąâŹâąest un art dĂąâŹâąune certaine espĂšce, ou telle autre facultĂ© de produire. De mĂÂȘme non plus pour la science pratique, le mouvement nĂąâŹâąest pas dans lĂąâŹâąobjet pratiquĂ© ; il est plutĂÂŽt dans les ĂÂȘtres qui pratiquent. Mais la science du physicien sĂąâŹâąapplique Ă des ĂÂȘtres qui ont en eux-mĂÂȘmes le principe de leur mouvement ; et cela seul suffit Ă montrer que la Physique, la science de la nature, nĂąâŹâąest point une science pratique, ni une science productrice, mais quĂąâŹâąelle est simplement thĂ©orique et observatrice ; car il faut nĂ©cessairement quĂąâŹâąelle soit dans une de ces trois classes. Mais comme il nĂąâŹâąy a pas de science qui ne connaisse, dans une certaine mesure, lĂąâŹâąexistence de son objet, et qui ne sĂąâŹâąen serve comme de son principe, il faut se bien fixer sur la maniĂšre dont le physicien doit envisager cette existence, et se demander sĂąâŹâąil doit la considĂ©rer, ou comme on considĂšre la notion de Camus, ou comme on considĂšre la notion de Creux. La notion de Camus implique toujours, quand on la dĂ©finit, la matiĂšre de la chose, tandis que la notion de Creux est indĂ©pendante de la matiĂšre. La qualitĂ© de Camus ne peut, en effet, sĂąâŹâąappliquer jamais quĂąâŹâąĂ un nez ; et la dĂ©finition de cette qualitĂ© comprend. toujours la notion de nez, puisque le Camus nĂąâŹâąest quĂąâŹâąun nez creusĂ© dĂąâŹâąune certaine façon. Il est donc Ă©vident que, quand on parle de la chair, de lĂąâŹâąoeil, ou de telles autres parties du corps, on fait toujours entrer lĂąâŹâąidĂ©e de la matiĂšre dans la dĂ©finition quĂąâŹâąon en donne. Mais comme il y a une science qui Ă©tudie lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre, et sĂ©parĂ© de la matiĂšre, il nous faut voir si cette science est identique Ă la science de la nature, ou si plutĂÂŽt elle nĂąâŹâąen est pas diffĂ©rente. Comme on vient de le dire, la Physique sĂąâŹâąoccupe des ĂÂȘtres qui ont en eux-mĂÂȘmes le principe de leur mouvement. La science mathĂ©matique est bien aussi une science dĂąâŹâąobservation thĂ©orique ; mais les ĂÂȘtres quĂąâŹâąelle Ă©tudie, sĂąâŹâąils sont immobiles, ne sont pas cependant sĂ©parĂ©s de la matiĂšre. Il faut donc quĂąâŹâąil y ait une autre science, distincte de ces deux-lĂ , qui Ă©tudie lĂąâŹâąĂĆ tre immobile et indĂ©pendant, si toutefois il existe une substance de ce genre. JĂąâŹâąentends par lĂ une substance isolĂ©e et immobile, telle que nous essaierons de la prouver ; et sĂąâŹâąil existe au inonde une nature de ce genre, cĂąâŹâąest en elle aussi que sera le divin ; en dĂąâŹâąautres termes, cĂąâŹâąest le premier principe, le principe souverain. [1064b] On le voit donc, il y a trois genres principaux de sciences dĂąâŹâąobservation thĂ©orique la Physique, les MathĂ©matiques et la ThĂ©ologie. Ainsi, les sciences thĂ©oriques sont les plus hautes de toutes les sciences ; et parmi celles qui viennent dĂąâŹâąĂÂȘtre indiquĂ©es, la plus haute encore, cĂąâŹâąest la derniĂšre nommĂ©e, attendu quĂąâŹâąelle sĂąâŹâąapplique Ă ce quĂąâŹâąil y a de plus grand parmi les ĂÂȘtres. Une science est supĂ©rieure, ou infĂ©rieure, selon lĂąâŹâąobjet propre de ses Ă©tudes. CĂąâŹâąest une question de savoir si la science de lĂąâŹâąĂĆ tre en tant quĂąâŹâąĂĆ tre est, ou nĂąâŹâąest pas, une science universelle. Parmi les sciences mathĂ©matiques, chacune sĂąâŹâąattache Ă un genre dĂąâŹâąĂÂȘtres dĂ©terminĂ© ; la science universelle doit sĂąâŹâąappliquer Ă tous les ĂÂȘtres sans exception. Si donc les substances physiques Ă©taient les premiĂšres parmi les ĂÂȘtres, il sĂąâŹâąensuivrait que la Physique serait aussi la premiĂšre des sciences. Mais sĂąâŹâąil y a une autre substance, une autre nature, sĂ©parĂ©e et immobile, il faut nĂ©cessairement que la science qui Ă©tudie cette substance, soit antĂ©rieure Ă la Physique, et antĂ©rieure en tant quĂąâŹâąuniverselle. Chapitre 8[modifier] Comme le mot dĂąâŹâąĂĆ tre, exprimĂ© dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, peut recevoir plusieurs acceptions, dont lĂąâŹâąune sĂąâŹâąapplique Ă lĂąâŹâąĂĆ tre pris en un sens accidentel, il nous faut tout dĂąâŹâąabord Ă©tudier lĂąâŹâąĂĆ tre qui nĂąâŹâąest ĂĆ tre que de cette derniĂšre façon. Un premier point qui est Ă©vident, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest pas une seule des sciences, reconnues pour telles, qui sĂąâŹâąoccupe de lĂąâŹâąaccident. Ainsi, par exemple, lĂąâŹâąarchitecture, dont lĂąâŹâąobjet est de construire nos maisons, ne se prĂ©occupe pas de savoir si les habitants de la maison quĂąâŹâąelle a construite y Ă©prouveront de la douleur ou du plaisir. LĂąâŹâąart du tisserand, lĂąâŹâąart du corroyeur, lĂąâŹâąart du cuisinier mĂÂȘme, nĂąâŹâąont pas davantage de ces prĂ©occupations, qui ne les regardent pas. Chacune de ces sciences ne doit exclusivement songer quĂąâŹâąĂ son objet propre. CĂąâŹâąest lĂ leur fin spĂ©ciale. Elles nĂąâŹâąont pas Ă considĂ©rer, par exemple, comment lĂąâŹâąindividu est Ă la fois musicien et grammairien ; pas plus quĂąâŹâąelles nĂąâŹâąont Ă considĂ©rer si, Ă©tant musicien dĂąâŹâąabord, il est devenu grammairien ensuite, pour possĂ©der Ă la fois ces deux qualitĂ©s, quĂąâŹâąil nĂąâŹâąavait pas antĂ©rieurement ; car lorsquĂąâŹâąune chose existe sans, exister toujours, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąelle est devenue telle quĂąâŹâąelle est ; et voilĂ comment lĂąâŹâąindividu a pu devenir tout ensemble musicien et grammairien. Ce sont lĂ des recherches auxquelles ne se livre aucune des sciences vĂ©ritables ; et ces questions nĂąâŹâąoccupent guĂšre que la Sophistique, qui est la seule, en effet, Ă appliquer son attention Ă lĂąâŹâąaccident. Aussi, Platon nĂąâŹâąaĂąâŹât-il pas tort, quand il dit que la Sophistique perd son temps Ă sĂąâŹâąoccuper du Non-ĂÂȘtre, en dĂąâŹâąautres termes, de ce qui nĂąâŹâąest pas. Pour se convaincre quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas de science possible de lĂąâŹâąaccident, on nĂąâŹâąa quĂąâŹâąĂ prendre la peine de voir ce que cĂąâŹâąest rĂ©ellement que lĂąâŹâąaccident. Nous avons reconnu que, parmi les choses, il y en a qui sont toujours et de toute nĂ©cessitĂ© ; et je nĂąâŹâąentends pas ici cette nĂ©cessitĂ© qui nĂąâŹâąest que le rĂ©sultat dĂąâŹâąune violence, mais celle que nous faisons intervenir dans les choses de dĂ©monstration. Il y a aussi des choses qui ne sont que dans la plupart des cas, ou qui mĂÂȘme, sans ĂÂȘtre dans la pluralitĂ© des cas, ne sont, ni toujours, ni nĂ©cessairement, mais comme le veut le hasard. Par exemple, il peut faire froid dans le temps de la Canicule ; mais le froid dans cette, saison nĂąâŹâąest pas dĂąâŹâąune nĂ©cessitĂ© constante ; il nĂąâŹâąest pas mĂÂȘme ordinaire Ă cette Ă©poque de lĂąâŹâąannĂ©e ; seulement, il peut parfois sĂąâŹâąy produire. [1065a] Donc lĂąâŹâąaccident est ce qui nĂąâŹâąest, ni toujours, ni nĂ©cessairement, ni mĂÂȘme dans les cas les plus frĂ©quents. Du moment que lĂąâŹâąaccident est bien ce quĂąâŹâąon vient de dire, on voit nettement pourquoi il nĂąâŹâąy a pas de science possible de lĂąâŹâąaccident. Toute science sĂąâŹâąapplique Ă quelque chose qui est, ou toujours, ou le plus ordinairement ; et lĂąâŹâąaccident nĂąâŹâąest, ni dĂąâŹâąune façon, ni de lĂąâŹâąautre. Par suite ; il nĂąâŹâąest pas moins clair quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a, pour lĂąâŹâąĂĆ tre par accident, ni les mĂÂȘmes principes, ni les mĂÂȘmes causes que pour lĂąâŹâąĂĆ tre en soi ; car alors tout sans exception serait nĂ©cessaire. Il est facile de le voir. En effet, si, telle chose Ă©tant, telle autre chose est, et que, cette seconde Ă©tant, une troisiĂšme soit aussi, non pas arbitrairement, mais de toute nĂ©cessitĂ©, la chose dont la premiĂšre Ă©tait cause sera Ă©galement de toute nĂ©cessitĂ© ; et ainsi de suite, jusquĂąâŹâąĂ la chose qui sera regardĂ©e comme Ă©tant causĂ©e la derniĂšre. Or on supposait quĂąâŹâąelle nĂąâŹâąĂ©tait quĂąâŹâąun accident. Ainsi, tout ne serait que nĂ©cessitĂ© ; et, par consĂ©quent, tout ce qui peut ĂÂȘtre dĂąâŹâąune façon, ou dĂąâŹâąune autre, tout ce qui peut indiffĂ©remment se produire, ou ne pas se produire du tout, serait retranchĂ© du nombre des choses possibles. Cette conclusion est inĂ©vitable, en supposant mĂÂȘme que la cause ne soit pas encore rĂ©ellement, mais quĂąâŹâąelle soit simplement en voie de se produire ; car tout alors deviendra encore absolument nĂ©cessaire. Supposons, par exemple, quĂąâŹâąune Ă©clipse doive avoir lieu demain, si tel phĂ©nomĂšne se produit aprĂšs un autre qui le prĂ©cĂšde, et si cet autre encore se produit aprĂšs un troisiĂšme. Ceci admis, si, dĂąâŹâąun temps dĂ©terminĂ©, on retranche le temps qui doit sĂąâŹâąĂ©couler, depuis lĂąâŹâąinstant oĂÂč lĂąâŹâąon est jusquĂąâŹâąau lendemain, on arrive Ă un fait prĂ©sent et actuel ; et comme celui-lĂ existe bien rĂ©ellement, tout ce qui doit venir aprĂšs lui devient nĂ©cessaire aussi ; tout alors est soumis Ă une absolue nĂ©cessitĂ©. LĂąâŹâąĂĆ tre pris comme Ă©tant vrai, et comme Ă©tant accidentel, a deux aspects ou il vient dĂąâŹâąune combinaison de la pensĂ©e, dans laquelle il nĂąâŹâąest quĂąâŹâąune modification ; et par cela mĂÂȘme, il nĂąâŹâąy a pas Ă chercher ses principes, puisquĂąâŹâąon ne recherche des principes que pour lĂąâŹâąĂĆ tre qui est en dehors de la pensĂ©e et sĂ©parĂ© dĂąâŹâąelle ; ou bien, lĂąâŹâąĂĆ tre nĂąâŹâąest pas nĂ©cessaire, mais il est indĂ©terminĂ© ; et jĂąâŹâąentends ici parler de lĂąâŹâąĂĆ tre qui nĂąâŹâąest accidentel que dans la minoritĂ© des cas. Pour lĂąâŹâąĂĆ tre ainsi compris, les causes sont sans ordre et sans nombre. Mais pour les choses de la nature, ou pour celles qui viennent de lĂąâŹâąintelligence, il y a toujours un pourquoi ; et il nĂąâŹâąy a de hasard que quand une de ces choses vient Ă se produire accidentellement. De mĂÂȘme, en effet, que lĂąâŹâąĂĆ tre est, ou en soi, ou accidentel, de mĂÂȘme la cause a aussi ces deux caractĂšres. Le hasard est cause accidentelle dans les choses oĂÂč peut agir notre prĂ©fĂ©rence, en vue dĂąâŹâąune certaine fin. Et voilĂ comment lĂąâŹâąintelligence et le hasard sĂąâŹâąappliquent au mĂÂȘme objet, puisque, sans intelligence, il nĂąâŹâąy a pas de prĂ©fĂ©rence possible. Aussi, les causes dĂąâŹâąoĂÂč peuvent sortir les choses de hasard sont-elles indĂ©finies. Le hasard Ă©chappe, et reste obscur, au calcul de lĂąâŹâąhomme ; et il nĂąâŹâąest cause quĂąâŹâąaccidentellement ; absolument parlant, il nĂąâŹâąest cause de rien. Le hasard est bon ou mauvais, selon que ce qui en rĂ©sulte est bon ou mauvais. CĂąâŹâąest un malheur, cĂąâŹâąest une infortune, selon lĂąâŹâąimportance des cas. [1065b] Mais comme jamais ce qui est accidentel ne peut ĂÂȘtre antĂ©rieur Ă ce qui est en soi, les causes ne le sont pas davantage. Si donc lĂąâŹâąon admet que cĂąâŹâąest le hasard, et mĂÂȘme le spontanĂ©, qui sont les causes du ciel, on peut affirmer que la cause antĂ©rieure, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąintelligence et la nature. Chapitre 9[modifier] On peut distinguer ce qui est exclusivement en acte, ce qui est en puissance, et, en troisiĂšme lieu, ce qui est tout ensemble en puissance et en acte. On peut appliquer ces distinctions Ă lĂąâŹâąĂĆ tre, Ă la quantitĂ©, et Ă tout le reste. Mais il nĂąâŹâąy a pas de mouvement possible en dehors des choses ; car le changement ne peut avoir lieu que dans les catĂ©gories de lĂąâŹâąĂĆ tre ; et il nĂąâŹâąy a rien de commun entre elles, pas plus que le changement nĂąâŹâąa lieu dans une seule et mĂÂȘme catĂ©gorie. Chacune dĂąâŹâąelles peut sĂąâŹâąappliquer Ă toutes les choses de deux façons par exemple, dans lĂąâŹâąĂĆ tre, on peut distinguer sa forme et sa privation ; dans la qualitĂ©, on peut distinguer, par exemple, le blanc et le noir ; dans la quantitĂ©, le complet et lĂąâŹâąincomplet ; dans la translation, le haut et le bas ; ou, sous un autre point de vue, le lĂ©ger et le lourd. Par consĂ©quent, il y a, pour le mouvement et le changement, autant dĂąâŹâąespĂšces quĂąâŹâąil y en a pour lĂąâŹâąĂĆ tre lui-mĂÂȘme. LĂąâŹâąĂĆ tre se divisant dans chacun de ses genres, ici en puissance, et lĂ en acte parfait, en EntĂ©lĂ©chie, jĂąâŹâąappelle mouvement lĂąâŹâąacte du possible en tant que possible. Que ce soit lĂ une dĂ©finition exacte, voici ce qui le prouve. QuĂąâŹâąil sĂąâŹâąagisse, par exemple, dĂąâŹâąune chose Ă construire, en tant quĂąâŹâąelle peut se construire, nous disons que cette chose est en acte du moment quĂąâŹâąelle est construite ; cĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment la construction. MĂÂȘme observation pour lĂąâŹâąĂ©tude des choses quĂąâŹâąon apprend ; pour la guĂ©rison dĂąâŹâąune maladie, pour la rotation des corps, pour la marche, pour le saut, pour la vieillesse, et pour la maturitĂ© de vigueur que lĂąâŹâąĂÂąge viril peut donner. Il y a donc mouvement quand lĂąâŹâąEntĂ©lĂ©chie est la mĂÂȘme que la puissance, et le mouvement nĂąâŹâąexiste, ni auparavant, ni aprĂšs. LĂąâŹâąEntĂ©lĂ©chie de lĂąâŹâąĂĆ tre en puissance, de lĂąâŹâąĂÂȘtre possible, qui devient par cette EntĂ©lĂ©chie un ĂÂȘtre actuel, soit quĂąâŹâąil se meuve lui-mĂÂȘme, soit quĂąâŹâąil devienne autre en tant que mobile, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąon nomme le mouvement. Par cette expression Ă En tant que Ă», voici ce que jĂąâŹâąentends. LĂąâŹâąairain, par exemple, est en puissance la statue ; et cependant, ce nĂąâŹâąest pas parce quĂąâŹâąil y a EntĂ©lĂ©chie de lĂąâŹâąairain en tant quĂąâŹâąairain, quĂąâŹâąil y a mouvement. Ce nĂąâŹâąest pas la mĂÂȘme chose dĂąâŹâąĂÂȘtre de lĂąâŹâąairain, ou dĂąâŹâąavoir une certaine puissance, puisque, si cĂąâŹâąĂ©tait la mĂÂȘme chose absolument, dĂąâŹâąaprĂšs notre dĂ©finition, lĂąâŹâąEntĂ©lĂ©chie de lĂąâŹâąairain serait un mouvement. Pour se bien convaincre que ce nĂąâŹâąest pas la mĂÂȘme chose, on nĂąâŹâąa quĂąâŹâąĂ regarder aux contraires. On accorde bien que pouvoir ĂÂȘtre en santĂ© et pouvoir ĂÂȘtre malade, ce nĂąâŹâąest pas du tout la mĂÂȘme chose ; autrement, ĂÂȘtre en santĂ© ou ĂÂȘtre malade, ce serait tout un. Ce qui est vrai, cĂąâŹâąest que le sujet qui est bien portant, ou qui est malade, que ce soit par la lymphe ou par le sang, reste identique et quĂąâŹâąil est Un ; mais, comme ce nĂąâŹâąest pas la mĂÂȘme chose, pas plus que la couleur nĂąâŹâąest identique Ă lĂąâŹâąobjet quĂąâŹâąelle rend visible, la rĂ©alisation du possible en tant que possible, cĂąâŹâąest le mouvement. On voit donc clairement que cette rĂ©alisation est bien le mouvement, et quĂąâŹâąil y a mouvement quand cette rĂ©alisation se produit, en tant quĂąâŹâąelle est ce quĂąâŹâąelle est, et quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a de mouvement, ni avant, ni aprĂšs. Toute chose, en effet, peut, tantĂÂŽt ĂÂȘtre en acte, et tantĂÂŽt nĂąâŹâąy ĂÂȘtre pas. [1066a] ConsidĂ©rons, par exemple, une chose Ă construire, en tant quĂąâŹâąelle est Ă construire. LĂąâŹâąacte de la chose qui peut ĂÂȘtre construite, en tant quĂąâŹâąelle peut ĂÂȘtre construite, cĂąâŹâąest la construction. Or, la construction, cĂąâŹâąest, ou lĂąâŹâąacte lui-mĂÂȘme, ou la maison. Mais, du moment que la maison est faite, la chose Ă construire nĂąâŹâąest plus, puisque ce qui Ă©tait Ă construire est construit. Donc nĂ©cessairement, la construction, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąacte ; et la construction est bien un mouvement. On appliquerait la mĂÂȘme dĂ©finition Ă toutes les autres espĂšces de mouvements. Ce qui montre bien que cette dĂ©finition du mouvement est exacte, ce sont les thĂ©ories que dĂąâŹâąautres en ont essayĂ©es, et cĂąâŹâąest aussi la difficultĂ© de le dĂ©finir autrement que nous ne le faisons. DĂąâŹâąabord, ou ne saurait placer le mouvement dans un autre genre que celui oĂÂč nous le mettons nous-mĂÂȘmes ; et, sur ce point, nous en appelons aux systĂšmes quĂąâŹâąon a tentĂ©s. Les uns font du mouvement une hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, une inĂ©galitĂ©, ou le Non-ĂÂȘtre Mais, dans tout cela, le mouvement nĂąâŹâąest pas nĂ©cessaire ; et le changement ne tend pas plus vers ces termes, ou nĂąâŹâąen vient pas plus que des contraires. Ce qui a pu donner Ă . croire que le mouvement se trouve dans ces notions, cĂąâŹâąest que le mouvement fait lĂąâŹâąeffet de quelque chose dĂąâŹâąindĂ©terminĂ©. Les principes de la sĂ©rie correspondante sont indĂ©terminĂ©s Ă©galement, parce quĂąâŹâąils sont privatifs ; car aucun de ces principes nĂąâŹâąest, ni substance, ni qualitĂ©, non plus quĂąâŹâąil nĂąâŹâąest aucune des autres catĂ©gories. Ce qui fait que le mouvement doit nous paraĂtre indĂ©terminĂ©, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąon ne saurait le placer, ni dans la puissance, ni dans la rĂ©alitĂ© actuelle des choses ; la quantitĂ© en simple puissance ne paraĂt pas avoir le mouvement, pas plus que la qualitĂ© en acte. Le mouvement cependant doit bien ĂÂȘtre un acte ; mais cĂąâŹâąest un acte incomplet. Cela tient Ă ce que le possible est lĂąâŹâąincomplet lui-mĂÂȘme, relativement Ă la chose en acte. VoilĂ comment il est si difficile de se rendre un compte prĂ©cis du mouvement. Il faut donc classer le mouvement, ou dans la privation, ou dans la puissance, ou dans lĂąâŹâąacte pur et simple. Mais aucune de ces solutions ne paraĂt acceptable ; et il ne reste quĂąâŹâąĂ rĂ©pĂ©ter ce quĂąâŹâąon vient de dire, que le mouvement est bien un acte, mais non pas lĂąâŹâąacte tel quĂąâŹâąon le dĂ©finit dĂąâŹâąordinaire, difficile sans doute Ă discerner, mais nĂ©anmoins pouvant ĂÂȘtre rĂ©el. Il est Ă©vident, de plus, que le mouvement a lieu dans le mobile qui est mĂ», puisquĂąâŹâąil est lĂąâŹâąacte de la chose Ă mouvoir, par la chose capable de donner le mouvement ; et que lĂąâŹâąacte de cette chose motrice nĂąâŹâąest pas diffĂ©rent, puisquĂąâŹâąil faut nĂ©cessairement que le mouvement soit lĂąâŹâąEntĂ©lĂ©chie, ou lĂąâŹâąacte, des deux Ă la fois. ĂĆ tre capable de mouvoir, cĂąâŹâąest une simple puissance ; mouvoir effectivement, cĂąâŹâąest un acte. Le moteur agit sur la chose Ă mouvoir. Par consĂ©quent, il nĂąâŹâąy a Ă©galement pour les deux quĂąâŹâąun acte unique, de mĂÂȘme quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąun mĂÂȘme intervalle dĂąâŹâąUn Ă Deux, et de Deux Ă Un, comme entre la montĂ©e et la descente, et de la descente Ă la montĂ©e. Seulement, la maniĂšre dĂąâŹâąĂÂȘtre nĂąâŹâąest pas unique, ni la mĂÂȘme. CĂąâŹâąest lĂ tout Ă fait le rapport qui existe entre le moteur, et le mobile qui est mĂ». Chapitre 10[modifier] LĂąâŹâąinfini est dĂąâŹâąabord ce qui ne peut pas du tout ĂÂȘtre parcouru, attendu que cĂąâŹâąest, par sa nature, quĂąâŹâąil ne peut pas lĂąâŹâąĂÂȘtre, de mĂÂȘme que, par nature, la voix est invisible. Ou bien, lĂąâŹâąinfini est ce dont le cours est sans terme, ou ce dont on ne trouve le terme quĂąâŹâąĂ grande peine, ou ce qui, devant avoir un terme naturel, nĂąâŹâąa cependant en fait, ni terme, ni limite ; enfin, lĂąâŹâąinfini peut ĂÂȘtre infini, soit par addition, soit par retranchement, ou par les deux Ă la fois. [1066b] LĂąâŹâąinfini peut bien ĂÂȘtre quelque chose de sĂ©parĂ© ; et pourtant, il Ă©chappe absolument Ă la perception sensible. Si, en effet, il nĂąâŹâąest, ni grandeur, ni nombre, et que son essence soit dĂąâŹâąĂÂȘtre lĂąâŹâąinfini, sans que ce soit lĂ pour lui un simple accident, dĂ©s lors il sera indivisible, puisque le divisible est toujours nĂ©cessairement un nombre, ou une grandeur. SĂąâŹâąil est indivisible, il nĂąâŹâąest pas infini, Ă moins que ce ne soit Ă la façon dont on dit de la voix quĂąâŹâąelle est invisible. Mais ce nĂąâŹâąest pas ordinairement ainsi quĂąâŹâąon lĂąâŹâąentend ; nous-mĂÂȘmes nous ne le considĂ©rons pas ainsi ; et nous ne le concevons que comme ne pouvant jamais ĂÂȘtre parcouru tout entier. Mais comment lĂąâŹâąinfini peut-il exister en soi, sans quĂąâŹâąil y ait une grandeur ni un nombre, dont lĂąâŹâąinfini soit une affection et un mode ? DĂąâŹâąautre part, si lĂąâŹâąinfini nĂąâŹâąexiste que comme accident, il ne saurait ĂÂȘtre un Ă©lĂ©ment des ĂÂȘtres en tant quĂąâŹâąinfini, pas plus que lĂąâŹâąinvisible nĂąâŹâąest un Ă©lĂ©ment de la voix, bien que cependant la voix soit rĂ©ellement invisible. Ce qui nĂąâŹâąest pas moins Ă©vident, cĂąâŹâąest que lĂąâŹâąinfini ne saurait jamais ĂÂȘtre actuel ; car la partie quĂąâŹâąon en dĂ©tacherait, quelle quĂąâŹâąelle fĂ»t, serait infinie, puisque faire partie de lĂąâŹâąinfini ou ĂÂȘtre infini, cĂąâŹâąest la mĂÂȘme chose, du moment que lĂąâŹâąinfini est une substance, et nĂąâŹâąest jamais attribuable Ă un sujet. Ainsi, lĂąâŹâąinfini est indivisible ; ou sĂąâŹâąil est divisible et partageable, il lĂąâŹâąest Ă lĂąâŹâąinfini. Mais il est impossible que plusieurs infinis soient un mĂÂȘme et seul infini. De mĂÂȘme que lĂąâŹâąair est une partie de lĂąâŹâąair, de mĂÂȘme lĂąâŹâąinfini est une partie de lĂąâŹâąinfini, si lĂąâŹâąinfini est une substance et un principe. Donc, lĂąâŹâąinfini est impartageable et indivisible. Mais il est impossible que rien de ce qui est actuel et en EntĂ©lĂ©chie soit infini ; car alors, lĂąâŹâąinfini serait nĂ©cessairement une quantitĂ©. Donc, lĂąâŹâąinfini nĂąâŹâąexiste quĂąâŹâąaccidentellement. Or, nous avons vu quĂąâŹâąun principe ne peut jamais ĂÂȘtre un accident ; mais ce qui est principe alors, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂÂȘtre mĂÂȘme dont il est une qualitĂ© accidentelle lĂąâŹâąair, par exemple, ou le nombre pair. JusquĂąâŹâąĂ prĂ©sent, notre Ă©tude sur lĂąâŹâąinfini est restĂ©e toute gĂ©nĂ©rale ; maintenant, il faut montrer que lĂąâŹâąinfini ne peut faire partie des choses que nos sens perçoivent. Si la dĂ©finition du corps est exacte, quand on dit que le corps est ce qui est limitĂ© par des surfaces, il sĂąâŹâąensuit quĂąâŹâąil ne peut pas y avoir de corps, ni sensible, ni intelligible, qui soit infini, pas plus quĂąâŹâąil ne peut y avoir de nombre sĂ©parĂ© et infini ; car un nombre, ou ce qui a un nombre, peut toujours se compter. Au point de vue physique, la dĂ©monstration est la mĂÂȘme. LĂąâŹâąinfini ne peut ĂÂȘtre, ni composĂ©, ni simple. Il nĂąâŹâąest pas composĂ©, puisque les Ă©lĂ©ments sont en nombre limitĂ© ; les Ă©lĂ©ments contraires doivent se faire Ă©quilibre, et lĂąâŹâąun des deux ne saurait ĂÂȘtre infini, sans que celui des deux Ă©lĂ©ments dont la puissance serait moindre en quoi que ce fĂ»t, ne fĂ»t Ă lĂąâŹâąinstant dĂ©truit par lĂąâŹâąautre, qui serait infini et absorberait le fini. Mais il nĂąâŹâąest pas moins impossible que les deux Ă©lĂ©ments du composĂ© soient infinis, puisque le corps est prĂ©cisĂ©ment ce qui a des dimensions en tous sens, et que lĂąâŹâąinfini est sans dimensions finies ; de telle sorte que, si lĂąâŹâąinfini Ă©tait un corps, il devrait ĂÂȘtre infini en tous sens. DĂąâŹâąun autre cĂÂŽtĂ©, lĂąâŹâąinfini ne saurait ĂÂȘtre davantage un corps Un et simple, ni ĂÂȘtre, comme on le prĂ©tend quelque fois, en dehors des Ă©lĂ©ments, quĂąâŹâąon en fait cependant sortir. Ăâ°videmment, il ne peut pas y avoir de corps de ce genre en dehors des Ă©lĂ©ments, puisque les corps se rĂ©solvent dans lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment, ou dans les Ă©lĂ©ments, dĂąâŹâąoĂÂč ils sortent. Or, il ne semble pas quĂąâŹâąen dehors des Ă©lĂ©ments simples, il puisse exister un pareil corps, qui serait, [1067a] ou le feu, ou tel autre Ă©lĂ©ment ; car, Ă moins que lĂąâŹâąun dĂąâŹâąeux ne soit infini, il ne se peut pas que le tout, fĂ»t-il fini, soit, ou devienne, un de ces Ă©lĂ©ments, comme HĂ©raclite prĂ©tend que lĂąâŹâąunivers entier devient feu. MĂÂȘmes objections contre lĂąâŹâąUnitĂ©, que les Physiciens admettent en dehors des Ă©lĂ©ments ; car tout changement vient du contraire ; et par exemple, le froid vient du chaud. De plus, le corps sensible doit ĂÂȘtre en un lieu quelconque ; et le lieu est le mĂÂȘme pour la partie, et pour le tout auquel elle appartient, pour la terre entiĂšre, ou pour une motte de terre. Par consĂ©quent, si la partie est homogĂšne au Tout, ou elle sera immobile, ou elle sera toujours poussĂ©e et en mouvement. Mais cĂąâŹâąest lĂ une chose impossible ; car pourquoi irait-elle en haut plutĂÂŽt quĂąâŹâąen bas ? En tel lieu, plutĂÂŽt quĂąâŹâąen tel autre ? Une motte de terre, par exemple, oĂÂč ira-t-elle ? Dans quel lieu restera-t-elle en repos ? Car le lieu du corps qui lui est homogĂšne est partout. Donc elle occupera aussi le lieu tout entier. Mais comment ? QuĂąâŹâąest-ce que son inertie et son mouvement ? Ou bien, sera-t-elle partout en repos ? Et alors elle ne pourra jamais se mouvoir. Ou bien, sera-t-elle partout en mouvement ? Alors, elle ne sera jamais en repos. Si la partie est hĂ©tĂ©rogĂšne, les lieux le sont aussi. DĂąâŹâąabord, en ce cas, le corps du Tout nĂąâŹâąest plus Un, si ce nĂąâŹâąest par la contiguĂÂŻtĂ© des parties. De plus, les parties seront finies ou infinies en espĂšces. Mais elles ne peuvent ĂÂȘtre finies. Les unes seront donc infinies ; les autres ne le seront pas, puisque le Tout est infini, que dĂąâŹâąailleurs ce soit du feu, ou que ce soit de lĂąâŹâąeau. Mais cĂąâŹâąest alors la destruction des contraires. Si les parties sont infinies et simples, les lieux seront infinis Ă©galement ; et alors, les Ă©lĂ©ments seront infinis comme eux. Mais si cĂąâŹâąest impossible et que les lieux soient finis, le Tout le sera nĂ©cessairement aussi. En un mot, il ne se peut pas que le corps soit infini, non plus que le lieu des corps, si tout corps sensible doit avoir pesanteur, ou lĂ©gĂšretĂ©. En effet, le corps sera portĂ© au centre ou en haut ; mais il est impossible que lĂąâŹâąinfini soit affectĂ©, soit en entier, soit dans une moitiĂ©, soit dans une de ses parties quelconque. En effet, comment le diviser ? OĂÂč seront dans lĂąâŹâąinfini le haut, le bas, lĂąâŹâąextrĂ©mitĂ©, le milieu ? Ajoutez que tout corps perceptible a un lieu, et que le lieu nĂąâŹâąa que six espĂšces. Or, il est impossible quĂąâŹâąelles se trouvent dans un corps infini ; et dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, si le lieu ne peut ĂÂȘtre infini, il ne se peut pas davantage que le corps le soit non plus, puisque le corps est nĂ©cessairement quelque part. Mais, Ă Quelque part Ă» signifie, ou en haut, ou en bas, ou telle autre des positions connues ; et elles ont toutes une limite finie. DĂąâŹâąailleurs, lĂąâŹâąinfini nĂąâŹâąest pas identique, ni en grandeur, ni en mouvement, ni en temps, comme si cĂąâŹâąĂ©tait une seule nature. Le postĂ©rieur ne se comprend que par sa relation avec lĂąâŹâąantĂ©rieur ; et par exemple, le mouvement ne se comprend que par rapport Ă une grandeur, dans laquelle lĂąâŹâąĂÂȘtre change de lieu, sĂąâŹâąaltĂšre, ou sĂąâŹâąaccroĂt et le temps ne se mesure que par le mouvement. Chapitre 11[modifier] [1067b] Tout ce qui vient Ă changer change, tantĂÂŽt dĂąâŹâąune façon accidentelle et indirecte, comme lorsquĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąun musicien quĂąâŹâąil marche ; tantĂÂŽt, cĂąâŹâąest en un sens absolu quĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle change, quand une de ses parties seulement vient Ă changer en elle. Cette derniĂšre nuance sĂąâŹâąapplique, par exemple, Ă tout ce qui se divise en parties diffĂ©rentes. Et cĂąâŹâąest ainsi que lĂąâŹâąon dit de tout notre corps, quĂąâŹâąil va bien, par cela seul que notre Ă âil est guĂ©ri. Mais il existe un mobile qui se meut primitivement et par lui-mĂÂȘme ; cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąon peut appeler le mobile en soi. Les mĂÂȘmes nuances peuvent sĂąâŹâąappliquer au moteur. Ainsi, tel moteur ne meut que par accident ; tel autre meut partiellement ; tel autre enfin meut en soi. Il y a aussi un moteur premier ; et il y a Ă©galement un premier mobile, qui est met dans un certain temps, partant dĂąâŹâąun certain point et se dirigeant vers tel autre point. Quant aux espĂšces, aux modes, et au lieu vers lesquels se dirige tout ce qui est mĂ», ce sont lĂ des termes immobiles, tout comme sont immobiles aussi la science et la chaleur. Ce nĂąâŹâąest pas la chaleur mĂÂȘme qui est un mouvement ; cĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂ©chauffement. Le changement, qui nĂąâŹâąest pas accidentel, ne se trouve pas en toutes choses ; il nĂąâŹâąest prĂ©cisĂ©ment que dans les contraires, dans les intermĂ©diaires, et dans la contradiction. On peut sĂąâŹâąen convaincre par lĂąâŹâąinduction et lĂąâŹâąanalyse. Ainsi, lĂąâŹâąobjet qui est soumis au changement change en passant dĂąâŹâąun sujet Ă un sujet, de ce qui nĂąâŹâąest pas sujet Ă ce qui nĂąâŹâąest pas sujet non plus, de ce qui nĂąâŹâąest pas sujet Ă ce qui est sujet, et enfin de ce qui est sujet Ă ce qui nĂąâŹâąest pas sujet. Le sujet que je veux indiquer ici, cĂąâŹâąest ce qui est exprimĂ© par lĂąâŹâąaffirmation. Il en rĂ©sulte quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a nĂ©cessairement que trois changements possibles, parce quĂąâŹâąil ne peut pas y avoir changement de ce qui nĂąâŹâąest pas sujet Ă ce qui nĂąâŹâąest pas sujet ; car alors il nĂąâŹâąy a lĂ , ni contraire, ni contradiction, puisquĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas lieu Ă une opposition quelconque. Le changement de ce qui nĂąâŹâąest pas sujet en un sujet contradictoire est une gĂ©nĂ©ration absolue, si le changement est absolu ; partielle, si le changement est partiel. Le changement dĂąâŹâąun sujet en ce qui nĂąâŹâąest pas sujet, est une destruction absolue, si le changement est absolu ; partielle, si le changement est partiel. Si le Non-ĂÂȘtre peut sĂąâŹâąentendre en plusieurs sens, et si ce qui est composĂ© ou divisĂ© par la pensĂ©e ne peut se mouvoir, ce qui nĂąâŹâąest quĂąâŹâąen puissance ne le peut pas davantage. En effet, ce qui est en puissance est lĂąâŹâąopposĂ© de ce qui est dĂąâŹâąune maniĂšre absolue ; car le Non-blanc, le Non-bon peuvent bien encore avoir un mouvement accidentel, puisque lĂąâŹâąĂÂȘtre qui nĂąâŹâąest pas blanc pourrait ĂÂȘtre un homme ; mais ce qui, absolument parlant, nĂąâŹâąest pas telle ou telle chose rĂ©elle, ne peut pas non plus se mouvoir de quelque façon que ce soit. CĂąâŹâąest quĂąâŹâąil est impossible que le Non-ĂÂȘtre se meuve. Par suite, et si cela est vrai, il devient impossible aussi de dire que la gĂ©nĂ©ration soit un mouvement, puisque cĂąâŹâąest le Non-ĂÂȘtre qui sĂąâŹâąengendre et devient. Mais si le plus souvent le Non-ĂÂȘtre ne devient quĂąâŹâąaccidentellement, il nĂąâŹâąen est pas moins exact de dire que le Non-ĂÂȘtre sĂąâŹâąapplique Ă ce qui devient dĂąâŹâąune maniĂšre absolue. On peut faire les mĂÂȘmes observations concernant le repos du Non-ĂÂȘtre. Ce sont lĂ les difficultĂ©s qui se prĂ©sentent ici ; et il faut y ajouter cette autre difficultĂ© que tout ce qui est mĂ» est dans un lieu, tandis que le Non-ĂÂȘtre nĂąâŹâąa pas de lieu possible, puisque alors il existerait quelque part. La destruction nĂąâŹâąest pas davantage un mouvement ; car le contraire dĂąâŹâąun mouvement, cĂąâŹâąest un autre mouvement ou le repos, tandis que la destruction est le contraire de la gĂ©nĂ©ration. [1068a] Mais, comme tout mouvement est un changement de certaine espĂšce, et que les changements sont au nombre de trois, ainsi quĂąâŹâąon lĂąâŹâąa vu, et comme les changements relatifs Ă la destruction et Ă la gĂ©nĂ©ration ne sont pas des mouvements, et quĂąâŹâąils ne sont que les termes de la contradiction, il rĂ©sulte de tout ceci quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a de changement possible que dĂąâŹâąun sujet Ă un sujet ; et les sujets ne sont que des contraires, ou des intermĂ©diaires. Ajoutez quĂąâŹâąon peut prendre la privation pour un contraire, quoiquĂąâŹâąelle puisse sĂąâŹâąexprimer aussi sous forme affirmative, comme dans ces mots, par exemple Nu, Ăâ°dentĂ©, Noir. Chapitre 12[modifier] Si les catĂ©gories se divisent en substance, qualitĂ©, lieu, action, souffrance, relation, quantitĂ©, il nĂąâŹâąy a nĂ©cessairement de mouvement que dans trois dĂąâŹâąentre elles qualitĂ©, quantitĂ©, lieu. Il nĂąâŹâąy en a pas pour la substance, parce quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a rien de contraire Ă la substance. Il nĂąâŹâąy en a pas non plus pour la relation ; car, lĂąâŹâąun des deux relatifs ne changeant point, il peut nĂąâŹâąĂÂȘtre pas vrai que lĂąâŹâąautre ne change pas non plus. Donc, dans les relatifs, le mouvement nĂąâŹâąest quĂąâŹâąaccidentel. Il nĂąâŹâąy a pas davantage de mouvement dans les catĂ©gories de lĂąâŹâąaction et de la souffrance, ni dans le moteur et le mobile, parce quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas de mouvement de mouvement, ni gĂ©nĂ©ration de gĂ©nĂ©ration ; en un mot, il nĂąâŹâąy a pas changement de changement. Cette expression Ă Mouvement de mouvement Ă» peut sĂąâŹâąentendre de deux maniĂšres. Et dĂąâŹâąabord, le mouvement pourrait alors sĂąâŹâąappliquer Ă un sujet, comme on dit dĂąâŹâąun homme quĂąâŹâąil est mĂ» lorsquĂąâŹâąil change du blanc au noir. Ce serait en ce mĂÂȘme sens quĂąâŹâąon pourrait dire du mouvement quĂąâŹâąil change, quĂąâŹâąil sĂąâŹâąĂ©chauffe, quĂąâŹâąil se refroidit, quĂąâŹâąil se dĂ©place, quĂąâŹâąil sĂąâŹâąaccroĂt. Mais cela est impossible ; car le changement ne peut pas ĂÂȘtre pris pour un sujet. En second lieu, le changement de changement pourrait sĂąâŹâąentendre dans ce sens que le sujet serait changĂ© par le changement en une autre espĂšce ; de mĂÂȘme que lĂąâŹâąhomme peut changer de la maladie Ă la santĂ©. Mais cela mĂÂȘme nĂąâŹâąest alors possible quĂąâŹâąaccidentellement. En effet, tout mouvement nĂąâŹâąest quĂąâŹâąun changement dĂąâŹâąun Ă©tat en un autre Ă©tat, comme cela est pour la production et pour la destruction ; seulement, les changements entre les opposĂ©s ne sont pas des mouvements. CĂąâŹâąest donc en mĂÂȘme temps que lĂąâŹâąon change de la santĂ© Ă la maladie ; et de ce changement mĂÂȘme en un autre. Il est, par suite, Ă©vident, que si lĂąâŹâąon a Ă©tĂ© malade, cĂąâŹâąest quĂąâŹâąauparavant on aura Ă©prouvĂ© un changement quelconque ; car on peut ĂÂȘtre aussi en repos. Et ce nĂąâŹâąest pas toujours un changement quelconque quĂąâŹâąon subit ; ce changement aussi tend Ă aller dĂąâŹâąun certain Ă©tat vers un autre Ă©tat. Ce serait donc la guĂ©rison qui serait opposĂ©e Ă la maladie, mais uniquement parce quĂąâŹâąelle est accidentelle. CĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąon change en passant du souvenir Ă lĂąâŹâąoubli, parce que le sujet, en qui sont lĂąâŹâąoubli et la maladie, change pour arriver, ici Ă la science ; et lĂ , Ă la santĂ©. Mais ce serait se perdre dans lĂąâŹâąinfini sĂąâŹâąil y avait changement de changement, production de production. Quand un mouvement ultĂ©rieur a lieu, il faut nĂ©cessairement que le mouvement antĂ©rieur ait eu lieu aussi. Par exemple, si une production absolue a eu lieu de quelque façon que ce soit, lĂąâŹâąĂÂȘtre qui devient dĂąâŹâąune maniĂšre absolue sĂąâŹâąest produit ; et [1068b] par consĂ©quent, si lĂąâŹâąĂÂȘtre qui devient dĂąâŹâąune maniĂšre absolue nĂąâŹâąĂ©tait pas encore, il Ă©tait du moins quelque chose qui se produisait, ou qui Ă©tait antĂ©rieurement produit. Or, si ce dernier ĂÂȘtre venait Ă se produire, cĂąâŹâąest que ce qui se produisait alors existait dĂ©jĂ auparavant. Mais comme dans les choses infinies, il nĂąâŹâąy a pas de terme premier, il nĂąâŹâąy en aura pas ici ; et il nĂąâŹâąy aura pas davantage de ternie subsĂ©quent. Il est donc impossible que quelque-chose se produise, que quelque-chose se meuve, que quelque-chose puisse changer. Ajoutez que, pour un mĂÂȘme objet, il y aurait alors un mouvement contraire, et aussi le repos, la gĂ©nĂ©ration et la destruction. Et par consĂ©quent, au moment mĂÂȘme oĂÂč ce qui naĂt vient de naĂtre, il est dĂ©truit ; car il ne se produit, ni Ă ce moment, ni plus tard, puisquĂąâŹâąil faut ĂÂȘtre dĂąâŹâąabord pour ĂÂȘtre dĂ©truit. Il faut, de plus, quĂąâŹâąil y ait une matiĂšre pour ce qui se produit et pour ce qui change. Quelle sera donc cette matiĂšre ? Et de mĂÂȘme que ce qui sĂąâŹâąaltĂšre est, ou un corps, ou une ĂÂąme, de mĂÂȘme la chose qui se produit ici sera-t-elle un mouvement ou une production ? Quel est le point oĂÂč tend le mouvement ? Car il faut que le mouvement de telle chose, partant de tel point pour se diriger vers tel autre point, soit quelque chose et ne soit pas le mouvement. Mais comment tout cela est-il possible ? Il nĂąâŹâąy aura point, par exemple, Ă©tude dĂąâŹâąĂ©tude, pas plus quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a gĂ©nĂ©ration de gĂ©nĂ©ration, Puis donc que le mouvement nĂąâŹâąappartient, ni Ă la substance, ni Ă la relation, ni Ă lĂąâŹâąaction, ni Ă la souffrance, il ne reste plus quĂąâŹâąĂ le placer dans la qualitĂ©, dans la quantitĂ©, et dans le lieu ; car dans chacune de ces catĂ©gories, il y a opposition par contraires. Quand je parle de qualitĂ©, je nĂąâŹâąentends pas la qualitĂ© qui se trouve dans la substance, ni la qualitĂ© dans la diffĂ©rence, mais je veux parler de la qualitĂ© affective, celle qui fait quĂąâŹâąon dit dĂąâŹâąun ĂÂȘtre quĂąâŹâąil est affectĂ© de telle façon, ou quĂąâŹâąil ne lĂąâŹâąest pas. On entend par immobile, ou ce qui ne peut pas absolument ĂÂȘtre mis en mouvement, ou ce qui nĂąâŹâąy est mis quĂąâŹâąĂ grand-peine, en beaucoup de temps, ou ce qui ne sĂąâŹâąy met que trĂšs lentement, ou enfin ce qui, Ă©tant fait de sa nature pour se mouvoir, ne peut se mouvoir cependant, ni comme la nature le veut, ni dans le lieu quĂąâŹâąelle veut, ni de la façon quĂąâŹâąelle veut. La seule chose vraiment immobile est ce que jĂąâŹâąappelle le repos. En effet, le repos est le contraire du mouvement ; et il est la privation du mouvement pour la chose qui peut le recevoir. On dit que les choses ont ensemble un seul et mĂÂȘme lieu, quand elles sont dans un mĂÂȘme lieu primitif ; et lĂąâŹâąon dit quĂąâŹâąelles ont un lieu sĂ©parĂ©, quand elles sont dans un lieu diffĂ©rent. Les choses sont dites se toucher, quand leurs extrĂ©mitĂ©s sont assemblĂ©es. LĂąâŹâąintermĂ©diaire est le point oĂÂč naturellement doit passer dĂąâŹâąabord ce qui change, avant dĂąâŹâąarriver au terme dernier, oĂÂč change ce qui naturellement change dĂąâŹâąune maniĂšre Continue. Par contraire, en fait de lieu, on entend ce qui est le plus Ă©loignĂ© en ligne droite. Une chose est dite consĂ©cutive Ă une autre, quand, venant aprĂšs le point de dĂ©part et le principe, soit par sa position, soit par son espĂšce, ou par telle autre dĂ©termination, elle nĂąâŹâąa aucun intermĂ©diaire entre elle et les choses comprises dans le mĂÂȘme genre. La chose est dite encore consĂ©cutive, quand elle vient Ă la suite sans interruption par exemple, les lignes suivent la ligne, les unitĂ©s suivent lĂąâŹâąunitĂ©, la maison suit la maison. Rien nĂąâŹâąempĂÂȘche dĂąâŹâąailleurs quĂąâŹâąil nĂąâŹâąy ait un autre intermĂ©diaire ; car ce qui vient ensuite vient Ă la suite de quelque chose, et est un terme postĂ©rieur Ă quelque chose. Ainsi, Un ne vient pas aprĂšs Deux, et la nouvelle lune ne vient pas aprĂšs le second quartier du mois. [1069a] On dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est contiguĂ, quand elle vient Ă la suite des choses quĂąâŹâąelle touche sans intermĂ©diaire. Mais comme tout changement se passe dans les opposĂ©s, comme les opposĂ©s sont les, contraires et la contradiction, et comme il nĂąâŹâąy a pas de terme moyen dans la contradiction, il est Ă©vident que lĂąâŹâąintermĂ©diaire doit ĂÂȘtre compris parmi les contraires. Le continu est quelque chose de contigu, et qui touche Ă la chose. On dit dĂąâŹâąune chose quĂąâŹâąelle est continue, lorsque les extrĂ©mitĂ©s de chacune des deux choses qui se touchent, et se suivent, deviennent une seule et mĂÂȘme chose. Par consĂ©quent, on voit que le continu nĂąâŹâąest possible que pour les choses qui peuvent naturellement former, par le contact, un tout unique. On voit aussi que le premier de ces termes est le consĂ©quent ; car ce qui ne fait que venir ensuite ne touche pas, tandis quĂąâŹâąau contraire ce qui est consĂ©quent et continu touche la chose. Mais il ne suffit pas de toucher pour ĂÂȘtre continu. Pour les choses oĂÂč il nĂąâŹâąy a pas de contact possible, il nĂąâŹâąy a pas non plus de combinaison ; et cĂąâŹâąest lĂ ce qui fait que le point nĂąâŹâąest pas identique Ă lĂąâŹâąunitĂ©. Pour les points, il y a contact ; il nĂąâŹâąy en a pas pour les unitĂ©s ; pour elles, il y a seulement succession. Aussi, il y a des intermĂ©diaires pour les points ; il nĂąâŹâąy en a pas de possible pour les unitĂ©s. Livre 12 Chapitre 1[modifier] La substance est lĂąâŹâąobjet de nos Ă©tudes, puisque ce sont les principes et les causes des substances que nous recherchons. Si, en effet, lĂąâŹâąon considĂšre une chose quelconque formant un tout, la premiĂšre partie dans ce tout est la substance ; et si lĂąâŹâąon considĂšre lĂąâŹâąordre de succession, cĂąâŹâąest la substance encore qui est la premiĂšre, quand on se place Ă cet autre point de vue. La qualitĂ© et la quantitĂ© ne viennent quĂąâŹâąaprĂšs elle ; et mĂÂȘme, Ă parler dĂąâŹâąune maniĂšre absolue, la qualitĂ© et la quantitĂ© ne sont pas mĂÂȘme des ĂÂȘtres ; ce ne sont que des qualifications et des mouvements, qui nĂąâŹâąont pas plus de rĂ©alitĂ© que nĂąâŹâąen peuvent avoir le Non-blanc ou le Non-droit. Nous disons nĂ©anmoins de la qualitĂ© et de la quantitĂ© quĂąâŹâąelles Sont, comme nous le disons aussi du Non-blanc. Il faut ajouter que, Ă part la substance, rien de tout le reste nĂąâŹâąest sĂ©parĂ© ; et les thĂ©ories des anciens philosophes nous le font bien voir, puisquĂąâŹâąils recherchaient les principes de la substance, ses Ă©lĂ©ments et ses causes. De nos jours, les philosophes prennent plus particuliĂšrement les universaux pour des substances ; car ce sont des termes universels que les genres, quĂąâŹâąils regardent surtout comme des principes et des substances, parce que leurs doctrines sont purement logiques. Les anciens, au contraire, adoptaient de prĂ©fĂ©rence pour principes les substances particuliĂšres, le feu, la terre, par exemple, sans sĂąâŹâąoccuper de trouver un corps commun. Or, il y a trois substances lĂąâŹâąune sensible ; et, dans celle-ci, on distingue la substance Ă©ternelle et la substance pĂ©rissable. Tout le monde est dĂąâŹâąaccord sur cette derniĂšre, qui comprend, par exemple, les plantes et les animaux. LĂąâŹâąautre est la substance Ă©ternelle, pour laquelle il faut savoir si elle nĂąâŹâąa quĂąâŹâąun Ă©lĂ©ment unique, ou si ses Ă©lĂ©ments sont multiples. Enfin, il existe une autre substance immobile ; et quelques philosophes soutiennent quĂąâŹâąelle est sĂ©parĂ©e. Les uns la partagent en deux ; dĂąâŹâąautres nĂąâŹâąy voient quĂąâŹâąune nature unique, comprenant les espĂšces et les entitĂ©s mathĂ©matiques ; tandis que dĂąâŹâąautres encore nĂąâŹâąadmettent absolument, comme substances, que les seuls ĂÂȘtres mathĂ©matiques. Les deux premiĂšres substances relĂšvent de la Physique, attendu quĂąâŹâąelles sont sujettes au mouvement. [1069b] Mais la derniĂšre appartient Ă une autre science, puisque elle nĂąâŹâąa aucun principe commun avec le reste. Chapitre 2[modifier] La substance sensible est soumise au changement ; or, le changement vient toujours, soit dĂąâŹâąopposĂ©s, soit de termes intermĂ©diaires. Il ne vient pas, cependant, de tous les opposĂ©s sans exception ; car on ne peut pas dire du son quĂąâŹâąil soit blanc ; mais le changement vient du contraire. Il faut donc nĂ©cessairement quĂąâŹâąil existe quelque chose qui change, pour passer dĂąâŹâąun contraire Ă lĂąâŹâąautre, puisque ce ne sont pas les contraires eux-mĂÂȘmes qui peuvent changer. Remarquons, en outre, que ce quelque chose demeure et subsiste, tandis que le contraire ne subsiste pas. Ainsi, il doit y avoir, outre les contraires, un troisiĂšme terme, qui nĂąâŹâąest autre que la matiĂšre. Mais nous avons vu que les changements sont au nombre de quatre, selon quĂąâŹâąils se passent dans la substance, dans la qualitĂ©, dans la quantitĂ©, ou dans le lieu. La production absolue, ou la destruction, est le changement relatif Ă la substance ; lĂąâŹâąaccroissement et le dĂ©croissement se rapportent Ă la quantitĂ© ; la modification se rapporte Ă la qualitĂ© ; et enfin, le changement relatif au lieu est le dĂ©placement. Donc, les changements se font toujours entre les contraires, dans chaque genre. Ainsi, ce qui change, cĂąâŹâąest nĂ©cessairement la matiĂšre, qui est susceptible dĂąâŹâąĂÂȘtre lĂąâŹâąun ou lĂąâŹâąautre des contraires indiffĂ©remment. Mais, lĂąâŹâąĂĆ tre se prĂ©sentant sous deux aspects, tout changement est le passage de lĂąâŹâąĂĆ tre en puissance Ă lĂąâŹâąĂĆ tre actuel ; et, par exemple, cĂąâŹâąest le passage de ce qui est blanc en puissance Ă ce qui est blanc effectivement. MĂÂȘme remarque pour lĂąâŹâąaccroissement et le dĂ©pĂ©rissement. Par consĂ©quent, non seulement toutes choses peuvent venir accidentellement du Non-ĂÂȘtre ; mais en outre, on peut dire que toutes viennent de lĂąâŹâąĂĆ tre, avec cette nuance toutefois que cĂąâŹâąest de lĂąâŹâąĂĆ tre qui est en puissance, et qui nĂąâŹâąest pas actuel. VoilĂ ce que signifie lĂąâŹâąUnitĂ© dĂąâŹâąAnaxagore ; et cĂąâŹâąest lĂ la meilleure interprĂ©tation de son axiome, Ă savoir que Ă Tout Ă©tait confondu Ă». VoilĂ ce que signifie le MĂ©lange dĂąâŹâąEmpĂ©docle et dĂąâŹâąAnaximandre ; ou, comme le dit DĂ©mocrite, Ă Tout Ă©tait confondu en puissance, mais non pas effectivement Ă». Ainsi, tous ces philosophes touchaient de bien prĂšs. Ă la thĂ©orie de la matiĂšre. Donc, tout ce qui change a une matiĂšre ; mais cĂąâŹâąest une matiĂšre autre que celle des choses Ă©ternelles, qui ne sont point engendrĂ©es, et qui ont un mouvement de simple translation. Cette matiĂšre, non sujette Ă la gĂ©nĂ©ration, va dĂąâŹâąun lieu Ă un autre. On peut dĂąâŹâąailleurs se demander de quelle sorte de Non-ĂÂȘtre peut venir la gĂ©nĂ©ration, puisque le Non-ĂÂȘtre peut sĂąâŹâąentendre de trois maniĂšres. Il y a dĂąâŹâąabord le Non-ĂÂȘtre en puissance, qui, du reste, ne peut pas indiffĂ©remment produire la premiĂšre chose venue, mais seulement lĂąâŹâąun venant de lĂąâŹâąautre. Il ne suffit pas de dire que toutes choses Ă©taient ensemble et confondues ; car elles diffĂšrent par leur matiĂšre, et lĂąâŹâąon peut se demander Comment sont-elles devenues infinies, au lieu de se rĂ©duire Ă lĂąâŹâąunitĂ© ? Et cĂąâŹâąeĂ»t Ă©tĂ© facile, puisque lĂąâŹâąIntelligence aussi Ă©tait Une. Par consĂ©quent, si la matiĂšre est Une, il nĂąâŹâąa pu se produire en acte que lĂąâŹâąĂĆ tre dont la matiĂšre Ă©tait dĂąâŹâąabord en puissance. Ainsi, il y a trois causes, de mĂÂȘme quĂąâŹâąil y a trois principes ; deux dĂąâŹâąentre eux forment lĂąâŹâąopposition des contraires dĂąâŹâąune part, la dĂ©finition avec lĂąâŹâąespĂšce ; dĂąâŹâąautre part, la privation ; le troisiĂšme principe est la matiĂšre. Chapitre 3[modifier] AprĂšs ce qui prĂ©cĂšde, il nous faut dire que, ni la matiĂšre, ni la forme, ne peuvent ĂÂȘtre produites ; je veux dire, la matiĂšre et la forme derniĂšre. En effet, tout changement change quelque chose, par quelque chose, et en quelque chose [1070a] Par quelque chose, cĂąâŹâąest le premier moteur ; Quelque chose, cĂąâŹâąest la matiĂšre ; et En quelque chose, cĂąâŹâąest la forme. Le devenir se perdrait dans lĂąâŹâąinfini, si ce nĂąâŹâąest pas seulement lĂąâŹâąairain qui devient sphĂ©rique, et quĂąâŹâąil faille encore que la forme sphĂ©rique devienne aussi, et que lĂąâŹâąairain lui-mĂÂȘme ait Ă devenir. Il faut donc nĂ©cessairement un point dĂąâŹâąarrĂÂȘt. Puis, il est certain que toute substance vient dĂąâŹâąune substance qui porte le mĂÂȘme nom quĂąâŹâąelle, soit dans les choses que produit la nature et qui sont des substances, soit dans une foule dĂąâŹâąautres choses ; car les choses sont le produit, ou de lĂąâŹâąart, ou de la nature, ou du hasard, ou de leur propre spontanĂ©itĂ©. LĂąâŹâąart est un principe qui agit dans un objet autre que lui ; la nature, au contraire, est un principe dans lĂąâŹâąobjet mĂÂȘme ; et cĂąâŹâąest ainsi quĂąâŹâąun homme produit un homme. Quant aux autres causes, ce sont les privations de celles-lĂ . On peut distinguer trois substances dĂąâŹâąabord la matiĂšre, qui est quelque chose de distinct, apparaissant Ă nos sens ; car tout ce qui est Un au contact, sans que ce soit une simple connexion, est matiĂšre ou sujet ; ensuite, la nature Ă laquelle aboutit le changement, qui est la forme spĂ©ciale de lĂąâŹâąĂĆ tre et sa maniĂšre dĂąâŹâąĂÂȘtre quelconque ; enfin, la troisiĂšme substance formĂ©e des deux premiĂšres, et qui est la substance individuelle, comme, par exemple, Socrate, Callias. Dans certains cas, la forme nĂąâŹâąexiste pas en dehors de la substance composĂ©e, qui la revĂÂȘt. Ainsi, la forme de la maison nĂąâŹâąexiste pas en dehors de la maison, si ce nĂąâŹâąest dans lĂąâŹâąart qui la construit. Pour les choses de cet ordre, il nĂąâŹâąy a, ni production, ni destruction possible ; et cĂąâŹâąest dĂąâŹâąune autre maniĂšre que les choses sont, ou ne sont pas, comme la maison sans la matiĂšre qui la forme, la santĂ©, et tout autre produit de lĂąâŹâąart. Mais si la production et la destruction ont lieu quelque part, cĂąâŹâąest dans les choses de la nature. Aussi, Platon ne se trompe-t-il pas quand il dit quĂąâŹâąil y a autant dĂąâŹâąIdĂ©es quĂąâŹâąil y a de choses dans la nature, si, toutefois, il y a des IdĂ©es diffĂ©rentes pour des choses telles que le feu, la chair, la tĂÂȘte, etc. Tout est matiĂšre dans le monde ; et la matiĂšre derniĂšre est la matiĂšre de la substance par excellence. Les causes motrices doivent donc ĂÂȘtre considĂ©rĂ©es comme antĂ©rieures Ă ce quĂąâŹâąelles meuvent. Mais les causes qui ne sont que des dĂ©finitions sont simultanĂ©es Ă lĂąâŹâąobjet dĂ©fini. Par exemple, du moment que lĂąâŹâąhomme est sain et bien portant, la santĂ© existe aussi ; et la figure de la boule dĂąâŹâąairain est simultanĂ©e Ă la boule elle-mĂÂȘme. Y a-t-il, sous tout cela, quelque chose de permanent, cĂąâŹâąest ce quĂąâŹâąil faut voir ; car cĂąâŹâąest une chose trĂšs possible dans certains cas ; et, par exemple, on peut croire que lĂąâŹâąĂÂąme est quelque chose de ce genre, si ce nĂąâŹâąest lĂąâŹâąĂÂąme tout entiĂšre, du moins cette partie de lĂąâŹâąĂÂąme qui est lĂąâŹâąentendement ; car peut-ĂÂȘtre lĂąâŹâąĂÂąme tout entiĂšre ne peut-elle avoir cette propriĂ©tĂ©. Il est donc bien clair que, pour ces choses-lĂ , lĂąâŹâąexistence des IdĂ©es nĂąâŹâąa rien de nĂ©cessaire, puisque lĂąâŹâąhomme produit lĂąâŹâąhomme, et que lĂąâŹâąindividu produit lĂąâŹâąindividu. On peut faire une remarque pareille pour les choses que les arts produisent, puisque lĂąâŹâąart de la mĂ©decine est la dĂ©finition mĂÂȘme et la notion de la santĂ©. Chapitre 4[modifier] Les causes et les principes sont, en un sens, diffĂ©rents pour les diffĂ©rents objets ; et en un sens, ils ne le sont pas, si lĂąâŹâąon se borne Ă parler des causes dĂąâŹâąune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, et quĂąâŹâąon admette que cĂąâŹâąest, par simple analogie, que les principes sont identiques pour tous les ĂÂȘtres. Ainsi, lĂąâŹâąon pourrait se demander si, en effet, les principes sont autres, ou sĂąâŹâąils sont les mĂÂȘmes pour les substances et pour les relatifs, et appliquer Ă chacune des autres catĂ©gories des considĂ©rations semblables. Mais, en ceci, il serait insensĂ© de croire Ă lĂąâŹâąidentitĂ© des principes pour toutes les choses, puisquĂąâŹâąon arriverait Ă dire que les relatifs et la substance viennent de principes tout pareils. [1070b] En ce cas, comment lĂąâŹâąidentitĂ© serait-elle possible ? En dehors de la substance et des autres catĂ©gories, il nĂąâŹâąy a rien qui puisse ĂÂȘtre commun. Or, lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment est antĂ©rieur aux objets dont il est lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment Mais la substance ne saurait ĂÂȘtre lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment des relatifs, pas plus quĂąâŹâąaucun des relatifs ne peut ĂÂȘtre lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment de la substance Encore une fois, comment pourrait-il se faire que les Ă©lĂ©ments de toutes choses fussent les mĂÂȘmes, puisquĂąâŹâąil est de tout point impossible que jamais aucun des Ă©lĂ©ments puisse sĂąâŹâąidentifier avec le composĂ©, que forment les Ă©lĂ©ments mĂÂȘmes ? Ainsi, les lettres B et A ne sont pas identiques Ă la syllabe BA, quĂąâŹâąelles forment Parmi les choses purement intelligibles, il nĂąâŹâąy en a pas davantage qui puissent ĂÂȘtre des Ă©lĂ©ments, comme seraient, par exemple, lĂąâŹâąUn ou lĂąâŹâąĂĆ tre, puisque lĂąâŹâąĂĆ tre et lĂąâŹâąUn se retrouvent dans tous les composĂ©s Aucune des choses intelligibles ne peut ĂÂȘtre, ni substance, ni relation ; et cependant, il faudrait nĂ©cessairement quĂąâŹâąelles le fussent Donc, les Ă©lĂ©ments ne sont pas les mĂÂȘmes pour toutes choses ; ou plutĂÂŽt, ainsi que nous venons de le dire, ils sont en partie les mĂÂȘmes, et en partie ils ne le sont pas lis peuvent bien, par exemple, ĂÂȘtre les mĂÂȘmes pour les corps sensibles, oĂÂč la forme est, tantĂÂŽt le chaud, et, en un autre sens, le froid, cĂąâŹâąest-Ă -dire la privation du chaud. La matiĂšre est ce qui, en puissance, est primitivement en soi le froid et le chaud. Mais le chaud et le froid sont des substances, ainsi que les composĂ©s qui en viennent, et dont ils sont les principes. Et si du froid et du chaud, il sort quelque chose qui soit Un, comme la chair et lĂąâŹâąos, qui en viennent, il faut nĂ©cessairement que le produit que forment le chaud et le froid, soit diffĂ©rent dĂąâŹâąeux. Ainsi, pour ces corps, les Ă©lĂ©ments et les principes sont les mĂÂȘmes. Mais pour dĂąâŹâąautres corps, ils sont diffĂ©rents. Il est donc impossible de dire en ce sens que les principes sont identiques pour tous les corps. Mais il y a entre eux une analogie pareille Ă celle qui fait dire que les principes sont au nombre de trois la forme, la privation et la matiĂšre, bien que chacun de ces trois termes varie dans chaque genre particulier par exemple, dans la couleur, cĂąâŹâąest le blanc , le noir et la surface ; cĂąâŹâąest la lumiĂšre, lĂąâŹâąobscuritĂ© et lĂąâŹâąair, dont les composĂ©s sont la nuit et le jour. Mais comme les causes ne sont pas seulement internes, et que, en outre, elles peuvent ĂÂȘtre extĂ©rieures aux objets, comme lĂąâŹâąest le moteur, il est Ă©vident quĂąâŹâąil y a une diffĂ©rence entre le principe et lĂąâŹâąĂ©lĂ©ment. Tous les deux sont Ă©galement des causes ; et le mot Principe peut avoir les diverses acceptions que nous venons dĂąâŹâąindiquer. Mais ce qui produit le mouvement ou le repos, est bien aussi un principe et une substance. Ainsi, par analogie, on peut compter trois Ă©lĂ©ments, et quatre causes, ou principes diffĂ©rents, dans les diffĂ©rents ĂÂȘtres ; et la cause premiĂšre, telle que le moteur, peut varier dĂąâŹâąun objet Ă un autre SantĂ©, maladie, corps ; dans cet ordre dĂąâŹâąidĂ©es, le moteur, cĂąâŹâąest la mĂ©decine ; arrangement, dĂ©sordre dĂąâŹâąun certain genre, pierres de taille, le moteur, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąart de lĂąâŹâąarchitecte. Telles sont les nuances dĂąâŹâąacception quĂąâŹâąon peut distinguer dans le mot Principe. Mais comme le moteur, pour les hommes qui existent dans la nature, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąhomme, et que, pour les hommes purement intelligibles, le moteur, cĂąâŹâąest la forme ou le contraire de la forme, il y a trois causes, si lĂąâŹâąon veut, quoiquĂąâŹâąon puisse aussi en compter quatre. En effet, la santĂ©, Ă certains Ă©gards, se confond avec la mĂ©decine ; la forme de la maison se confond avec lĂąâŹâąarchitecture, qui la construit ; lĂąâŹâąhomme produit lĂąâŹâąhomme. Puis, en dehors de ces objets, et comme Ă©tant le premier de tous ces moteurs, il y a le moteur qui met tout en mouvement dans lĂąâŹâąobjet entier. Chapitre 5[modifier] Comme, parmi les choses, les unes peuvent avoir une existence sĂ©parĂ©e, et que les autres ne le peuvent pas, ce sont les premiĂšres qui sont les substances ; [1071a] et ce qui fait que les substances sont les causes de tout le reste, cĂąâŹâąest que, sans les substances, les modes des choses et leurs mouvements ne sauraient exister. Il se peut ensuite que les substances soient lĂąâŹâąĂÂąme avec le corps, ou lĂąâŹâąintelligence et le dĂ©sir, ou le corps tout seul. Sous un autre point de vue, les principes sont les mĂÂȘmes par analogie tels sont lĂąâŹâąacte et la puissance ; ce qui nĂąâŹâąempĂÂȘche pas que lĂąâŹâąacte et la puissance ne soient diffĂ©rents, selon les diffĂ©rents objets, et quĂąâŹâąils ne sĂąâŹâąy comportent diffĂ©remment. Ainsi, dans certains cas, cĂąâŹâąest la mĂÂȘme chose qui est, tantĂÂŽt en acte, et tantĂÂŽt en puissance ; et ces diversitĂ©s peuvent se retrouver, par exemple, pour le vin, pour la chair, pour lĂąâŹâąhomme. Ceci rentre alors dans les causes Ă©numĂ©rĂ©es par nous. Ainsi, la forme est en acte, quand il existe un ĂÂȘtre qui peut ĂÂȘtre sĂ©parĂ©, ou quand existe le composĂ© qui rĂ©sulte des deux. La privation, cĂąâŹâąest lĂąâŹâąobscuritĂ©, ou cĂąâŹâąest la maladie. La matiĂšre nĂąâŹâąest quĂąâŹâąen puissance, puisquĂąâŹâąelle nĂąâŹâąest que ce qui peut devenir indiffĂ©remment lĂąâŹâąun ou lĂąâŹâąautre des contraires. LĂąâŹâąacte et la puissance diffĂšrent encore dĂąâŹâąune autre maniĂšre, dans les choses dont la matiĂšre nĂąâŹâąest pas la mĂÂȘme, et quand leur forme, au lieu dĂąâŹâąĂÂȘtre la mĂÂȘme, est diffĂ©rente aussi. Par exemple, la cause qui produit lĂąâŹâąhomme, ce sont les Ă©lĂ©ments, cĂąâŹâąest-Ă -dire le feu et la terre, en tant quĂąâŹâąils sont la matiĂšre ; cĂąâŹâąest, en outre, sa forme propre ; et aussi, tel autre ĂÂȘtre extĂ©rieur, notamment le pĂšre qui lĂąâŹâąa engendrĂ©. Mais, outre ces causes, on peut dire encore que la cause de lĂąâŹâąhomme, cĂąâŹâąest le soleil et le cercle oblique que le soleil dĂ©crit. Ce ne sont lĂ , ni la matiĂšre, ni la forme de lĂąâŹâąhomme, ni la privation, ni rien qui lui soit homogĂšne ; mais ce sont ses principes moteurs. Il faut remarquer encore quĂąâŹâąil y a des causes qui peuvent recevoir une appellation universelle, et dĂąâŹâąautres auxquelles une telle appellation ne sĂąâŹâąapplique pas. Ainsi, les premiers principes de toutes choses, ce sont le primitif actuel et la forme ; Ă un autre Ă©gard, cĂąâŹâąest ce qui est en puissance, ou le possible. Mais les universaux ne sont pas des principes, attendu que lĂąâŹâąindividuel seul peut ĂÂȘtre le principe des individus. Homme est bien lĂąâŹâąuniversel de lĂąâŹâąhomme, mais ce nĂąâŹâąest jamais tel ou tel homme ; tandis que cĂąâŹâąest PĂ©lĂ©e qui est rĂ©ellement le principe dĂąâŹâąAchille ; cĂąâŹâąest votre pĂšre qui est votre principe ; et cĂąâŹâąest tel B qui est le principe de telle syllabe BA ; si B est universel et absolu, BA lĂąâŹâąest Ă©galement. De plus, les espĂšces sont les principes des substances. CĂąâŹâąest que les causes et les Ă©lĂ©ments diffĂšrent, ainsi quĂąâŹâąon lĂąâŹâąa dit, pour les choses qui ne sont pas dans le mĂÂȘme genre les couleurs et les sons, par exemple, ou bien aussi la substance et la quantitĂ©. Les principes ne se confondent que par analogie. Ils sont encore diffĂ©rents mĂÂȘme pour des choses qui sont de la mĂÂȘme espĂšce ; non pas quĂąâŹâąalors ils diffĂšrent spĂ©cifiquement, mais ils diffĂšrent en ce sens quĂąâŹâąil y a un principe distinct pour chaque individu. Et, par exemple, la matiĂšre dont vous ĂÂȘtes fait, votre forme et votre moteur, ne sont, ni ma matiĂšre, ni ma figure, ni mon moteur. On ne pourrait les identifier que par leur dĂ©finition gĂ©nĂ©rale. Quant Ă savoir quels sont les principes et les Ă©lĂ©ments des substances, des relatifs, des qualitĂ©s, et sĂąâŹâąils sont diffĂ©rents ou sĂąâŹâąils sont identiques, il est Ă©vident que, si lĂąâŹâąon ne consulte que leurs acceptions multiples, ils peuvent ĂÂȘtre les mĂÂȘmes pour chaque chose ; mais que, si lĂąâŹâąon y fait les distinctions nĂ©cessaires, ils ne sont plus les mĂÂȘmes, et quĂąâŹâąils sont autres. Ils ne sont identiques quĂąâŹâąen ce sens quĂąâŹâąils sont les principes de tout, ou le sont au moins par analogie, en tant quĂąâŹâąils sont la matiĂšre, la forme, la privation, et le moteur en toutes choses. En un autre sens encore, on peut regarder les causes des substances comme les causes de tout, puisque tout est dĂ©truit dĂšs que les substances sont dĂ©truites. La cause aussi est le primitif en acte, en EntĂ©lĂ©chie. CĂąâŹâąest encore de cette façon que se prĂ©sentent les autres primitifs, tels, que les contraires, qui ne peuvent ĂÂȘtre pris, ni comme des genres, ni en plusieurs acceptions. Enfin, les matiĂšres, dans toutes les choses, peuvent ĂÂȘtre considĂ©rĂ©es Ă©galement comme des causes. [1071b] Nous avons donc expliquĂ© ce que sont les principes des choses sensibles. et quel en est le nombre ; et nous avons dit aussi comment ils sont les mĂÂȘmes, et comment ils sont diffĂ©rents. Chapitre 6[modifier] Nous avons reconnu quĂąâŹâąil y a trois substances, dont deux sont physiques, et dont la troisiĂšme est immobile. Maintenant nous allons dĂ©montrer, pour cette derniĂšre, que, de toute nĂ©cessitĂ©, il nĂąâŹâąy a quĂąâŹâąune substance Ă©ternelle qui puisse ĂÂȘtre immobile. Les substances, en effet, sont les premiers des ĂÂȘtres ; et si toutes les substances Ă©taient pĂ©rissables, tout absolument serait pĂ©rissable comme elles. Mais il est impossible que le mouvement naisse, ou quĂąâŹâąil pĂ©risse, puisquĂąâŹâąil est Ă©ternel, ainsi que nous lĂąâŹâąavons Ă©tabli. Le temps ne peut pas davantage commencer ni finir, puisquĂąâŹâąil ne serait pas possible quĂąâŹâąil y eĂ»t, ni dĂąâŹâąAvant, ni dĂąâŹâąAprĂšs, si le temps nĂąâŹâąexistait pas. Ajoutons que le mouvement est continu de la mĂÂȘme maniĂšre que le temps peut lĂąâŹâąĂÂȘtre aussi ; car, ou le temps se confond identiquement avec le mouvement, ou il est un de ses modes. Or, le mouvement ne peut ĂÂȘtre continu que dans lĂąâŹâąespace ; et le seul mouvement qui, dans lĂąâŹâąespace, puisse ĂÂȘtre continu, cĂąâŹâąest le mouvement circulaire. Mais lĂąâŹâąĂÂȘtre capable de mouvoir, ou capable de faire quelque chose, a beau exister, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąagit pas actuellement dans une certaine mesure, il ne peut pas y avoir de mouvement, puisquĂąâŹâąil se peut fort bien que ce qui a la puissance dĂąâŹâąagir nĂąâŹâąagisse pas. Il serait donc bien inutile de supposer des substances Ă©ternelles, et nous nous abstiendrions de le faire, comme dĂąâŹâąautres supposent, les IdĂ©es, sĂąâŹâąil ne devait pas y avoir un principe qui fĂ»t en Ă©tat de produire le changement. Mais ce principe lui-mĂÂȘme, non plus que toute autre substance, quĂąâŹâąon supposerait en dehors des IdĂ©es, ne suffit pas ; car, si cette substance nĂąâŹâąagit pas, le mouvement sera impossible. Et mĂÂȘme elle agirait, que ce nĂąâŹâąest encore rien, si sa substance nĂąâŹâąest quĂąâŹâąen puissance ; car alors, le mouvement ne sera pas Ă©ternel, puisque ce qui nĂąâŹâąest quĂąâŹâąen puissance peut aussi nĂąâŹâąĂÂȘtre pas. Il doit donc exister un principe dont lĂąâŹâąessence soit dĂąâŹâąĂÂȘtre en acte. De plus, il faut que de telles substances soient sans matiĂšre ; car ce sont les substances sans matiĂšre qui doivent ĂÂȘtre Ă©ternelles, sĂąâŹâąil y a quelque chose dĂąâŹâąĂ©ternel au monde. Donc, elles sont en acte. Mais ici on soulĂšve un doute, et lĂąâŹâąon dit Ă Il semble que tout ce qui est en acte doit ĂÂȘtre aussi en puissance, tandis que tout ce qui est possible nĂąâŹâąest pas toujours actuel. Par consĂ©quent, la puissance est antĂ©rieure Ă lĂąâŹâąacte. Ă» Que si lĂąâŹâąon admet cela, pas un seul ĂÂȘtre ne pourra plus exister ; car il est trĂšs concevable que quelque chose ait la puissance dĂąâŹâąĂÂȘtre, sans ĂÂȘtre cependant encore. Mais, si comme le disent les ThĂ©ologues, cĂąâŹâąest de la Nuit que tout vient, ou si, avec les Naturalistes, nous supposons quĂąâŹâąau dĂ©but toutes choses Ă©taient confondues ensemble, lĂąâŹâąimpossibilitĂ© est la mĂÂȘme ; car, dĂąâŹâąoĂÂč pourra venir le mouvement, sĂąâŹâąil nĂąâŹâąy a pas actuellement de cause qui le produise ? Certes, ce nĂąâŹâąest pas la matiĂšre qui se donne Ă elle-mĂÂȘme le mouvement ; cĂąâŹâąest, par exemple, lĂąâŹâąart de lĂąâŹâąarchitecte, qui le lui communique. Ce ne sont pas davantage les menstrues, ce nĂąâŹâąest pas la terre qui donneront non plus le mouvement ; mais cĂąâŹâąest la liqueur sĂ©minale et le germe. De lĂ vient que quelques philosophes ont affirmĂ© que lĂąâŹâąacte est Ă©ternel, comme Leucippe et Platon, attendu, disent-ils, quĂąâŹâąil faut que le mouvement subsiste toujours. Mais ces philosophes ne nous apprennent pas pourquoi le mouvement a lieu, ni quel il est ; ils ne nous apprennent pas non plus comment il est ce quĂąâŹâąil est, et ils ne remontent pas davantage jusquĂąâŹâąĂ sa cause. Rien, en effet, ne se meut au hasard ; mais il faut quĂąâŹâąil y ait quelque chose qui subsiste Ă©ternellement ; de mĂÂȘme quĂąâŹâąil y a, sous nos yeux, des choses qui sont mises en mouvement par leur nature, ou qui sont mues toujours par force de telle ou telle maniĂšre, ou qui le sont par lĂąâŹâąintelligence de lĂąâŹâąhomme, ou par tel autre principe que nous pouvons observer. On peut se demander aussi Quel est le premier de tous les mouvements ? CĂąâŹâąest lĂ un point dĂąâŹâąune importance incalculable. Et pourtant, Platon lui-mĂÂȘme ne peut dire que ce soit le principe qui, comme il lĂąâŹâąaffirme quelquefois, [1072a] se donne le mouvement Ă lui-mĂÂȘme. Car, Ă lĂąâŹâąentendre, lĂąâŹâąĂÂąme est postĂ©rieure au Ciel, ou contemporaine du Ciel. Mais supposer que la puissance est antĂ©rieure Ă lĂąâŹâąacte, c Lesarrasin se cultive en plein soleil, Ă la chaleur, dans un sol pauvre, lĂ©ger, sableux, caillouteux. Date de semis du sarrasin. C'est au printemps que vous sĂšmerez le sarrasin aprĂšs les derniĂšres gelĂ©es printaniĂšres lorsque la terre se sera bien rĂ©chauffĂ©e, vers mi-mai, Ă raison de 50g/10mÂČ. Conseil dâentretien et de culture du sarrasin. A part un peu de binage pour dĂ©sherber Liste de plantes et fleurs qui poussent dans un pot ou une jardiniĂšre Les plantes ne peuvent pas toutes se cultiver en pot ou en jardiniĂšre, que ce soit Ă cause de l'Ă©talement des racines, ou simplement parce qu'elles ne donnent pas un bon rĂ©sultat dĂ©coratif. Quandplanter les pommes de terre 'Annabelle'. Installez cette variĂ©tĂ© de pomme de terre en terre suffisamment rĂ©chauffĂ©e, Ă partir de la mi-avril et jusqu'en mai. Au sud, vous pourrez la planter un peu avant, Ă partir de la fin mars. Couvrez si le temps reste frais le matin, pendant deux semaines. DĂ©butPage prĂ©cedentePage suivanteFin Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201849 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201540 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201348 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201208 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 200939 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 200413 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 200147 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195954 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195706 PrĂ©paration mentale Il faut se prĂ©parer pendant que tu as du tempsJe sais pas commentMoi oui Passe Mp si tu veux !Tu peux me l'expliquer ici si ça te dĂ©range pas stp ?Sans problĂšme ça risque juste de polluer le topic Tu dois apprendre Ă respirer et respirer correctement en toute circonstance. Pour ça il faut tâinfliger des stress en situation contrĂŽlĂ©e afin dâapprendre Ă stresser correctement et donc concrĂštement Ă respirer correctement en toute es obligĂ© de crĂ©er des situations factices car ça permet une libĂ©ration totale sur les consĂ©quences au dĂ©but Ensuite tu peux aussi mĂ©diter. Jâutilise une technique mais plusieurs sont bonnes pas petit bambou hein ! le tout Ă©tant de travailler ton mental comme une gymnastique Bien entendu il te faudra aussi un minimum dâentraĂźnement physique de nâimporte quel type car un corps en mauvais Ă©tat fait un mental en mauvais Ă©tat Dans la mĂȘme lignĂ©e il te faudra apprendre Ă dĂ©tendre tes muscles car la souplesse câest la jeunesse. Un muscle tendu est une rĂ©ponse Ă un stress pour ĂȘtre prĂȘt la fois dâaprĂšs mais a force dâaccumuler on pete la machine VoilĂ un rĂ©sumĂ©Ok merci mĂȘme si j'avais l'impression que tu trollais ai dĂ©butAbsolument pas je suis trĂšs sĂ©rieux Ton corps et tout le reste sont adaptĂ©s Ă ta vie actuelle. Des gros changements extĂ©rieurs vont impliquer de grandes perturbations. Te prĂ©parer à ça est la meilleure façon de te prĂ©parer Ă profiter et ne pas faire nâimporte quoi Croire que ce que tu vas recevoir est seulement un cadeau est une erreur. Câest un cadeau si tu es Ă la hauteur sinon ce sera potentiellement un drameMerci pour ton message mec mĂȘme si je pense que ce que je vais recevoir est tellement bon que ca pourra jamais devenir un drame No problem mais garde Ă lâesprit quâil faut toujours du reculProfite au max ;Merci mec c'est gentil Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201901 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201816 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201654 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201616 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201244 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201059 Apprend Ă cultiver des fruits et lĂ©gumesĂa peut toujours servir d'avoir la main verte LolIl n'a pas tort. S'occuper en plantant des fruits et lĂ©gumes, c'est pas mal long et ennuyant !C'est long ? Tant mieux, ça t'occupera. C'est ennuyant ? Au bout d'un moment, lorsque tu jouis d'un bien-ĂȘtre matĂ©riel, tu finis aussi par t'ennuyer... il faut s'y habituer d'Ă©pouser la meilleure femme du monde est bien plus jouissive Ă mes yeux que de jardinerOue bah redescend alors Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 194610 En pĂ©tantMais pourquoi jerry Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201851 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201800 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201648 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201624 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201517 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195520 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195407 Go te cultiver en attendant khey Livres, films, musiques, peu importe ce qui est ton dada J'ai chopĂ© un problĂšme au cerveau qui a dĂ©truit ma concentration/mĂ©morisation donc c'est chaud Je serai guerit quand la pĂ©riode du 1er post entrera mais pour l'instant nonSans indiscrĂ©tion, de quel type de problĂšme s'agit-il ? Sinon, un sport natation, football ou combat. Ca n'a aucun nom car je suis le seul au monde a souffrir de ça Ah, dommage. Je n'avais pas cernĂ© le te promets que je ne troll absolument pas mec, j'aimerais bien te l'expliquer mais ça va me decridibiliserJ'ai le bon soupçon donc je vais te croire, est-ce que tu peux donner plus de dĂ©tails ? Je ne jugerai pasEn gros j'ai priĂ© Dieu pour guerir d'une maladie incurable TDAH et je suis presque guerit sauf que ca s'est pas passĂ© comme prĂ©vu Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202009 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201901 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201816 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201654 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201616 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201244 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201059 Apprend Ă cultiver des fruits et lĂ©gumesĂa peut toujours servir d'avoir la main verte LolIl n'a pas tort. S'occuper en plantant des fruits et lĂ©gumes, c'est pas mal long et ennuyant !C'est long ? Tant mieux, ça t'occupera. C'est ennuyant ? Au bout d'un moment, lorsque tu jouis d'un bien-ĂȘtre matĂ©riel, tu finis aussi par t'ennuyer... il faut s'y habituer d'Ă©pouser la meilleure femme du monde est bien plus jouissive Ă mes yeux que de jardinerOue bah redescend alorsComment ça redescend ? Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201901 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201816 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201654 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201616 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201244 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201059 Apprend Ă cultiver des fruits et lĂ©gumesĂa peut toujours servir d'avoir la main verte LolIl n'a pas tort. S'occuper en plantant des fruits et lĂ©gumes, c'est pas mal long et ennuyant !C'est long ? Tant mieux, ça t'occupera. C'est ennuyant ? Au bout d'un moment, lorsque tu jouis d'un bien-ĂȘtre matĂ©riel, tu finis aussi par t'ennuyer... il faut s'y habituer d'Ă©pouser la meilleure femme du monde est bien plus jouissive Ă mes yeux que de jardinerComme le sentiment de bien-ĂȘtre, la jouissance est Ă©phĂ©mĂšre. C'est pour cela qu'il faut se focaliser sur des choses essentielles. Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202046 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201851 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201800 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201648 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201624 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201517 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195520 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195407 Go te cultiver en attendant khey Livres, films, musiques, peu importe ce qui est ton dada J'ai chopĂ© un problĂšme au cerveau qui a dĂ©truit ma concentration/mĂ©morisation donc c'est chaud Je serai guerit quand la pĂ©riode du 1er post entrera mais pour l'instant nonSans indiscrĂ©tion, de quel type de problĂšme s'agit-il ? Sinon, un sport natation, football ou combat. Ca n'a aucun nom car je suis le seul au monde a souffrir de ça Ah, dommage. Je n'avais pas cernĂ© le te promets que je ne troll absolument pas mec, j'aimerais bien te l'expliquer mais ça va me decridibiliserJ'ai le bon soupçon donc je vais te croire, est-ce que tu peux donner plus de dĂ©tails ? Je ne jugerai pasEn gros j'ai priĂ© Dieu pour guerir d'une maladie incurable TDAH et je suis presque guerit sauf que ca s'est pas passĂ© comme prĂ©vuĂa se guĂ©rit un TDAH ? wtf Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202106 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201901 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201816 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201654 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201616 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201244 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201059 Apprend Ă cultiver des fruits et lĂ©gumesĂa peut toujours servir d'avoir la main verte LolIl n'a pas tort. S'occuper en plantant des fruits et lĂ©gumes, c'est pas mal long et ennuyant !C'est long ? Tant mieux, ça t'occupera. C'est ennuyant ? Au bout d'un moment, lorsque tu jouis d'un bien-ĂȘtre matĂ©riel, tu finis aussi par t'ennuyer... il faut s'y habituer d'Ă©pouser la meilleure femme du monde est bien plus jouissive Ă mes yeux que de jardinerComme le sentiment de bien-ĂȘtre, la jouissance est Ă©phĂ©mĂšre. C'est pour cela qu'il faut se focaliser sur des choses essentielles. Bah elle durera autant de temps que j'aurai ces biens non ? Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 193151 Je devrais bientĂŽt - Etre riche au point d'avoir tout ce que je veux - Epouser la femme la plus pure et plus belle du monde - Prison pour ma famille qui m'a fais du mal - Quitter la France pour un des meilleurs pays du monde - Devenir un 10/10Cependant j'ai beaucoup de mal Ă patienter en attendant les rĂ©compenses qui m'attendent...un conseil ?Ne te fait pas trop d'illusions sur une "meilleure vie", Ă©panouis toi avec ce que t'as. Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202134 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202046 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201851 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201800 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201648 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201624 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201517 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195520 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195407 Go te cultiver en attendant khey Livres, films, musiques, peu importe ce qui est ton dada J'ai chopĂ© un problĂšme au cerveau qui a dĂ©truit ma concentration/mĂ©morisation donc c'est chaud Je serai guerit quand la pĂ©riode du 1er post entrera mais pour l'instant nonSans indiscrĂ©tion, de quel type de problĂšme s'agit-il ? Sinon, un sport natation, football ou combat. Ca n'a aucun nom car je suis le seul au monde a souffrir de ça Ah, dommage. Je n'avais pas cernĂ© le te promets que je ne troll absolument pas mec, j'aimerais bien te l'expliquer mais ça va me decridibiliserJ'ai le bon soupçon donc je vais te croire, est-ce que tu peux donner plus de dĂ©tails ? Je ne jugerai pasEn gros j'ai priĂ© Dieu pour guerir d'une maladie incurable TDAH et je suis presque guerit sauf que ca s'est pas passĂ© comme prĂ©vuĂa se guĂ©rit un TDAH ? wtfNon c'est incurable mais Dieu a fais un miracle me concernant ! Voila pourquoi j'ai dis que j'ai peur d'ĂȘtre decridibiliser Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202207 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 193151 Je devrais bientĂŽt - Etre riche au point d'avoir tout ce que je veux - Epouser la femme la plus pure et plus belle du monde - Prison pour ma famille qui m'a fais du mal - Quitter la France pour un des meilleurs pays du monde - Devenir un 10/10Cependant j'ai beaucoup de mal Ă patienter en attendant les rĂ©compenses qui m'attendent...un conseil ?Ne te fait pas trop d'illusions sur une "meilleure vie", Ă©panouis toi avec ce que t' compliquĂ© car je vis une Ă©preuve des plus difficile que j'ai eu depuis un long moment en ce moment Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202104 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202009 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201901 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201816 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201654 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201616 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201244 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201059 Apprend Ă cultiver des fruits et lĂ©gumesĂa peut toujours servir d'avoir la main verte LolIl n'a pas tort. S'occuper en plantant des fruits et lĂ©gumes, c'est pas mal long et ennuyant !C'est long ? Tant mieux, ça t'occupera. C'est ennuyant ? Au bout d'un moment, lorsque tu jouis d'un bien-ĂȘtre matĂ©riel, tu finis aussi par t'ennuyer... il faut s'y habituer d'Ă©pouser la meilleure femme du monde est bien plus jouissive Ă mes yeux que de jardinerOue bah redescend alorsComment ça redescend ?Rien de ce qui ne vaut la peine en ce monde ne s'obtient sans effort Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202154 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202106 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201901 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201816 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201654 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201616 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201244 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201059 Apprend Ă cultiver des fruits et lĂ©gumesĂa peut toujours servir d'avoir la main verte LolIl n'a pas tort. S'occuper en plantant des fruits et lĂ©gumes, c'est pas mal long et ennuyant !C'est long ? Tant mieux, ça t'occupera. C'est ennuyant ? Au bout d'un moment, lorsque tu jouis d'un bien-ĂȘtre matĂ©riel, tu finis aussi par t'ennuyer... il faut s'y habituer d'Ă©pouser la meilleure femme du monde est bien plus jouissive Ă mes yeux que de jardinerComme le sentiment de bien-ĂȘtre, la jouissance est Ă©phĂ©mĂšre. C'est pour cela qu'il faut se focaliser sur des choses essentielles. Bah elle durera autant de temps que j'aurai ces biens non ?Il est probable que tu en finisses las. Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202234 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202134 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202046 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201851 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201800 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201648 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201624 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201517 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195520 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195407 Go te cultiver en attendant khey Livres, films, musiques, peu importe ce qui est ton dada J'ai chopĂ© un problĂšme au cerveau qui a dĂ©truit ma concentration/mĂ©morisation donc c'est chaud Je serai guerit quand la pĂ©riode du 1er post entrera mais pour l'instant nonSans indiscrĂ©tion, de quel type de problĂšme s'agit-il ? Sinon, un sport natation, football ou combat. Ca n'a aucun nom car je suis le seul au monde a souffrir de ça Ah, dommage. Je n'avais pas cernĂ© le te promets que je ne troll absolument pas mec, j'aimerais bien te l'expliquer mais ça va me decridibiliserJ'ai le bon soupçon donc je vais te croire, est-ce que tu peux donner plus de dĂ©tails ? Je ne jugerai pasEn gros j'ai priĂ© Dieu pour guerir d'une maladie incurable TDAH et je suis presque guerit sauf que ca s'est pas passĂ© comme prĂ©vuĂa se guĂ©rit un TDAH ? wtfNon c'est incurable mais Dieu a fais un miracle me concernant ! Voila pourquoi j'ai dis que j'ai peur d'ĂȘtre decridibiliserCasse pas les couilles le TDAH c'est pas une maladie c'est une autre façon d'ĂȘtre Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202342 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202104 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202009 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201901 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201816 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201654 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201616 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201244 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201059 Apprend Ă cultiver des fruits et lĂ©gumesĂa peut toujours servir d'avoir la main verte LolIl n'a pas tort. S'occuper en plantant des fruits et lĂ©gumes, c'est pas mal long et ennuyant !C'est long ? Tant mieux, ça t'occupera. C'est ennuyant ? Au bout d'un moment, lorsque tu jouis d'un bien-ĂȘtre matĂ©riel, tu finis aussi par t'ennuyer... il faut s'y habituer d'Ă©pouser la meilleure femme du monde est bien plus jouissive Ă mes yeux que de jardinerOue bah redescend alorsComment ça redescend ?Rien de ce qui ne vaut la peine en ce monde ne s'obtient sans effortBah en quoi ça contredit le fait que je vais epouser la femme la plus pure et belle Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202415 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202154 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202106 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201901 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201816 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201654 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201616 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201244 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201059 Apprend Ă cultiver des fruits et lĂ©gumesĂa peut toujours servir d'avoir la main verte LolIl n'a pas tort. S'occuper en plantant des fruits et lĂ©gumes, c'est pas mal long et ennuyant !C'est long ? Tant mieux, ça t'occupera. C'est ennuyant ? Au bout d'un moment, lorsque tu jouis d'un bien-ĂȘtre matĂ©riel, tu finis aussi par t'ennuyer... il faut s'y habituer d'Ă©pouser la meilleure femme du monde est bien plus jouissive Ă mes yeux que de jardinerComme le sentiment de bien-ĂȘtre, la jouissance est Ă©phĂ©mĂšre. C'est pour cela qu'il faut se focaliser sur des choses essentielles. Bah elle durera autant de temps que j'aurai ces biens non ?Il est probable que tu en finisses las. Franchement j'espĂšre pas et je doute fort Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202234 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202134 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202046 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201851 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201800 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201648 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201624 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201517 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195520 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195407 Go te cultiver en attendant khey Livres, films, musiques, peu importe ce qui est ton dada J'ai chopĂ© un problĂšme au cerveau qui a dĂ©truit ma concentration/mĂ©morisation donc c'est chaud Je serai guerit quand la pĂ©riode du 1er post entrera mais pour l'instant nonSans indiscrĂ©tion, de quel type de problĂšme s'agit-il ? Sinon, un sport natation, football ou combat. Ca n'a aucun nom car je suis le seul au monde a souffrir de ça Ah, dommage. Je n'avais pas cernĂ© le te promets que je ne troll absolument pas mec, j'aimerais bien te l'expliquer mais ça va me decridibiliserJ'ai le bon soupçon donc je vais te croire, est-ce que tu peux donner plus de dĂ©tails ? Je ne jugerai pasEn gros j'ai priĂ© Dieu pour guerir d'une maladie incurable TDAH et je suis presque guerit sauf que ca s'est pas passĂ© comme prĂ©vuĂa se guĂ©rit un TDAH ? wtfNon c'est incurable mais Dieu a fais un miracle me concernant ! Voila pourquoi j'ai dis que j'ai peur d'ĂȘtre decridibiliserJe suis moi-mĂȘme croyant, donc il y a peu de chance que tu te dĂ©crĂ©dibilises, et quand bien mĂȘme, osef khey. Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202418 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202234 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202134 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202046 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201851 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201800 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201648 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201624 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201517 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195520 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195407 Go te cultiver en attendant khey Livres, films, musiques, peu importe ce qui est ton dada J'ai chopĂ© un problĂšme au cerveau qui a dĂ©truit ma concentration/mĂ©morisation donc c'est chaud Je serai guerit quand la pĂ©riode du 1er post entrera mais pour l'instant nonSans indiscrĂ©tion, de quel type de problĂšme s'agit-il ? Sinon, un sport natation, football ou combat. Ca n'a aucun nom car je suis le seul au monde a souffrir de ça Ah, dommage. Je n'avais pas cernĂ© le te promets que je ne troll absolument pas mec, j'aimerais bien te l'expliquer mais ça va me decridibiliserJ'ai le bon soupçon donc je vais te croire, est-ce que tu peux donner plus de dĂ©tails ? Je ne jugerai pasEn gros j'ai priĂ© Dieu pour guerir d'une maladie incurable TDAH et je suis presque guerit sauf que ca s'est pas passĂ© comme prĂ©vuĂa se guĂ©rit un TDAH ? wtfNon c'est incurable mais Dieu a fais un miracle me concernant ! Voila pourquoi j'ai dis que j'ai peur d'ĂȘtre decridibiliserCasse pas les couilles le TDAH c'est pas une maladie c'est une autre façon d'ĂȘtreBien sĂ»r que si c'est une maladie Il manque des bouts de cerveau cortex prefontal et le cerveau est plus petit et j'en passe Une vrai catastrophe destructrice cette maladie Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202539 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202342 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202104 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202009 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201901 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201816 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201654 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201616 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201244 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201059 Apprend Ă cultiver des fruits et lĂ©gumesĂa peut toujours servir d'avoir la main verte LolIl n'a pas tort. S'occuper en plantant des fruits et lĂ©gumes, c'est pas mal long et ennuyant !C'est long ? Tant mieux, ça t'occupera. C'est ennuyant ? Au bout d'un moment, lorsque tu jouis d'un bien-ĂȘtre matĂ©riel, tu finis aussi par t'ennuyer... il faut s'y habituer d'Ă©pouser la meilleure femme du monde est bien plus jouissive Ă mes yeux que de jardinerOue bah redescend alorsComment ça redescend ?Rien de ce qui ne vaut la peine en ce monde ne s'obtient sans effortBah en quoi ça contredit le fait que je vais epouser la femme la plus pure et belleJ'te dis juste que mĂȘme si t'epouse une telle idĂ©e, ça sera juste pour te faire astiquer la nouille et ça te changera en rien Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202705 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202418 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202234 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202134 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 202046 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201851 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201800 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201648 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201624 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 201517 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195520 Le 15 aoĂ»t 2022 Ă 195407 Go te cultiver en attendant khey Livres, films, musiques, peu importe ce qui est ton dada J'ai chopĂ© un problĂšme au cerveau qui a dĂ©truit ma concentration/mĂ©morisation donc c'est chaud Je serai guerit quand la pĂ©riode du 1er post entrera mais pour l'instant nonSans indiscrĂ©tion, de quel type de problĂšme s'agit-il ? Sinon, un sport natation, football ou combat. Ca n'a aucun nom car je suis le seul au monde a souffrir de ça Ah, dommage. Je n'avais pas cernĂ© le te promets que je ne troll absolument pas mec, j'aimerais bien te l'expliquer mais ça va me decridibiliserJ'ai le bon soupçon donc je vais te croire, est-ce que tu peux donner plus de dĂ©tails ? Je ne jugerai pasEn gros j'ai priĂ© Dieu pour guerir d'une maladie incurable TDAH et je suis presque guerit sauf que ca s'est pas passĂ© comme prĂ©vuĂa se guĂ©rit un TDAH ? wtfNon c'est incurable mais Dieu a fais un miracle me concernant ! Voila pourquoi j'ai dis que j'ai peur d'ĂȘtre decridibiliserCasse pas les couilles le TDAH c'est pas une maladie c'est une autre façon d'ĂȘtreBien sĂ»r que si c'est une maladie Il manque des bouts de cerveau cortex prefontal et le cerveau est plus petit et j'en passe Une vrai catastrophe destructrice cette maladieĂa vient de quoi ? wtf DĂ©butPage prĂ©cedentePage suivanteFin Victime de harcĂšlement en ligne comment rĂ©agir ?Cest aussi le cas des plantes dont les graines se dĂ©tachent facilement, tombent au sol et Ă©chappent Ă la rĂ©colte. Tous ces caractĂšres inadaptĂ©s aux conditions de l'agriculture Ă©taient des caractĂšres favorables dans les conditions naturelles. En consĂ©quence, les cĂ©rĂ©ales domestiquĂ©es prĂ©sentent un syndrome de domestication caractĂ©risĂ© par l'absence de dormance, desComment faire pousser des cacahuĂšte ? culture en intĂ©rieur Câest pour la mauvaise germination sâobtient trĂ©s vite en qqs jours avec des tempĂ©ratures dans le sol de 26ðC Ă 30ðC. Autant dire que câest plus chaud que lâappartement! Pour y parvenir tous les moyens sont bons depuis la miniserre chauffĂ©e et Ă©clairĂ©e jusquâau simple pot quâon pose prĂšs du radiateur ou mĂÂȘme chacun dâinventer en fonction de ce quâil est dâarriver Ă ces tempĂ©ratures; en dessous de 22ð les risques que la graine pourissent sont Ă©levĂ©s. Il faut placer les graines dans un pot ou tout autre rĂ©cipient que lâon remplie de terre sableuse ou de terreau aditionnĂ© de sable. Attention! si vous employez du terreau pur, nâarrosez pas trop car le terreau peut devenir asphyxiant pour les taille du pot doit ĂÂȘtre suffisante3 plantes dans un volume de 1 litre sont suffisants. câest ce qui offre la meilleure biomasse . Avec plus de plantes on a un peu plus de feuillage, mais les plants sont plus petits et donc on a un peu gaspillĂ© des graines. Avec un seul pied, on a une belle plante, mais beaucoup plus de place est nĂ©cessaire, et en gĂ©nĂ©ral en appartement câest ce qui manque le plus ! La bonne gestion de lâarrosage est importante trop ça meurt, pas assez ça ne pousse pas. Voici ce que je conseille et qui fonctionne bien Recouvrir les graines dâun ou deux cm de terre et arroser trĂ©s copieusement; par la suite, lorsque les graines auront germĂ©, il faudra limiter, les arrosages et ne mettre de lâeau que lorsque le dessus de la terre est sec Ă ce moment, le fond de la terre est encore humide DeuxiĂšme point trĂ©s important la lumiĂšre. Elle doit ĂÂȘtre aussi vive que possible car ce sont des plantes de plein soleil, mĂÂȘme si elle acceptent une ombre modĂ©rĂ©e lorsquâelles sont plus solutions; soit elles sont placĂ©es contre une fenĂÂȘtreau sud, soit on leur met au dessus Ă qqs cms un nĂ©on lumiĂšre du jour ou horticole. On a tout intĂÂȘret Ă Ă©clairer entre 12 et 15 heures par jour pour une croissance optimale. On peut mĂÂȘme garder un Ă©clairage continu pendant les 15 premiers jours; pas au delĂ car lâeffet sâinverse et la plante ne pousse plus. Comme tous les ĂÂȘtres vivants elle a besoin de repos ! dĂ©s quâelle est Ă©clairer la photosynthĂšse dĂ©mare En trois semaines, les plantes peuvent ĂÂȘtre consommĂ©es par les chenilles; comme elles ne mangent pas les bourgeons, la plante peut continuer de pousser aprĂ©s le premier broutage; ensuite elle nâest plus guĂšre bonne quâĂ faire du compost. . Comment faire germer des cacahuĂšte ou arachide dans du coton ? Je vais vous montrer comment faire pousser et germer des cacahuĂštes aussi appellĂ©es Arachis hypogaea aussi appelĂ©e cacahuĂšte, pois de terre, pistache de terre, ou pinotte, Lâarachide est une plante annuelle Ă fleurs jaunes de 20 Ă 90 cm de hauteur. Les feuilles sont composĂ©es Ă 2 ou 3 paires de folioles membraneuses, ovales. Elles sont munies Ă leur base de stipules engainantes. Pour commencer, acheter des arachide non grillĂ©e trĂ©s important, les cacahuĂštes achetĂ©es dans un super marchĂ© ne germeront pas. Il faut les acheter soit dans animalerie car les pĂ©roquets mangent des arachides ou alors dans les Ă©piceries orientales. Mettez deux ou trois arachides sur du coton et mouillĂ© le coton comme sur la photo. Mouiller le coton pour quâil soit toujours humide. Au bout de quelques jours 3 Ă 4 , vous verrez que les graines commencent Ă germer .Câest ler moment de les mettre en terre. Prener un pot dâau moins 30 cm Ă 40 cm de diamĂštre et mouiller bien la terre .Il faut mouiller la terre avant car sinon en arrosant vos graine vont sâenfoncer dans le pot. Faire un trou avec la main et mettre les graines dâarachide Ă 2 Ă 3 cm de profondeur. Un mois plus tard, les premiĂšre feuilles apparaissent. Elles ressemblent a du trĂšfle. Nous vous inquiĂštez pas câest assez long Ă pousser , arroser rĂ©guliĂšrement blosque la terre devient sĂšche. Les plants ont 3 mois, maintenant il faut attendre les premiĂšres fleurs jaunes qui vont sâenterrer et donner la cacahuĂšte avec son Ă©corce mais il faut encore attendre. Nous sommes maintenant au mois dâoctobre, les feuilles sont complĂštement fanĂ©es. Câest le moment de rĂ©colter nos arachides. En fait, il suffit juste de dĂ©raciner le plant. O peux vor trois arachides dans les racines du plant. Et voila cette plantation a fait un heureux !!! La vidĂ©o de lâactivitĂ© " comment faire pousser une cacahuĂšte Toutes les Ă©tapes de lâactivitĂ© avec plus dâimages sur "comment faire pousser un haricot dans du coton"
boobz CannaWeedeur. CannaWeedeur. 1. 457 messages. Posté (e) juin 11, 2006. Non les plante en out rentre en flo un peut avant septembre quand meme. Mais bon si on n'a un belle été ca ira, moi je les est mi en mai mais bon ca fait qu'une semaine qu'il fait beau donc c'est comme si je venais de les mettre
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